La claque sur la tête n'était pas méritée, selon Alan. Après tout, les Hérauts étaient des idiots. Beaucoup trop honnêtes pour voir le monde tel qu'il était. Ils n'auraient pas tenu une journée dans le quartier.
Jehanne ne minauda pas devant ses avances, et les prit comme une femme travaillant dans un milieu d'hommes : avec humour, tout en veillant à le remettre à sa place.
«Mais j'me lave. Souvent même. Mais si t'es trop propr', les gens t'font pas confiance par ici. Un pauvre honnêt' c'est un pauvr' sale.» Il sourit bêtement. «Pis les bleus, c'est signe qu'vous faites bien vot' boulot. C'pas honteux du tout. C'même plutôt saillant. J'suis sûr qu'ça va avec vos yeux.»
: Dieux, Wylan, es-tu obligé de jouer le dragueur de bas-étage ? :
: Ça va avec la personnalité d'Alan. Tu vois, s'il revient toujours à ce poste de garde là, c'est qu'il a un petit béguin pour la demoiselle. :
: Pffff... Tu sais que si tu voulais la mettre dans ton lit, tu y arriverais sans peine sous ta véritable apparence ? :
: Mais où serait le sport? Et j'hésite encore à me révéler à elle. Ce serait un super agent pour moi, mais je ne suis pas certain qu'elle soit prête. :
: Sérieusement, depuis combien de temps l'observes-tu? Et si tu veux continuer à t'amuser avec elle, tu as toujours Will. Il ne devrait pas bientôt rentrer de mission, lui ? :
: Si... tu as sans doute raison. Elle croira sans doute qu'Alan est mon seul contact avec elle. :
La soldate appela deux gros bras pour l'aider dans son arrestation. Puis tous emboîtèrent le pas de l'indic. Jehanne vint s'appuyer sur lui, comme une amante le ferait. Wylan haussa un sourcil, amusé, mais Alan reprit bien vite le dessus et gloussa tout en prenant la demoiselle par l'épaule.
Il se dirigeait sans hésitation à travers le dédale de ruelles. Il les connaissait comme sa. Mieux, même, car parfois il trouvait des ses poches des choses qu'il ne se souvenait pas y avoir mises. Et bien vite, ils arrivèrent devant la maison où étaient enfermées les pauvres gamines. Là, Jehanne lui offrit de s'en aller, s'il le désirait.
«Ah non, j'reste. J'veux voir s'fumier s'faire embarquer. Des gars comm' ça, faudrait leur couper les couilles et les leur faire bouffer.» Il sourit, l'air canaille. «Pis j'vais pas laisser une jolie mad'moiselle comme vous sans protection. Ça s'fait pas.»
Pour ponctuer ses propos, il sortit une vieille dague tranchante, mais au manche fendu.
Le malabar numéro 1 fracassa la porte. Elle était si pourrie qu'il ne lui fallut qu'un coup pour l'abattre. On entendit des cris à l'intérieur. Puis une femme furieuse se précipita vers la porte.
«Qui vous permet d'entre comm' ça chez d'honnêtes gens? Et d'casser ma porte? Qui va payer, hein? J'vais aller voir le juge. Il vous fera payer. Vous pouvez pas frapper comme tout l'monde?»
Pendant ce temps, de l'autre côté du bâtiment, le mac tomba droit dans les bras de malabar numéro 2.
«Ferme-la, vieille peau. On sait bien c'que tu traficotes là. T'as pas honte? 'Spèce de vieille dégueulasse! Ordure! Mégère! Con puant! Puterelle! Chienne! Grognasse!»
Il continua tant que son répertoire le permettait. Or son répertoire d'injures était très large.
«Mais j'te connais toi! Tu traînais dans l'coin pas plus tard qu'hier. Espèce de vendu!»
Sans crier gare, elle se jeta sur Alan. Elle avait sorti une longue dague de sous son tablier et manqua de la planter dans l'épaule du pauvre homme. Alan, rapide comme à chat, l'esquiva et profita qu'elle soit déséquilibrée pour l'attraper par le bras, le lui tordre pour qu'elle lâche son arme et lui plaquer sa lame sous la gorge.
Au même moment, on entendit malabar numéro 2 appeler à l'aide. Le mac, d'abord surpris, s'était vite repris et un combat s'était engagé entre les deux hommes. Le garde était nettement désavantagé par sa carrure et sa taille. Il n'était pas suffisamment rapide face au maquereau, qui était petit et léger.
La mégère, profitant du flottement, planta à l'aveugle une minuscule lame, qu'elle avait gardé cachée dans sa manche, dans le flan d'Alan , qui ne s'y attendait pas. Mais plutôt que de lâcher sa prise, il la resserra au contraire. Il était habitué à prendre des coups.