Valdemar RPG
Haven => Campagne => Discussion démarrée par: Héraut Wylan le 20 mai 2014, 08:45:56
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2e jour de la 6eme décade de printemps 1481
: Debout!:
: ... hmmm?:
:Debout, fainéant, tu dois préparer ta petite séance d'entraînement!:
:Ah oui, merde...:
Wylan sortit du lit d'un bond et regarda vers la fenêtre. Une pâle lumière rosée s'infiltrait sous les volets.
: Kyra!:
:Désolée...: Elle rit. : Mais normalement tu es déjà quasiment en route à cette heure.:
Wylan soupira longuement, insultant copieusement Kyra par la même occasion. Il avait dormi à peine quelques marques, quatre peut-être? Cinq s'il avait de la chance. Il s'habilla quand même. Maintenant qu'il était réveillé, il se savait incapable de se rendormir.
:Un petit parcours?:
:Allons-y!:
Quand ils auraient fini, le petit-déjeuner serait prêt.
***
Après son début de journée mouvementé, Wylan se prépara à un après-midi qui risquait d'être fort en émotion. Il fit porter au lieutenant un mot avec une petite carte dessinée au dos, demanda qu'on lui prépare un très gros pique-nique et il prit enfin la direction des portes nord de la ville, monté sur une Kyra plus impatiente que lui encore. Une fois dans la campagne, ils se dirigèrent vers le nord-ouest, vers un petit creux protégé des vents et surtout des regards. Là,Wylan installa la "salle d'entraînement": il posa deux vieux matelas de voyage sur le sol. Puis il attendit.
S'il venait à pieds, il faudrait une marque au moins à Fitz pour arriver. Sinon il ne mettrait guère plus de temps que Wylan et Kyra.
: Au fait, tu as prévenu quelqu'un?:
: J'ai laissé un mot pour Arthon, si jamais il me cherche.:
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La nuit avait été courte. En sortant de la taverne, le lieutenant avait pris le chemin des écoliers pour retourner au palais. Il avait profité de la magnifique nuit qui lui était offert pour pouvoir réfléchir à la décision qu’il venait de prendre :
Gérer ce qu’on lui avait mis dans les mains.
Il regretterait surement un jour, mais il était temps qu’il affronte son destin tel qu’on l’avait écrit pour lui.
Quand il était rentré, Feuille dormait déjà, il s’était assis sur un fauteuil pas trop loin pour regarder la belle dormir. Qu’allaient-ils devenir si il devait demain affronter une entité capable d’effrayer les dieux ? Dans le noir le lieutenant souriait. Depuis leur retour de campagne les choses semblaient s’accélérer. En tout cas pour Fitz.
***
Wylan avait tenu promesse. A son réveil l’homme avait trouvé un message indiquant le lieu et l’heure de leur rendez-vous. Il prit donc la matinée pour préparer le tour de garde de ses hommes, et écrire un mot à Beltran.
« Capitaine,
Je serai de garde ce soir, j’ai pris la liberté de remplacer mes hommes qui avaient besoin de souffler. Je suis de sortie cette après-midi pour profiter de l’aide que peut m’apporter le héraut Wylan. Vous trouverez ci-joint le lieu où me trouver s’il arrivait quoique ce soit.
Fitz»
Au dos du mot quelques lignes griffonnées à la va vite.
« Il faut qu’on parle dès que ceci sera fait. Il y a des choses que l’on doit régler en privée. »
Il avait fait préparé Mephisto qui semblait impatient de se dégourdir les pattes. S’approchant de son cheval il lui flatta l’encolure, avant que l’animal ne vienne caler sa tête dans le cou du lieutenant.
« Tu es prêt pour une petite balade ? Aujourd’hui les choses changent mon grand. Peut-être que je prendrai enfin le risque de te toucher avec cette maudite main après. Si ça se trouve je vais apprendre qu’en fait tu détestes quand je te grimpe dessus ! »
Dans un mouvement vif il monta sur l’étalon, accrocha sa hache à l’arrière de sa selle, et lança l’animal au grand galop. Visiblement sa monture était heureuse de courir, car le lieu de rendez-vous fut très vite à portée de vue du lieutenant. Arrivé à proximité de Wylan, l’homme mit pied à terre et s’approcha du Héraut sourire aux lèvres.
« Content de te revoir. La nuit n'a pas été trop courte? En tout cas c’est un lieu bien calme que tu nous as trouvé là. »
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Bien vite, ils entendirent les bruits d’un cheval au galop. Il leur fallut encore un petit moment pour voir le cavalier qui s’approchait vers eux. C’était bien Fitz. Wylan lui fit signe alors qu’il démontait. Il s'approcha de lui et lui demanda des nouvelles de sa nuit.
«Elle l’aurait été moins si Kyra m’avait laissé dormir. Elle voulait qu’on fasse le parcours ce matin... Et c’était là que j’amenais mes conquêtes quand j’étais encore un jeune homme.»
Kyra manifesta sa présence en hennissant d’un ton un peu râleur.
«Ah... je te présente Kyra. C’est elle qui nous surveillera.» Il avisa le cheval du lieutenant. «Je pense que tu peux le lâcher... il n’a nulle part où aller dans le coin, et au pire je pense que Kyra pourra aller le récupérer s’il cherche à se faire la malle.»
Wylan s’assit en tailleur sur un des deux matelas et fit signe à Fitz de s'assoir.
«Je pense que tu peux t’installer. Tu as mangé? J’ai prévu un gros pique-nique. D’après mon souvenir, travailler intensément les Dons, ça creuse.»
Wylan avait passé son adolescence à manger. Quand il n’était pas au terrain d’entraînement à se battre de la manière la plus acrobatique possible, il était au réfectoire en train de manger. On lui avait plus tard expliqué que la possession d’un Don passif consommait beaucoup d’énergie. Enfin, ce n’était pas tant le Don lui-même que les moyens mis en œuvre pour le contrôler. Or Wylan possédait deux Dons passifs...
«Je te propose de commencer par quelque chose de simple... je vais regarder un peu si tu as des barrières naturelles... Tu vas imaginer que tu es comme dans un... une coquille de noix. Rien ne peut t’atteindre. Il faut en gros te plier en toi-même... ouais, on est d’accord, c’est flou ce que je raconte. Mais je suis pas prof de Dons... Enfin, je te fais ça pour que tu te familiarises avec un Don, même si ce n’est pas le tien. Pis comme ça on saura si ton Don a des aspects défensifs.»
Wylan ferma les yeux et commença à déployer son Don dans l’esprit de Fitz.
[A toi de choisir à quel point Fitz comprend les paroles de Wylan, et donc à quel point il tente de se dresser des barrières atour de son esprit. Quoi qu’il en soit, tu ressens plus ou moins fortement (selon que tu aies essayé de dresser des barrières ou non), après un bref instant, la présence de quelqu'un en toi, tu te sens fortement épié. Tu peux tenter de le repousser si tu le souhaites.]
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Le rire de Fitz résonna un instant.
« Tes conquêtes ? Eh bien, je me sens presque honoré de visiter cette endroit. »
Quand Wylan lui présenta son compagnon, Fitz se demanda un instant comment se comporter face à elle.
« Ravi de te rencontrer Kyra. Et ne t’inquiète pas pour mon cheval. Je crois qu’il est l’ami le plus fidèle que je n’ai jamais eu. Je voudrai me débarrasser de lui que je n’y arriverai pas. »
Comme une réponse à son maître Mephisto s’ébroua, avant de partir à la recherche d’herbe fraîche pas trop loin du duo. Fitz se posa sur le matelas présenté par Wylan.
« Oui j’ai pris le temps de prendre un bon repas avant, je me suis dit que dans le doute, valait mieux avoir le ventre plein. Mais de toute façon la nourriture n’est jamais une mauvaise idée !»
Quand Wylan lui expliqua la façon dont tout aller se dérouler, le lieutenant acquiesça avant de fermer les yeux. Cela rappelait à Fitz les exercices de méditation qu’il avait appris à faire lors de ses voyages, en partie pour fuir les blablas épuisants de ses commanditaires.
Les yeux clos, en tailleur sur le matelas, le lieutenant utilisait son don naturel. Après tout, sa résistance à la douleur venait de cette force et de cette capacité qu’il avait à oublier son corps et à s’enfermer au fond de son esprit. A vider sa tête des pensées et des autres. Il avait appris ça depuis qu'il était gosse, quand le fouet venait à s'abattre sur son dos. Cet état de conscience il l'atteignait maintenant assez facilement, et c'est cela qui lui permettait d'être un si bon combattant.
Sauf que là il sentait quelqu’un, il y avait quelque chose. La présence le dérangeait, il voulait qu’elle s’en aille. Quand il s’enfermait à l’intérieur de sa propre tête il espérait s’y enfermer tout seul, pas en compagnie. Et là on l’observait. Le lieutenant tentait de comprendre où, il se concentrait pour savoir quel espace de son esprit était occupé par « l’autre ». Il voulait le trouver, savoir, comprendre, et surtout il voulait le faire partir. Après tout si il y a bien un endroit où Fitz voulait être seul c'était dans son crâne.
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Wylan sentit une légère résistance. L’homme avait donc quelques barrières. Cependant, il savait pour l’avoir constaté la veille qu’elles n’étaient pas constamment présentes. Il faudrait donc apprendre au Lieutenant à les garder relevées. Bientôt, le Héraut se sentit repoussé. Mais il avait trop d’entraînement pour que quelqu’un d’aussi peu puissant parvienne le mettre dehors. Cependant, il avait fait les tests qui l’intéressaient, il ressortit donc.
Wylan ouvrit les yeux.
«Bon, eh bien je suis heureux de voir que tu possèdes bien quelques barrières. Malheureusement, je constate que c’est un effort conscient pour toi de les garder relevées. Mais ça facilitera le travail de la personne qui doit t’apprendre si tu sais déjà comment les lever toi-même. Désolé si c’était pas très agréable... Normalement quand je fais ça, je suis moins... massif. En temps normal ma présence est indétectable, vu que je me contente de frôler les gens. C’est devenu inconscient.»
Wylan jeta un coup d’œil à Kyra. Elle avait prit notre des résultats du test.
«Bon... je vais maintenant t'inclure dans mes barrières, puis ensuite passer la main à Kyra. Je fais de cette manière parce que c’est la méthode qui me semble la moins perturbante pour toi.»
Il referma les yeux. Autour de lui, la bulle de savon qu’il savait être ses boucliers s’élargit pour entourer Fitz. Puis il sentit Kyra faire de même avec eux deux. Il laissa ensuite tomber cette barrière élargie, mais garda ses propres boucliers. Il se sentait nu sans ses multiples couches de barrières empilées et imbriquées les unes dans les autres. Il testa un peu la barrière de Kyra, poussant de tout son esprit contre. Il ne parvint même à sentir l’esprit du cheval qui paissait à côté d’eux.
[Tu ne sens pas vraiment de différence... Sauf si tu te concentres. Là, c’est comme si tout d’un coup tu te trouvais dans une pièce sans meuble Tu ressens comme un vide autour de toi.]
«Voilà. Nous sommes isolés du monde. Maintenant, à toi de parler. Que dois-je faire? Comment dois-tu procéder pour activer ton Don? Dois-je laisser tomber toutes mes barrières? Ou dans un premier temps on évite? Malgré ton inexpérience en matière de Don, tu en as toujours plus que moi en ce qui concerne le tien.»
: Kyra, tu as des suggestions?:
: Oh, quelques idées de tests, mais on y viendra ensuite.:
«Mais comme j’ai dit, je ne veux pas savoir si ça fait mal, ou autre. Je veux juste savoir ce que je dois faire pour t’aider.»
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La présence s'en allait et Fitz se sentit un instant rassuré. Quand il fut de nouveau seul dans sa tête il rouvrit les yeux, écoutant l'explication de Wylan.
« Et bien, c'est un don vraiment puissant que tu possèdes. C'était en effet une sensation étrange. »
Par contre en ce qui concernait les barrières Fitz sembla surpris. Il en avait ? Ha ben voilà qui devenait drôle, lui qui était protecteur dans l'âme, voilà qu'inconsciemment il disposait de moyen de se protéger tout seul. Bon il allait falloir qu'il travaille cela avec Feuille, ou tout autre guérisseur capable de lui apprendre comment les utiliser consciemment.
Le lieutenant se décontracta légèrement, dénouant ses épaules. Il savait qu'il devait répondre à Wylan à propos de son don, mais la question était toujours compliqué. Mais il devait avant tout faire une chose.
Levant sa main droite, il retira son gant, le regard fixé sur sa paume, il prit donc la parole pour répondre au héraut.
« De ce que j'en sais, il y a deux parties à ce don. Une active qui ne se déclenche que si je le choisis, mais aux résultats aléatoires. Et l'autre passive aux résultats quasiment identique à chaque fois mais que je suis incapable de contrôler.. »
Il baissa son bras, et plaqua son regard sur l'homme.
« Pour la partie que je ne contrôle pas, je pourrai comparer cela à une sentinelle. Lorsqu'un danger est proche, lorsqu'il y a un risque, quelque chose qui approche de dangereux, une douleur s'empare de ma main, et remonte ensuite le long de mon bras. C'est arrivé durant les missions, c'est arrivé lorsque j'ai rencontré des mages du sombre, c'est aussi arrivé lors de la mort du roi Uriens. Comme des picotements. Par contre si le danger s'éloigne, ou que je suis en présence d'une force bienfaisante, c'est une chaleur qui irradie depuis ma main dans le reste de mon corps. Par contre je ne suis pas capable de contrôler tout ca. Mais j'aimerai bien savoir le faire, pouvoir contrôler si une personne est un ennemi ou pas, mais j'aimerai par dessus tout savoir si des barrières me permettraient de contenir et amoindrir la douleur. Je suis naturellement insensible à ce genre de sensation, et cette douleur est paralysante. »
Il semblait hésiter un instant, puis il tendit sa main au héraut.
« La deuxième partie de mon don est... Très différente. Elle n’apparaît que si je la provoque. Lorsque je touche une personne il m'arrive d'avoir des visions. De son futur, de son âme si on peut dire, de ce à quoi elle est liée. Je vois des choses, des ombres, des humains, parfois des divinités liées aux gens que je touche. Le contact d'objet impliqués dans les affaires des dieux m'ont donné des visions du futur. Par contre lorsque j'ai volontairement touché l'assassin qui avait infiltré notre compagnie pour en obtenir des informations, en plus de la torture que j'avais déjà utilisé, l'homme a été pris de convulsion. Là où je l'ai touché il a brûlé vif, comme si j'avais apposé sur lui un tison chauffé à blanc. J'ai une fois tenté de toucher un chat, c'est comme si son esprit s'était lié au mien, je voyais ce qu'il voulait, ce qu'il avait vécu, je ressentais son cœur dans mes temps, j'avais conscience de son être en entier. J'ai compris qu'il voulait un nom, je lui en ai donné un. C'est une des raisons qui fait que j'ai toujours porté un gant depuis. J'ai peur de ce que je pourrai voir en touchant les gens. Pouvoir ainsi comprendre leur âme... C'est troublant. »
Il soupira un instant, il ne savait pas si il était très clair.
« J'ai du mal à expliquer, les manifestations sont différentes chez chaque personne que je touche. On peut appeler cela des visions. Et quand j'ai réellement voulu l'utiliser c'est devenu une catastrophe. On m'a dit une fois que c'était sûrement car le don était en rapport avec mes sentiments au moment où je l'utilisais. Je ne pense pas que tu devrais baisser toutes tes barrières, mais je dis ça surtout car je n'ai aucune confiance en mon pouvoir cela joue sûrement sur ma vision des choses. Si cela peut t'aider à choisir, parmi les personnes que j'ai touché, une était guérisseuse, et l'autre était un Kal'enedral, et sur les deux j'ai eu des visions. Mais je pense que si tu veux qu'on commence quelque part alors... Alors il suffit que tu touches la paume de ma main. »
Sa main était toujours tendue vers le Héraut, le lieutenant avait une certaine appréhension, mais il avait confiance en Wylan, et en Kyra. Il était persuadé que si un danger devait venir de lui, alors ils seraient capable de l'arrêter à temps.
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Wylan rit.
«C’est un Don puissant, mais parce que je l’ai énormément travaillé. Et dans une optique peut-être légèrement différente de ce qu’on m’a enseigné.»
Il écouta attentivement Fitz lui parler de ses étranges pouvoirs. Il se demanda à quel point il s’agissait réellement de deux parties distinctes et non pas deux aspects du même pouvoir. L’homme semblait vraiment craindre ce Don, et c’était une mauvaise chose. La confiance en soi et en son Don était une chose importante. Craindre ses pouvoirs pouvait mener à des catastrophes.
«Se protéger contre soi-même est un peu plus difficile... le problème est que je ne saurais dire si diminuer ce pouvoir est une bonne chose. Certes, je comprends que la douleur te dérange, mais je pense plutôt qu’à force de maîtrise, tu percevras les signes plus tôt, et donc tu pourras agir plus vite en conséquence. C’est à voir.»
Plus il réfléchissait, plus Wylan estimait qu’il s’agissait de deux aspects d’un même Don. Ou plus simple encore, du même Don qui réagissait en fonction de la situation.
«Pour moi cette deuxième partie ressemble énormément à une sorte de Lecture des Pensées... si on met de côté l’histoire du type que tu as rôti. Je me demande s’il n’y avait pas à ce moment-là d’autres éléments en action. Donc, quelque chose comme un capacité à lire à l’intérieur des gens... D’ailleurs c’est sans doute quelque chose comme ça, mais à un degré plus... spirituel. Et du coup, ce premier aspect de ton Don prendrait tout son sens. C’est la même chose, mais appliqué à... comment dire... une situation? Un groupe de gens? Une foule? Bref, ton Don permet de percevoir les mauvaises intentions alentours et la douleur n’est que le moyen qu’il a trouvé pour te le signaler.»
Il fronça les sourcils. Ça lui rappelait vaguement quelque chose. Un Héraut peut-être? Les Dons étaient tellement nombreux qu’il était parfois difficile de s’y retrouver. Mais il était certain que cette description éveillait un souvenir en lui. Peut-être avait-il lu un récit? Ou bien était-ce pendant ses cours?
«Ne t’inquiète pas, ça me semble plutôt bien résumé, au contraire. Et je vais donc garder mes barrières levées. Détends-toi. Je ne pense pas que tu puisses me faire de mal.»
: Au pire que je vous séparerai.:
Wylan respira profondément une ou deux fois. Si ce type possédait un genre de Lecture des Pensées, il fallait qu’il lui donne du grain à moudre, quelque chose à trouver. Car habituellement, son esprit paraissait vide, ou plutôt, dénué de réflexions conscientes. Fitz devrait donc plonger plus profondément pour trouver quelque chose. Or Wylan n’avait pas forcément envie qu’on en arrive si vite à ce stade.
Il chercha un sujet de réflexion. Mmhhh... quelque chose qui le concerne, mais pas trop. Pas Beltran, c’était... trop facile. Ni Arthon, la vie privée de son monarque ne regardait pas du tout Fitz. Tiens, s’il pensait à ses nombreuses sorties nocturnes sur les toits de la cité? Wylan n’était pas certain que ce fut assez profond... Cela suffirait pour le moment.
«Bon... je suis prêt.»
Il toucha la main de Fitz.
Wylan se sentit un peu mal. C’était... une sensation qu’il n’avait pas connue depuis des années. Fitz était passé au travers de ses barrières et avait donc accès à ses pensées superficielles, si ce n’était à l’entier de sa tête. Wylan eut envie de rompre le lien, mais cela risquait d’être trop violent. Il résolut de crier mentalement quand il ne pourrait plus tenir.
[Tu vois... la nuit, les étoiles, les toits. Tu es dans Wylan. Tu cours, tu escalades, tu sautes. Tu profites pleinement de ta vie car tu sais que tu auras bientôt ton uniforme blanc, et qu’alors, ta vie ne vaudra plus grand chose, qu’elle pourra t’être arrachée sans préavis, avec violence. Alors tu vis, tu fais des expériences, pas toujours très sages. Assis sur le faîte d’un toit, tu épies une famille qui mange. Tu les envies, car toi tu ne connaîtras plus ce bonheur. Tu t’es fait la promesse de ne jamais te lier trop avec tes semblables. Pour ne pas les rendre malheureux quand tu mourras. Tu sens la résignation... Puis, tu entends un cri assourdissant, Wylan qui t’exhorte de sortir.]
: DEHORS!:
Wylan était rouge de honte. Il n’avait vraiment pas choisi le bon souvenir. Il comprenait maintenant partiellement ce que ce pouvoir faisait. Il forçait les gens à se montrer sous leur vrai jour. Il déroulait l’âme pour que Fitz puisse la lire.
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Lorsque le contact se fit, Fitz prit une profonde inspiration. Au fond de lui il espérait que les barrières du Héraut seraient assez puissantes pour l'empêcher de voir. Non pas qu'il ne voulait pas en découvrir plus, mais il aimait imaginer que quelque chose pouvait l'empêcher d'exercer son don.
Mais comme toujours les premières visions ne mirent pas longtemps à arriver, précédées d'une sensation de vertige. Il était sur les toits sous une nuit étoilée. Non ce n'était pas lui, ce n'était pas son souvenir à lui, il avait pris la place de Wylan, Il était l'homme, il revivait ses souvenirs, un instant de son passé lointain. C'était avant qu'il ne devienne Héraut, une virée nocturne par une belle nuit. Il profitait de l'instant présent. Et il faisait un choix. En observant ce qu'il n'aurait jamais, un choix de vie, un choix délicat, un choix qui marquera à jamais le héraut et son futur. Mais finalement était-ce réellement un choix ? Non pas vraiment. C'était une obligation, et Wylan tout autant que Fitz le comprenaient à cet instant précis. Il fallait que ce soit ainsi, cela ne pouvait être autrement.
Et puis ce fut le cri. Te revoilà dans ton corps mon bon vieux Fitz, tu les sens tes cicatrices ? Le lieutenant mit quelques secondes à faire le tri dans son propre esprit, retrouver ses propres souvenirs, décontractant les muscles de son dos un par un pour vérifier que tout est bien à sa place. La virulence du cri de Wylan avait renvoyé le soldat dans son esprit aussi sûrement qu'un coup de poing dans l'estomac.
Contrit, il ouvrit les yeux, braquant un regard presque coupable sur le Héraut qui lui faisait face.
« Navré. J'avoue qu'une part de moi espérait ne rien voir à ton contact. Surtout après que tu m'aies dit que tu gardais tes barrières. »
Le lieutenant reposa sa main sur ses genoux, posant les yeux sur sa marque. Il préférait passer sous silence ce qu'il avait vu, si Wylan l'avait repoussé il devait savoir ce qu'il avait dévoilé au Lieutenant. Cette part de son histoire, de son intimité finalement, qui n'appartenait normalement qu'au Héraut, et que maintenant aujourd'hui, Fitz connaissait malgré lui. C'était une des choses qui le gênait le plus finalement dans ce pouvoir. Apprendre des choses sur l'ennemi, ou sur une menace, était foutrement pratique. Apprendre des choses intimes sur des gens qu'il appréciait... C'était une autre paire de manches.
« Qu'en penses-tu alors ? Qu'est-ce que ce pouvoir me montre? Penses-tu que je pourrai choisir quand je veux voir, et quand je ne le veux pas ? Je sais que cela pourrait être utile, mais j'aimerai pouvoir décider de quand il est nécessaire qu'il se déclenche, et de quand ça ne l'est pas. »
Il était suspendu aux lèvres de Wylan, attendant comme une révélation. Il en demandait sûrement beaucoup, mais il voulait comprendre, comprendre ce qu'il voyait, comprendre comment l'utiliser, comprendre aussi comment ne pas voir.
« Je n'enlève jamais le gant de cette main de peur un jour de toucher ce qui ne devrait pas l'être, d'apprendre ce qui ne devrait pas être appris. Je ne sais même pas ce que ça me montre et pourtant j'en ai déjà peur, n'est ce pas idiot ? Je n'ai même pas pris de fruits ou touché d’éléments inanimés avec ma main droite nue depuis... Depuis si longtemps en faite. »
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Wylan fit non de la tête.
«Tu as vu ce que j’avais prévu de te montrer... je ne pensais simplement pas que le souvenir se déroulerait ainsi sous tes yeux. Je ne pensais pas le revivre de cette manière. Mais je suis parvenu à te montrer que ce que je voulais que tu voies de moi. Cependant...»
Il grimaça. Il se sentait encore nauséeux.
«Je t’ai repoussé parce que tu t’apprêtais à franchir un autre niveau de barrières. Au début, tu t’en contenté de franchir mes barrières volontaires, celle que j’ai constamment relevée pour empêcher les pensées de mon entourage de me parvenir. Là, tu allais passer au travers de celles que tout le monde possède. En gros, tu forçais passage contre ma volonté. Et là, je n’ai plus pu le supporter. C’est douloureux tu sais.»
Il se massa les tempes. Il sentait que la journée allait être longue, et sa nuit plus encore. Il détestait avoir mal à la tête. Or là il sentait poindre une violente migraine, symptôme d’une effraction mentale.
«Cependant, je crois avoir compris un peu ce que ton Don fait. Comment il fonctionne. Mais pour que j’en sois certain, on va devoir retenter le coup. Mais cette fois, je vais faire les choses différemment de mon côté. Mais sans te dire quoi, je ne veux pas que tu... diriges ta main. Je veux juste confirmer mon hypothèse. Laisse-moi juste une minute pour me préparer.»
: Tu penses comme moi?:
: Ça me semble un bonne explication en tout cas. Tu veux faire quoi du coup?:
: Le laisser volontairement entrer, sans résister. Je vais me mettre en état de méditation.:
Wylan se mit en tailleur et fixa un point très loin, une pierre à la forme étrange. Il respira lentement, profondément. Il sentait le faible souffle d’air dans ses cheveux. Il entendait les instectes qui chantaient dans les herbes. Il percevait la présence de Fitz devant lui, de Kyra tout autour. Il était, simplement.
: Je pense que tu peux le toucher, jeune homme.:
[Cette fois, l’entrée est différente. Tu ne sens presque pas le transition. Sauf que là, tu te vois toi, à travers les yeux de Wylan, mais du coin de l’œil. Tu fixes cette drôle de pierre. Tu ne sens ni résistance, ni sentiment violent. Juste le calme. Tu crois percevoir une brève sensation de satisfaction. Puis, autour de toi, tu commences à voir des choses, floues d’abord, des souvenirs, des sentiments, des rêves. Ce sont comme des saynètes qui se jouent tout autour.]
: Retire ta main, s’il-te-plaît... Wylan... reviens.:
Wylan cligna soudain des yeux. Il... il n’avait rien senti.
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Franchir un autre niveau de barrière ? Pourtant le lieutenant n’avait pas eu l’impression de tenter de forcer quoique ce soit, il laissait juste les choses… Bha les choses faire en fait. Il ne gérait rien dans ces cas-là, il touchait et laissait sa main lui donner ce qu'elle voulait. Et visiblement c’était bien ça le problème.
« Désolé si c’est douloureux. Comme je t’ai dit je ne contrôle absolument rien, je ne savais même pas que je forçai quoique ce soit, pour moi c’était… C’était naturel. »
C’était assez bizarre finalement de penser à son don comme à quelque chose de naturel. Pour lui quand il touchait comme ça, tout se déroulait comme lorsque un combat commençait. Il prenait son arme et laissait les choses suivre leur cours. Il faudrait qu’il apprenne à contrôler ce détail aussi alors. Ne pas pousser trop loin… C’est peut être ça qui avait cramé l’homme la dernière fois, il avait forcé quelque chose sans le savoir ?
Wylan voulait tester quelque chose d’autres, et Fitz acquiesça. Lorsque Kyra lui demanda de le toucher, le lieutenant fut en premier lieu surpris d’entendre le compagnon, puis il s’exécuta. Le transfert fut instantané, surprenant même. Il n’y avait pas eu les vertiges, ou les picotements, ou toute autre réaction qu’il avait d’habitude à cet instant précis. Mais le plus étrange de tout, c’est que ce n’était pas une vision. Pas de dragon, pas d’arme, pas de flammes ou de déesse bizarre non… Lui… Lui et la pierre que le Héraut fixait. Etait-il à la place de Wylan ? Comment diable pouvait-il avoir fait un transfert ainsi ? Tout semblait si calme, si paisible dans… Dans quoi d’ailleurs ? L’esprit du Héraut ? Son corps ? Enfin en tout cas c’était reposant, c’était bien, et quelque part il y avait une pointe de contentement qui commençait à apparaître. Et puis les choses se mirent à bouger, des mouvements au départ difficile à décrire autour d’eux, et puis ces choses se multiplièrent devenant plus nette. Des morceaux d’histoire, de souvenirs, des bouts de passé et des sentiments… Tout cela à la fois jouant autour d’eux, comme dans une pièce de théâtre étrange et décousue. Fitz tentait d’observer, de comprendre chaque élément, sans vraiment finalement faire attention à aucun.
Le contact se rompit, rouvrant les yeux, Fitz semblait perdu, émergeant d’un rêve.
« « Comment ? Pourquoi ? Je… »
Son regard était instable, allant de la pierre, au héraut, en passant par Kyra. Qu’avait-il vu ? Qu’avait-il fait ? Etait-ce ce qui était prévu ? Etait-ce normal ?
« J’étais à ta place Wylan, je voyais à travers tes yeux, je voyais ce que tu vois… J’étais toi… Comment ? Je ne comprends pas le rapport avec les visions précédentes et ça. Désolé si je semble idiot en te disant ça, mais je n’arrive pas à savoir ce que je fais réellement quand je te touche. Je n’arrive pas à comprendre ce qui se passe. »
Par automatisme, plus que par besoin, le lieutenant massait la paume de sa main. La façon dont il touchait la marque laissait à penser qu’il essayait vainement de l’effacer. Bizarrement un sourire se dessina sur les lèvres de Fitz… Il s’était mis à penser qu’Il fallait absolument qu’il évite de décrire l’expérience comme « j’ai été dans le corps du Héraut Wylan »… Cela pourrait très vite porter à confusion… Et c’était assez idiot finalement de penser à ça maintenant, mais Fitz avait besoin de se détendre, il n'avait jamais utilisé son pouvoir aussi souvent depuis qu'il lui avait été donné.
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Wylan était satisfait. Il venait de comprendre au moins partiellement ce que faisait cette fichue main.
«Tu n’étais pas vraiment à ma place. Tu aurais voulu me faire bouger, tu n’aurais pas pu. Non... c’est différent. La différence entre tes visions différentes et ça, c’est moi. Je pense qu’à chacun de tes contacts, sauf le chat peut-être, tu... comment dire. Tu forçais l’autre à se révéler à toi. En fonction de la situation, l’autre te révélait donc quelque chose de lui-même: ses intentions, ses peurs, ses projets. Là... je t’ai simplement ouvert la porte. Je me suis mis dans un état second pour ne pas te résister. Dans cet état second, je ne réagis pas au monde qui m’entoure, je me contente de vivre, de flotter dans le présent. Tu comprends? Donc tu n’as rien vu de spécial, car je ne cachais rien. Si tu étais resté, je pense que tu aurais eu accès à mes souvenirs, mes rêves, mes désirs. Mais Kyra t’a arrêté avant. Tu connais l’Enchantement de Vérité? Si tu ne mens pas, il ne te fait rien du tout. Si au contraire tu mens, tu te forces à dire la vérité. Il te contraint. Là, c’est un peu pareil, mais dans une version plus... puissante je dirais. Plus intime. Si les gens se s’opposent pas à toi, sont prêts à t’offrir leur vérité, ils ne subissent aucun dommage. Sinon, ton pouvoir les force à révéler ce qu’ils cachent.»
Il s’interrompit un instant pour permettre à Fitz d’assimiler ce qu’il venait de dire.
«Maintenant, la question est de savoir ce que tu peux faire pour voir ce qui t’intéresse. Personnellement, je pense que si tu questionnes verbalement l’autre, ou mieux, si tu as tes interrogations bien claires dans ta tête, tu forceras l’autre à te répondre. Je me demande quelle serait le meilleur moyen de procéder... Je préférerai ne pas avoir à te résister, histoire d’épargner un peu ma tête. Mais je pense qu’il faudrait le faire à un moment. »
: Tu sais maintenant ce que t’évoquait son Don?:
: Ouais, l’histoire du type qui aurait possédé un Don de Vérité. Personne autour de lui ne pouvait mentir et les gens se mettaient à lui déballer leurs secrets.:
Wylan émit de petits claquement de langue alors qu’il réfléchissait à comment poursuivre cette séance. Il y avait deux choses à tester: la potentielle prise en main du pouvoir, et sa non-utilisation. Une utilisation consciente mieux contrôlée ne pourrait qu’aider à ne pas l’utiliser le cas échéant... c’était du moins le raisonnement du Héraut.
«Bon... je vais repasser en état méditatif. Quand ce sera fait, touche-moi avec une image très claire de ce que tu aimerais apprendre. Choisis s’il-te-plaît quelque chose qui ne me fera pas trop honte... Pense-le très fort, distinctement. Quitte à formuler dans ta tête la question. Tu es prêt à essayer?»
Wylan reprit sa cible et se concentra dessus. Après quelques instants, il avait le regard absent.
[Je te laisse choisir la question. Décris-moi comment tu procèdes pour formuler ta question, comment tu la visualise, etc. Tu auras le résultat au prochain post ;)]
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Il voyait très bien le fonctionnement de l’enchantement de vérité, il y avait été soumis comme tout aspirant à l’armée de Valdemar, surtout vu le poste qu’il occupait maintenant. Il n’avait pas très bien compris le rituel, mais s’y était plié, l’homme n’avait de toute façon rien à cacher. Par contre se dire qu’il avait ce pouvoir était étrange. Comment diable pourraient réagir les gens à son contact ? Chacun avait besoin de son intimité, et Fitz d’un geste de la main pouvait soit la connaitre, soit infliger des douleurs à la personne qui ment ? Bien pire qu’une aura qui change de couleur comme résultat.
« Je comprends mieux pourquoi l’homme que j’ai interrogé à hurlé avant de s’écrouler. Il faudrait juste que je sache comment contrôler le niveau de douleur infligé. Car là sur le coup un homme évanoui, je sais qu’il ment, mais je ne sais pas ce qu’il cache. »
Quant à la proposition du Héraut, Fitz trouvait cela logique dans la poursuite de l’entrainement, mais particulièrement dangereux dans l’idée. Quelle question Fitz pouvait poser, que Wylan serait obligé de visualiser ? Que pouvait-il demander sans risquer d’infliger de la douleur au Héraut ? Et surtout qu’est-ce que Fitz voulait apprendre ? Il appréciait Wylan, il ne voulait pas le mettre dans une position délicate, ni même apprendre des choses sur ses activités, c’était un trop gros risque. Il y avait bien une chose pourtant…
« Bien j’ai compris le procédé. Nous pouvons essayer dès que tu seras prêt.»
Il attendit patiemment que Wylan récupère le regard et la posture qu’il avait lors de leur précèdent contact. Lorsque ce fut fait, Fitz regarda sa paume quelques secondes.
Il savait très bien ce qu’il voulait que Wylan lui révèle. Il voulait la voir elle… Fitz ferma les yeux et laissa son esprit se concentrer sur Feuille, il y avait son image à elle, et l’image de Wylan, il ne pensait qu’à eux deux, les voyait séparément. Maintenant il voulait que Wylan les lui montre quand ils étaient ensemble, il voulait connaitre le lien qui avait uni la guérisseuse, et le Héraut, il voulait voir ce qu’ils avaient pu vivre, et faire. Il s’en doutait bien sûr, l’homme n’était pas idiot, mais là maintenant il voulait que Wylan le revive, il voulait que le héraut le lui montre.
Il n’y avait pas de raison que cela blesse le Héraut qui semblait relativement fier de ses conquêtes, ni même Feuille dont Fitz connaissait le passé. Non il savait bien que les images qu’il pourrait voir ne blesseraient que Fitz, mais on ne change pas une vieille habitude : Fitz protégeait les gens qu’il aimait, prenant les coups à leur place.
Lorsque sa main entra en contact avec Wylan, dans la tête du lieutenant ne restait que trois éléments : l’homme assis face à lui tel qu’il le voyait à l’instant présent, l’image de Feuille, et la question sur ce qui s’était passé, ce qu’ils avaient vécu ensemble. Il voulait les images qui lui manquaient entre les deux. Toutes les images. La vérité crue de ce qu’ils avaient partagé. Dans son esprit l’idée en devenait obsédante, une litanie, une ritournelle qui tourne en boucle et dont on n'arrive pas à se débarrasser.
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Wylan flottait dans l’instant présent. Cette fois encore, il ne sentit pas Fitz entrer dans son esprit. Cependant, bien vite, il eut l’impression que le lieutenant cherchait quelque chose de précis dans sa tête. Des souvenirs... des souvenirs du cul?
Wylan se laissa faire, comprenant où Fitz voulait en venir. Il s’amusa d’ailleurs de ce choix. Il n’éprouvait aucune gêne quant à ce sujet, il assumait parfaitement ses multiples liaisons. Il se força cependant à redevenir neutre. Il se laissa guider, il laissa Fitz se promener dans sa tête. Il n’avait rien à cacher. Les souvenirs revenaient. Il les vivait à nouveau.
Wylan sourit soudain. Il revoyait une douce fermière qui l’avait accueilli une fois alors qu’il était blessé et épuisé... accueilli dans tous les sens du terme. Une femme douce et ronde et chaude. Une femme dont la beauté intérieur éclairait le visage. Il avait adoré plonger sa tête dans ses deux énormes seins...
Puis la scène changea. Il était tout courbaturé, sale. Puis Feuillemalice apparut. Elle allait le soigner. Le masser. Il se souvenait de ce contact torride. Mais il était fatigué, et il devait faire son devoir...
Il était nu. Il avait 17 ans. Devant lui, assise sur le lit, se tenait une jolie jeune fille brune, aux yeux pétillants, nue elle aussi. C’était 'Ranel. C’était... Wylan se sentit rosir. Ils... enfin... c’était leur première fois... ou plutôt, ça aurait dû l’être, car cette tentative-là n’avait pas donné grand chose.
A nouveau, Feuillemalice était là. Ils flirtaient. Ils plaisantaient. Ils badinaient. Puis les ébats. Puis la collation improvisée faite de chaussons à la viande et de gnôle... puis Feuillemalice qui lui écrivait que sa porte était ouverte...
Une Héraut, un Relais. Un fort orage. Elle lui disait: «Je suis toujours partante...». Et la suite attendue... L’éclair qui avait touché l’arbre tout près. Le branle-bas de combat. Wylan sortant nu pour aller éteindre le feu...
Wylan se sentit soudain triste. Cette femme là était morte... et c’était une émotion qu’il ne voulait pas partager. Il résista petit à petit, puis il sentit une douleur lui vriller les tempes.
: Sors, s’il-te-plaît, maintenant.:
Wylan se frotta la tête, un peu penaud.
«Désolé, je ne voulais pas te chasser... mais... il y a des choses que je ne suis pas habitué à partager, et je n’ai pas réussi à maintenir mon état second. Navré. J’imagine que tu voulais en apprendre plus sur ma relation avec ta Guérisseuse? Ne t’inquiète pas, ce n’était qu’une histoire de fesses... avec moi, il n’y a que des histoires de fesses.»
Il sourit.
«Mais c’était pas trop mal. Tu aurais pu faire mieux, mais pour quelqu’un qui n’a pas l’habitude de travailler sur cet aspect-là des choses, je te trouve plutôt bon. Je pense que tu as mis trop de tes sentiments dans cette question. Tu n’étais pas assez... autoritaire. Tu voulais savoir, tu ne m’as pas ordonné de révéler. Tu vois la nuance?»
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Les images qui se succédèrent dans l'esprit du lieutenant devait sûrement lui mettre le rouge au joue. Il ne voulait voir qu'une chose, et voilà qu'il enchaînait les paires de seins comme on change de chaussette chaque jour. Il vit enfin les images qu'il avait demandé, au moins il savait qu'il arrivait à obtenir ce qu'il voulait. Le problème c'est qu'il en voyait trop... Et même si les images ne lui plaisaient pas, c'est lui qui avait demandé à y assister alors il ne pouvait se plaindre... Par contre il fut surpris par tout ce qu'il ressentait, tout ce que Wylan avait vécu, et puis il comprit lorsque le Héraut lui parla qu'il allait trop loin. Il voyait une chose où Wylan ne voulait pas qu'il aille, et le lieutenant savait pertinemment ce qui se passait lorsqu'on résistait à son contact.
Lorsque l'ordre fut donné de sortir, le lieutenant coupa le contact immédiatement. Il ne voulait pas le forcer, il n'était pas là pour ca. Mais au moins il savait que si il coupait le contact cela s’arrêtait net, c'était déjà un avantage.
Rouvrant les yeux, le lieutenant se rendit compte qu'il avait les mâchoires serrées au point d'entendre ses dents grincer à l'arrière de sa tête. Oui Wylan avait raison, il voulait se renseigner sur ce qu'ils avaient vécu. Il avait bien « vu » si on pouvait dire, que ce n'était que charnel, mais égoïstement il voulait voir si elle était différente avec lui qu'avec le Héraut.
Ce que dit son professeur du jour le réconforta légèrement, même si il avait déjà ces données là. Il avait compris depuis que Wylan en avait parlé que ce qu'il voyait été la vérité pure, la vérité nue (surtout dans ce cas là). C'était étrange cette sensation de savoir qu'on ne pouvait pas être trompé. Effrayant aussi.
« C'est moi qui devrait m'excuser, je ne m'attendais pas à en voir autant de ton histoire. Enfin disons que je n'ai pas du être assez précis dans ce que je voulais voir. Mais oui j'ai compris que ce n'était qu'une histoire purement charnel, et puis... De ce que j'ai compris tu n'aurais pas pu me mentir. »
Il adressa un sourire sympathique au Héraut. Il commençait à comprendre l'implication de son pouvoir, a en saisir les tenants et les aboutissants, par contre il ne comprenait pas pourquoi il en avait vu autant. La suite de l'explication de Wylan lui permis de cerner plus clairement le problème.
« Je comprends mieux. C'est un peu la différence qu'il y a entre dire à un soldat « tu pourrais nettoyer les écuries », et « va nettoyer les écuries ». Dans un des deux cas le travail sera fait, dans l'autre il sera mis en attente. »
Oui il fonctionnait en comparant tout à la gestion des armées, mais finalement c'était une grande partie de son travail tant qu'ils n'étaient pas au front.
« Mais l'implication de ce pouvoir est assez.... Enfin je pensais pas que cela pouvait être aussi impressionnant à vrai dire. J'ai toujours cru que mes visions étaient aléatoires, pas qu'elles pouvaient répondre à une question que je me posais. Et puis il est vrai que je ne savais pas sur quoi te questionner, je ne savais pas vraiment ce que je voulais découvrir, j'ai tenté de me concentrer sur la première chose que nous avons en commun finalement. Mais, si je comprends bien, cela veut dire que mes sentiments sont une partie capitale dans la capacité à utiliser correctement ce don ? »
Voilà qu'il devait composer avec la haine, l'amour, la passion, l'envie, le dégoût, la colère, et autres sentiments diverses et variés pour apprendre à maîtriser son pouvoir.
« En faite, le principe est le même que pour mon talent naturel de résistance à la douleur mais à l'inverse en résumé. En combat je dois oublier mon ressentit pour pouvoir avancer peu importe les coups que je prends, avec mon pouvoir je dois utiliser et gérer mon ressentit pour pouvoir obtenir ce que je veux ?»
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Wylan fit non de la tête.
« Je ne suis pas certain que tu doives utiliser tes sentiments. J’ai peur que cela influence l’autre. Non, je pense simplement que ta formulation doit être ferme et claire. Tes sentiments... je pense qu’ils renforcent plutôt l’urgence de ton pouvoir. Là nous étions tous les deux calmes et détendus, et pleinement conscients de faire quelque chose de spécial. Tu ne m’as donc pas blessé. En situation de stress, je crains que tu ne brises plus de barrières que nécessaire. Non, je pense qu’au contraire, tu dois proscrire tes sentiments quand tu utilises ce Don. Tu as bien vu, tu n’as pas été assez clair et factuel, et tu voulais comprendre et voir ma relation avec Feuille, c’était émotionnel... du coup, tu as vu des souvenirs qui se succédaient. Même s’il y avait une logique certaine à leur enchaînement, une logique basée sur un ressenti... on aurait dit que mon cerveau faisait des liens entre ces différents évènements. Tu vois, le premier, j’étais blessé, et la femme m’a soignée. Ensuite, avec Feuille, j’étais aussi blessé, mais je l’ai repoussée à ce moment-là. Ensuite... bah ensuite tu as pu voir une histoire avortée... enfin, une tentative avortée, comme celle avec Feuille. Puis la conclusion avec Feuille, puis une femme qui... bref, à laquelle ta Guérisseuse m’a fait penser. Au fond, c’était très logique, même si toi tu ne cherchais pas à voir tout ça. » Il s’interrompit un bref instant. « En gros, tu n’as pas assez dirigé mon cerveau. Comme avec ton histoire de soldat. »
Il sentit son estomac gargouiller. Il jeta un bref coup d’œil au ciel... d’après la position du soleil, cela faisait plus d’une marque qu’ils étaient là, peut-être même deux. Mais où était donc passé tout ce temps ?
: La deuxième fois, ça a duré incroyablement longtemps... moi je dirai en tout cas une demi-marque... voire trois quarts de marque.:
« Ah ouais, quand même... » Il lança un regard à Fitz. « Pardon, je commentais la révélation de Kyra. D’après elle, on vient de passer entre une demie et trois quarts de marque, assis là comme deux débiles à se tenir par la main. Rien que pour la seconde tentative. »
Il se releva avec précaution, et ne put retenir un grognement quand le sang circula à nouveau dans ses pieds.
« Je sais pas toi, mais moi, je crève la dalle. Je pense donc que je vais manger un peu avant qu’on fasse d’autres tests. Sinon mon estomac risque de perturber ma concentration. Et je te conseille de manger un peu aussi. Tu n’as peut-être pas faim pour le moment, mais dès que tu auras avalé quelque chose, tu réaliseras à quel point tu es affamé. »
Après quelques étirements, il alla chercher dans ses fontes le pique-nique préparé avec soin par un des cuisiniers et revint s’asseoir. Il sortit du sac une miche de pain, un gros saucisson, plusieurs pommes de l’automne dernier, des chaussons à la viande (on voyait que le cuisiner connaissait bien Wylan) et une gourde contenant de la petite bière. Il sortit aussi du sac une petite flasque de liqueur.
« Ça, ce sera la récompense après notre dur labeur. » Il la rangea pour ne pas être tenté.
Il décrocha le couteau qu’il portait à la ceinture et se mit en devoir de découper ce qui devait l’être. Il tendit ensuite une tranche de pain à Fitz, ainsi que quelques tranches de saucisson. Lui-même commença le repas par un chausson qu’il enfourna presque entier dans sa bouche.
« Alors comme ça, tu étais jaloux que j’aie pu vivre quoi que ce soit d’un peu important avec ta belle?»
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Oublier ses sentiments ?
« Je t'avoue que cela m'arrange, j'ai passé une partie de mon entraînement en tant que mercenaire à oublier les sentiments, ca devrait être plus simple que si j'avais du faire l'inverse. »
Au final ce pouvoir collait donc bien avec son talent inné, voilà une nouvelle des plus intéressante pour le lieutenant qui voyait alors les choses sous un autre jour. Ainsi si il arrivait à oublier sa colère et sa haine, il pourrait peut être plus facilement contrôler ce qu'il infligeait au gens qu'il contrôlait à l'aide de son don.
« Mais je comprends le principe de direction. Il faut que je désire précisément un élément, sans laisser entrer en ligne de compte un quelconque ressentit, ou un quelconque désire. La question doit être clair, précise, et directive. J'avoue que je ne pensais pas en apprendre autant aussi vite. »
Lorsque Wylan reprit la parole un instant le lieutenant haussa un sourcil. Il avait oublié que Kyra était a coté d'eux et analysait aussi leur entraînement. La révélation quand à elle le surpris.
« Tant de temps que ca ? Pourtant il m'a semblé que c'était... Instantanée j'ai envie de dire. Quelque chose de rapide, un enchaînement d'événement qui ne duraient pas. »
Et alors que le Héraut aller chercher de quoi se sustenter, Fitz entreprit de se déplier lentement et avec assurance, vérifiant, comme il le faisait à chaque fois qu'il devait sortir d'une position léthargique, que chaque muscle répondait à ses ordres. Cette conscience de son propre corps, de chaque endroit qui le composait le rassurait. Et alors qu'il allait refuser le repas que Wylan posé devant lui, son estomac, dernier muscle qu'il vérifiait, se manifesta dans un grondement tonitruant.
« Tu dois avoir raison pour ce qui est de la faim au final, et je serai ravi de reprendre un peu de cette liqueur en récompense ! »
Alors qu'il avisait chaque plats amenés par Wylan (et il y en avait tellement), le lieutenant adressa un sourire à son compagnon suite à sa question. Prenant la nourriture qu'il lui tendait, il prit quelque secondes pour réfléchir à ce qu'il allait lui répondre.
« Peut être y avait-il un peu de jalousie. Sûrement même. Mais ce que je cherchai réellement à savoir finalement, c'était la différence qu'il pouvait y avoir entre... Ce que vous avez vécu, et ce que nous vivons. Je sais pas si tu comprends ce que je veux dire ? Je sais qu'elle a eu une vie avant moi, je connais les mœurs de son peuple, et... Je commence à connaître ton style aussi. Ce que je voulais voir c'était si les choses étaient identiques, plus pour me rassurer finalement sur ce que je vis, que de savoir ce que vous avez vécu.»
Il croqua dans les mets qu'il lui avait tendu.
« Ca te paraît étrange je suppose ? Ou alors tu penses que je suis un masochiste qui s'ignore ? Je sais pas si j'aurai du voir ça au final, et j'avoue que comme je n'ai pas été assez précis, le flot de données.... J'ai encore du mal à trier ce que j'ai vu. »
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C’était intéressant les angoisses que provoquait l’amour. Dès qu’on se mettait à tenir à quelqu’un, on était étreint de peurs irrationnelles et un peu ridicule. Quelle importance si la relation de Wylan et Feuillemalice avait ressemblé ou non à celle de Fitz avec la Guérisseuse?
« Franchement, ce n’était que du sexe. Je suis un homme qui ne se lie jamais. Et elle semblait avoir envie de compagnie. Mais je comprends que ce n’est pas agréable de croiser l’ancien amant de sa belle. Même s’il n’y avait aucun amour entre eux.» Il haussa les épaules. «Et je suis plutôt content que tu ne réalises pas bien ce que tu as vu... sérieusement, tu aurais envie que quiconque se repasse le souvenir de ta première fois, ratée qui plus est?» Il rit. « Depuis j’ai pas mal appris. Et j’ai aussi pris du muscle. Je ne me souvenais pas que j’étais aussi... maigre. Et j’avais moins de cicatrices. Maintenant je ressemble à une vieille couverture reprisée année après année.»
Wylan était très fier de ses cicatrices. Elles le différenciaient des ronds-de-cuir qui se planquaient au Palais. Grâce à elles, il séduisait les dames et imposait le respect aux hommes.
«Je pense que ta question était trop émotionnelle. Faudra qu’on retente avec quelque chose de plus... neutre. Je te laisse réfléchir. Si je sais, je risque d’orienter mes pensées malgré moi.»
Il mangea un morceau de saucisson, puis dévora une grosse tranche de pain. Il avait vraiment faim. Et soif. Il déboucha la gourde de petite bière et but quelques longues gorgées. Il la tendit ensuite à Fitz.
«Tu sais, trier le flots de données, c’est aussi quelque chose que j’ai dû apprendre. Tu ne peux pas imaginer le nombre de choses auxquelles les gens pensent simultanément. Alors je pense que même si tu n’arrives à rendre ton don plus précis, tu apprendras au moins à extraire ce qui t’intéresse vraiment. Bon, je te déconseille les interrogations métaphysiques sur le bien et le mal. Tout ce que tu récolteras, c’est un bon mal de crâne.»
Il avait tenté, pour sa part, d’épier les pensées de gens discutant métaphysique. Et il avait dû bien vite renoncer. C’était trop flou et mélangé pour être intéressant. Sans parler des notions floues et des contextes abstraits qui se bousculaient dans l’esprit des philosophes du Solstice.
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Le lieutenant mangeait, et il mangeait bien. Il ne s'était pas rendu compte du temps passé, mais surtout de l'énergie nécessaire à ce genre de test. Peut être que plus tard quand il le gérerait mieux, cela lui coûterait moins.
« Ho tu sais, pour ta première fois, je t'ai trouvé bien jeune. Moi il aura fallut que je quitte le domaine de mon vieux maître, et que je quitte un peu mon travail sur les routes. Je pense que je devais avoir... 21 ans. C'était une noble qui m'avait engagée pour l'accompagner sur les routes, on s'était retrouvé bloqué dans une caverne sous une pluie battante. Elle a tout pris en main, si je puis dire, ce n'était pas un prix de beauté, mais elle était diablement expérimentée... Et je t'avoue qu'elle était étonnée de rencontrer un mercenaire de 21 ans qui n'avait jamais connu de femmes. Alors crois-moi... Tout ce que j'ai pu voir... C'était déjà beaucoup plus d'expérience que ce que j'ai pu moi même avoir ! »
Il estimait normal finalement de raconter cela à Wylan. Tout d'abord car ca leur permettait de bavarder sur autre chose que ce qui se passait dans ce lieu loin de tous, ensuite car finalement, le lieutenant était maintenant au courant de certaines choses sur le passé du Héraut. Ce n'était que lui rendre la pareille.
Quelque chose de plus neutre. Voilà une drôle de pensée à avoir. Mais il avait le temps du repas pour penser à la question, et même si il avait bien des idées, il voulait que cette fois ce soit... Moins personnel.
«J'avoue que pour une fois je me suis laissé aller à un plaisir coupable avec ce genre de question. Mais je n'avais pas non plus envie d'apprendre des choses sur toi que je ne suis pas censé savoir. Ce pouvoir au delà du contact et de ce qu'il implique, me donne une possibilité de découverte que je trouve effrayante. Si réellement il me permet de savoir ce que je veux, il faudra que je fasse preuve d'une détermination sans faille pour ne jamais tomber dans le travers de ce que cela implique. Je crois que je ne m'étais jamais imaginé disposant d'une telle capacité face aux gens. C'est grisant et effrayant à la fois. »
Il écouta la suite avec attention, tout en profitant de la gourde tendue par Wylan. Dévorant un bout de saucisson supplémentaire, il patienta quelque secondes avant de répondre.
« Oui finalement il faut que je gère ça comme je gère les rapports des éclaireurs. Trier les informations capitales à transmettre ou gérer immédiatement, mettre de cotés celles qui pourraient être utiles dans un plan futur, et me débarrasser de celles qui ne servent à rien et ne serviront jamais. Analyse de donnée. Ca je sais faire. »
Pour le reste le lieutenant se laissa aller à rire.
«Quand aux discussions métaphysique, tu dois te douter que ce n'est pas mon fort ! »
Il prit une des pommes avant de croquer dedans à pleine dents. Il aimait plus que tout ce fruit, et aujourd'hui encore plus étrangement.
« Mais Kyra qui assiste à tout cela, qu'elle est son avis sur le sujet ? »
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Wylan rit.
« Jeune ? Pas tellement... Les Hérauts sont assez libérés sur la question. Et je crois que tout le monde préfère qu’on satisfasse nos besoins, ça évite les inévitables tensions dans une classe mixte. »
Son propre frère était plus jeune quand il culbutait les paysannes. Il avait quoi, quinze ans ? Guère plus, car Kyle avait deux ans de plus que son frère, et Wylan était parti à l’âge de treize ans. Lui-même avait attendu de parfaitement maîtriser la Lecture des Pensées pour tenter le coup. Il n’avait alors aucune envie de découvrir les secrets les plus intimes de sa partenaire. Et il ne le souhaitait toujours pas.
Wylan s’amusa des tentatives que Fitz faisait pour justifier ses choix. Il avait le droit d’être jaloux, après tout. Il n’y avait aucune honte à cela.
« Tu sais, je doute que tu découvres tant de choses qui aient un sens pour toi. Je pense que la plupart de mes souvenirs doivent ressembler à une longue chevauchée dans la boue et la neige... Et ce que je fais... Bah ! Je fais ce qui doit l’être, c’est tout. Ce n’est pas un luxe d’avoir un vieux con cynique parmi les Hérauts. Ils sont tous tellement idéalistes, et la plupart sont plutôt naïfs. »
Certes, Wylan aussi était idéaliste, mais il était pragmatique avant tout. Il savait quels idéaux étaient réalisables, et lesquels tenaient plus de l’utopie. Il savait aussi que la noblesse des Hérauts n’inspirait pas leurs ennemis, et qu’ils ne se privaient pas d’utiliser des méthodes immorales.
« Mais c’est certain que tu as un pouvoir... intéressant. Tu sais qu’on a des témoignages d’un Don similaire, dans les registres des Hérauts ? Un pauvre type à qui personne ne pouvait mentir, et auquel les gens se mettaient à déballer tous leurs secrets. Personnellement, je ne voudrais pas d’un Don pareil. Bon, tu me diras que le mien permet d’arriver au même genre de résultat. Mais quand je n’ai pas envie de connaître la vérité, je peux faire le choix de rester dans l’ignorance... »
Il n’avait pas du tout envie de découvrir que la femme qu’il culbutait le trouvait mauvais amant ou laid. Ni que ses copains de beuverie ne l’appréciaient que parce qu’il payait ses tournées. Il valait mieux se satisfaire des mensonges quand il s’agissait de vie en communauté.
« Effectivement. Après, je me doute qu’il ne sera pas toujours facile de rester factuel quand tu utiliseras ton Don. Au milieu d’une bataille par exemple. Mais c’est aussi pour cela que tu dois t’entraîner. Et que tu dois toi aussi travailler tes boucliers. Je pense que si tu les entraînes assez, tu pourras te passer de gant. Après, comme il s’agit d’un “cadeau des Dieux”, on ne peut pas être certain. »
Kyra fut flatté que le lieutenant s’intéresse à son avis. Elle le gratifia d’un hochement de tête approbateur.
« Kyra était plutôt d’accord avec mes suppositions. Et c’est ensemble que nous avions décidé de la marche à suivre. Pour le reste... je sais pas. »
: Tu sais, Wylan, son Don est totalement étranger à mon domaine, si tu vois ce que je veux dire. Je suis donc tout aussi ignorante que vous sur la question. Par contre, je me demande pourquoi on l’appelle le Glaive... ce Don ne fournit aucun pouvoir offensif... ou même défensif. :
Wylan rebondit sur les paroles de Kyra sans même les transmettre à Fitz.
« Ah, c’est pas bête ça. Pourquoi le Glaive ? Ce pouvoir ne te donne aucun talent lié au combat... Tu as une idée ? Sinon je pense que ce serait bien que tu ailles dire bonjour à ta prêtresse... enfin, à la prêtresse de Aanor. »
Le Héraut prit un nouveau chausson à la viande qu’il mangea un peu moins vite, savourant ce met qu’il adorait.
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La réflexion du Héraut fit rire le mercenaire.
«Un vieux con cynique ? En tout cas, c'est vrai que tous les Hérauts que j'ai croisé ont souvent de grands principes, et sont encore naïf sur ce qui les attend. Après ils sont tous si jeune... Je crois que mon élève la plus jeune au cours de survie dépasse à peine l'âge de ta première fois. Et encore je ne parle que pour les Héraut, j'ai encore plus jeune et je lui apprends à tuer... Ils ne savent encore pas grand chose du monde extérieur, et on leur parle déjà de guerre. Je me suis d'ailleurs toujours demandé, y'a-t-il un âge moyen pour l'élection d'un Héraut ? »
Le lieutenant n'était pas un vieux à proprement parler, mais dans sa profession on avait pas vraiment le temps de voir ses tempes devenir grises. Par contre il avait vu le monde, il avait traversé les routes, et il avait donc déjà une certaine expérience, tout comme Wylan. Pendant qu'il prenait une gorgée, il écoutait la révélation du Héraut sur l'homme qui aurait eu ce genre de don.
« Oui, il était encore moins chanceux que moi si les gens disaient tout sans qu'il ait à les toucher. Moi au moins pour l'instant il m'a suffit d'éviter le contact physique ! Je n'imagine pas si un jour les gens se mettaient à parler uniquement à mon approche. »
Le repas faisait du bien par où il passait, et franchement le lieutenant était heureux de ce petit break, cela lui permettait de prendre un peu de temps pour lui, un peu de temps pour reposer son esprit des souvenirs qui n'étaient pas les siens. N'avoir dans sa tête que ses propres souvenirs était quand même vachement agréable.
« Mais j'avoue que oui tout ce que j’espère c'est de pouvoir me séparer de ce bout de cuir, mais au delà d'apprendre à le maîtriser, il faudrait déjà que je m'accepte avec ce don. »
Quand à la question suivante, le lieutenant se la posait chaque jour.
« De ce que je sais c'est ainsi qu'Aanor nomme ceux qu'elle décide de choisir. Le glaive est censé protéger le monde. Il y en a eu d'autre avant moi, et il y en aura sûrement d'autre après. »
Devait-il en dire plus ? Il sembla hésité un court instant mais... Après tout il était entré dans la tête de cet homme, et surtout il était en mission commandée pour le roi les trois quart de sa vie alors...
« J'ai eu une vision un jour en touchant une prophétie, une vision de moi portant une épée, entouré de flammes noires, face à une bête. Aanor m'a choisi pour tuer le sombre. Je dois trouver une épée forgée par la déesse et détenue par un membre du peuple de la déesse aux yeux étoilés, et pour cela je serai accompagné du porteur de l'amulette censé me protéger, pour ensuite aller pourfendre le sombre de mes petites mains comme ça entre le plat principale et le dessert. Ce qui me pose problème c'est le comment ce don pourrait m'aider dans ma quête. Je n'ai toujours pas compris en quoi il me permettrait de lutter contre l'ennemi qui se dresse devant nous. »
Fitz se laissa aller à un sourire
« Pour répéter les paroles d'une enfant bien plus sage qu'il n'y paraît de prime abord : Tu es le Glaive donc tu affronteras le Sombre, tu le vaincras pour que l'Orbe nous revienne ou soit détruite, et tout ira bien. Si seulement tout pouvait être aussi facile. »
Il y avait des Héraut à Valdemar, des hommes de la trempe de Wylan, ou de Arthon. Il y avait des hommes bien plus importants que ce que Fitz ne serait jamais au sein d'une communauté. Et il se retrouvait affublé d'un rôle capitale pour la survie du monde connu ?
« Je trouve cela tellement risible Wylan quand je le dis. Il y a des élèments que je ne comprends toujours pas. Pourquoi moi ? Je veux dire, je ne suis rien, et je ne suis personne. Je ne suis même pas croyant et encore moins un de ses fidèles. Il aurait été tellement plus simple pour elle de choisir un homme ou une femme qui croyait en elle et qui n'aurait pas rejeté en bloc l'idée d'avoir un pouvoir. Ensuite pourquoi ce don ? En quoi peut il me servir à combattre le sombre ? »
L'éclat de rire suivant fut étrange, mais franc.
« Franchement tu me vois arriver face au sombre en lui brandissant ma main pour qu'il s'enfuit comme un lâche ? J'aurai l'air de quoi moi ? Et je devrai lui dire quoi ? « Attention je vais connaître tout tes secrets, je saurai si tu as mis des sous-vêtements ce matin en te levant !!! » Non mais franchement. Elle m'aurait donné la capacité de faire exploser les gens à distance, ou de les faire fondre en les regardant je ne dis pas... Mais là ? Je n'arrive toujours pas à faire le lien entre lui et la mission qu'Aanor m'a donné... Franchement si les dieux pouvaient être plus clairs, la vie serait bien plus simple... »
Fitz poussa un soupir avant de reprendre.
« Ludmila... Oui je me suis promis de retourner les voir depuis que je suis rentré à Haven mais... Je dois d'abord parler au porteur de l'amulette, cela me semble capitale. Et surtout je dois savoir où se trouve cette fichue épée. Car visiblement sans elle, rien ne pourra se faire. »
Voir Beltran en premier, discuter avec lui, savoir si il a conscience du rôle qu'on allait le forcer à jouer dans cette sombre affaire. Ensuite trouver au moins l'emplacement de la lame qu'il était censé porter, Beltran pourrait l'aider à la récupérer, il avait des relations. Ensuite alors voir Ludmila. Voilà le plan qu'il s'était mis en tête. Cela ne marcherait surement pas comme prévu, mais au moins il avait un plan, et c'était rassurant d'avoir un plan.
« Je sais qu'elle a des partisans, des gens qui croient en elle. Moi.... Moi j'ai vu ce qu'elle était capable de faire, j'ai vu l'implication de sa présence parmi nous, j'ai vu ce que la guerre de pouvoir qu'ils se livrent a déjà donné dans nos contrées... Comment pourrai-je avoir confiance en eux ? »
La question était sincère. Dans sa tête les images du cadavre d'Ysaline, des mages de sang, des morts, des violences, et de la terreur... Il revit aussi leur mission, le poison, la douleur des mages qui les accompagnaient, la détresse de leurs hôtes, et la violence de cette nuit. Tant de vie gâchées, perdues, et massacrées pour... Pour quoi ? Tant de douleurs, de peines et d'horreur, et cela commençait à peine....
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« C’est certain que les jeunes sont encore pires que leurs aînés. Je suis étonné d’ailleurs que tu ne connaisses que les gamins. C’est vrai que tu n’as peut-être pas eu le temps de sympathiser avec ceux en poste à la frontière... Quant à l’âge moyen... Je ne sais pas. Normalement, les gens sont élus au début de l’adolescence. Mais il peut arriver qu’ils ne soient pas prêts à ce moment-là. Donc le Compagnon peut retarder son Élection. Moi j’avais 13 ans par exemple. Kyra m’a emmené avant que la situation avec mon Don ne devienne invivable. »
: Dis voir, depuis quand tu parles autant de toi?:
: Je sais pas. Ça fait du bien de parler à un type qui comprend mon point de vue et ne va pas tenter de me convaincre de changer... ou me plaindre.:
Wylan fit un geste pour indiquer qu’il connaissait le blabla, la théorie.
« Ce que je ne comprends pas, c’est le terme. Il sous-entend un pouvoir guerrier. »
Wylan écouta attentivement Fitz parler, silencieux pour une fois. Il ne savait que répondre à tant d’honnêteté, à tant d’informations données librement. D’autant que toute cette histoire de Déesse le dépassait franchement. Une ou deux fois, il eut envie d’intervenir, mais il ne savait comment formuler ses remarques. Il y avait trop de sujets d’interrogations en même temps. Il les nota dans un coin de sa tête, laissant le lieutenant à ses questionnements et à ses suppositions. Wylan n’avait pas du tout participé à cet aspect-là des affaires de Valdemar. Son travail était trop important pour pouvoir l’abandonner pendant plusieurs décades. Et surtout, il trouvait toute cette histoire délirante. Il était bien obligé d’admettre l’existence de cette Déesse, pour autant, il souhaitait se mêler le moins possible de sa vie.
Finalement, Fitz lui laissa la parole. Il prit quelques instants pour repasser ses remarques avant de commencer.
« Moi je sais à quoi il sert ton Don, à trouver des informations. Si tu peux par simple contact découvrir ce qui t’intéresse, je t’assure que tu en apprendras très vite beaucoup plus sur la localisation de cet Orbe. Surtout si tu commences tes recherches au bon endroit. Il me semble que le mage en a parlé, lors d’une réunion. Il parlait de Rethwellan, je crois. Mais il me semble que l’Orbe ne s’y trouvait plus maintenant. Mais bref... bouge-toi et va parler aux bonnes personnes. Après, je pense que tu dois trouver cette épée... celle de ta vision. Attends voir... »
: Toi qui t’es intéressée à tout ça, tu m’avais pas raconté qu’une équipe avait trouvé une épée et un pendentif?:
: Un poignard je crois... mais je sais pas si c’est lié. Et si l’amulette dont il parle est le pendentif en forme de spirale, alors il me semble que c’est Adrian qui l’a.:
« Une équipe avait mis la main sur un poignard, je crois. Un truc bizarre. Et l’amulette, je crois que c’est le petit modifié qui la porte. Mais quoi qu’il en soit, que tu aies ou non confiance en Ludmilla et ses gens, je te conseille d’aller la voir. Elle doit savoir où se trouve cette épée, ou avoir un moyen de découvrir. Et je pense qu’elle sera ravie que tu t’occupes enfin de cette main. »
Wylan but quelques gorgées à la gourde avant de décider qu’il avait assez mangé. Il remballa un peu le pique-nique avant de se tourner vers Fitz.
« Bon, la pause est terminée. Je te propose donc de retenter le coup sur un sujet plus neutre. Si tu veux, on peut faire deux tests en un. Tu essaies d’abord de ne rien voir, en remontant tes barrières, tu sais, comme je t’ai expliqué au début. Et ensuite tu cherches un sujet précis de ton choix ? Ça te va ? »
Wylan se remit en tailleur et recommença le processus pour entrer en méditation.
[Je te laisse choisir le sujet, décrire, et comme avant, je te dirai le résultat au prochain post.]
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Le héraut avait raison, des hérauts plus âgé il y en avait. Mais à part Arthon et Aranel, Fitz n'en avait finalement jamais côtoyé. Ho oui il les voyait passer sur leurs compagnons lors de la mission à l'extérieur, mais il avait son rang, son travail, et il les retrouvait rarement le soir quand il partait se détendre dans des lieux plus sordides les un que les autres.
Pour la suite Fitz laissa le héraut lui expliquer sa façon de voir les choses. C'était logique en faite, son don lui permettrait de trouver ce qui doit être trouver, si il arrivait à le manier correctement bien entendu. Le reste, le lieutenant nota les informations que Wylan lui donnait.
« Tu as raison, je dois me renseigner sur tout ça, merci pour les informations. Je dois me reprendre en main, si je puis dire, et affronter ma peur de revoir Ludmila. »
La pause repas était terminée, il était temps de reprendre l’entraînement. Wylan se préparait déjà. Fitz regarda sa main. Premièrement vider son esprit, deuxièmement lever les barrières, troisièmement toucher Wylan et ne rien voir, et quatrièmement poser la question. Sur le papier cela semblait simple. Il devait récupérer une information, et cela quel qu’en soit le prix.
Le lieutenant prit une grande inspiration, fermant les yeux, la première étape était de se concentrer sur sa respiration, il devait entendre et sentir tous les muscles de son corps, chaque partie latente qui fonctionne normalement en automatique, Fitz en avait pleinement conscience, il pouvait agir sur toutes séparément, déclencher sa respiration, ou l'arrêter. Il connaissait bien cet état, après un rude combat, Fitz se mettait ainsi en méditation pour se retrouver, et oublier en un instant ce qu'il venait de voir, ce qu'il venait de vivre. Il ressentait chaque élément de son être, chaque battement de son cœur. Il testa d'ailleurs sa concentration sur ce dernier. Finalement ce n'était qu'un muscle, il l’arrêta un instant, lui faisant rater un battement.
Sa main se leva doucement, avant de se poser sur Wylan.Il se concentrait sur ses propres muscles,oubliant complètement le héraut face à lui, la tête vidée, son esprit focalisé uniquement sur ses organes vitaux. Les sentiments ne composaient pas l'être, en tout cas pas à cet instant, à cet instant précis l'homme n'était que des muscles qui fonctionnaient ensembles.
Puis lui vint l'image, l'image net de ce qu'il voulait voir. La frontière et le conflit. Il repassa les images des mages de sang, des morts qui marchent, du corps d'Ysaline, du traître qu'il avait torturé et du campement qu'ils avaient en mission, tout ce qui pour l'instant composé sa guerre. Il savait exactement les informations qu'il voulait du Héraut : Savoir ce qu'il savait de l'ennemi. Les forces en présence, leur nombre, mais surtout leur avancée. Le lieutenant savait que c'était exactement le genre d'informations qu'il était censé tirer de l'esprit des ennemis de Valdemar, il avait pris la décision durant le repas, et il fallait qu'il pose la question correctement.
*Montre moi l'ennemi qui vient sur nous, je veux connaître leur nombre, je veux savoir leur force, et je veux leur position. Et je le veux maintenant !*
Cette pensée il la formula sans réellement s'en rendre compte, mentalement il la verbalisait, il voulait qu'elle soit forte et puissante, il voulait qu'elle en devienne obsédante, et qu'elle en devienne obsédante pour le Héraut. Il utilisait toute la force dont il était capable, son esprit concentré jusque là sur lui même il le fixa entièrement pour lui transmettre son désir, le graver en lui et l'obliger à y répondre.
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Quand Fitz le toucha, cette fois, malgré l’état second, Wylan le sentit. C’était comme si un bloc lui était tombé dans la tête. Quelque chose d'inanimé, de... coupé de Wylan. Puis le bloc disparut et Wylan se sentit à nouveau bien. Il entendit très clairement la demande de Fitz. Même dans cet état, son Don fonctionnait toujours.
Wylan était sur un toit. Il aidait à le couvrir. Au loin, l’armée marchait en direction du village. Ils seraient là la nuit. Les paysans avaient déjà caché leurs filles. Ils n’aimaient pas ses soldats, et encore moins ces mages. D’après l’estimation de Wylan, cette partie là de l’armée comprenait deux mille hommes.
Le colza était en fleur dans la vallée. Alors qu’il gravissait les sentiers du Peigne, Wylan pouvait voir l’armée stationnée un peu plus bas. Ils étaient nombreux... très nombreux. Qinze mille au moins. Plus que ce que Valdemar pouvait aligner. Sans compter les quelques deux cents mages qui les accompagnaient. Wylan, dégoûté, reprit sa route vers Valdemar. Heureusement, il savait qu’une partie de cette armée était constitué de paysans enrôlés de forces qui se révolteraient à la première occasion... grâce à ses efforts.
Wylan avait froid... très froid. Il ne sentait plus ni ses mains, ni ses orteils. Allaient-ils mourir ici gelés? Ils ne pouvaient pas mourir. Valdemar avait besoin de ces informations! Il fallait avancer, encore et encore, même si la route était invisible dans le blizzard. Même s’ils étaient épuisées. Non, ils ne mourraient pas ici...
: Je pense que là nous sommes hors-sujet du nouveau. Je pense que tu peux retirer ta main, Fitz.:
[Tu réalises cette fois qu’elle parle directement à Wylan et que tu l’entends à travers lui.]
Wylan frissonna. Il sentait encore le froid mordant. Ils avaient vraiment failli y passer, cette fois-là. Il fut ravi de sentir le soleil sur sa peau...
« Je trouve ça drôle que tu aies choisi d’aller chercher des infos que tu possèdes sans doute déjà... quoique en fait, comme je suis rentré hier matin très très tôt, j’ai mis qui de droit au courant dans la journée, donc c’est vrai que Beltran ne t’a peut-être pas encore transmis ces informations. D’ailleurs, je repars demain, mais pour le front. Je ne traverserai probablement pas la frontière cette fois. Je doute d’en avoir le temps. J’aurai de la chance si j’arrive là-bas avant le début des combats.»
Il soupira. Il se sentait à nouveau un peu barbouillé, et sa tête recommençait à le faire souffrir.
«Je pense qu’on va s’arrêter là pour aujourd’hui. Kyra, on y a passé combien de temps?»
: Une demi- marque à peu près.:
« Une demi-marque... c’est pas mal. Sérieusement, je commence à me sentir patraque. Je pense par contre que toi, tu pourrais travailler un peu ce bouclier. Ou bien tu préfères qu’on fasse un sort à cette bouteille et qu’on rentre?»
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Ils étaient nombreux, bien plus nombreux que ce que Fitz imaginait. Le plus troublant était la présence des mages que rendait le lieutenant mal à l'aise, mais il obtenait les informations qu'il voulait. Il les voyait. Il s'en étonnait lui même d'ailleurs, il obtenait vraiment ce qu'il désirait. Quel pouvoir étonnant.
Quand la voix de Kyra résonna, le lieutenant ouvrit le yeux, c'était étrange le contact était toujours là, mais il l'entendait à travers lui, elle ne s'adressait pas au lieutenant. Enfin si, mais à travers le Héraut ? La sensation était encore plus étrange que lorsque la voix arrivait dans sa propre tête. Obéissant au compagnon, le mercenaire rompit le lien.
Alors qu'il dépliait ses membres suivant son rituel habituel, il prit le temps de répondre au Héraut.
«En effet je n'ai pas encore ces informations, et je ne suis même pas sur qu'on me les ait données dans les jours à venir. Kalaïd est en charge de l'organisation de la réponse de Valdemar avec le capitaine, pas moi. Moi je suis souvent en charge des patrouilles proches, ou de mener quelques unités très... Spécialisées au combat. Je ne suis pas un stratège, ce genre de choses je n'ai pas forcément à le savoir tant que le plan n'a pas été décidé. Et tu sais comme moi que Beltran est diablement efficace quand il s'agit de répartir les tâches. Mais je sais pas, je me suis dit que je voulais savoir, mais principalement que c'est le genre d'information qu'on me demanderait un jour de soustraire de l'esprit d'un homme si le besoin s'en faisait sentir, et si mon don devait venir à être utilisé.»
Le lieutenant décontracta ses épaules, et massa sa main, comme chaque fois. Cela le calmait finalement.
« Je voulais savoir si je serai capable de les analyser et de les comprendre, et je me suis dit que tu étais le mieux placé pour avoir ce genre de données. Et puis cela ne change finalement pas grand chose à mon sort, par dessus tout je protégerai Haven, qu'ils aient été 10 clampins ou une horde, cela n'a aucune sorte d'importance pour moi. »
Une demi-marque... Voilà donc pourquoi ses muscles avaient tant de mal à se déplier. Quand à la proposition le soldat sembla réfléchir un instant. Il était du genre à vouloir s'entraîner il l'avait toujours fait, mais si il continuait ainsi il n'aurait jamais le temps de boire la bouteille et puis.... Et puis il n'avait jamais autant utilisé son don, il avait besoin de faire le tri dans les informations qu'il avait apprise aujourd'hui, et il n'était pas sur qu'un esprit aussi encombré que le sien serait efficace pour apprendre à manier ses boucliers correctement.
« Je pense qu'on peut faire un sort à cette bouteille. Ce n'est pas tant la fatigue, mais j'en ai tellement appris sur moi aujourd'hui, que je ne suis pas sur d'être capable de trouver l'équilibre intérieur nécessaire à la levée d'un quelconque bouclier ! »
Le lieutenant avait fini de s'étirer, il regarda sa main un instant, avisa son gant du regard, et hésita un instant. Avant de finalement le remettre. Il n'était pas prêt tout de suite à se libérer de cette contrainte.
« Mais justement en parlant de bouclier, j'étais sur la bonne voie ? Penses-tu qu'il y a quelque chose sur lequel je devrai me concentrer pour cet entraînement particulier ? »
D'un seul coup il prit conscience de ce qu'il venait voir... Tout l’entraînement du monde qu'il prodiguait à ses élèves ne suffirait sûrement pas. Il y aurait des morts, tellement de morts. A moins peut être que Fitz ne réussisse ce pour quoi on lui avait offert ce don ? Alors peut être que....
« Je suis étonné cette fois j'ai entendu Kyra mais... A travers toi. La dernière fois elle m'a parlé directement pour que j'arrête, cette fois c'était comme si je l'entendais en toi, enfin... en toi... C'est fou comme chaque fois que je parle d'une chose comme ça j'ai l'impression que c'est un délire d'ivrogne ! »
Il fit un mouvement de tête vers la bouteille.
« Alors qu'on n'a toujours pas commencé à boire ! »
Il n'avait pas encore mentionné la dernière partie de l'histoire, mais cela lui brûlait les lèvres, plus que de raison.
« Valdemar te doit énormément Wylan, tout le monde te doit énormément. Combien de fois avez-vous mis vos vies dans la balance, Kyra et toi, pour ramener une information ? »
Il regrettait presque cette question.
« Enfin je veux dire... Tu n'a pas à répondre à ça, désolé... C'est qu'après tout ce que j'ai pu voir, même si cela reste ici et en ce lieu, j'ai l'impression d'avoir violer finalement une partie de ton histoire sans même t'avoir demandé ton avis. Je ressentais tes émotions, j'ai vu ce que tu as vu... C'est tellement étrange de se sentir comme ça dans l'intimité de quelqu'un que l'on connaît si peu. »
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«Les boucliers, c’est juste une question de centrage sur soi-même et d’habitude. Il n’y a pas de technique universelle, je pense à part : recentrage et ancrage. Mais ça reste très général comme technique. Ça ne donne pas le mode d’emploi. D’après ce que je sais, ce sont les Guérisseurs, surtout Empathes, qui possèdent les meilleurs boucliers. C’est assez logique quand on y réfléchit. L’Empathie étant un Don qui ne se contrôle pas en lui-même, le seul moyen de ne pas devenir dingue, c’est de se barricader au maximum.»
Wylan jeta un coup d’oeil à Kyra.
: Tu lui as parlé directement? :
: La première fois seulement. Ensuite je me suis contentée de te parler à toi. Comme il était dans ta tête, j’ai estimé qu’il entendrait.:
Il hocha la tête.
« En fait... Kyra ne t’a parlé directement qu’une seule fois. Ensuite elle est toujours passée par moi. Simplement, je pense que cette fois, comme tu étais plus... maître de ton Don, tu as réalisé que tu l’entendais à travers moi... et franchement, sans doute que partout ailleurs qu’à Valdemar on te prendrait pour un fou. Mais ici, tu es tout juste dans la moyenne.» affirma-t-il, un petit sourire en coin.
Wylan prit la flasque et la déboucha. Il avala une gorgée de liqueur avant de la passer à Fitz. Il sentit très vite sa migraine s’éclaircir. Il ne se lassait jamais d’admirer les pouvoirs des breuvages de sa mère.
«Valdemar, me devoir quelque chose?» Il haussa un sourcil. «Je fais juste mon job... celui pour lequel Kyra m’a choisi.» Il haussa les épaules. «Franchement, cette fois-là, j’ai failli y passer à cause de la tempête. Je ne l’avais pas vue venir... d’habitude, je ne me retrouve pas dans un tel merdier si je peux l’éviter. Je suis pas le Héraut cinglé sur son blanc destrier qui se jette la tête la première. Si je peux l’éviter, je fais tout pour ne pas me retrouver dans la merde. Après, c’est vrai, parfois, c’est passé de justesse. Mais...» Il jetta un regard à Kyra. «Quelqu’un doit bien s’en charger, de ces tâches peu communes... Vaut mieux que ce soit un type un peu casse-cou et solitaire comme moi plutôt que n’importe qui d’autre.»
Wylan soupira. Il avait son choix longtemps auparavant. Cette nuit-là, sur les toits. On venait de lui annoncer qu’il n’aurait pas son Blanc tout de suite, parce qu’il devait recevoir une formation supplémentaire, afin de remplacer l’ancien espion qui commençait à se faire vieux. N’étant pas un Héraut, il comptait bien arriver vivant à la retraite pour pouvoir profiter un peu de ses petits-enfants. Wylan avait cependant eut la possibilité de refuser, mais tous comptaient sur lui. Il s’était alors dit qu’il valait mieux que ce soit lui. Il était solitaire, et pas très doué pour gérer les sentiments que les autres provoquaient immanquablement chez lui. Sur les routes, avec Kyra pour seule compagne, la vie serait plus simple. Et il aimait se savoir utile, vraiment utile. Sans compter que cela lui donnait quasiment tous les droits: faire subir des interrogatoires à Beltran, bourrer Arthon, se moquer de Aaron. Bref. Le marché qu’il avait passé avec lui-même et avec la couronne n’avait pas été si mauvais. Il ne le regrettait pas.
« Tu sais, si vraiment cela m’avait dérangé, je n’aurais pas accepté. Je déteste parler de ma vie, ce n’est pas pour autant que je suis secret. C’est simplement que je ne peux rien en dire à la majorité des gens. Les autres, soit ils me plaignent, soit ils ont la même réaction que toi, ce ton admirateur, et ça me gêne. Je ne suis pas un héros. Je suis juste un mec qui vit derrière des masques.»
Un peu gêné, il changea de position et de sujet.
« Alors, tu en penses quoi, de cette liqueur? Si je me souviens bien, elle est à base d'herbes celle-là. Un mélange, me demande pas lesquelles. »
-
Le lieutenant écoutait avec attention ce que Wylan lui révélait sur les boucliers. Il faudrait qu'il s’entraîne, c'était indéniable, et surtout qu'il trouve quelqu'un pour le faire. Bizarrement il commençait à hésiter un peu en ce qui concernait l'idée de demander à Feuille... Il n'était pas un élève fabuleux, et il avait peur qu'ils finissent à un moment donné par se lancer des trucs au visage au vu de l'entêtement du guerrier. Mais de toute façon il fallait qu'il le fasse.
« Oui je pense que je n'ai pas fini de m’entraîner dans ce cas là. Je me vois mal d'un seul coup devoir m'arrêter pour penser à monter mes boucliers. »
Ainsi il avait juste entendu la voix de Kyra dans le crâne de Wylan. Cette sensation était étrange, et franchement il aimait l'idée d'être seul dans sa tête au final.
« Je comprends mieux. Comme j'étais parfaitement conscient de ce que je cherchai, et surtout de comment le faire fonctionner, j'ai ressenti l'intervention de Kyra comme quelque chose que je « lisais » à l'intérieur de toi, ce que je cherchai à faire au final. C'est étrange comme sensation. Maintenant de toute façon, j'ai l'habitude qu'on me prenne pour un fou. Tu sais que les hommes me surnomment le porte poisse ? Ils ont l'impression que si ils partent en mission avec moi, ils verront des choses qu'aucun autre être sur terre n'a déjà vu... Autant te dire qu'être pris pour un fou, c'est quelque chose de courant dans mon cas ! »
Il souriait franchement. Tout cela le faisait rire au final, il prenait les choses comme elles venaient, et tant pis si c'était des trucs que le commun des mortels ne connaissaient pas. La seule chose qu'il avait encore du mal à admettre c'était son propre rôle dans tout ça. Etre spectateur était facile, être acteur plus compliqué. Fitz se servit de la flasque tendue par Wylan, écoutant ce que le héraut avait à dire. Il comprenait son choix, enfin tout du moins, il comprenait pourquoi.
« Je vois ce que tu veux dire. C'est ce que je me dis chaque fois que je monte au combat avec ma petite troupe choisie par mes soins. Mieux vaut que je sois en première ligne, moi et ma résistance légendaire, qu'un homme lié comme Kalaïd, ou qu'un être aussi important pour le pays que Beltran. Finalement c'est le même principe. Tant qu'à avoir du sale boulot à faire autant que ce soit moi. »
Et même avec Feuille dans sa vie, ses pensées étaient toujours les même. Si demain il devait choisir des hommes pour une mission suicide, il remplacerait son ami Lieutenant au pied lever. Il adressa un sourire désolé au Héraut.
« Je ne voulais pas te gêner. C'est juste que je comprends les sacrifices que demandent un tel choix de vie, et je sais combien parfois cela peut être lourd à porter. Ho y'a de bons moments c'est certain, mais d'un autre coté... Parfois ça fait du bien de se dire qu'on peut aussi vider son sac. »
Il n'épilogua pas plus, laissant cela derrière eux. Il prit une gorgée de plus du liquide avant de rendre la flasque à Wylan. Voilà une boisson qui passait parfaitement bien après leur éprouvante journée.
«Délicieux vraiment ! Si il y en a assez, je sens que je vais finir par passer une commande ! Enfin si la solde d'un lieutenant peut se permettre un tel breuvage. Et quant aux herbes.... »
Le lieutenant s'humecta les lèvres.
« A mon avis, si à la première gorgée on essaye de savoir ce qu'il y a dedans sans réussir, à la deuxième gorgée on a complètement oublié les questions qu'on se posait, et on se contente de savourer ! »
-
Wylan tenta de rassurer Fitz.
« Ça devient assez vite automatique, tu sais. Et après tu te sens nu quand par hasard tu te retrouves sans bouclier. »
Et cela devenait assez rapidement un effort conscient de ne pas avoir de boucliers dressés. Évidemment, certains Dons poussaient moins à développer des protections puissantes. Mais les Compagnons s’assuraient de leur côté que leur Élu était bien protégé.
« Pfff... tu sais, les soldats sont souvent très terre-à-terre. Si tu fréquentais plus de gens Doués, tu constaterais qu’ils sont tous fous. Les Dons ont un effet intéressant sur les gens je trouve. Déjà, tous les Hérauts ou presque ont l’habitude de raconter tout ce qu’ils font, mentalement et parfois à voix haute. Même ceux qui ne peuvent pas communiquer verbalement avec leur Compagnon. Ils savent que le Lien suffit à transmettre l’essentiel. Alors tu en verras pas mal des gens qui font des trucs étranges. Les Bardes sont, je crois, les pires. Tu sais pourquoi ils reçoivent des cours d’éthique, comme les Guérisseurs? C’est parce que c’est très difficile pour eux de résister à la tentation d’utiliser leur Don pour influencer les autres. J’ai un peu fréquenté la seconde de Riannon. C’est une femme charmante, discrète, intelligente. Mais alors, quand elle te veut dans son lit, je t’assure que tu n’as aucun moyen de refuser. Je ne dis pas qu’elle mésuse de son Don. Mais elle met une telle intensité dans sa voix... pffff. Je préférerais encore défier Beltran en duel que de lui dire non. Et les Guérisseurs... c’est probablement les plus sains de tous. Mais c’est aussi parce qu’ils sont suivis très étroitement pendant leur formation. Tu sais qu’ils peuvent tuer avec le Don de Guérison ? C’est relativement facile, il paraît. Mais tu comprends pourquoi beaucoup sont plutôt du genre coincés. Tu as déjà croisé Charwin ? Lui, je crois qu’il combine toutes les tares possibles. Il est sérieux, rigide, affublé d’un complexe du sauveur pire que le nôtre, et en plus, il est capable de te harceler jusque dans ta propre tête si tu ne suis pas ses recommandations à la lettre. »
Il rit. Charwin était le Guérisseur le plus unanimement détesté du coin.
« Au fait... Kalaïd, lui aussi il possède un Don, non ? Tu as pensé à en parler avec lui ? Tu aurais l’avis d’un soldat bien terre-à-terre. Ça ne peut que t’être bénéfique. »
Wylan avait rarement rencontré quelqu’un qui partageait ne serait-ce qu’un peu sa vision des choses. Il était donc heureux de pouvoir parler de tout ça avec Fitz, qui semblait le comprendre un peu au moins. Mais contrairement au lieutenant, il ne se sacrifiait pas à la place que quelqu’un d’autre. S’il n’avait pas été en mesure de remplacer l’ancien espion, et de ramener ainsi ce domaine de compétence au sein des Hérauts, la Couronne aurait engagé quelqu’un d’autre. Mais personne que Wylan connaissait. S’il refusait demain de partir en mission de l’autre côté des lignes, personne ne devrait s’y rendre à sa place. C’était lui qui avait fait de ce poste ce qu’il était actuellement. L’ancien espion de la Couronne se contentait d’entretenir un réseau d’informateurs un peu partout, et parfois il s’infiltrait. Wylan lui s’était créé une multitude de rôles dans une multitude d’endroits. Il avait sa place partout et obtenait lui-même les informations utiles à son pays. Il utilisait bien évidemment des informateurs, mais il vérifiait toujours par lui-même les informations importantes.
Il sourit à Fitz.
« J’ai peut-être un petit avantage sur toi. J’ai Kyra pour m’écouter quand j’ai besoin de parler. Et je ne suis jamais vraiment seul, car elle m’accompagne en esprit au moins si elle ne peut le faire en personne. »
: C’était gentil, ça... : Le ton de Kyra était empli de chaleur.
Laissant lui aussi cet épineux sujet derrière eux, il reprit la flasque et but une bonne gorgée.
« C’est de la gnôle, tu sais, pas du vin Brolin. On est dans gens simples chez moi. On fait de l’alcool simple. Donc tu as largement de quoi te payer la cuite de ta vie. Si ça t’intéresse, je peux demander à Kyle de te mettre quelques bouteilles de côté dans la prochaine livraison. Sinon je sais que quelques négociants de Haven en ont. Mais je pense qu’ils pratiquent des prix... pour nobles. »
Wylan rit à la boutade de Fitz.
« Ma mère serait ravie de t’entendre. C’est sa recette. » Il jeta un regard à Fitz. « Feuillemalice aussi a beaucoup apprécié...»
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Il avait l'habitude de se sentir nu. Dès qu'il devait poser son arme, le lieutenant avait toujours la sensation qu'un truc lui manquait. Pour certain leur tic était de ne jamais sortir sans manteau, sans chapeau, pour lui c'était de ne pas être sans son arme.
« Il faut que cela devienne une habitude. Je vois ce que tu veux dire. »
Quelques doutes encore sur sa capacité à faire en sorte que cela devienne une vraie habitude, mais il allait y travailler. Le lieutenant souriait quand au reste.
« C'est vrai que je me suis toujours demandé, pourquoi ils n'utilisaient pas plus leur don. Je suppose qu'il y a toujours un risque de mal agir à un moment donné, mais avec la maîtrise vient la sagesse dit-on. Par contre il ne me semble pas avoir croisé ce Charwin encore, mais vu comment tu le décris, il ne me tarde pas! Finalement je me dis que même si on a un don puissant il ne faut pas oublier parfois d'être un humain. Nos défauts et nos envies font partie de nous, il est stupide de les renier ou de les enfermer. C'est un coup à devenir encore plus taré qu'on ne l'est déjà ! »
Une réalité venait de sauter aux yeux de Fitz à la réflexion de Wylan.
« Tu sais que je crois ne jamais avoir parlé de son don à Kalaïd. Je ne me suis jamais demandé comment il le gérait. La dernière fois qu'on s'est retrouvé tout les deux, on a plutôt discuté du vêtement féminin que j'ai trouvé par hasard en m'asseyant sur un fauteuil dans sa chambre. Et ensuite... Le reste du temps on parle guerre, organisation, et autres trucs barbants. »
Il est vrai que cela faisait pas mal de temps qu'il n'avait pas eu l'occasion de se retrouver seul avec le lieutenant afin de parler de la vie, et du reste. Mais cela revenait à ce qu'il voulait déjà faire avec Beltran. Prendre une soirée pour que les gradés arrêtent un instant d'être des gradés. C'était son idée fixe dorénavant, et il comptait bien la mettre en œuvre le plus rapidement possible. D'autres pouvaient très bien faire tourner la boutique pendant une soirée non ?
« C'est vrai que contrairement à d'autres vous n'êtes jamais seul. Je suppose que ce lien donne une force considérable aux hérauts. J'avoue même avoir parfois une légère jalousie à ce sujet, même si je sais très bien que déjà seul dans ma tête c'est le boxon, alors à deux.... Ce serait un véritable massacre. »
Et il en était persuadé. Il lui arrivait régulièrement de s’engueuler mentalement avec lui même, alors si une tierce personne venait à donner son grain de sel, il savait très bien qu'il finirait par ne jamais prendre de décisions. Le lieutenant tiqua un instant au nom de Feuille. Quelques images qu'il avait glané dans l'esprit du Héraut s'imposèrent à lui, mais il les écarta rapidement, adressant un sourire au Héraut.
« Ca ne m'étonne pas vraiment d'elle. C'est vraiment agréable à boire, et si jamais tu retourne bientôt voir ta mère, tu pourras lui dire qu'elle a gagné un nouveau client dans la garde de Haven ! Et je serai ravi que tu arrives à m'en faire mettre quelques unes de coté ! »
Au loin le bruit de Mephisto fit se retourner Fitz. L'animal s'impatientait, il s'ennuyait et tentait visiblement de le faire comprendre à son maître. Quand Fitz leva les yeux au ciel, le soleil commençait doucement à descendre. C'est qu'ils en avaient passé du temps dans ce coin perdu loin de tous.
« Je pense que notre après-midi touche à sa fin. J'ai encore des rapports à récupérer, avant justement de rejoindre Feuille pour un repos plus que mérité à mon avis. Mais avant je tenais à te remercier Wylan, ce que tu as fait pour moi aujourd'hui était vraiment important pour que je commence enfin à accepter ce que je suis devenu. »
Le lieutenant déplia ses jambes, vérifiant comme toujours si tout était toujours à sa place.
« Et si jamais tu as besoin d'un soldat un de ces jours, je serai ravi de t'apporter un coup de main. »
Il regarda sa main gantée, et se mit à rire.
« Quelque soit la main dont tu as besoin ! »
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Wylan n’était pas certain d’avoir tout à fait compris le raisonnement du soldat... l’éthique n’était qu’un guide, on devait s’y conformer tout en restant le plus en accord avec soi-même...
«Le bon-sens aussi dicte l’usage des Dons. Pourquoi s’épuiser à utiliser un Don quand on peut faire autrement? Quant à Charwin, tu le rencontras que s’il t’arrive des bricoles... particulières. C’est lui qui gère la partie de la Maison de Guérison dédiées aux malades psychiques. Donc...»
Le Héraut trouvait toujours très drôle de constater que les gens ne pensaient pas toujours à ce qu’ils avaient sous le nez. Fitz aurait pu commencer par demander à Kalaïd des renseignements sur les Dons. Mais jamais il n’y avait pensé. La pudeur l’en avait peut-être empêché.
Il rit à l’évocation des sujets de conversation entre les deux hommes.
«De vêtement féminin? Quoi, la petite avait abandonné des dessous chez lui?»
La réflexion de Fitz était celle qu’il entendait le plus souvent à propos de la relation Héraut-Compagnon. Il se demandait comme les gens se représentaient ce Lien. Mais sans doute très différemment de ce qu’il était dans les faits.
«On est pas vraiment deux dans une seule tête. On partage une zone commune je dirais.»
Il vida la flasque d’une gorgée.
« Mmmmhh, aucune chance que je la vois avant la fin de... de tout ça. Kyle peut-être si on arrive à se croiser en ville. Ah, Kyle est mon frère aîné. Si tu tombes sur un type avec une tête aussi banale que la mienne, ce sera probablement lui. C’est lui qui vend l’alcool familial. Je lui dirai de t’en livrer.»
Il lui laisserait un mot. Il n’y avait aucune chance qu’il le croise avant son départ, prévu pour le lendemain. Et comme il n’était pas certain de revenir, il préférait que tout soit réglé avant son départ.
Il se releva à son tour.
«Pas de problème. Je dois avouer que ça m’intriguait, ton histoire de Don. Et maintenant j’en sais plus que quiconque sur la question. Je suis donc satisfait.»
Fitz lui proposait ses services. Wylan sourit.
«Je note.»
Il récupéra ses affaires et les deux hommes repartirent vers la cité.
[RP CLOS]