Immédiatement, Méra classa Keryne dans la catégorie élève studieuse. De tous ces gestes se dégageaient une solide volonté de faire juste, bien, exactement comme enseigné. L'enseble manquait cruellement de fantaisie. Mais ça, ce n'était pas quelque chose que Méra pouvait réellement lui reprocher. Elle n'allait pas la critiquer d'appliquer trop bien les enseignements qu'elle avait reçu.
Méra répondit donc à ses attaques avec la même précision et la même application. Finalement, l'exercice était amusant… et pas si simple. Méra, entraînée depuis l'enfance à se battre, s'était totalement approprié son art. Quand elle combattait, elle utilisait indifféremment toutes les écoles qu'on lui avait enseignées. Après tout, ce qui comptait, c'était de rester en vie. Qu'importe les règles rigides de l'escrime. Et Wylan avait su cultiver cette tendance naturelle en élargissant encore sa palette.
Quand Keryne eut ostensiblement terminé sa démonstration, Méra décida qu'il était temps que cette leçon serve à quelque chose. Elle entama une série d'attaques faciles à parer, qu'elle conclut par une feinte. Mais après celle-ci, ce ne fut pas son épée qui profita de l'ouverture, mais son corps tout entier. D'un mouvement fluide, elle pénétra sous la garde de Keryne et lui faucha les jambes grâce à une technique de combat à mains nues très populaires parmi certains ordres religieux. Elle-même se releva souplement et abaissa son épée vers son élève du jour.
«Très bien, Keryne. Tes mouvements montrent que tu as beaucoup travaillé, et ça a payé. Tu es un peu raide sur tes appuis, mais c'est sans doute par volonté de bien faire.» Elle tendit une main à la jeune fille pour l'aider à se relever. «Par contre… un combat, ce n'est pas une démonstration d'escrime.»
:Je ne sais pas ce que j'admire le plus: ton aplomp ou ta mauvaise foi.:
:Moi non plus… mais je pense avoir une légère préférence pour la mauvaise foi.:
«Je sais, c'était juste pour s'échauffer, tu ne t'attendais pas à ce que je combatte sérieusement, tu pensais que j'allais juste jauger ton niveau d'escrime, tu n'étais pas prête…» Ces justifications-là, elle y avait droit tous les jours. Et ça s'entendait dans sa voix. «Tu ne seras jamais prête lors d'un vrai combat, Keryne.» Elle la jaugea un instant avant de sourire largement. «Mais sincèrement, je suis surprise en bien par ton niveau. Du coup… explique-moi ton erreur, comment j'en ai profité et que faire pour ne pas la reproduire?»