Auteur Sujet: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs  (Lu 13369 fois)

Héraut Arthon

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[Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« le: 16 mai 2014, 09:33:43 »
2e jour de la 6e décade de printemps 1481, peu avant minuit

Même de nuit, le Palais-Collegia bruissait et de nombreuses lumières attestaient que certains travaillaient encore ou profitaient de leur soirée avec des amis. Cette nuit-là, malgré le printemps bien installé, le temps était plutôt frais et sentait la pluie. Les nuages cachaient par alternance la lune et les étoiles, et tout semblait calme et tranquille, loin des préoccupations de la guerre qui se préparait.

Puis le silence fut brisé par les sanglots longs du Glas qui se mit à résonner, ses échos envahissant l'air de Haven. Comme des lames déchirant le voile noir de la nuit, l'annonce de la mort d'un Héraut réveilla une bonne moitié du Palais. La tristesse envahit les coeurs. Les gémissements de ceux qui savaient qui venait de trépasser rejoignirent les accents funèbres du Glas. Au coeur des Collegia, certains Hérauts s'effondrèrent, d'autres se réveillèrent en larmes, et certains furent pris d'une colère glaçante qui les submergea.

Dans le Champs des Compagnons, prostré sur le corps de son amie, Arthon ne pouvait même pas pleurer. Près de lui, gisait Gaetan. Le Compagnon était maigre et sale, loin de la majesté habituelle des Compagnons des légendes. Il ne respirait plus et sa tête reposait contre la masse noire des cheveux d'Aranel. Cette dernière, amaigrie également, avait tous les signes d'une forte fièvre et des traces de griffures sur le visage. Elle reposait dans la poussière, à quelques centimètres du Roi en deuil. Ses yeux ne s'ouvriraient plus pour fixer son Roi et lui ordonner de se reposer. Arthon n'avait pas encore terminé le deuil de son père, le Roi Uriens. La vie venait de lui retirer le seul autre soutien dont il avait désespérément besoin. Sa meilleure amie, sa béquille, sa princesse de coeur venait de rejoindre Gaetan dans la mort et l'avait abandonné. Arthon gémit au rythme du Glas, incapable de verser une larme.

Le Roi avait été réveillé en pleine nuit par un appel de Ryis. *L'état de Gaetan empire et Aranel est à son chevet. Ils ne tiendront pas bien longtemps.* A peine vêtu, Arthon s'était précipité au Champ pour offrir son soutien moral et physique à son Héraut. Il était arrivé pour voir Gaetan envelopper Aranel de son amour et se laisser aller au repos éternel. La scène qui suivit, avec Aranel incapable de hurler ou même de respirer, laisserait à Arthon durant des nuits des cauchemars inévitables. Brûlante de fièvre, désespérée, Aranel n'avait même pas vu qu'Arthon la soutenait et la berçait. Elle avait lâché prise, tout simplement, et la fièvre avait baissé jusqu'à laisser un corps froid contre celui de l'Elu de Ryis. Aucun Guérisseur n'aurait pu intervenir à temps même si Ryis avait appelé à l'aide. Arthon l'avait reposée doucement pour qu'elle soit aux côtés de Gaetan et avait reculé de quelques centimètres. Ryis, posté derrière lui, avait attendu avec lui que le Glas annonce la nouvelle au royaume.
L'esprit vide, le Roi regardait le couple décédé et ne pouvait penser à rien d'autre. Il attendait que le Guérisseur le plus proche le rejoigne et confirme l'heure de la mort. Il ne pouvait rien faire, rien penser, même pas pleurer.

[Les Elus peuvent apprendre vite via leurs Compagnons qu'Aranel est décédée ainsi que Gaetan. Les Non-Elus, personne n'accepte de vous parler dans les premiers temps donc vous ignorez qui vient de défunter.]
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Héraut Wylan

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Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #1 le: 16 mai 2014, 11:13:20 »
: Wylan...:

:...:

:Wylan!!:

: Quoi? :

: C'est Aranel... Arthon..:

Sa voix mentale était tellement triste qu'elle réveilla instantanément le Héraut.

: Merde...:

Il sauta hors de son lit, enfila un pantalon, attrapa sa tunique, et sortit en trombe, courant pieds nus sur la pierre froide essayant d'enfiler son vêtement.

: Merde... Merde...  Chier...:

Il entendit le Glas sonner alors qu'il traversait un parterre fleuri, sautant par dessus les massifs. Arrivé au bord du Champs, il accéléra encore. Le sol était glacial et humide, ses pieds nus glissaient dans l'herbe.

: Là-bas.:

Kyra lui indiqua mentalement le bon endroit. Il courait aussi vite que possible...

:Merde...:

Le Héraut du Roi ne s'était jamais remise de la maladie qui avait touché nombre de Hérauts et de Compagnons. Mais contre l'avis de tous, elle avait continué comme si de rien n'était, et Arthon et Wylan s'était résolu à garder le secret. L'Espion avait tenté de se convaincre qu'elle allait mieux, que son entêtement à vouloir faire comme si tout allait bien était un signe qu'elle avait encore la force de continuer. Au fond de lui, il savait qu'il s'était menti pendant des dizaines. Mais... c'était Aranel, sa supérieur directe, la seule personne à part Kyra dont il acceptait les remontrances. C'était... Arthon, Aranel et lui se fréquentaient depuis des années, depuis leurs études.

:Arthon... merde...:

Wylan glissa, et se retrouva le nez dans l'herbe. Il s'autorisa quelques larmes... de douleur, évidemment! Il se releva avec peine et continua sa course. Puis il ralentit. S'arrêta.

« Je...»

Arthon était l'image même de l'orphelin, de la solitude. Wylan se sentait comme un intrus. Où était donc la Reine? Pourquoi lui?

: Parce que tu es un de ses plus vieux amis. Allez, dis quelque chose.: La voix mentale de Kyra était emplie de douleur et de compassion.

« Arthon... je... elle ne souffre plus, ils sont ensemble et heureux, maintenant...»

: Quelles conneries!:

: Calme-toi...:

«NON, JE NE ME CALMERAI PAS!»

Wylan se sentit soudain mortifié d'avoir hurlé de la sorte.

« Je...»

Wylan avait perdu sa légendaire répartie, son cynisme. Il se laissa tomber à côté de Arthon et lui posa une main sur l'épaule.

«Désolé, Arthon.»

Wylan se sentait nul.

: Le Guérisseur Alder arrive. :

Wylan l'entendit arriver. D'après les bruits, Kyra l'avait guidé jusqu'ici. Mais il ne bougea pas, il ne parla pas. Alder ne prononça pas un mot non plus. Il constata rapidement la mort d'Aranel et lui couvrit le visage d'un mouchoir blanc. Il fit un signe de tête à Wylan et repartit, sans doute allait-il appeler des gens pour transporter les deux défunts... Wylan s'en fichait. Les deux corps étendus sur l'herbe n'étaient que des coquilles vides. Aranel et Gaëtan les avaient désertés.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Héraut Keryne

Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #2 le: 16 mai 2014, 17:09:31 »
Keryne se réveilla en sursaut, dans un cri, trempée de sueur et un sentiment de tristesse emplissant son cœur. De quoi était-elle en train de rêver ? Puis elle réalisa soudain qu’une voix dans sa tête l’appelait.

Keryne !

Kaya ! La jeune fille sentit une onde de douleur et de tristesse intense émaner de sa Liée et commença à paniquer :

Qu’est-ce qu’il se passe Kaya ?
C’est le Héraut du Roi, Aranel et son Compagnon, Gaëtan… ils sont…


A cet instant le Glas sonna, annonçant officiellement la sinistre nouvelle. L’Apprentie savait ce que ce son déchirant signifiait, même si elle ne l’avait que peu entendu jusqu’ici. Elle décida de se rendre au champ des Compagnons, pour aller soutenir Kaya et ceux qui en auraient besoin. Elle sauta dans son uniforme de la veille, les yeux encore tout embrumés. Et sans prendre le temps de quoique ce soit, les cheveux en bataille volant tandis qu’elle courrait vers l’endroit où elle devait se rendre, Keryne envoya une onde de réconfort et d’amour à sa Liée.

Je suis là.
Je sais



En arrivant, elle se dirigea d’abord droit vers elle, qui était venue à sa rencontre. Elle passa ses bras frêle autour de son encolure musclée et serra aussi fort qu’elle put, continuant de lui envoyer tout ce qu’elle pouvait de réconfort. Puis après ce court moment en tête à tête, l’apprentie et son Compagnon se dirigèrent vers le lieu où étaient déjà agenouillées deux personnes autour des corps des défunts, le Roi et un autre Héraut, leurs Compagnons à leurs côtés. Un Guérisseur était là également.

Keryne s’arrêta à une distance respectueuse, ne voulant pas importuner les gens en deuil et elle-même adressa quelques mots à une entité là-haut, qui voudrait bien prendre soin de ses nouveaux arrivants, de leur ôter toute souffrance et leur permettre d’être en paix. Kaya était debout à côté d’elle, figée et triste. La jeune fille passa son bras autour de son encolure et posa la tête contre elle. Elle ne connaissait pas personnellement Aranel et Gaëtan, mais elle partageait la souffrance de leurs proches, prête à épauler quiconque en aurait besoin.
« Modifié: 28 juin 2016, 12:29:58 par Thalyana »

Héraut Enora

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Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #3 le: 16 mai 2014, 18:36:19 »
Enora dormait, son sommeil était profond, sans rêve. Depuis qu'elle avait appris à ne dormir que quelques heures, elle ne rêvait plus, sitôt qu'elle s'endormait, c'était le trou noir. Elle se couchait de plus en plus tard, la guerre l'effrayait, elle voulait en faire plus, être prête. Alors, elle s'entraînait encore plus, elle étudiait plus, relisant ses notes de cours jusqu'à très tard la nuit.

Elle s'était couchée une heure plus tôt et là soudain, elle s'éveilla d'une terreur glacée. Elle avait déjà ressenti ça auparavant, elle reconnut la sensation de perte immense, la tristesse, la glace sur son coeur. Elle avait l'impression de suffoquer, puis Jorel fut la, dans son esprit. Il ne pourrait sans doute jamais se parler par l'esprit comme bien d'autres, mais il était là et c'était presque suffisant. Elle sentait sa peine, sa douleur à lui aussi, mais à deux, c'était plus supportable.

Sans même vraiment réfléchir, Enora attrapa son pantalon de la veille et son gilet. Elle ne prit ni la peine de prendre ses bottes, seulement son ceinturon avec son épée. C'était une habitude qu'elle s'était forcée à acquérir dès les annonces de la guerre. En refermant sa main sur l'arme, Enora eut comme un frisson, elle ne voulait pas devenir une guerrière, et pourtant, il semblait bien que ce soit ce que le destin lui préparait. Jorel lui envoya à la fois une vague d'apaisement, et un besoin urgent. Il fallait qu'ils se touchent, qu'ils se réconfortent. Enora se rendit compte qu'elle s'était comme figée en prenant son épée, perdue dans un immense chagrin et dans sa peur qui montait en elle lentement.

Elle la chassa, s'éveillant complètement. Si le destin avait besoin de manieurs d'épée, et bien elle le deviendrait et apprendrait à en être fière. Elle était une apprentie-héraut... et elle ne termina pas sa pensée, revenant à cette douleur sourde qui irradiait de son coeur. Ils avaient perdu un frère ou une soeur. Elle entrevit alors l'image du prince tenant Aranel dans ses bras, Gaëtan décédé tout à côté.

"Non !"

Elle n'avait même plus conscience de s'être mise à courir, d'avoir crié. Elle sauta d'un bond souple, comme Ann'dra le lui avait appris, sur le dos de Jorel et elle se sentit un peu mieux. Elle n'avait plus ressenti un besoin maladif d'être en contact avec Jorel depuis sa première année en gris. Elle lui flatta l'encolure, murmurant des mots de réconfort à son oreille et lui, lui envoyait de l'amour et de la solidarité. Elle sentait sa tristesse autant que la sienne. Ils galopèrent jusqu'à l'endroit où était le Roi.

Enora descendit, mais conserva tout de même sa main sur la crinière de son lié. Elle ne voulait pas être séparée de lui. L'image qui s'offrait à elle était si horrible, si loin de la Aranel que tous avaient vue et connue. Elle aurait voulu pouvoir dire quelque chose, réconforter le Roi, mais les mots restaient coincés dans sa gorge. Elle connaissait plusieurs langues, elle avait joué les ambassadrices auprès des Shin'a'in, elle était rarement à court de perle de sagesse ou de choses à dire... sauf maintenant. Elle ne savait pas quoi dire ou faire pour alléger la peine de son suzerain.

Puis elle remarqua l'absence de Saskia aux côtés de Arthon et elle sentit l'inquiétude monter.

Mais où était donc la princesse consort ?
« Modifié: 20 mai 2014, 14:34:58 par Enora De Lolryn »

Héraut Saskia

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Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #4 le: 16 mai 2014, 20:29:14 »
*Saskia...*

L'interpelée sursauta, se redressant brusquement sur sa chaise. Ses joues rosirent de honte, tandis qu'elle s'était endormie à son bureau.

*Non, ce n'est pas ça, Saskia...*

La voix mentale d'Antéa n'était qu'un murmure. Si elle n'était pas empathe, la Grise sentait cependant la tristesse qui étreignait son Compagnon - et non le ton qui lui reprochait son acte. Elle se frotta les yeux et vit que la nuit était bien avancée : décidément, elle travaillait trop. Elle glissa un marque page dans son livre et dans son cahier de notes avant de chasser, d'un étirement, les fourmis de ses jambes (et d'essuyer discrètement la perle de bave au coin de ses lèvres). Maintenant qu'elle était bien réveillée, elle attendit que son Compagnon reprenne la parole. Mais Antéa semblait hésiter. Beaucoup hésiter...

"Téa ?"
*Je suis désolée, Saskia... C'est Aranel et Gaetan...*

Saskia se redressa brusquement, les sourcils froncés. Elle était au courant du mal qui les rongeait depuis plusieurs mois. Mais en dehors de ses horribles cernes, Aranel semblait en forme. ... Non ? Elle allait mieux, selon ses propres mots. Mais ce fut le Glas qui lui répondit, coupant le souffle de la jeune fille. Saskia retomba en arrière dans son fauteuil, pâle comme un fantôme, le coeur au bord de ses lèvres tremblantes.

- Gaetan... Aranel... Ô, Aranel...

Ses larmes inondèrent ses joues, alors qu'elle peinait toujours à retrouver son souffle. Son coeur se serrait si fort que Saskia se recroquevilla sur elle-même, en une petite boule qui sanglota en silence d'abord. Petit à petit, elle gémit, avant de laisser libre court à sa douleur. Tandis qu'elle répétait, parmi ses larmes, les noms des deux disparus, son esprit l'accablait de tous les souvenirs qu'elle avait eu avec eux deux.

Gaetan, le premier Compagnon qu'elle ait jamais monté.
Aranel, la première personne qui lui avait fait confiance - à elle, la Peste - et qui avait pris le pari de la faire changer, de manière publique, même. Celle qui l'avait toujours soutenue, qui l'avait toujours remise sur le droit chemin, qui l'avait toujours guidée. Celle qui avait été pour Saskia une confidente.

- Maudite sois-tu, Aanor ! MAUDITE DÉESSE !!

Antéa semblait sur le point de protester, mais s'abstint de tout commentaire. Malgré sa propre tristesse, le Compagnon lui envoya une vague de réconfort, essayant de lui faire comprendre qu'elle était là pour elle - et qu'elle aussi aurait bien besoin de quelqu'un. Mais Saskia ne voyait pas plus loin que son nombril pour le moment. Quand bien même elle savait que d'autres Hérauts - dont Arthon - avaient besoin de soutien, elle se retrouva incapable de bouger. Le bruit de la porte la fit sursauter, et sans honte, leva sa tête débraillée pour croiser le regard rougi du héraut roux. Sa lèvre trembla à nouveau, et Saskia se leva d'un bond pour se précipiter dans ses bras :

- Lachlan ! Lachlan, c'est Ar...

Il le savait, sans aucun doute. Il lui rendit son étreinte, oubliant un instant que ce n'était pas du tout dans ses habitudes d'avoir ce genre de geste affectif - encore moins pour son élève personnelle. Ils pleurèrent en silence quelques minutes, avant que Lachlan ne murmure qu'il fallait se rendre au Champ des Compagnons. C'était au-delà de ses forces, Saskia ne pouvait pas. Être confrontée à la mort ? D'une amie en plus ? Elle ne pouvait pas. Elle secoua la tête en signe de négation, et se mordit les lèvres.

- Je... Je ne peux pas.
*Tu le dois, Saskia. En sa mémoire. Et pour soutenir les autres Hérauts. Tu n'es pas seule, tu n'as pas à avoir honte de pleurer : tout le monde est triste. Moi la première... Je te rappelle que Gaetan était le père de Lowi... J'ai besoin de toi, Saskia. Arthon et Ryis aussi... Rejoins-nous.*

Elle baissa la tête, réprimant une nouvelle vague de larmes. Dans un geste très paternel, Lachlan la prit par les épaules, et ils se dirigèrent vers le Champ. Saskia resta près de la barrière, à calmer ses propres pleurs, et à observer tous les hérauts présents - son mentor était parti rejoindre les rares amis qu'il avait. Il était facile de savoir où se trouvaient les deux défunts : tout le monde regardait dans leur direction... Se mordant les lèvres, séchant ses yeux, Saskia passa la barrière et marcha parmi les hérauts. Posant tantôt une main sur une épaule, offrant parfois une étreinte à qui en avait besoin. Il ne fallait pas se leurrer : elle ne le faisait pas complètement par compassion, mais pour retarder le moment fatidique. Celui où cette douleur sourde qui grondait en elle se traduirait, dans la réalité, par deux corps figés, et inertes pour l'éternité.

Antéa vint à la rencontre de son Élue, et Saskia passa ses bras autour de son encolure. Plus loin, Arthon était déjà soutenu par au moins Wylan. Kyra et Ryis cachaient ce que Saskia ne voulait pas voir.

- Je ne peux pas y aller, Antéa. Je ne peux pas, je suis désolée...
*Tu es là, Saskia. C'est tout ce qui compte...*

Et une fois de plus, Saskia se laissa aller aux larmes, tout contre son Compagnon.
« Modifié: 28 juin 2016, 12:30:28 par Thalyana »

Fitz

Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #5 le: 16 mai 2014, 20:45:16 »
Normalement Fitz aurait du être de repos cette  nuit là, mais il avait été bon seigneur, et laissé leur soirée à quelques hommes. L'un d'eux venait d'apprendre qu'il allait être père, et Fitz voulait qu'ils en profitent un peu, il avait donc pris la garde.

La nuit était sombre, légèrement lourde, mais Fitz aimait ça. Il sentait un calme qui lui faisait du bien, et finalement plus la nuit avançait, plus il pensait à Feuille. Elle lui avait fait une mine tellement boudeuse quand il lui avait annoncé que finalement il serait de garde, qu'il avait bien faillit tout envoyer balader et rester avec elle.

Mais le capitaine était soucieux ces derniers temps, et Fitz devait faire en sorte de le rassurer. Le risque des attaques se précisaient, et ils savaient tous qu'il n'était qu'une question de temps avant que l'ennemi ne passe la frontière. Des hommes dont l'esprit aurait été occupé par une femme enceinte, n'auraient pas fait le travail correctement, et il fallait parfois laisser un peu de liberté à leurs hommes pour obtenir d'eux le meilleur.

Le frisson qui parcourut l'échine de Fitz n'avait rien à voir avec la température de la nuit. Le glas... Sa première pensée fut simple:

Encore?

La dernière fois cela annonçait la mort du roi. Et tout ce qui en avait découlé de plus ou moins joyeux. Fitz fit un rapide tour de ses connaissances.

Arthon,
Wylan,
Aranel...

Cela ne pouvait pas être un de ses élèves, ce n'était pas possible, elles étaient bien trop jeune. Et un ennemi n'aurait pas pu rentrer, ce n'était pas possible! Il devait savoir, il devait comprendre.

L'homme partit au pas de course, il devait trouver le capitaine, il devait trouver le roi, il devait vérifier... Il voulait être sur. Il empoigna sa hache, avançant comme si sa vie en dépendait. Mais il devait aussi faire ce pour quoi on l'avait engagé: Veiller à ce que Valdemar soit protégé.
Prenant au passage deux hommes de garde qu'il connaissait bien, avec lui, et ordonnant aux autres visiblement ahuris par le son de tenir leur poste, et surtout d'ouvrir l'oeil. Avisant un gamin qui sortait visiblement emplie de curiosité, il lui ordonna de courir à la caserne demander aux hommes de s'armer et d'attendre les ordres.

Vérifiant que le gamin partait bien dans la bonne direction, il lui hurla pour la forme:

«Et si on te demande dis que c'est le lieutenant Fitz qui t'envoie »

Ses hommes avaient l'habitude de voir des gamins débarquer avec des ordre du lieutenant, et Fitz savait que l'avantage d'un gosse c'est qu'il se débrouille toujours pour atteindre le lieu qu'on lui a demandé. La peur le tenaillait. Le peu de héraut qu'il côtoyait, il avait appris à les aimer, et certains avaient même une place spéciale dans sa vie.

Il pensa à sa discussion avec le prince devenu roi.
Il se rappela sa première rencontre avec Aranel qui devint par la même occasion la première personne à compter pour Fitz au collégium.
Et il se rappela cette soirée de beuverie avec Wylan qu'il avait d'un seul coup appris à mieux connaitre.

Une pensée lui effleura l'esprit... Mais non la bière du tavernier pouvait pas être mauvaise à ce point.
Et alors que ses hommes peinaient à tenir l'allure du lieutenant, le champ des compagnons étaient déjà en vue, et plus ils s'approchaient, plus l'homme sentait une boule se former au fond de la gorge. La mort d'une personne était toujours triste, mais si Fitz connaissait la personne.... Sa main se serra autour de sa hache.

Quand ils furent a portée, Fitz montra d'un geste vif chaque coin, et ses hommes comme dans un ballet bien rodé s'éparpillèrent pour vérifier le lieux. Le lieutenant Avisa le roi. Sa pensée alla directement vers son élève de fortune, la jeune reine. Mais non il put remarquer aussi qu'elle n'était pas loin.
La douleur qui se lisait sur le visage, laissait le lieutenant esseulé. Il n'était pas un d'eux, il ne partageait pas leur lien, ni même leurs amitiés. Et finalement il n'était là qu'en soldat, tachant de faire son travail, en vérifiant ce qui venait de se passer, pourquoi, et surtout avait-il quelqu'un à chasser et tuer pour ce crime?

Il n'avait aucun droit de pleurer avec eux, il ne savait même pas qui pouvait bien être la victime. Mais ses pensées était claire, peut être même égoïste, surement même...

*Aanor, si je suis vraiment ton glaive, si je ne peux te demander qu'une chose, qu'une fois, ne me refais pas vivre ça. Ne me refais pas perdre quelqu'un que j'aime.*

Il se foutait des dieux, et des déesses, il ne croyait qu'en lui... Mais là ce soir, il voulait bien croire en ce qu'on lui demandait.

Le lieutenant se posta au plus près que la décence le lui permettait, attendant qu'on lui donne un ordre quelconque, un ordre direct, qu'on lui dise si il devait faire quelque chose. Ses hommes lui lancèrent un regard, simple: ils ne voyaient rien. D'un geste de la main il les intima de rester sur place, et attendit.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »
"Ça marchait vachement moins bien, un cerveau avec une hache au milieu." -Isabeau-

Héraut Jalena

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Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #6 le: 16 mai 2014, 21:08:22 »
Jalena fut réveillée en sursaut, en sueur. Son coeur affolé faisait battre le sang dans ses tempes, au rythme d'un son qu'elle eut du mal à identifier tout de suite. Elle se redressa rapidement dans son lit et, affolée, érigea plusieurs boucliers autour de son esprit. Elle savait que ce genre d'événement rendait les boucliers des hérauts plus vulnérables - et leurs pensées trop fortes, au point qu'elle les entendait sans le vouloir...

"Sakura ??"
*Jalena... Jalena, c'est Gaetan, il nous... Il...*

La héraut plaça une main devant ses lèvres tremblantes. Par la Dame... Elle poussa les draps sur le côté et s'habilla chaudement avant de sortir. Aranel avait été parmi les hérauts à l'accueillir à Haven. Elle était une amie, une collègue. Elle n'arrivait pas à y croire. Jalena était inquiète, mais elle n'arrivait pas à pleurer, tant elle n'y croyait pas. Elle courut jusqu'au Champ, et trop rapidement, elle les vit : Gaetan et Aranel, le visage couvert d'un mouchoir blanc.

Alors à ce moment-là, les larmes lui piquèrent les yeux, et son souffle la fit hoqueter. Telle un fantôme, elle marcha parmi les siens, se coupant de leurs pensées, et se dirigeant vers Sakura pour la consoler, et se soutenir mutuellement. Et au bout de quelques minutes, elle releva la tête pour trouver le courage de s'approcher de Arthon et Wylan. Elle posa une main compatissante - et maladroite - sur l'épaule du roi devant lequel elle était agenouillée :

"Arthon, si je peux faire quoi que ce soit... Tu me dis..."

Elle serra brièvement son épaule avant de se relever. Être ici, parmi tant de ses confrères tristes, la mettait terriblement mal à l'aise - Sakura aussi s'était détachée de ses confrères - alors elle s'apprêta à repartir... Avant d'être surprise par la présence de Fitz et de quelques uns de ses soldats. Elle s'approcha de lui, et Jalena força un sourire à étirer ses lèvres. Ce fut un terrible échec. L'avantage d'être muette, c'est que sa voix mentale restait claire malgré tout. Que dire, en dehors de l'évidence ? Une évidence dont il ne devait pas être au courant...

"C'est le Héraut du Roi... Aranel et Gaetan nous ont quittés."

Tournant le dos au Champ des Compagnons, plein de chevaux blancs et de Hérauts qui lui faisaient terriblement penser à une horde de fantômes, Jalena s'appuya à la barrière, et ses épaules s'affaissèrent tandis qu'elle se demandait quel serait l'avenir de Valdemar...
« Modifié: 28 juin 2016, 12:32:10 par Thalyana »

Héraut Irmingarde

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Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #7 le: 16 mai 2014, 23:36:51 »
Le sommeil de Mina était plutôt paisible jusqu'alors. Elle n'avait pas passé la nuit dans sa chambre, mais dans celle de Beltran, ce qu'elle faisait quand elle passait la soirée chez lui. Le lit était diablement confortable, et si le Capitaine ne la collait pas, sa présence était réconfortante, protectrice. Elle dormait bien chez lui.

Aussi, son réveil brutal fut d'autant plus difficile. Un instant, elle dormait, la seconde d'après, elle était assise dans le lit, tellement paniquée qu'elle aurait pu mettre le feu aux draps. Elle avait des sueurs froides, et le son du Glas morbide qui résonnait partout se répercutait jusque dans les moindres recoins de son corps. Elle se sentait triste, nauséeuse, en colère, révoltée...

Ignorant tout ce qui n'était pas elle, sa peine, et celle immense de son Compagnon qui irradiait son coeur, elle se leva brusquement, s’emmêlant les pieds dans la couvertures, manquant tomber et s'accrochant au lit. A la faveur de l'obscurité absolue, elle retira sa chemise de nuit et sauta dans son uniforme froissé. La question que Beltran puisse voir quelque chose ou pas ne l'effleura pas puisqu'elle ne pensait même pas à son existence à cet instant précis. Encore titubante, elle se cogna au lit, sur le coffre, contre la porte... Si le Glas n'avait pas réveillé Beltran, nul doute que le raffut du diable qu'elle faisait l'avait fait!

Quand elle sorti, l'air frais ne lui fit aucun bien. Ezarell l'attendait déjà, et d'un bond, elle sauta sur son dos. Elles n'avaient pas encore parlé, son Compagnon parce qu'elle était triste, Mina parce qu'elle ne savait pas si elle voulait savoir.
Et finalement:

"Qui?"
"Aranel, et Gaëtan..."


Mina fut si choquée qu'elle failli en tomber d'Ezarell comme une masse. Le Héraut du Roi?
Avant d'avoir pu y réfléchir plus, elle se retrouva dans le champs, et la vue qui s’étalait devant elle lui souleva le cœur. Il y avait du monde, beaucoup de monde, beaucoup de peine partagée, palpable, comme quand on sent l'air s’électrifier avant un orage. C'est au milieu du champs que le Héraut du Roi et son Compagnon avaient choisis de mourir. Le symbole était poignant.

D'Aranel, Irmingarde ne savait que peu de chose tant les occasions de se rencontrer avaient été peu nombreuses. Elle l'avait toujours grandement impressionnée, et elle l'admirait. De temps en temps, elle la voyait traverser les couloirs, des cernes si creusées qu'elle s'était demandée jusqu'à quel point l'honneur et le devoir pouvait vous faire tenir debout.

"Jusqu'au bout..." gémit Ezarell qui pleurait la perte du Héraut du Roi, et plus encore celle d'un ami Compagnon.

Mina descendit de son Compagnon, et comme bien d'autres Héraut et apprentis l’entoura de ses bras, cherchant du réconfort, essayant de lui en offrir aussi.
Puis enfin elle s'approcha. Voir Arthon écroulé au sol, plié par la douleur de cette perte lui fit venir les larmes aux yeux. Mais elle les ravala sous le choc de voir de ses yeux le corps sans vie d'Aranel, et celui de Gaëtan. C'était comme le reflet d'un avenir possible, à tous ceux qui étaient présent cette nuit. La guerre était à nos portes, des Hérauts allaient mourir, des Gris aussi, les prochaines décades allaient être dévastatrices. Les champs de bataille offrirait ce genre de spectacle horrible.

Arthon était déjà entouré d'un soutien. Mina ne savait pas qui c'était, même si sa silhouette lui disait furieusement quelque chose. C'était bien, il devait être entouré. Elle ne voyait pas Saskia mais nul doute que le Princesse Consort n'allait pas tarder. Et voilà, en plus de souffrir d'avoir perdu le Héraut du Roi, une sœur de cercle et de ressentir la douleur de son Compagnon, la jeune femme frémit en pensant à celle qui devait déchirer Saskia.

Et puis... Une guerre, et un jeune Roi qui allait devoir composer avec un nouveau Héraut du Roi, établir une relation qui était juste essentielle en temps de guerre avec... avec il ne savait qui pour le moment, mais quelqu'un qui devrait se battre contre le fantôme d'une femme d’exception. C'était tout sauf le bon moment.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Kalaïd

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Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #8 le: 17 mai 2014, 00:49:08 »
Kalaïd ne se trouvait pas chez Thalyana. Certes, il aimait bien son nouvel appartement, et ses quartiers de Lieutenant aussi. Mais depuis qu'il était de nouveau engagé sur un front et dans la préparation d'un conflit de masse, il retrouvait certains réflexes. Par exemple celui de dormir beaucoup moins, d'avoir toujours une oreille tendue qui lit les sons environnants. Et de penser à ses camarades au combat lorsque lui ne s'y trouve pas. Il avait l'Amour ici, il avait sa vie, son avenir, et tellement d'autres choses. Mais ce qui se passait là-bas, à des lieues de cette paisible soirée, ça le hantait comme souvent. A une telle distance, il ne pouvait deviner quel était leur sort à l'heure actuelle. Il ne pouvait que supposer, il pouvait se passer tellement de choses sur un champ de bataille en un minimum de temps...

Perdu dans ses pensées, le jeune Lieutenant marchait tranquillement en direction des écuries, croquant de temps à autre dans l'une des deux pommes qu'il avait volé dans la chambre de Thalyana. La nuit était très calme, seuls quelques sons lui parvenaient du lointain. Il n'était pas encore minuit, et il sentait que le sommeil ne viendrait que bien plus tard cette nuit. Aussi rendait-il hommage à un autre réflexe développé sur les champs de bataille : apporter une pomme à Elazur en pleine nuit. Il était son meilleur compagnon d'insomnie, le plus attentif à n'en pas douter.

Une silhouette au loin, plus que familière. La hache ne laissait aucun doute... Le pied posé sur le rebord d'une margelle, Kalaïd croqua dans l'une des deux pommes. Ils n'avaient pas eu le temps de discuter avec Fitz depuis qu'ils étaient revenus à Haven. Son ami avait sacrifié de son temps pour pouvoir lui laisser sa soirée avec son aimée, et ironie du sort il n'arrivait pas à dormir près de Thalyana ce soir. Il avait néanmoins pu se ressourcer en sa présence, sentir l'énergie qui filtrait au travers de leur Lien. Sentir la force tranquille qui émanait de tout son être lorsqu'elle était près de lui. Tout n'était qu'amour en elle, et chaque fois qu'il posait ses yeux sur Thalyana, il ressentait une vague de calme et de volupté, une tendresse qu'il n'avait jamais éprouvé par le passé...

A quelques pas des écuries, un son attira subitement son attention. Le Glas... Kalaïd lâcha sa pomme et saisit la porte des écuries à deux mains, l'ouvrant grand d'un geste. Le Glas qui retentissait à cette heure...

- Désolé camarade je viens te chercher tardivement et à la hâte..., lança-t-il en guise de salut à Elazur. Laisse tomber l'équipement, il se passe quelque chose dehors, je ne sais pas, je le sent pas...

Joignant le geste à la parole, il laissa la selle de côté et saisi le crin de son compagnon pour l'enfourcher avant que le duo ne s'élance au galop. Un coup d'oeil lui permit de voir Fitz disparaître en direction du Champ.

- Bon sang, mais qu'est-ce qui se passe là-bas...

Même s'il doutait qu'il en eut vraiment besoin, la lame de son épée brillait déjà dans le prolongement de son bras. Comment une attaque aurait-elle put avoir lieu au beau milieu de Haven, alors même qu'un tiers de l'armée s'y trouvait ? Le bras de l'ennemi aurait bien grandit s'il pouvait les atteindre jusqu'ici...

Seuls quelques coups de sabots donnés fougueusement furent nécessaires pour s'approcher de l'objectif. Sans attendre qu'Elazur s'arrête, Kalaïd passa la jambe par dessus la selle et se laissa glisser au sol avant de fouler en courant le Champ, pour s'immobiliser à peine quelques pas plus loin. Visiblement, il n'y avait aucune bataille en ce lieu, et si combat il y avait eu, il était perdu depuis longtemps... Fitz était déjà sur place, ainsi que quelques hommes.

Kalaïd n'avait pas envie de savoir, il ressentait comme un sentiment d’écœurement. Il ne voulait pas voir les corps qui gisaient à quelques dizaines de mètres de lui. Il n'entendait que trop les échos que portaient les murmures alentours... Le Héraut du Roi... Impensable... Il n'avait pas vu Aranel depuis... Des lustres. Il était loin de se douter que son état était tel que... C'était incroyable. Comment cela pouvait-il arriver maintenant ? Absorbé par les préparatifs militaires et la planification de la défense de Haven, le Lieutenant n'avait pas pu voir certaines choses, il ne s'était pas occupé de certaines rumeurs, n'avait pas assez écouté pour pouvoir se tenir au courant depuis le front de tout ce qui se passait dans le pays. Aussi était-il particulièrement surpris et frappé de voir cette évidence. Il se demandait même si les gens qui l'entouraient étaient au courant que cela allait arriver. Tout n'était que peine et chagrin autour de lui, nul besoin de don empathique pour se rendre compte du malheur qui frappait chacun de ceux qui l'entouraient.

Sans quitter le Roi des yeux, Kalaïd remit sa lame à son fourreau et appela Elazur d'un geste. Son compagnon vint placer sa tête au creux de sa main. Le caressant doucement sur le chanfrein, il saisit sa crinière et se hissa doucement sur son dos.
A demi tourné sur sa selle, il quitta le Champ calmement, au pas. Que faire d'autre, il ne pouvait plus rien maintenant. Et garder un œil sur le Roi ? Il ne le voyait déjà presque plus, sa vue se brouillant à mesure qu'il s'éloignait et que le nombre de témoins de sa peine s'amenuisait...
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »
«Personnellement je ne pense pas que le Commandant Beltran m'ait recruté en fonction de ma capacité à manier un rasoir.»
Kalaïd, 7e décade de printemps 1481

Beltran

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Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #9 le: 17 mai 2014, 18:54:20 »
Beltran ne dormait jamais profondément en période de stress et encore moins lorsqu'Irmingarde partageait son lit. Il fut soudainement éveillé par la demoiselle qui se dressait dans le lit - entendit au même moment le Glas et des sanglots d'enfant dans la chambre d'à côté. Il laissa Irmingarde presque s'enfuir en hâte, n'essayant même pas de la retenir ou de l'accompagner. Il essayait de faire une liste mentale des Hérauts en mission qui auraient pu mourir. Ceux à Rethwellan étaient sur le chemin du retour mais cela aurait pu mal tourner. Le Héraut en mission officielle à la cour de Hardorn n'avait pas que des amis mais personne n'assassinerait un ambassadeur officiel à moins qu'il ne puisse prouver un truc énorme. Ceux envoyés à Karse n'avaient rien signalé de directement inquiétant dans leurs environs. Les noms défilaient dans l'esprit du soldat, avec chacun son lot de probabilités qu'il soit mort et que Valdemar ait perdu un précieux informateur en plus d'une vie humaine. Quelques noms au Palais lui vinrent bien à l'esprit mais personne n'était réellement en danger de mort au sein même de Haven.
Les pleurs d'enfant continuaient, plus fort. Beltran rejeta la couverture d'un coup de pied et se redressa d'un bond. Avec la force de l'habitude, il trouva ses vêtements, ceignit sa ceinture et prit ses armes puis il quitta les appartements. Il alla frapper à la porte d'à côté dans le couloir, où Liane et sa nourrice logeaient pour le moment. La nourrice en vêtements de nuit, Liane en sanglots dans les bras, vint ouvrir. L'enfant tendit les bras vers son père qui la prit automatiquement et la serra contre lui.

Ils sont tous tristes. Ils pleurent. Un Blanc il est mort et la Blanche aussi. Le papa d'Adrian pleure. Papa, j'ai peur. lui hurla mentalement l'enfant dans la tête.
Vainquant son premier réflexe face à ce mode de communication, Beltran berça sa fille et à voix haute lui promit:
"Je vais aller voir tout ça et tout organiser pour que rien d'autre n'arrive. Ils ont besoin de moi pour tout organiser d'accord. Toi tu restes avec ta nourrice bien à l'abri et je viens te voir quand c'est fini. Les adultes ont beaucoup de chagrin mais ce n'est pas dangereux. Essaye de te concentrer sur autre chose. Sur la musique par exemple. Quand je reviens, je te montrerai que tout va bien. D'accord?"

Il la berça encore un moment jusqu'à ce qu'elle se calme et accepte de le lâcher. Il la rendit à la nourrice qui alla les enfermer dans les appartements avant de partir au pas de charge en direction du Champs. Si un Compagnon était mort, la source d'information principale serait au Champ avec une assemblée de Hérauts en deuil. Peu joyeux espoir, mais le Capitaine devait voir les conséquences derrière la perte et non une victime en particulier. Il croisa dans les couloirs quelques gradés venant aux nouvelles. Il fit signe à certains de le suivre et ordonna à d'autres d'aller tenir les hommes éveillés prêts à agir vite si nécessaire - les autres ordres ne devraient pas tarder à arriver.

Suivi de trois de ses hommes, Beltran prit le chemin du Champs. Il était en retard sur l'action à cause de Liane et des quelques ordres qu'il avait dû donner, mais cela lui permit une vision d'ensemble. Et la vision n'était guère celle qu'il aurait voulu avoir. Sur le chemin, il capta du coin de l'oeil Kalaïd qui s'en allait et le héla:

"Lieutenant, prenez quelques hommes et sécurisez le Champs. Personne ne doit déranger les Hérauts en deuil. Une fois ceci fait, assurez-vous que la garde aux portes du Palais et aux portes de Haven soit doublée. Réveillez des régiments si nécessaires. J'aurais besoin de quelques hommes avec moi pour rester à portée du Roi et des membres du Conseil."

Sans attendre, Beltran s'éloigna du lieutenant pour rejoindre enfin le lieu où tout le Collegium semblait s'être donné rendez-vous. Il ne mit guère de temps à repérer Fitz. Le deuxième lieutenant avait déjà sécurisé les lieux. Beltran s'approcha de lui, et à mi-voix lui rappela les ordres dont il venait de charger Kalaïd. Il ajouta:

"Restez à proximité pour le moment, ne bougez pas, ne vous mettez pas en travers du chemin des Compagnons ou des Hérauts mais ouvrez l'oeil. J'aurai peut-être besoin de vous si le roi..."

Il ne finit pas sa phrase. Il venait de reconnaitre la chevelure sur le sol près d'Arthon. De tels cheveux ne pouvaient qu'appartenir à une personne. La seule qui ne lui était pas venue à l'esprit quand il avait fait sa liste de victimes potentielles. La seule qui ne devait absolument pas mourir tant que la guerre n'était pas fini. La seule qui pourrait donner envie de pleurer au Capitaine. Arthon était l'image même du chagrin. Il ne pleurait pas, ne réagissait pas, prostré sur le corps de son amie. Saskia n'était pas à ses côtés. Certaines douleurs ne pouvaient pas être partagées. Wylan était près de son roi, soutien silencieux. Beltran se rappela qu'il avait fait ses études avec Aranel et qu'en tant que chef directe, elle était une des rares personnes à faire réellement partie de sa vie. Wylan n'était pas un sentimental. Beltran non plus. Mais si le coeur de Beltran saignait devant le départ d'Aranel, il n'osait imaginer l'état dans lequel était son cousin.

Reprenant ses réflexes de soldat pour supporter la douleur, Beltran observa les alentours. Il repéra des couples Héraut-Compagnons qu'il connaissait. Il vit Irmingarde plus loin, pâle et l'air défait. La princesse était derrière Ryis et Kyra. Personne n'osait approcher plus près les deux Hérauts prostrés. Les Guérisseurs attendaient à l'écart, leur rôle déjà fini. Beltran ravala la boule dans sa gorge et fit un rapide état des lieux. Il réfléchit aux conséquences de la mort d'Aranel. Il faudrait un nouveau Compagnon sorti du bosquet. Il faudrait un nouvel Elu. Si les Dieux étaient avec eux, ce serait un homme ou une femme déjà formés et prêts à l'emploi et non un gamin sans expérience - mais les Dieux étaient souvent cruels et joueurs. Il faudrait le temps au Roi de se remettre de la perte non seulement de son Héraut mais de sa meilleure amie, quasiment sa soeur. Il faudrait que le nouveau Héraut prenne son rôle et en apprenne les subtilités. Qu'il se fasse à ses partenaires et ses employés. Or, ils n'avaient pas le temps que tout ceci se fasse en douceur avec ce qui s'annonçait. Le poids du Royaume sur les épaules d'Arthon devait être insoutenable. Donc il fallait réagir et ne pas le laisser s'enfermer dans la spirale du deuil.

Ignorant les présents, Beltran rejoignit les corps blancs dans l'herbe. Il s'agenouilla près de Arthon et il lui parla très doucement, entendu uniquement par le Roi et Wylan à son côté.

"Mon Roi, il faut donner les derniers honneurs à Aranel. Elle n'aurait pas voulu que nous restions inutiles à attendre en vain. Elle ... a rejoint Gaetan et c'est ce qu'on peut lui souhaiter de mieux. Ton deuil doit être respecté mais le royaume passe avant. Nous ne pouvons pas laisser croire que le gouvernement s'effondre parce que le Roi a été touché. Les pleurs viendront plus tard. Raccroche-toi au devoir. Nous devons faire le nécessaire."

Arthon leva un regard vide vers Beltran puis se tourna vers Wylan:

"Aranel... Comment ... Je ne peux pas."

Beltran posa la main sur l'épaule de son souverain:

"Je m'occupe de parer au plus pressé. Redresse toi et fais mine de prendre les décisions. Wylan, sois son soutien tant que tu peux. S'il faut que tu le fasse boire pour qu'il tienne debout, j'en prends la responsabilité."

Il se releva et fit signe à Fitz:

"Nous allons transporter le corps de Gaetan à la chapelle du Champs. Prends des hommes pour lui faire une garde d'honneur et demande à des Compagnons te vous aider à le transporter. Il aura les mêmes funérailles qu'Aranel. Qu'il soit apprêté pour la parade et que le Grand Prêtre soit prévenu. Ah et qu'on fasse porter du thé chaud, des bougies et des couvertures aux gens qui veulent rester rendre honneur à... qui veulent rester leur rendre honneur. "

Se tournant de nouveau vers Arthon et Wylan il demanda:

"Est-ce qu'Aranel était d'une confession particulière? Je vais m'occuper personnellement de... la faire habiller selon son rang et de préparer la veillée. Arthon. Nous sommes là. Ta douleur est la nôtre. Ta famille est là pour toi. Ils sont tous là, regarde." Il désigna les silhouettes fantomatiques près d'eux.

Incapable d'être plus expressif, le Capitaine se pencha sur le corps d'Aranel et lui souffla quelques mots à l'oreille. Son adieu ne prit que quelques secondes puis il fit signe aux Guérisseurs qu'il était temps de porter le corps à l'abri. Arthon ne réagit pas, même quand Ryis le poussa doucement par le museau.

Soudain il releva la tête et regarda Wylan:

"Qui est Alemdar?"
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Héraut Wylan

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Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #10 le: 17 mai 2014, 20:17:53 »
Wylan avait senti plusieurs esprits s'approcher d'eux. Aucun n'avait osé franchir le rempart formé par Kyra et Ryis, qui protégeaient de leur corps massif la pudeur de leur Élu. Wylan se demanda pourquoi Saskia ne venait pas. C'était son époux qui était prostré dans l'herbe. Lui-même n'était pour Arthon qu'un vieux camarade, un emmerdeur sans lequel il aurait peut-être eu moins de soucis.

Soudain, Beltran fut là. Beltran toujours si grand et fort, toujours si droit. Beltran qui faisait passer le devoir avant tout le reste. Wylan le haït pour ses paroles, mais au fond de lui, il savait que son cousin avait raison. Il se redressa un peu, chassant l'humidité qui perlait au coin de ses yeux. Mais Arthon, lui, n'était pas capable d'une telle maîtrise sur lui. Il ne parvenait pas à détacher son regard d'Aranel.

Alors Beltran lui confia à lui, Wylan, l'être le moins doué pour gérer les sentiments, la responsabilité de remettre le Roi en selle.

«Mais... Beltran?» Lui-même n'était pas certain de tenir sur ses jambes. «D'accord.»

Wylan se releva doucement. Kyra vint instantanément se placer derrière lui pour le soutenir. Il avait les jambes tremblantes. Pour Wylan, la mort était une vieille compagne qui vous enlevait dans une gerbe de sang, avec panache. Ça... mourir ainsi. Il eut un haut-le-corps. Il lui faudrait de nombreux verres pour être capable de fonctionner à nouveau.

 L'Espion se pencha sur son Roi et l'attrapa pour l'aider à se mettre debout. Mais celui-ci n'essaya même pas de suivre son mouvement et lui posa la plus étrange des questions. Alem?

«Le gamin? Le Bâtard de Gedric? C'est le grand frère du Prince Rafalentha. Celui qui était... tu sais... possédé. Il ...»

:Me dis pas que?:

: Si...:

:Je... je... je vais te tuer.!:

«Sérieusement, Arthon? Je... ce n'est pas possible... Je...»

Il était trop abasourdi pour parler. La gamin... le bâtard... Était-ce du soulagement qu'il ressentait? Le Héraut du Roi... Alem.... qui ne partirait donc plus...

«Allez, debout! Tu ne vas pas accueillir ton nouveau Héraut comme ça! Pense à ce que Aranel aurait dit en te voyant te comporter de la sorte. Pour elle qui plus est... Elle doit t'insulter depuis les Limbes de son repos éternel....»

Il hissa le Roi sur ses jambes, ne lui laissant aucun choix et à peine plus de dignité. Il lui passa un bras sous l'épaule et s'efforça de le maintenir stable. Ils n'iraient pas loin ainsi. Dire qu'il n'avait rien à donner au Roi pour anesthésier sa douleur... et la sienne aussi.

: Que quelqu'un bouge ses fesses et vienne m'aider!: hurla-t-il mentalement à la ronde. Ce n'était pas très délicat, ni même très protocolaire, mais il ne parviendrait pas à porter son ami très longtemps encore.

Il était redevenu un peu le Wylan habituel, celui qui ne tergiversait pas, celui qui agissait.
« Modifié: 28 juin 2016, 12:37:21 par Héraut Wylan »

Héraut Irmingarde

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Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #11 le: 17 mai 2014, 21:42:59 »
Irmingarde vit arriver, peu après elle, Beltran. Il prit visiblement les choses en main quant à la suite des évènements, et essaya de soutenir son Roi. Mais la jeune femme ne s'en émut même pas, toute entière à sa tristesse. Perdre un Héraut, fusse celui du Roi, c'était comme un perdre un morceau de soi-même. Plus elle avançait dans sa formation de Héraut, plus elle y devenait sensible, on l'avait prévenu.

:Nom d'un Kyree...:

La voix mentale d'Ezarell sortir Mina de son hébétude. Son Compagnon était visiblement assez surprise pour s'offusquer. Mais de quoi?

:Un problème? Enfin, un autre problème?:
:Le nouvel Héraut du Roi...:
:Déjà élu?!:
:Oui, et le choix de Taver est surprenant...:
:Qui?:
:Alemdar. Le bâtard royal de Rethwellan!:
:Celui sur qui tu me racontais des ragots l'autre jour?! :
:Lui-même. :
:Est-ce qu'il sera...:
:... à la hauteur? Je le pense, si Taver l'a choisi. C'est même sûrement une des raisons qui ont poussé cet homme à venir ici. Cela dit... cet homme, ou plutôt ce Héraut, a un caractère épouvantable, sans compter tous les problèmes qu'il semble trainer avec lui de partout:
:L'avenir nous dira si le choix a été juste...:
:Alemdar n'aura pas le temps de faire des erreurs, ou c'est le pays qui n'aura pas d'avenir...:


Sur cet échange plutôt effrayant, Mina reporta son attention sur le Roi. Puis son esprit fut secoué par une autre voix, celle du Héraut qui soutenait Arthon.

:Wylan: lui indiqua Ezarell.
:Ah c'est donc lui...:

Elles ne discutèrent pas plus de l'identité du cousin de Beltran et Irmingarde s'avança pour apporter son aide pendant que son Compagnon allait faire de même pour le corps sans vie de Gaëtan. Saskia n'était toujours pas là pour soutenir son époux, alors elle le fit. Se plaçant de l'autre côté d'Arthon, elle passa son bras autour de lui, bloquant sa main sous son bras droit, pour qu'il ne tombe pas. D'ici, elle voyait encore mieux la scène macabre mais mis sa douleur en sourdine afin d'aider le Roi. Elle regarda Wylan et lui parla par esprit, pour ne troubler personne:

:Qu'est-ce qu'on fait Héraut Wylan? Ou va-t-on?

Arthon pesait lourd mais ça irait. Ca devait aller. Personne ne devait se laisser abattre. Surtout pas le Roi. Surtout pas maintenant.

"Majesté... Arthon, venez avec nous nous allons... nous occuper de vous."
« Modifié: 17 mai 2014, 23:25:07 par Irmingarde »

Fitz

Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #12 le: 17 mai 2014, 22:34:17 »
Les hérauts étaient de plus en plus nombreux dans le champ, des yeux Fitz cherchait par tous les moyens à contenir tout risque. Mais ses hommes semblaient persuadés que tout allait bien... Si on faisait exception de la douleur qu'il lisait sur chaque visage à ses cotés.

Et lui pour l'instant ne savait rien, et cela le tiraillait au plus profond de son être. Les visages de héraut qu'il connaissait, il ne les retrouvait pas, il ne les voyait pas, excepté le roi, et le sentiment qui le prenait à la gorge se faisait si présent, qu'il était finalement heureux que le silence soit de mise, il aurait été incapable de parler à ses hommes pour donner des ordres.

Ce fut Jalena la première qui brisa ce silence. Enfin... Le silence du crâne du lieutenant seulement. Il reconnut assez vite la jeune femme, qu'il avait déjà croisé, et dans des circonstances similaires. Lorsqu'elle s'adressa à lui par l'esprit il n'en fut pas plus surpris que cela, la première fois avait été plus étonnante, et plus brutale, cette fois il s'y était préparé dès qu'il avait reconnu son visage.

Pourtant le lieutenant chancela.

Pas à cause de la voix... Non ce qu'elle disait... Ce n'était pas possible. C'était... Ses jambes ne le portaient plus, le lieutenant chutait. Il savait très bien que face à eux il n'avait aucun droit, et il devait rester le soldat qui attendait les ordres et veiller à ce que tout soit fait.

Mais pourquoi elle ? Pourquoi cela devait être elle ? N'importe qui d'autre il aurait pu continuer à faire son devoir, n'importe qui d'autre il aurait pu continuer à être le soldat à la hache. Mais elle ?

Les images lui revinrent, celles de sa première rencontre avec la héraut, celles de leurs missions où il s'était inquiété pour elle, ses différents rapports où elle s'était inquiétée pour lui. Il aurait laissé tomber n'importe quelle mission, et même Valdemar, sur un seul et unique mot d'Aranel.

La hache du lieutenant s'enfonça petit à petit dans le sol, sa main crispée à en saigner sur le manche. Et alors que son sang coulait le long de son arme, des gouttes d'eau s'écrasèrent sur le sol à ses pieds.

Il leva sa main gantée vers sa joue, en retira une larme, et la regarda.

Il pleurait.

C'était indéniable, et il était bien incapable de se contrôler ou de le cacher. C'était la deuxième fois de sa vie qu'il versait des larmes. La deuxième fois qu'il souffrait ainsi de la perte de quelqu'un.

Fuir. Fuir à toute jambe comme l'enfant qu'il était toujours au fond de lui, fuir aussi vite que possible. Et frapper aussi, frapper de toutes ses forces quelque part, taper dans une pierre jusqu'à ce que ses mains ne puissent plus servir, se mutiler pour oublier, s'agenouiller quelque part et se laisser mourir.

C'est l'arrivée du capitaine qui sauva finalement le lieutenant de la désolation. Il avait des ordres, il devait s'accrocher à ca. De toute façon plus rien d'autre ne comptait.

Il acquiesça et fit un signe de tête à ses hommes pour qu'ils restent en place, le tout en silence. Par respect pour la douleur des héraut, mais aussi car le lieutenant était bien incapable de dire un mot.

La seconde vague d'ordres du capitaine ne fut pas longue à arriver. Ou peut être que cela fut long, mais Fitz n'en avait plus aucune conscience. D'un mouvement de tête à ses hommes il leur demande de le rejoindre en bordure du champ, sauf que lui même n'arrivait pas à bouger. L'homme se maudissait, maudissait les dieux, maudissait cette guerre, et l'homme maudissait plus que tout sa force qui aujourd'hui le trahissait et le rendait impuissant.

Prenant appui sur sa hache il parvint à rejoindre ses soldats, pour leur transmettre les ordres de Beltran. Il confia aussi son arme à l'homme qu'il envoyait chercher les gaillards en qui Fitz avait le plus confiance pour offrir une garde d'honneur digne du compagnon d'Aranel, l'autre soldat resterait avec lui pour l'aider à appliquer les desiderata de son capitaine.

Il ne pouvait décemment pas accomplir son devoir avec cette arme grossière, il le ferait sans arme, mais surtout en assumant complètement l'être qu'Aranel l'avait vu devenir. Il retira son gant, avant de l'enfourner dans la poche arrière de son pantalon, il en sortit aussi un mouchoir blanc dont il essuya sa main ensanglantée avant de l'entourer proprement. Pour elle, pour tout ce qu'ils avaient vécu, pour ce qu'elle avait pu lui dire, pour le souvenir de ce qu'il était en arrivant, et ce qu'il était devenu, il accompagnerait le compagnon du héraut en assumant ce qu'Aanor lui avait donné.

Et si jamais aujourd'hui cette déesse le regardait, qu'elle entende son hurlement intérieur, qu'elle ressente sa haine, sa colère, sa tristesse, et qu'elle le craigne. Il sera son glaive car elle l'avait décidé, mais ce n'est pas pour elle qu'il se battra, c'est pour Aranel, pour défendre ce pour quoi elle a donné sa vie, mais elle... Elle ne sera jamais sa déesse. Et quand tout sera fini, quand le glaive n'aura plus de raison d'être, alors le mercenaire reprendra la chasse, et ces soit disant puissances devront le craindre, car ni l'enfer, ni les dieux ne les protégeront.

Il était temps de se remettre en route, de se reprendre en main, et d'obéir. Un gamin venait de s'approcher de la bordure du champ, ses hommes avaient pris les mauvaises habitudes du lieutenant,  il s'adressa au soldat que Fitz avait laissé en surveillance avant de repartir en courant. Le regard que ce soldat venait de lui envoyait était claire : les hommes que le capitaine avait demandé étaient proche du champ... Il s'approcha de la dépouille de Gaëtan comme Beltran le lui avait demandé, remarquant Ezarell qui s'était déjà approché, il salua le compagnon, avant d'ajouter à voix basse.

  « Veuillez m'excuser, Lieutenant Fitz. J'ai reçu comme ordre du capitaine de porter la dépouille de Gaëtan à la chapelle du Champs. Ce serait pour moi un honneur si vous me laissiez participer à cette tâche, mais puis-je vous demander de prévenir des compagnons afin de nous aider à le transporter ? »

Il mit un instant à se rendre compte que depuis son arrivé à Haven et au palais, c'était la première fois que Fitz s'adressait directement à un compagnon.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »
"Ça marchait vachement moins bien, un cerveau avec une hache au milieu." -Isabeau-

Isabeau d'Armentières

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Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #13 le: 18 mai 2014, 00:32:46 »
Isabeau travaillait à la lueur d'une bougie, ce soir-là. Devant elle était étalé une traduction d'une des tablettes Sironienne et une transcription de cette même tablette. Depuis l'incident du cour de don, elle retenait consciemment son don, ce qui était une expérience et un exercice intéressant, en fait. Par exemple, elle avait réalisé qu'elle l'utilisait un peu, inconsciemment, en cour de langues. Et surtout, elle avait réalisé en tombant sur une de ses transcriptions, qu'elle reconnaissait certains mots. Comme une langue en cour d'apprentissage. Or, si elle causait un galimatias Siro-valdemarien avec Ludmilla et ses gens, jamais ils n'avaient tenté ensemble de comprendre les langues écrite les uns des autres. La langue orale était déjà une barrière suffisante. Du coup, ce soir-là, don bloqué, elle essayait de retraduire le texte.

Elle sélectionnait un mot qui pouvait être un verbe quand elle sentit monter en elle une souffrance et une tristesse absolue et qu'elle fondit en larmes, maculant ses papiers de larmes.

Gaétan et Aranel.


Rinnerl, qui dormait roulée en boule sur son lit, se réveilla et se mit à hurler à la mort. Dans leurs esprits, Bethaniel, inconsolable, pleurait son chef et la compagne de celui-ci. Ce fut la douleur réelle et personnelle de leur lié qui tira les deux filles de leurs crises de larmes. Isa rangea ses parchemins dans le coffre de ses bijoux, passa une cape, souffla ses bougies et elles sortirent.

En descendant, Isabeau réalisa qu'effectivement, sa tristesse relevait presque entièrement de celle de Bethaniel et du cercle. Elle ne connaissait qu’à peine Aranel, après coup. Bien sûr, la situation lui donnait des sueurs froides et la terrifiait, Aranel étant un membre essentiel et haut placé du gouvernement (Ô Couleuse, Arthon devait être dévasté), mais sinon... Egoïstement, elle était même plutôt soulagée que ce soit elle et pas un héraut qu'elle connaissait mieux qui ont défunté.

En arrivant devant la barrière du champ, elle pesta: Elle était en jupe et pour sauter la barrière... Mon dieu ce qu'on se faisait vite aux pantalons.... Car oui, ce soir-là, elle portait un hybride bizarre entre les uniformes de gris et de bleue. Le haut était une haut d'uniforme normal, d’une peu meilleure qualité, même, mais la jupe était une jupe grise cousue sur le modèle des jupes des bleues. Elle était passée ce soir-là chez ses parents et ils avaient du mal à supporter de la voir en pantalon. Du coup, elle s'était faite taillé cet ensemble qui satisfaisait leurs critères de bienséance, sans leur laisser oublier son rang.

Alors qu'elle escaladait péniblement la barrière en s'emmêlant dans sa jupe, une forme blanche fondit sur elle pour enfouir sa grande tète contre elle. Les sanglots de Bethaniel, au second plan depuis le premier son de cloche, redoublèrent dans l'esprit des deux femelles. D'un saut puissant dont elle aurait était incapable un an auparavant, Isabeau se propulsa sur le dos de son compagnon, sentant instinctivement que la sensation de son élue sur son dos consolerait Bethaniel plus que n'importe quelle parole. D'ailleurs Rinnerl imita Isabeau et bondit en croupe, ronronnant à plein régime. L’étalon resta sur place un moment, puis, soudainement, il partit plein cul. Rinnerl, retenant le réflexe de sortir ses griffes, sauta, tandis qu'Isabeau s'accrochait fermement, des jambes et à la crinière. Bethaniel courrait à une vitesse surnaturelle, incroyable, absurde, comme si cette course pouvait lui permettre de distancer la douleur.

Il finit par s'immobiliser pas loin d'un autre couple isolé. Sans parler, il fit comprendre à Isabeau de descendre. Elle s'exécuta et pour la première fois depuis qu'il lui avait annoncé la nouvelle, Bethaniel lui parla:

Ils vont faire une haie d'honneur. J'y vais.
Va. Je te rejoins. Je t'aime mon Bethaniel.
Je t'aime, Betha!


Silencieux, l'étalon rejoignit les siens pour le dernier hommage à ce couple d'exception. Et Isabeau envoya une image de là où elle était à une Rinnerl abandonnée en déduit de galop.

C'est alors qu'Isabeau réalisa que le compagnon et l'apprentie près d'elle, c'était Saskia et Antéa. Isabeau les aurait crues avec Arthon, non. Aussi laconique que son Compagnon, elle s'approcha et enlaça l'humaine et la jument prostrées. Quelques secondes, pas plus, puis elle reculade deux pas.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »
Moi, dans ma tete, on est trois. Et on s'étonne de ma consommation d'anti-migraineux...
Je traite la paperasse du heraut du Roi et le la Magicienne Sourcedésert. Par ici les mp!

Héraut Saskia

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Re: [Scenario] Le son du Glas qui glace les sangs
« Réponse #14 le: 18 mai 2014, 13:50:19 »
Saskia sursauta en entendant une voix mentale hurler à la ronde, mais ne bougea pas. Terrassée par le chagrin, elle ne serait bonne à rien. Antéa ne dit rien à sa Grise, acceptant sans doute son point de vue implicitement - ou peut-être était-elle trop triste, elle-même, pour jouer son rôle de conscience morale. La jeune fille souhaitait de toute son âme que ceci ne fût qu'un horrible cauchemar. Elle leva les yeux, vit Arthon debout, soutenu par Wylan et Irmingarde, puis des gardes qui commençaient à bouger autour de Gaétan.

- Ils vont... déjà ?!

Saskia fut prise d'un nouveau hoquet, et fondit à nouveau en larmes. Antéa changea de pattes d'appui.

*Il faut leur rendre les derniers honneurs, Saskia. On ne peut pas les laisser là.*

Elle aurait voulu lui dire qu'un nouveau Héraut du Roi avait été Élu à l'instant. Mais Antéa connaissait assez Saskia pour savoir qu'elle se mettrait dans une colère folle et nierait la légitimité d'Alemdar - et Valdemar n'avait pas besoin d'une future Reine hystérique et rancunière envers celui qui serait le héraut qui lui serait le plus fidèle et le plus important. Antéa pensa même qu'une personne comme Alem ne pouvait qu'être bénéfique à Saskia, vu combien il était différent d'Aranel.

Un galop se fit entendre, et Saskia ne leva même pas la tête.

*Je dois aller rejoindre les autres Compagnons, Saskia... Mais tu n'es pas seule, d'accord ? Je sais combien ce que tu traverses est difficile, et que tu n'as pas souvent été confrontée à la mort. Mais ressaisis-toi. Souviens-toi de ce que tu as promis à Arthon.*

Une étreinte, aussi courte que réconfortante, pesa sur les épaules de Saskia. A ce moment-là, elle releva sa tête défaite pour croiser le regard d'Isabeau. Antéa fourra son museau une dernière fois contre la joue de son Élue avant de la laisser en tête à tête avec son amie. La lèvre de Saskia trembla, quelques larmes silencieuses coulèrent sur ses joues. Puis elle se précipita contre Isabeau, pour une nouvelle étreinte. Antéa avait raison : elle avait juré d'être un Héraut exemplaire, la meilleure. D'être à son service à lui, de ne jamais lui faire honte. Elle lâcha Isabeau, essuya ses larmes et tenta un sourire.

- Je vais... Je dois...

Elle ne savait juste pas quoi dire. Elle montra un point vague du pouce, au-dessus de son épaule. Saskia se racla la gorge pour tenter de chasser la grosse boule qui s'y était logée.

- Ca va aller pour toi, Isa ? Tu veux venir avec moi ? Au moins, on sera deux pour... affronter... Enfin tu vois.

Elle inspira et chassa du revers de la main les larmes qui menaçaient de couler à nouveau. Saskia refusait de croire en la mort d'Aranel, ça lui semblait impossible. Elle nierait jusqu'au bout. Mais elle ne voulait plus flancher... Du moins, tant qu'elle serait ici, en publique.
« Modifié: 28 juin 2016, 12:38:49 par Thalyana »