Fin 6eme décade d'été 1485
On ne pouvait pas dire que Fleur atteignait l'excellence dans de prestigieux domaines.
En revanche, quand il s'agissait des idées farfelues et/ou dangereuses, là, difficile de faire mieux. Ou pire, question de point de vue.
Fleur De Trevale s'ennuyait.
Elle avait replongé avec délice dans la vie mondaine de Haven après des relevailles express, mais la frénésie des débuts s'était vite calmée. Pas vraiment par sa faute, mais il fallait bien dire que les mondanités se faisaient plutôt rares ces derniers temps, et que les gens avaient tendance à penser que Fleur préférait rester chez elle en famille. Ce qui était stupide. Fleur désirait justement tout le contraire.
Et puis quand bien même, aller faire visite à la nursery lui prenait à peine plus d'une heure. Ce n'était pas qu'elle n'aimaient pas ses enfants loin de là, mais déjà, ils avaient des nourrices bien plus qualifiées qu'elles pour s'en occuper, et puis il y avait Owen.
C'était difficile pour elle de le voir avec les enfants dans les bras, les deux avaient en fait du mal à coexister dans son esprit. Pourtant, il agissait en tout point comme un père avec eux, en faisant même tellement plus que n'importe quel homme de sa condition. Elle aurait du se sentir soulagée. Elle n'y arrivait pas et préférait fuir sa maison.
De ses décades passées à Trevale, Fleur avait renoué avec une habitude qu'elle avait apprise comme toute jeune fille de bonne famille, les visites de charité. Ca avait été d'autant plus important qu'il fallait montrer aux familles travaillant sur les terres des Trevale que l'avenir était assuré et serai donc prospère.
De retour à Haven, elle avait mis ça de côté, mais l'idée était revenue alors qu'elle cherchait comment occuper ses journées.
Le problème, c'est qu'Owen avait refusé qu'elle le fasse. Visiter des maisons de paysans dans les terres qu'ils administreraient un jour c'était une chose, visiter la misère de Haven en était une autre - oui, parfois Owen avait des accès de bon sens. Le problème, c"est que Fleur entendait difficilement raison quand elle s'était mis une idée dans la tête. Et cette idée là était bien ancrée.
Janee, sa camériste, complice de toujours, avait aussi refusé de jouer un rôle là-dedans, trop soucieuse de la sécurité de sa maîtresse. Mais le hasard avait joué en sa faveur, et lors d'une sortie en sa compagnie, Janee avait croisé son amoureux caché, un jeune bourgeois, qui l'avait convaincu de venir passer quelque heure chez lui, sa jeune épouse étant sortie. Fleur l'avait encouragé, et s'était retrouvé tout à fait seule. Elle avait alors acheté un panier, puis quelques victuailles, et, tout à fait ridicule s'était aventurée vers les bas-fond de Haven. Elle avait profité sans le vouloir d'un roulement de garde pour passer les portes la séparant des cercles les moins distingués de Haven.
C'était là un endroit où elle n'avait jamais vraiment mis les pieds; tout juste traversé en partant dans sa famille ou à Trevale.
Elle avait l'impression que l'air s'était épaissi. L'odeur y était probablement pour quelque chose.
Elle regarda autour d'elle avec angoisse,sans vraiment savoir où aller.
Elle raffermi sa poigne autour de son panier et pris une grande respiration - erreur - pour se donner du courage.