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Messages - Pluiechantante

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Aile des Ambassadeurs / Re : Invitation
« le: 23 mars 2020, 15:18:34 »
Pluiechantante n'avait pas réellement pris au sérieux la proposition de sa patiente de venir à son mariage. Mais à bien y réfléchir, elle avait bien envie de s'y rendre. Elle imaginait avec plaisir l'effet qu'elle produirait dans sa plus belle tenue Kaled'a'in au bras de Sourcedésert dans sa robe la plus spectaculaire. En temps normal, elle ne cherchait pas tellement à se faire remarquer, mais là, l'occasion était trop belle. Mais convaincre la Tayledras d'accepter risquait d'être compliqué.

Quand elle rentra chez elle, la mage dormait paisiblement dans le salon. Pluiechantante attendit patiemment que celle-ci se réveille.

 «Bonjour, Ahela. Bien reposée?» Elle fit signe à Sourcedésert et lui faire un peu de place sur le canapé. « Dis-moi, j'ai été invitée au mariage d'une de mes patientes, et je dois avouer que j'aurais trouvé cela amusant d'aller choquer quelques nobles. Mais sans toi, ce serait nettement moins amusant. Serais-tu d'accord de m'accompagner? Avec une femme telle que toi à mon bras, je suis certaine d'attirer toutes les attentions.» Elle lui fit son plus beau sourire, assorti d'une caresse appuyée sur la hanche. «Ah et j'ai oublié de te préciser un élément qui fera peut-être pencher ta décision. La jeune femme en question est shay'a'chern et elle épouse un ami dans le même cas qu'elle pour maintenir une façade de respectabilité... J'adorerais leur montrer qu'on peut être shay'a'chern et respectable. Qu'en dis-tu?»

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«Moi, venir à votre mariage? Tu réalises que si je viens, c'est avec Sourcedésert et Cielété? Je ne pense que tes familles soient d'accord pour ça. Même si je suis certaine qu'Ahela trouverait ça très drôle qu'on mette nos plus belles tenues pour aller se montrer devant tout le...» Elle chercha le bon mot. « Le Gratin? le gratin de la ville.»

Pluiechantante s'amusa quelques instants à les imaginer, Sourcedésert et elle, dans les tenues les plus extravagantes que Solis puisse imaginer. Non, clairement, c'était une très mauvaise idée. Personne ne s'en remettrait.

La kestra'chern était presque désolée de repousser la jeune femme, qui était par ailleurs fort attirante. Mais elle avait des principes. Elle donnait aux clients ce dont ils avaient besoin. Ni plus, ni moins. Elle ne voulait pas non plus que la jeune femme se méprenne sur ses services. Oui, quand c'était nécessaire, elle utilisait le sexe pour soigner. Mais dans son cas, ce n'était clairement pas nécessaire. Pas encore du moins.

«Si c'est un rendez-vous avec Pluichantante la femme que tu veux, et pas avec Pluiechantante la Kestra'chern, ce sera avec plaisir. Mais pas pour de l'argent, tu comprends? Même si j'utilise mon corps pour soigner, là, tu ne parles pas de soin, mais de plaisir simplement.»

Elle laissa partir la jeune femme, visiblement pressée de s'enfuir. Mais elle ne doutait pas de la revoir très vite.

[RP CLOS]

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« Plus tard me semble en effet plus sage.»

Pluiechantante savait qu'elle ne pouvait rien faire de plus. Et que Kateerid ne serait pas la dernière épouse valdemaranne à attendre sa nuit de noces la boule au ventre. Mais pour un pays si civilisé sur certains aspects, Valdemar pouvait être étrangement barbare.

Par exemple, tout ce qui touchait au mariage laissait Pluiechantante perplexe. Quel besoin y avait-il d'organiser des cérémonies aussi chronophages et vides de sens? L'absence d'amour entre les époux devait-il être compensé par une surdose de francheluches et de dorures?

Pas étonnant que la jeune femme soit aussi tendue. Pluiechantante, malgré sa patience légendaire, aurait probablement fini par craquer, elle aussi.

« Le nom te manquera? Ce n'était pas le tien, mais celui de ton père. Et là tu prendras celui de ton mari... le seul nom qui est vraiment à toi, tu le gardes, non? Kateerid, ça c'est ton vrai nom. Le reste, il ne sert que pour le public.»

La kestra'chern haussa un sourcil en entendant la jeune femme envisager d'utiliser un mot de son peuple pour nommer son promis. Elle n'était pas très enthousiaste à l'idée qu'on utilise ainsi un mot de sa langue, sans en comprendre le sens profond. Mais à Valdemar, la mode était aux mots importés du Tayledras, cela ne choquerait donc personne d'entendre une jeune femme comme Kateerid utiliser un terme tayledras de plus. Sauf qu'évidemment, il ne s'agirait pas de tayledras.

La future mariée mit fin d'elle-même au massage en se retournant. Pluiechantante n'accorda qu'un bref regard, avant tout professionnel, aux courbes de sa cliente. Elle écouta les remerciements et les commentaires, un léger sourire aux lèvres. En effet, les gens ici avaient l'esprit bien moins ouverts qu'ils ne le pensaient. Mais cela restait mieux qu'ailleurs. Rethwellan, par exemple, était connu pour sa morale conservatrice. Ici, au moins, les gens se contentaient de désapprouver son mode de vie. Elle n'était pas hors-la-loi parce qu'elle vivait avec une femme.

«Valdemar avance à son rythme. Haven est un endroit où tous sont bienvenus et nul ne meurt d'aimer quelqu'un de son sexe. Pour le reste, c'est aux jeunes comme toi de faire leur travail.»

Pluiechantante tendit sa main pour prendre celle de Kateerid. Elle la serra brièvement, avec chaleur.

«Aujourd'hui, je masse seulement. Tu n'as pas besoin de plus.»

Après son mariage et sa fausse nuit de noces un nouveau rendez-vous serait sans doute nécessaire. Un rendez-vous plus long, pour soigner autre chose que le stress. Mais Pluiechantante espérait sincèrement revoir Kateerid pour un simple massage. Si ses patients avaient besoin de plus, c'est qu'ils ressentaient davantage de souffrance. Et cela, elle ne le souhaitait à personne.

«Tu me montreras ton mari, d'accord? J'espère qu'il est beau. Ou peut-être que je le connais déjà?»

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«C'est plus prudent. L'alcool, il ne rend pas forcément les choses plus faciles. Tu as l'impression que oui, et après tu te rends compte que tu as tout fait de travers. Et pour le sexe... l'alcool est vraiment pas bon. »

Le sexe en état d'ivresse n'avait jamais revêtu le moindre intérêt pour elle. Pourquoi les gens s'infligeaient-ils cela? C'était décevant. Les sensations étaient émoussées, la libido floue et avoir un orgasme en étant ivre, cela relevait presque de l'impossible, à moins que le partenaire soit particulièrement doué ou renseigné.

«Donc, tu veux vraiment faire quelque chose que tu ne veux pas juste pour le symbole? Pour dire que c'est fait? Je comprends pas. C'est trop différent de ma culture, trop étrange pour moi. Si tu es Shay'a'chern, je trouve que c'est violent de vouloir faire ça juste pour une idée.»

Pluiechantante se débattait avec son éthique. Laisser une femme subir quelque chose dont elle n'avait clairement pas envie, simplement pour satisfaire une norme sociale, c'était presque trop difficile pour elle. Et le pauvre époux ne semblait pas plus réjouit à l'idée de consommer. Alors pourquoi s'infliger pareil hérésie! Si la jeune femme craignait qu'un contrôle révèle la non-consommation du mariage, il y avait toujours des moyens de s'arranger. Un aide d'amour, et personne ne saurait deviner que ce n'était pas son mari qui lui avait offert une bonne nuit de noces.

Le massage avançait bien, et la jeune femme semblait clairement plus détendue et sereine qu'au début. Pluiechantante rit de son offre.

« Je ne m'inquiète pas vraiment. Je sais bien que Cielété n'aura pas ce genre de complexe. Sauf peut-être s'il prend trop chez son père.» Fiersaule était, comme son nom l'indiquait, un homme plutôt fier. « Ahela signifie quelque chose comme "chérie" dans ta langue. Mais pas que pour les amoureux, tu vois?»

La relation qu'elle avait avec Sourcedésert était bien trop complexe et profonde pour les conceptions valdemaranes. Ni vraiment amantes, plus que des amies. Des partenaires de vie avant tout.

« Tu voulais encore qu'on parle d'autre chose? »

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«En effet, ce n’est pas très logique. Mais le cœur l'est rarement.»

Pluiechantante pouvait difficilement dire qu'elle comprenait. Ce n'était pas le cas. Pourquoi s'infliger de telles choses? Elle avait fini par comprendre l'importance de la lignée, même cela lui avait demandé un énorme travail de réflexion. La vision valdemarane de la famille n'était pas compatible avec la sienne. Cielété était son fils, par exemple, autant, voire plus que si elle l'avait porté elle-même. Avec Sourcedésert et dans une moindre mesure (pour elle en tout cas) Fiersaule, ils formaient une famille. Étrange pour les conceptions locales, mais presque habituelle pour son peuple.

Elle fut rassurée d'entendre que la jeune femme ne désirait qu'un produit relaxant. Elle doutait néanmoins que cela suffise à rendre ce moment agréable.

«Si, si, je connais des choses. Mais je te conseille de tester avant. Et je ne suis pas sûre qu'avec l'alcool ça fasse bon mélange.»

La jeune femme était particulièrement démonstrative. Cela faisait longtemps que Pluiechantante n'avait pas eu de cliente aussi bruyante. Mais loin de la déranger, cela l'amusait au contraire. C'était bon signe. Au moins Kateerid se détendait-elle vraiment, si elle se laissait aller à pousser de tels soupirs.

La conversation sur sa nuit de noces, en revanche, n'était pas aussi simple et la kestra'chern ne put s'empêcher de pointer les contradictions de la jeune femme.

«Je ne comprends pas la logique. Tu veux le faire le soir du mariage, mais pas pour avoir des enfants? Tu sais que même si c'est difficile, tu vas peut-être tomber enceinte dès le début? Ça arrive. Pourquoi te forcer à le faire tout de suite si tu veux même pas d'enfants tout de suite? Je comprends le symbole. Mais "consommer" implique-t-il forcément une pénétration? Dans ton esprit, la relation sexuelle a une définition aussi stricte?»

Elle s'appliqua longuement à masser le poignet droit de la jeune femme, ainsi que son avant-bras. On sentait qu'elle travaillait de ses mains. La zone était tendue.

«Sourcedésert? C'est une très belle femme. Très grande et très mince. Je suis pas petite, mais Ahela me dépasse de presque deux paumes. J'espère que mon fils sera aussi grand qu'elle! Mais le père était grand aussi, alors je pense. Sinon Cielété risque de mal prendre d'être plus petit.»

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La manière dont Kateerid parlait de sa "première fois" hérissait Pluiechantante. C'était triste et malsain à la fois. Elle comprenait bien l'importance qu'on pouvait accorder au fait d'avoir des enfants — elle-même n'avait eu son fils que grâce à la bienveillante coopération de sa meilleure amie — mais pourquoi se hâter? Pourquoi rendre encore plus difficile une journée qui ne le serait déjà que trop?

«Tu sais bien que tu ne vas pas tomber enceinte juste comme ça? Que tu dois recommencer encore et encore. Moi, à ta place, je prendrais mon temps. D'apprivoiser le corps de l'homme peut-être? De découvrir ton mari sur un plan plus intime peut-être?» La Kestra'chern soupira. «J'imagine que le symbole est important, non? La nuit de noces, tu es censée faire cela. Mais ce mariage est une mise en scène, non? Pourquoi respecter les convenances à ce point?»

Au moins la jeune femme réagissait-elle bien à son massage. Elle sentait les muscles se détendre. La tension mentale, elle, perdurait, malheureusement. La jeune femme était vraiment angoissée par cette histoire. Elle lui fit d'ailleurs une demande qui lui fit hausser les sourcils, perplexe.

«Tu veux un aphrodisiaque? Ou quelque chose qui aide à être violée? Les deux existent. Le premier, je peux donner. Le deuxième...» Pluiechantante fit la grimace. «Je préférerais ne pas te donner ça. Pas au début. Si vraiment, tu arrives pas, alors là, je réfléchirai.» Elle commença à masser le bras de la jeune femme. «Si tu utilises assez d'huile et que tu as bu, tu ne devrais pas trop souffrir. Peut-être même pas du tout. Ce qui est important, c'est que tu es détendue au début. Fais comme beaucoup de femmes nobles : regarde le plafond et attends qu'il a fini.»

Elle descendit ensuite vers la main. Elle massa chaque doigt avec application puis les tira un à un.

«Tu sais que tu n'es même pas obligée de vraiment faire l'amour? Je n'ai jamais fait ça moi, mais je sais que parfois les femmes shay'a'chern font comme ça. L'homme jouit dans quelque chose, un tissu étanche, et ensuite toi tu enfiles le contenu du tissu dans ton vagin. C'est moins efficace, mais...» Elle soupira. «Je peux demander à Sourcedésert, ma compagne, si elle peut te faire le sort qui rend plus fertile. Comme ça tu tombes enceinte presque à coup sûr.»

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Les convictions de Pluiechantante étaient trop différentes. Elle n'arrivait pas à imaginer qu'on puisse se satisfaire d'un bonheur feint, pour plaire à sa famille et assurer sa position sociale. Cependant, depuis qu'elle vivait ici, elle avait appris à s'accommoder de cette mentalité. D'une certaine manière, les valdemarans étaient moins égoïstes que les tayledras ou les kaled'a'in de Griffon Blanc. Ils étaient prêts à se sacrifier pour répondre au besoin des leurs. Pluiechantante ne connaissait aucun Tayledras prêt à sacrifier son droit à l'amour pour faire plaisir à ses parents.

Les doigts de la kestra'chern étaient réputés pour leur légèreté. Mais peut-être l'étaient-ils trop aujourd'hui. La jeune femme couchée sur la natte ne put retenir un soupir de... contentement ou de plaisir?

« Cela fait longtemps qu'on t'a plus touché, n'est-ce pas? Tu peux te laisser aller. Ici tu as le doit. »

Car cela ne dérangeait pas Pluiechantante. Elle avait des patients qui gémissaient de plaisir si fort que ça en devenait presque comique. Sans doute n'osaient-ils pas le faire chez eux, de peur d'être taxés de dévergondé.

Kateerid recommença à parler de son mariage, et plus précisément de son fiancé, un certain Micha. Elle avoua la peur que lui inspirait l'idée d'avoir des relations sexuelles avec lui.

« Je comprends. C'est normal. Même quand on aime, quand on a envie, ça peut faire peur un sexe d'homme. Surtout si l'homme en a un gros. Alors si tu n'as pas envie... » Elle s'interrompit un bref instant. « Si c'est ton ami, ce n'est pas important que ça ait lieu la première nuit, non? Il faut déjà que tu t'habitues à lui. Faites-le quand tu te sens prête et détendue. Ça n'est pas urgent? Je comprends qu'il faut des enfants et que c'est obligatoire... mais tu peux attendre. »

Elle redescendit pour masser le bas du dos puis remonta rapidement jusqu'à la base des cheveux. La jeune femme s'était tendue en parlant de ses craintes, et Pluiechantante voulait la rassurer et éviter qu'elle ne se crispe davantage.

« Mais si ça peut te rassurer, il n'y a pas de chance qu'il te déchire en deux. Sinon, c'est triste de le dire, mais beaucoup de femmes seraient déchirées en deux... Et puis, tu peux aider. En te caressant avant, avec de l'huile. Ou en buvant, un peu. Ça détend les muscles. »

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« Oui, car la confiance et l'honneur ne sont pas suffisants... » Elle secoua la tête, blasée. « Si je comprends bien, ta famille et son honneur sont plus importants que ton intégrité? »

Car, à ses yeux, la jeune femme vendait purement et simplement son corps et son avenir pour satisfaire sa famille. Même si elle trouvait l'acte très noble, Pluiechantane ne pouvait s'empêcher de désapprouver. Tout était tellement compliqué dans cette société étriquée!

Sa patiente du jour ne traîna pas pour se changer. Et elle ne fit preuve d'aucune fausse pudeur. Peut-être même appréciait-elle de se déshabiller devant la kestra'chern?

Quand la jeune femme fut nue, Pluiechantante la détailla d'un regard professionnel. Elle ne voyait aucun déséquilibre au niveau des épaules, et elle semblait se mouvoir librement. Puis son regard changea. Kateerid avait la peau blanche, des formes agréables et elle était minuscule. Cela changeait agréablement de Sourcedésert. Non que la kestra'chern soit lassée de son amie, mais elle aimait aussi varier les plaisirs. Ni l'une ni l'autre ne souhaitait d'une relation exclusive.

Et le fait que Kateerid ait manifesté un intérêt certain pour elle n'était pas pour lui déplaire.

Pluiechantante vint s'agenouiller près de la jeune femme. Elle posa son matériel — huile, serviettes, objets divers — à côté d'elle. Kateerid n'avait pas attaché ses cheveux, et cela allait rapidement poser problème. La kestra'chern alla donc chercher une baguette en bois qu'elle utilisa pour relever les cheveux de la jeune femme.

Elle observa quelques instants le dos de sa patiente, puis elle laissa courir ses mains le long de la colonne à la recherche des points de tension. Elle en identifia surtout au niveau des épaules et de la nuque, ce qui était habituel lors de période de stress. Elle s'enduisit les mains d’huile avant de commencer à masser la base de la colonne.

« Je parlai du problème que ça va être pour toi de consommer le mariage. Tu dis que tu es Shay'a'chern, donc je pense que faire l’amour avec un homme, même shaych, tu n’as pas très envie. Ça te fait même peu peur, non? »

Elle remonta doucement les mains le long de la colonne, travaillant par pression rapide avec ses pouces.

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« J'ai appris qu'à Valdemar, vous pensez que quelque chose de cher est meilleur que quelque chose de pas cher. » Elle sourit. « Si je veux qu'on me prenne sérieusement, je dois demander cher. »

Elle avait parlé d'une voix amusée, mais ses propos étaient sérieux. Les gens semblaient penser qu'un service ou un bien était forcément de meilleure qualité s'il coûtait cher. L'argent dépensé dans un objet le rendait-il plus beau aux yeux de celui qui s'était ruiné? Probablement était-ce là une sorte de mécanisme de l'esprit pour supporter l'absurdité d'une dépense.

Après voir bu un peu de thé, sa patiente expliqua sa situation. Elle se sentait stressée et avait besoin qu'on l'aide à se relaxer. Pluiechantante fit claquer sa langue.

« Le mariage... j'habite ici depuis quelques années, mais je ne comprends pas pourquoi on le fait. Quand j'écoute les gens, tout ce que j'entends, c'est : argent, stress, fatigue. Pourquoi se faire ça? »

Quant à l'institution elle-même, elle hérissait la kestra'chern. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi les gens éprouvaient le besoin de se marier. Pourquoi la société le demandait. Les Tayledras s'unissaient parfois, mais jamais dans des liaisons aussi rigides que celles pratiquées ici.

Il était des patients qu'il fallait cajoler, chouchouter, rassurer, avant qu'ils ne parviennent à exposer la raison de leur venue. Kateerid n'en faisait vraisemblablement pas partie. Elle était ici pour traiter un problème spécifique et l'exposa sitôt sa mise en contexte posée.

« D'accord. Je comprends. » Elle soupira. « Pourquoi te marier alors? Non, je ne pose pas vraiment la question. Je pense que c'est parce que tu dois, pour la famille? Et en plus personne sait que tu es shay'a'chern? »

Pluiechantante termina sa tasse — elle n'était pas bien grande — et se leva pour préparer la séance.

« Quand tu as fini de boire, tu peux te préparer derrière le paravent et t'installer sur le matelas. Si tu es mal à l'aise d'être nue, tu peux mettre la tunique et je masse à travers. Je vais te détendre. Et ensuite on regarde pour l'autre problème. »

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« Entrez! »

Pluiechantante finissait de remettre de l'ordre dans son cabinet après la visite de son fils et de Solis. Le lézard avait critiqué l'agencement de la moitié de ses meubles et Cielété s'était fait une joie de déplacer tout ce qui passait à portée de ses petits doigts. Elle n'était particulièrement portée sur l'ordre, mais elle aimait que ses affaires soient là où elle les attendait.

La Kestra'chern sourit à la nouvelle arrivante et la jaugea rapidement. Elle était habillée de vêtements de bonne qualité et élégants, mais avant tout pratique. Elle n'était donc pas noble. Les nobles recouraient rarement à ses services, car malgré les années, il flottait toujours autour d'elle un léger parfum de scandale et d'interdit. De fait, quand un noble la consultait, c'était souvent pour une demande très particulière, hors norme ou totalement déplacée.

« Bienvenue à toi, Kateerid. »

Le sourire presque gourmand de la nouvelle venue poussa Pluiechantante à s'interroger sur le motif de ce rendez-vous. Certaines personnes la prenaient encore pour une perchi. Cela ne la dérangeait pas vraiment, mais elle ne voulait pas les encourager non plus.

D'un geste, elle fit signe à Kateerid de la suivre jusqu'à la table basse où du thé les attendait. Elle prit place directement par terre et s'installa en tailleur.

« Que puis-je faire pour toi? Ce que tu as vu te plaît, j'espère que tu ne seras pas déçue par le service. »

Si Kateerid était venue pour des faveurs sexuelles, Pluiechantante serait forcée de la décevoir, au moins dans un premier temps.

« Bois, bois. C'est un thé qui détend. »

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Fleur admira la robe exposée sur le mannequin et Pluiechantante ne put s'empêcher de sourire. Il était certain que comparé à elle, elle possédait en effet de multiples talents. Mais elle avait été élevée dans l'idée qu'on devait toujours être capable de se débrouiller au moins un peu dans tous les domaines.

«Je ne l'ai pas faite vraiment. Modifiée seulement. Je l'ai trouvée. Elle était passée de mode depuis un siècle, je pense. J'ai changé la forme. Surtout les manches. C'était des manches ballons au début. C'est très moche.»

Pendant que Fleur écrivait sa lettre, Pluiechantante en profita pour ranger un peu. Elle voulait que la jeune noble ne se sente pas trop épiée. C'était sans doute très compliqué pour elle que d'écrire une telle missive.

Fleur mit plus longtemps à composer mentalement la lettre qu'à l'écrire, car les grattements de plume ne durèrent que quelques instants. Elle tendit ensuite le papier à Pluiechantante qui le prit et le plia soigneusement en quatre.

«Oui. Tu viens un peu avant par contre.»

Elle rangea la lettre dans une poche et fit signe à Fleur qu'elles pouvaient retourner dans l'autre pièce. Elle servit à la noble encore un peu d'infusion et lui sourit.

«Tu sais quand est le bon moment pour essayer de faire un bébé? Ça sert à rien de faire ça trop près des règles, n'est-ce pas?»

Elle sourit.

«Nous parlerons encore, je pense. C'est assez d'émotions pour aujourd'hui. Et tu me diras comment est allé ton rendez-vous, dans trois jours. Quand tu as fini, envoie un page me chercher. Je serai probablement chez Fiersaule.»

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Pluiechantante ne proposait pas sa chambre par altruisme. Enfin, pas seulement. Elle devait s'avouer ressentir une curiosité dévorante pour cette histoire. Fleur de Trevale, miss morale, qui planifiait un adultère. Cela avait quelque chose de très savoureux. Évidemment, Pluiechantante lui souhaitait beaucoup de succès dans son projet. Et beaucoup de plaisir. Mais cette situation l'amusait beaucoup.

La noble ne se fit pas prier pour accepter. Après tout, quelle autre solution s'offrait-elle à elle? Comme elle l'avait remarqué à ces dépens, il n'existait guère de lieux à l'abri des regards sur cette colline. Et Pluiechantante doutait que la cité en propose davantage.

Fleur demanda de quoi écrire. Pluiechantante se leva et se dirigea vers une étagère où s'alignaient les flacons d'huile et diverses bricoles. Elle chercha un bref instant avant de revenir avec une bête plume d'oie et un flacon d'encre. Elle fit signe à la noble de la suivre et ouvrit la porte qui menait à sa chambre. Elle posa le nécessaire d'écriture sur sa coiffeuse qu'elle libéra rapidement des nombreux bijoux et colifichets qui l'occupaient. Elle sortit encore d'un tiroir un papier à lettre toute simple qu'elle posa à côté de la plume.

«Voilà pour écrire.»

Elle regarda la pièce. Il faudrait la nettoyer si elle devait accueillir des ébats coupables. Pluiechantante doutait que le Héraut Noam apprécie la décoration; les jouets et les habits de Cielété traînaient un peu partout. De même que diverses tenues de Pluiechantante. Et sur un mannequin de couture était exposée la seule robe de cour qu'elle possédait. Une ancienne robe mauve qu'elle avait découverte avec Liane dans un débarras et qu'elle avait modifiée.

«Ne donne pas rendez-vous trop tôt. Pas demain. Ni après-demain. Peut-être dans trois jours?»

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«... pas pour mon peuple. Chez nous, séduire implique souvent coucher. Mais pour nous ça n'a pas plus d'importance que ce que tu veux lui donner.»

Pluiechantante avait souvent du mal à comprendre l'importance que les gens accordaient à la sexualité. Comme si c'était le plus important, comme si ça révélait quoi que ce soit sur soi. Pour Pluiechantante, faire l'amour, c'était avant tout un moment agréable, un moment de partage aussi. Mais quel besoin de lui attribuer plus que cela?

Tromper son conjoint demandait toute une logistique, et visiblement la jeune femme n'avait jamais pris le temps d'y réfléchir. Pluiechantante l'écouta dérouler son raisonnement embrouillé avec un sourire bienveillant. En cet instant, elle regretta de ne pouvoir raconter son après-midi à personne, car elle était certaine que cela ferait rire tant Fiersaule que Sourcedésert.

«Je peux te prêter ma chambre. Juste à côté.» Elle désigna la porte communicante. «Je te montre après si tu veux. Mais la chambre c'est pas pour tout de suite, non? Tu aimerais peut-être le revoir une fois pour décider?»

Car la noble s'emballait déjà. Elle parlait logistique, ambiance adaptée. Mais peut-être faudrait-il d'abord décider si oui ou non cet homme convenait. Et s'il était intéressé, accessoirement. Même si, de l'expérience de Pluiechantante, il était assez rare de trouver un homme refusant de s'envoyer en l'air.

Passant sur la gêne de la jeune femme suite à son appréciation tout à fait objective de la beauté du Héraut Noam, Pluiechantante proposa son aide. Que Fleur accepta.

«Oui, une lettre c'est bien. Mais il ne faut pas lui faire peur. Propose simplement que vous vous voyez. Une discussion dans les jardins? Ou peut-être ailleurs? Tu préfères ici?» Elle réfléchit. «Si tu me dis en avant, je peux laisser la pièce pour toi quelques marques en journée. J'irai me promener avec Cielété.»

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La réflexion n'était pas le fort de Fleur de Trevale. Et même si présentement elle avait des velléités de révoltes, elle n'en était pas au stade de toute vouloir remettre en question. Pluiechantante de contenta donc d'un soupir méprisant pour clore ce chapitre.

La jeune noble essayait de prétendre qu'elle ne savait pas comment se jouait le grand jeu courtois et la kestra'chern n'y croyait guère. C'était le passe-temps favori de ces demoiselles. Elles se promenaient en lançant des regards aguicheurs, puis battaient des cils en roucoulant à la moindre occasion.

«Ça marche exactement pareil... La seule différence c'est qu'à la fin on se retrouve nu plutôt que de repartir frustré.»

Pluiechantante s'était attendue à ne se voir révéler le nom du Héraut tant désiré qu'au terme d'une âpre lutte avec la noble. Mais celle-ci lâcha le nom d'une petite voix timide et... amoureuse? La kestra'chern haussa un sourcil, un sourire au coin des lèvres. La petite prétendait être sage et parfaitement irréprochable, mais il était clair qu'elle avait déjà franchi le premier pas sans aide.

«Noam?»

Elle fouilla dans sa mémoire, pour tenter de remettre un visage sur ce nom. Elle se souvint d'une discussion avec le Barde Keldran, à propos de son frère prénommé Noam. Il les avait ensuite présentés l'un à l'autre quand ils s'étaient par hasard croisés tous les trois.

«Grand, blond, très beau? Avec les yeux bleus? Le genre d'homme à qui on a envie de hurler: "vas-y, prends-moi, je suis tout à toi"? C'est un bon choix. Et il a les yeux bleus. C'est important ça. Il a les mêmes couleurs que toi. C'est bien. Pas de risque de mettre au monde un bébé noiraud alors que tu es blonde et que ton mari il est brun.»

Noam... quelle petite coquine. Elle avait jeté son dévolu sur un des plus beaux hommes du coin. Il avait un ravissant sourire et une plastique de rêve.

«Tu veux mon aide ou pas?»

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«Et toi? Tu penses que le sang vaut plus que les actes? Qu'a fait ton mari pour mériter son statut? Il a sauvé des familles? Réparer des torts? Participer à la guerre? Pourquoi la noblesse de tes ancêtres devrait-elle faire que cette noblesse vient sur toi aussi? Mon père était un grand Guérisseur, je ne suis pas une Guérisseuse pour autant...»

Loin s'en fallait. Son Don de Guérison était ridiculement peu puissant. Elle pouvait à la rigueur améliorer la circulation localement ou faire diminuer temporairement la douleur. Rien de plus. Mais cela lui suffisait. Elle n'avait jamais éprouvé de ressentiment à l'égard de son frère qui semblait avoir hérité de tous les Dons parentaux.

Pour Pluiechantante, l'importance du sang était quelque chose de totalement abstrait. Même si elle y avait été confrontée bien avant d'arriver à Valdemar. Elle avait visité l'empire des Haighlei dans sa jeunesse, et avait découvert ce qu'étaient les castes. Mais chez les rois noirs, la société était encore plus rigide qu'à Valdemar, car il était quasiment impossible de sortir de son milieu.

Les mains de Fleur s'échappèrent comme deux oiseaux trop longtemps prisonniers et s'en allèrent s'accrocher dans sa jupe. Pluiechantante la regarda faire en haussant un sourcil. Il fallait vraiment qu'elle couse de nouvelles balles antistress. Elle avait égaré sa dernière depuis plus d'une année (elle soupçonnait Liane de la lui avoir empruntée et de l'avoir abandonnée dans un coin).

La question de Fleur la surprit. La noble était native de ce pays, et elle demandait à une étrangère pourquoi faire appel à un Héraut était la meilleure solution pour elle.

«Parce qu'un Héraut ne te trahirait jamais. Ces gens-là ils ont l'honneur épinglé sur le torse. Si tu confies quelque chose à un Héraut, il dira pas plus loin...» Elle sourit. «Oh... moi je crois que tu sais comment on fait. Vous les nobles vous jouez beaucoup à des jeux de séductions... Mais si tu veux, je peux transmettre des messages moi, si cela te rassure. Tu me laisses des messages à un endroit convenu et moi je lui donne.» Une lueur malicieuse s'alluma dans son regard. «Dis-moi son nom... Que je sais de qui on parle.»

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