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Balade surprise... surprise

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Joshua Brolin:
3e jour de la 6e décade d’été

Cela faisait une décade depuis le bal et une saison complète depuis leur première rencontre officielle. Et Lucinda n’avait toujours donné aucune réponse. Certes, Joshua n’était pas parvenu à approcher la Barde, tout comme lui avait été bien occupé, depuis la bal. Cette fois cependant, il n’était plus question d’affaires, plus questions de cours. Cette fois, ils allaient se rencontrer et Joshua allait obtenir son consentement ! Il avait pour cela prévu un argument de poids. Une idée qui lui avait été soufflée par une rumeur et dont il avait honte mais qui semblait-il pouvait fonctionner. Si après cette rencontre Lucinda n’acceptait pas de devenir la future nouvelle Dame Brolin, alors Joshua abandonnerait ce contrat et trouverait (ou plutôt son père) un autre moyen de concurrencer les Greenfield. Il avait déjà perdu assez de temps comme ça. Et il n’hésiterait pas pour cela à se “consoler” dans les bras d’une autre.

Lucinda lui avait dit, dès leur première entrevue, qu’elle aimait monter à cheval. Plus tard, ils en avaient parlé de temps en temps. Joshua envisageait donc de s’aventurer un peu en dehors des limites du Palais et même plus loin. Une longue balade en tête à tête, à peine dérangés par un chaperon qui les accompagnerait histoire de s’assurer que Joshua ne s’en prendrait pas à la vertu de la jeune femme (comme si personne ne savait ce qui se passait dans les Collegia).

Il avait prit toutes les dispositions nécessaires. S’assurant que la jeune femme n’avait aucune obligation importante et impossible à remettre, il avait demandé à ce qu’elle obtienne une journée de liberté. Étant donné le dévouement de Lucinda et les yeux suppliants de Joshua, on le lui avait accordé de bonne grâce. Suite à ce succès, il avait rédigé un mot, légèrement téméraire mais il espérait qu’elle apprécierait étant donné son rapport aux convenances, pour lui donner rendez-vous ce fameux jour près des écuries. Ajoutant qu’un habit de monte serait souhaitable.

Le jour J, il l’attendait au lieu dit avec leurs deux juments sellées et la mule de leur chaperon qui se trouvait tout à côté. Fewi, la jument de Lucinda, broutait paisiblement en attendant qu’on dispose d’elle, tandis que la jument de Joshua se montrait plus impatiente. Tout comme son maitre, elle avait hâte de se mettre en route sous ce ciel bleu et son soleil clément, à peine dérangé par quelques nuages.

Lucinda Brolin:
Lucinda était fébrile. Voilà. Elle avait pris sa décision. Il ne lui restait plus qu’à l’annoncer à Joshua Brolin. Elle était consciente que ça avait été long et que le pauvre homme devait languir de l’attente que la jeune femme lui avait fait subir. Mais en même temps, elle s’engageait pour la vie et elle n’avait pas envie de le faire à la légère et de se retrouver malheureuse au bout de quelques mois de mariage. Et les occasions de voir le Sieur Brolin étaient plutôt rares, entre son travail à lui et le sien. Ce qui expliquait finalement que cela eût pris tant de temps. Mais la noble était sûre qu’il comprendrait.

Et voilà qu’elle avait reçu un mot de son prétendant, l’invitant à passer la journée en sa compagnie et lui donnant rendez-vous près des écuries. Oh oh ! Cela laissait présager sans doute une promenade à cheval, celle dont ils parlaient quasiment à chaque rencontre. Chouette ! Voilà qui leur laisserait sans doute un peu plus d’intimité que dans les murs du château et malgré la légendaire présence de leur chaperon. En même temps Lucinda ne pensait pas à mal, loiiiiiiiiiiin de là. Mais au moins, ils pourraient parler en toute liberté, sans craintes d’être interrompus, vus ou entendus par des yeux ou des oreilles mal intentionnées. Bon pas que ça ait été le cas avant, mais au Palais, on ne savait jamais.

Du coup, elle était toute contente de cette initiative de la part de Joshua, qui montrait qu’il pouvait faire preuve d’attention envers elle. Et elle se dit que c’était la bonne occasion pour lui faire part de sa décision justement. Après un bain, elle avait donc enfilé une tenue de cavalière élégante mais sobre, avec une touche de couleur bien entendu, tressés ses cheveux sur le côté et chaussé ses bottes noires en cuir souple. Puis elle était descendue prendre un petit déjeuner léger au réfectoire avant de se diriger vers le lieu de rendez-vous.

Plus elle se rapprochait des écuries, plus elle sentait le stress monter. Parce qu’en fait, c’était peut-être lui qui avait quelque chose à lui annoncer ? Ou pas, peut-être qu’elle se faisait des idées, ou qu’il lui tendait justement une perche parce qu’il attendait depuis longtemps sa réponse… Bref, toutes ces questions en tête, elle arriva vers un Joshua prêt à monter en selle et sa Fewi qui l’attendait tranquillement. Un sourire apparut sur son visage et elle inclina la tête :

-Bonjour Joshua… Vous revoir est un plaisir, nos emplois du temps ne nous ont guère laissé un moment pour nous retrouver cette dernière décade. Je vois que vous avez déjà fait la connaissance de ma jument ?

Il faisait beau et bon en cette fin de matinée d’été et la journée s’annonçait bien belle.

Joshua Brolin:
La belle finit par se montrer. Le regard de Joshua observa sa tenue en connaisseur. Il était toujours étonnant de constater comme la jeune femme était capable d’être élégante en toutes circonstances. Au cours de ces trois derniers mois, il avait eu l’occasion de la voir en uniforme rouge, dans des tenues simples mais riches, dignes de son rang, et dans une superbe tenue de soirée. Joshua avait pu constater que, malgré sa profession et malgré son allergie aux convenances, elle tenait bien son rang. Aujourd’hui Lucinda prouvait encore une fois que, quelle que soit sa tenue, elle savait être élégante. Le noble ne pouvait que se réjouir, il n’aurait pas à rougir de son alliance avec elle, si alliance il y avait (il y comptait bien).

Tenant sereinement sa jument en la caressant pour calmer son impatience, il laissa Lucinda venir jusqu’à lui. Un sourire appréciateur dessiné sur ses lèvres et un masque d’amabilité sur son visage. Il la salua poliment, ajoutant un peu d’engouement pour aller au-delà du poli (après tout, il lui faisait la cour depuis plusieurs mois maintenant, sans être intimes on pouvait au moins les qualifier “d’amis”).

« En effet, nous nous sommes laissés prendre par nos affaires respectives. L’attente a été bien longue, aussi me suis-je permis cette petite intrusion dans votre vie, j’espère que cela ne vous a pas dérangée. » Puis il se tourna vers la jument de la jeune femme et flatta son encolure. « Oui, le palefrenier a eu l’amabilité de la préparer de bien vouloir me la confier en attendant votre venue. C’est une belle jument, je parierais qu’elle a une lignée tout aussi irréprochable. »

Sa propre jument renâcla, agacée d’être harnachée mais de ne toujours pas être en route. Mais qu’est-ce que son maitre attendait donc ? Joshua se remit à la caresser, elle n’était pas aussi irréprochable que Fewi.

« Je crains que Plume soit impatiente de partir. Elle n’est pas aussi douce que Fewi. Je n’ai guère été chanceux lorsque je l’ai acquise, quoi qu’elle soit endurante, elle est quelque peu caractérielle. »

Pour calmer sa monture et surtout parce qu’ils n’allaient pas passer la journée devant les écuries ; Joshua invita la jeune femme à monter en selle, tandis qu’il grimpait lui-même sur le dos de Plume. Il remarqua que Lucinda montait comme un homme, non sans une légère déception, mais n’en fut pas étonné. A côtoyer Lucinda on finissait presque par s’habituer à ses entorses aux bonnes manières. Joshua ne lui en tenait pas rigueur. Premièrement parce qu’il n’avait pas le choix, le statut de Lucinda lui interdisant le moindre faux pas. Deuxièmement parce que ce n’était pas tant de sa faute que celle des mœurs légères des habitants des Collegia. Ce gouvernement ne valait décidément pas grand-chose. Faire perdre de la valeur à une femme comme Lucinda, ils mériteraient bien d’êtres jetés aux cachots pour un tel gâchis.

Lucinda Brolin:
La douceur et la sérénité dont faisait preuve Joshua eurent l’effet de calmer les angoisses de la jeune femme qui laissa son stress s’envoler afin de profiter de l’instant présent. Elle capta le regard du noble appréciant sans doute sa tenue et ses joues rosirent d’être ainsi détaillée. L’homme n’était pas en reste, aussi charmant que d’habitude. Elle était contente qu’il ait quitté le noir qui l’assombrissait tant, tout en gardant une part de sobriété qui faisait tout son charme et son élégance. Elle apprécia son salut un peu plus que formel et répondit dans un sourire :

-Au contraire, je suis heureuse de cette initiative ! Cela me changera des salles de classe et des réunions. D’autant plus qu’il fait merveilleusement beau et que passer du temps en votre compagnie est toujours un moment que j’apprécie.

Oui elle cherchait à le séduire tout autant qu’il le faisait. Après tout, même s’il souhaitait ce mariage pour des raisons d’abord financières, elle avait envie qu’il se marie aussi avec elle parce qu’il éprouverait au moins de la tendresse pour elle. L’amour viendrait sûrement plus tard. Pour l’heure, elle n’était elle-même pas sûre d’en être à ce stade de sentiment. Un sourire fier s’afficha sur ses lèvres alors qu’il complimentait sa jument :

-Tout à fait. A vrai dire c’est un cadeau de mon grand frère, Owen, lors de la réception de mon uniforme de Barde. Et cela fait maintenant onze années. Fewi a treize ans et toujours aussi bonne monture. Vous verrez.

L’impatience de Plume fit rire la Barde qui hocha la tête en enfourchant sa jument en même temps que Joshua. Elle hocha la tête :

-En effet, je vois que la demoiselle est plus impatiente. Mais peut-être plus jeune aussi ? Enfin, avoir du caractère peut également avoir du charme. Mais ne la faisons pas plus attendre, je vous suis.

A ce moment, la noble réalisa qu’elle était montée à cheval comme un homme et non en amazone comme l’auraient voulues les convenances. Elle se mordit la lèvre inférieure, espérant ne pas avoir gêné son compagnon. Il ne fit aucune remarque là-dessus, elle décida donc que cela devait lui convenir, ou tout du moins il s’en contentait. Les deux juments s’élancèrent et ils s’éloignèrent petit à petit de Haven, le soleil les accompagnant sur le chemin. Lucinda voulut plusieurs fois aborder le sujet du mariage, mais elle ne savait pas comment l’aborder sans que ça ne paraisse trop soudain. Alors elle se dit qu’elle attendrait un moment un peu plus propice au romantisme (oui c’était une Barde hein), genre une clairière, une casacade… toussa toussa. En attendant ils profitaient de la campagne et du bruit apaisant qui allait avec.

Au bout d’un moment, la Barde prit la parole :

-Dites-moi, j’ai entendu parler du vin de glace produit par les Greenfield… J’imagine que ce n’est pas une bonne chose pour vous. Vous avez trouvé un moyen de contrer cette concurrence de marché ?

Juste après, elle grimaça légèrement, penaude :

-Pardonnez-moi, nous prenons une journée détente et je vous parle travail… Je suis incorrigible.

Enfin elle sourit quand même. Parce que bah, c’était Lucinda quoi.

Joshua Brolin:
Ainsi donc, Lucinda appréciait de passer du temps avec lui. Un sourire confiant échappa au noble qui sentait poindre la réussite de son plan. Oui, avant ce soir, Lucinda et lui seraient promis l’un à l’autre, et sous peu de temps fiancés, avec tout ce qui en découlerait dans les mois à venir… c’était parfait.

Fewi avait treize ans ? Joshua ne s’en serait pas douté. Elle était encore très bien portante pour son âge avancé. Mais cela expliquait en partie le calme dont elle faisait preuve en comparaison de Plume.

« Plume n’a que trois ans, et pour avoir du caractère, elle en a. »

Il ne s’étendit pas sur ce sujet. La jument avait également une histoire, mais il préférait ne rien en dire. Il ne se montra pas particulièrement bavard tant qu’ils se trouvaient en ville. Diriger les montures à travers les rues pleines de monde, sans que la jument ne prenne peur, retenait la plus grande partie de son attention. Ce ne fut qu’une fois les portes de la ville laissées derrière eux que Joshua se permit de se détendre un peu. Maintenant Plume au pas, il la plaça au côté de Fewi afin de pouvoir converser avec sa cavalière.

Mais tout moment de détente lui fut refusé. Voilà que Lucinda parlait de l’homme que Joshua haïssait le plus actuellement. Son corps se raidi et il serra les dents. Ce n’était ni le moment ni le lieu pour parler de ce sujet. Et encore moins les circonstances. Sans parler de l’interlocutrice. Nul doute que Lucinda n’apprécierait que moyennement de s’entendre dire que la seule raison pour laquelle il était là aujourd’hui était le désir d’écraser ce petit parvenu. Elle n’avait peut-être pas envie de savoir que ce vin de glace était la raison de ce contrat de mariage en attente de l’approbation de la demoiselle.

Faisant de son mieux pour dominer sa mauvaise humeur, il s’efforça de sourire à la jeune femme. Il ne voulait pas lui faire peur, mais il craignait bien que son humeur transparaissait. L’attaque avait été aussi soudaine qu’inattendue. Il inspira un grand coup, discrètement, et se domina. Il fit mine de s’accorder à la jeune femme et répondit à son sourire. Mais le sien manquait de sincérité, à n’en pas douter cela se voyait.

« En effet, nous ne devrions pas parler affaires, il serait dommage de gâcher cette journée en votre compagnie avec des tels sujets de discussions. Aussi résumerai-je simplement ma réponse à votre question en vous disant que, si ce n’est guère une bonne nouvelle pour moi, cela ne ternit cependant pas la réputation de notre famille, le marché n’étant pas tout à fait le même. »

Il tourna son regard vers Lucinda, plantant ses yeux dans ceux de la jeune femme. Son ressentiment s’apaisa rapidement et son sourire fut plus chaleureux cette fois-ci.

« Mais parlez-moi plutôt de vos affaires. Je suis certain qu’elles sont bien moins ennuyeuses que les miennes. Le Collegium ne désempli pas, vous devez avoir de nombreuses histoires à raconter. »

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