Auteur Sujet: La vérité est cachée au fond du jardin  (Lu 9959 fois)

Thalyana

La vérité est cachée au fond du jardin
« le: 16 juillet 2014, 20:42:25 »
Milieu de la 3e décade de printemps - jardin des simples

Thalyana avait chaud. Très chaud. Déjà, sans son gros ventre, elle avait toujours peiné à supporter la chaleur. Mais maintenant qu’elle devait porter son poids, celui du bébé et de tout ce qui l’entourait, le moindre rayon de soleil la mettait au suplice. Les températures plus que clémentes des derniers jours  l’avaient simplement paralysée. Elle n’avait donc pas participé aux derniers événements.  Elle n’avait même pas pu en apprendre plus par Kalaïd, qui était en congé pour s’occuper un peu d’elle.

Au moins, elle avait un vêtement adapté aux températures. Si elle n’avait pas apprécié l’attitude de ses parents à leur arrivée, elle avait rapidement béni sa mère. Celle-ci lui avait cousu deux robes de grossesse sans manche dans un tissu très fin, en plus des nombreux vêtements pour enfant qu’elle avait tricoté. C’était donc vêtue d’une robe neuve gris clair (aucune des deux n’étaient du vert Guérisseur, pour des raisons de bon sens) qu’elle était venue travailler. Elle avait apprécié de ne plus être sollicité au détour de chaque couloir, comme c’était habituellement le cas. Habillée en “civile”, les gens l’ignoraient.

Elle profita donc de cette tranquillité dans le jardin des simples, à l’ombre d’un grand arbre, pour enlever ses sandales et étirer ses jambes endolories par sa matinée chargée. Elle avait amené de quoi prendre une petite collation (Dieux, qu’elle avait faim!) et même un peu de lecture. Elle espérait pouvoir jouir de sa pause en paix. Aussi, quand elle aperçut une jeune femme qui semblait se diriger vers elle, elle sentit l’agacement la gagner. Puis elle se raisonna. Cette jeune noble se promenait sans doute simplement et n’avait aucune attention de la déranger... Étrangement, elle n’y croyait pas trop. Son ventre agissait comme un aimant et elle se trouvait constamment sollicitée par des gens plein de bonnes intentions.

La jeune femme s’approcha encore... et encore. Finalement, Thalyana ne put plus ignorer l'intrue sans se montrer terriblement grossière et la salua, sans pour autant se lever ou manifester une quelconque intention d’engager la conversation.

« Bonjour...»
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #1 le: 16 juillet 2014, 21:17:40 »
En cette journée d'été, alors que la température daignait enfin se faire plus supportable, Fleur avait décidé d'aller flâner dans les jardins du Palais. Elle s'y était rendu pour rencontrer une amie de longue date, mais leur entretien avait été somme toute assez court, et Owen était sorti en ville avec des amis. En attendant qu'il vienne la chercher, ses pas l'avaient naturellement amené ici, un endroit où elle adorait aller du temps où elle était une simple Bleue.

Avec joie, elle constata qu'elle n'était pas la seule à avoir eu l'idée de se rendre ici, et elle s'approcha de la silhouette féminine qu'elle devinait plus loin.
Quand elle fut assez proche, elle se rendit compte en outre que la jeune femme assise au pied de l'arbre était enceinte, et pas qu'un peu. Fabuleux, c'était si beau une femme enceinte!

Elle n'eut même pas à engager la conversation que celle-ci la salua d'elle-même, parfait.
Fleur répondit avec sa bonne humeur coutumière:

"Bonjour! Vous cherchez aussi un peu d'ombre? La chaleur est accablante, et dans votre état cela doit être difficile!"

La jeune femme avait l'air bien élevée, aussi, Fleur se présenta courtoisement, faisant une légère révérence.

"Fleur de Trevale, enchantée!"
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #2 le: 16 juillet 2014, 21:36:24 »
La jeune femme semblait ravie que Thalyana la salue. La Guérisseuse regretta presque d’avoir pris l’initiative. Elle aurait mieux fait de se plonger dans le lecture de son livre. Enfin, il était trop tard.

Elle répondit d’un ton léger au commentaire de la noble.

« Oui, c’est un peu difficile à supporter, surtout quand on travaille.»

Puis la jeune femme se présenta. Fleur de Trevale? Le nom ne lui disait rien, mais elle connaissait très peu les nobles. Cependant, il lui avait semblé qu’Isabeau avait parfois mentionné une amie prénommée Fleur, mais le nom de famille ne correspondait pas à son souvenir. Peut-être le prénom était-il courant parmi les nobles?

« Thalyana. Tout court.»

Elle fit un petit signe de tête. Elle n’avait aucune envie de se lever pour faire une révérence. Cependant, Marija avait très bien élevé sa fille. Elle se décala donc inconsciemment pour libérer un peu de place sur le banc et fit un vague signe pour inviter Fleur à s’assoir. Intérieurement, elle se maudit d’être si polie.

Elle s’entendit engager la conversation, sur le ton avec lequel elle discutait avec ses patients.

« Vous êtes ici en visite? Je ne crois pas vous avoir déjà vue ici. »

En même temps, pendant ses études, elle n’avait eu pour ainsi dire aucune vie sociale, et maintenant elle ne fréquentait plus que ses collègues et ceux de Kalaïd. De plus, les nobles la méprisaient un peu pour son accent campagnard et ses airs de fille simple. Quand elle s’était retrouvée à faire les boutiques avec une apprentie Héraut noble, elle avait réalisé qu’elle vivait dans un monde très très différent de ces gens-là. Depuis, elle les évitait soigneusement dans un contexte autre que la Maison de Guérison.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #3 le: 16 juillet 2014, 22:17:03 »
Jamais il ne vint à l'esprit que Fleur puisse déranger la jeune femme et l'empêcher de lire le livre qu'elle tenait entre les mains. Fleur n'avait jamais l'impression de s'imposer.

"Vous travaillez? Dans votre état? Mais quel genre de métier faites-vous pour qu'on vous demande de travailler à ce stade si avancée?!"

La suite de leur échange, quand Thalyana lui donna son prénom, sans nom de famille, acheva d'éclairer Fleur.
Si Thalyana travaillait, c'est qu'elle n'était pas Noble, et l'absence de nom le confirmait. Pour autant, ça ne la rendait pas non fréquentable, Fleur était même ravie.
Une connaissance dans les gens du peuple, c'était une bonne chose, car cette jeune personne saurait des choses que Fleur ignorait, forcément. Une source incroyable d'information inédites s'ouvrait à elle!

Comme Thalyana se poussait, Fleur s'assit à côté d'elle, étalant sa robe autour d'elle pour ne pas trop la froisser. Elle reconnu dans sa voix un accent qui n'était pas du tout de Haven, cependant, cela n'empêchait pas la jeune femme d'avoir visiblement de bonne manières.
Toujours ravie de parler d'elle, Fleur répondit à sa question:

"Oh je vis ici, du moins une partie de l'année, et je suis née ici. Mais mon mariage m'a éloigné quelque peu de la Capitale durant ma lune de miel. J'ai été une étudiante non-affiliée avant, je portais le nom de mon père, Arkadia. Je connais bien le Palais, et ces jardins également, j'y ai passé beaucoup de temps."

[spoiler:1j5kzfoa]En relisant le rp "retour en ville", me suis rendue compte que jamais le prénom de Thalyana n'a été prononcé, juste son âge et sa condition. Du coup, Fleur se rendra compte d'à qui elle parle quand Thalyana lui parla de son métier.[/spoiler:1j5kzfoa]
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #4 le: 16 juillet 2014, 22:35:38 »
Thalyana dut retenir un éclat de rire. C’était bien une noble, pour croire qu’une femme enceinte se devait d’être oisive.

« Je suis Guérisseuse... Et ma grossesse n’est pas si avancée. J’en suis à la fin de la 18e décade, donc encore tout à fait apte à travailler. La plupart des femmes que j’ai connue travaillaient jusqu’à la dernière décade. Et je m’ennuierais si je ne venais pas ici.»

Regardant Fleur s’assoir, la Guérisseuse se demanda comment on pouvait porter une telle robe. On devait toujours craindre de la tacher, ou de l’accrocher quelque part et de la ruiner. Elle préférait les tissus simples qui se raccommodaient sans peine et qui se lavaient facilement. Mais elle ne put qu’admirer l’aisance avec laquelle Fleur disposait sa robe autour d’elle.

« Ici au Palais ou à Haven? »Elle se demandait combien de nobles vivaient dans le Palais à l’année. « Moi aussi j’aime ce jardin, même si souvent j’y viens pour y cueillir des plante et que j’ai rarement le temps de m’y arrêter. »

Arkadia, c’était donc bien l’amie d’Isabeau. Elle n’avait pas souvenir qu’il ait été question d’un quelconque mariage, mais il était tout à fait possible qu’Isabeau n’ait simplement jamais eu l’occasion d’en parler. Elle se demanda si elle devait mentionner leur connaissance commune. Elle préféra s'abstenir, elle ne savait pas trop si Isabeau assumerait devant une noble d'avoir pour amie une Guérisseuse campagnarde.

« J’imagine que vous êtes heureuse de revenir ici, si vous y avez grandi. Le reste du pays doit sembler si calme quand on a connu que l’agitation de la ville. Moi-même, je crois que je ne pourrais plus vivre à la campagne.»

Sa manière de vivre aurait été proprement scandaleuse dans son village. Même mariée à Kalaïd, elle était trop indépendante et aimait trop son travail pour envisager de retourner dans l’ombre, là où évoluaient des femmes comme sa mère.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #5 le: 16 juillet 2014, 23:32:15 »
Non, vraiment, travailler en étant enceinte était un concept totalement original pour Fleur. Il faut dire que dans son milieu, dès qu'une grossesse était visible, les femmes ne sortait plus. Tout simplement.

Quand Thalyana la renseigna sur son métier, le visage de Fleur s'éclaira.
Oooh! Ainsi donc elle avait devant elle la scandaleuse Guérisseuse enceinte dont elle avait tant parlé avec Dame Belinda!
Fan-tas-tique!
Voilà qui transformait sa journée!

Fleur ne se considérait pas comme quelqu'un d'hypocrite. Pourtant, à cet instant, il semblait clair qu'elle souffrait de ce très vilain défaut. Elle avait jugé très sévèrement la jeune femme qui se trouvait en face d'elle, en son absence, sans la connaître, et maintenant, elle lui faisait bonne figure.
Mais elle n'avait pas un fond méchant et souffrait plutôt d'une simple hypocrisie mondaine, presque obligatoire dans le monde où elle évoluait.
C'est donc avec une curiosité redoublée qu'elle s'installa aux côté de la jeune femme en réagissant à ses propos:

"Vous avez probablement raison et en savez plus que moi sur la grossesse n'est-ce pas? L'heureux futur père réside à Haven?"

Effectivement, c'était une question assez déplacée quand on considérait que Fleur ne connaissait pas Thalyana, mais c'était plus fort qu'elle. Elle mourrait d'envie de savoir qui était cette femme pour assumer avec une telle facilité d'être enceinte et non mariée!
En attendant, elle racontait sa courte vie, un sujet inépuisable!

"Au Palais, moi? Grands Dieux non! Mon époux et moi possédons une grande maison de ville, près d'ici."

Vivre au Palais était pratique quand on voulait être près du pouvoir mais signifiait aussi ne pas posséder de pied-à-terre à Haven, ce qui n'était pas le cas des Trevale, bien sûr.

"Malheureusement, mes beaux-parents n'ont pas habité notre maison pendant des années, et le jardin est dans un état déplorable... En attendant que le jardinier en fasse quelque chose de convenable, je profite de ces jardins-ci qui ne sont jamais négligés, un vrai plaisir pour les yeux..."


Les soucis domestiques de Fleur, et surtout le ton dramatique qu'elle leur donnait avaient de quoi faire rire, mais la jeune femme aimait les Fleur, et avait la main verte. Mais pour le moment, sa vie trépidante l'empêchait de se pencher de nouveau sur des plantations.

"Vous vivez donc au Collegium des Guérisseurs?"

C'était une évidence pour Fleur tant elle avait l'habitude de voir les Verts continuellement sur place.

"Je suis ravie d'être de retour. Oh, le domaine familial est une vraie merveille, le château de Trevale est reconnu pour son confort et sa beauté, cela dit, comme vous le dites, c'est la campagne, et je confesse préférer l'agitation d'une ville à la monotonie campagnarde."

Cherchant vainement un courant d'air inexistant, Fleur sortit un éventail et brassa l'air chaud devant son visage.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #6 le: 17 juillet 2014, 14:36:48 »
« L’heureux futur père? » Thalyana se demanda pourquoi elle lui posait une telle question, et elle ne put s’empêcher de froncer les sourcils. Habituellement, on partait du principe soit que le père était partie prenante de la grossesse, donc présent, soit totalement absent. Or cette question sous-entendait que son interlocutrice savait, ou croyait savoir qui était le père. « Oui... je crois que Ka...» Elle s’interrompit brièvement. «...que mon compagnon restera à Haven jusqu’à la naissance, sauf si sa présence se révèle indispensable ailleurs. » Il serait en tout cas là à la fin de l’été, vu que c’était à cette époque qu’aurait lieu leur mariage.

Thalyana sourit à la dénégation de la noble. Était-ce si inconfortable de vivre au Palais? Une maison de ville... donc elle possédait, ou son mari, une maison ailleurs probablement dans le domaine familiale, à la campagne. Une maison de ville avec un jardin... Elle pensa à son dérisoire “jardin d’intérieur”, quelques pots de simples disposés dans la lumière du soleil, non loin du poêle. Le monde des nobles semblait tellement éloigné du sien. Pourtant, elle avait accouché la reine comme n’importe quelle femme. Mais les quelques similitudes qu’elle trouvait entre le peuple et la noblesse étaient rapidement effacées par les différences.

Thalyana ne se sentait absolument pas capable de parler de maison de ville et autres habitations, par contre, elle se sentait relativement à l’aise en ce qui concernait le jardinage.

« Je vous conseille de planter... non, de faire planter du chèvrefeuille. Ça parfume agréablement l’air et sous une tonnelle, l’effet est proprement enchanteur.»

Dans le petit jardinet de sa mère, plus utilitaire que décoratif, poussait quelques plants de chèvrefeuilles, pour lesquels on avait fabriqué à la hâte un “portique” en bois et osier. Marija utilisait les fleurs pour parfumer la maison et se reposait souvent à l’ombre de sa “tonnelle”.

Dame Fleur semblait estimer que vu qu’elle travaillait ici, elle vivait aussi au Collegium. Finalement, seuls les célibataires et le doyen vivaient vraiment ici. Les autres s’empressaient de trouver à loger ailleurs. Quand on était sur place, on pouvait être appelé en urgence à toute heure de la nuit. En ville, on était dérangé que pour de réelles urgences.

« Oh non, je ne vis plus ici. Les “appartements” des Guérisseurs ne sont pas vraiment conçus pour accueillir une famille, ceux de mon comp...fiancé non plus. Je voulais au moins une cuisine à moi, donc j’ai pris un appartement en ville. Is... une amie m’a aidé à trouver un arrangement avec une famille, et je loge maintenant dans mon propre appartement dans le quartier des artisans. » Elle n’avait toujours pas décidé si elle pouvait parler d’Isabeau ou pas, et s’en voulut de s’être presque trahie.

La dame semblait ravie d’être de retour à Haven, même si elle décrivait avec complaisance la résidence de la famille de son époux.  

« J’imagine que pour une jeune fille sophistiquée les bals campagnards ne valent pas les réceptions données ici. Sans parler de l’absence de magasin. »

Coincé dans son village de bûcheron, Thalyana n’avait jamais vu un véritable magasin. A Dixchesnes, le commerce se limitait à un peu de troc. La communauté était trop petite pour avoir besoin d’un magasin, quel qu’il soit. Les femmes filaient et tissaient la plupart du tissus utilisé. Pour les belles robes, on utilisait les coupons ramenés de la ville par ceux qui s’y rendaient parfois. Le village vivait en autarcie presque totale.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #7 le: 17 juillet 2014, 20:24:50 »
Thalyana avait appelé le père de son enfant à venir son compagnon. Fleur fut alors certaine, bien qu'elle ait peu de doute, qu'elle se trouvait en face de l'amie d'un des officiers de l'armée. Et qui disait officier disait que celui-ci fréquentait la caserne et devait forcément savoir qui était le mystérieux papa de la fille de Riannon.
C'est avec un parfait détachement qu'elle demanda:

"Il est aussi Guérisseur comme vous?"

Elle prêchait le faux pour se faire confirmer le vrai avec une innocence confondante.

Avec attention, elle écouta les conseils de Thalyana pour son jardin et la remercia vivement:

"Quelle bonne idée! Je vais faire passer l'ordre d'en planter un, ce sera délicieux dans quelques années! Et du jasmin aussi, mais plutôt en automne, ce sera la saison. Et des rosiers, des tas de rosiers..."

Fleur apprit alors que non, le Guérisseurs n'étaient pas tous en résidence au Palais. Tout comme elle appris que Thalyana s'était en fait fiancée! Se pourrait-il que la pression de l'opinion générale les ait forcé à se marier? Elle espérait, ainsi, la jeune femme rentrerait dans le droit chemin, ce qu'elle méritait, puisqu'elle avait l'air tout à fait fréquentable.

"Suis-je bête, bien sûr qu'un logement de fonction ne peut accueillir une famille! Il faut au moins une nurserie! Vivre dans le quartier des artisans doit être fascinant, on y trouve de si belles choses..."

Ah, Fleur et ses habitudes nobles. Ce n'est pas qu'elle snobait les gens des classes inférieures, c'est juste qu'elle ignorait totalement comment ils vivaient. Elle était toujours d'humeur égale avec ses domestiques, mais jamais elle n'était allé visiter les communs par exemple. Comme beaucoup d'autres jeunes femme de son rang.

"Les bals campagnards? Les réceptions sont si rares à Trevale... Depuis mon retour, j'ai rarement une minute à moi tant je suis sollicitée. C'est le mariage qui veut ça, et si vous me parlez de fiancé, vous le découvrirez bientôt n'est-ce pas?"

Là, elle ne put empêcher son regard de se poser sur le ventre gravide de la Guérisseuse.

"J'ai été gâté par le destin, mon époux aime tout autant que moi faire les magasins, je suis comblée..." continua-t-elle.

Et dieux qu'ils dépensaient de l'argent, c'était scandaleux...

"Mais vous n'êtes pas d'ici vous, j'entends un accent dans votre voix?" finit par demander Fleur.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #8 le: 17 juillet 2014, 20:50:15 »
« Oh non... pas du tout. » Elle rit à cette idée. « Il...» Elle hésita. Elle et Kalaïd avait longtemps cultivé un secret certain autour de leur relation. Non pas volontairement, mais plutôt par goût de l’intimité. Et maintenant, alors que leur relation avait été révélée par sa grossesse, et bientôt officialisée par leur mariage, elle hésitait encore à en parler. Elle se raisonna. Quel mal y avait-il à parler de Kalaïd? Aucun. « Il est soldat... enfin, officier. »

La noble accepta son conseil avec joie et Thalyana se sentit rassurée. Elle avait craint de se montrer trop audacieuse avec sa proposition.

Elle ne put par contre s’empêcher de prendre un air effaré à la remarquer de la dame à propos de la nécessité d’avoir une nurserie.

« Une nurserie? » Décidément, elle ne vivait pas dans le même monde que la belle dame assise à côté d’elle. « J’étais déjà contente d’avoir deux pièces différentes. »

Elle rougit. Elle se sentait si... si roturière! Quand elle avait vu l’appartement qu’on lui proposait, elle avait été ravie d’avoir une salle d’eau privée. Les deux pièces de vie lui avaient semblé amplement suffisantes pour ses besoins. Et si elle désirait un jour un plus grand logement, ce serait à Kalaïd de le réclamer à la caserne. Il fallait bien que son rang d’officier leur apporte quelques avantages.

Quant au mariage, Thalyana doutait fortement qu’il change quoi que ce soit à sa vie. Elle se mariait pour faire plaisir à ses parents, car à ses yeux, le Lien valait toutes les bénédictions qu’un prête pourrait lui donner.

« J’imagine que tous sont ravis de votre retour, et qu’ils sont ravis de prendre de vos nouvelles. Quant aux obligations du mariage, je ne pense pas qu’elles soient les mêmes dans mon monde... d’autant que pour nos proches, le Lien a bien plus de valeur qu’une inscription dans les registres de la ville, et qu’ils nous traitent comme si nous étions déjà mariés. Ma grossesse a fini de nous unir aux yeux de tous... »
Elle sentit le rouge lui monter aux joues.

Faire les boutiques avec son mari, c’était être gâtée? Elle faillit éclater de rire en s’imaginer traîner Kalaïd dans un quelconque magasin. Elle ne savait pas comment il se fournissait en vêtements, car il en possédait de magnifiques, dont une superbe tunique qu’elle l’avait vu porter une fois. Mais elle ne l’imaginait pas flâner dans la rue et faire du lèche-vitrine.

« Je ne suis pas de Haven, effectivement, mais je ne viens pas de très loin. Simplement, à la campagne, nous avons encore un accent différent selon les régions, alors qu'ici les gens n'en ont plus aucun.»
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #9 le: 18 juillet 2014, 19:42:29 »
"Officier..." commenta Fleur d'un ton appréciateur. "C'est un poste haut placé, vous devez être fière. Même si c'est dangereux, bien sûr..."

La jeune femme savait qu'il ne serait pas facile de tirer des confidences de Thalyana. La guérisseuse, bien que parfaitement aimable, était prudente dans ses propos, cela s'entendait.

"Je ne suis jamais allé à la Caserne, mon père me l'a toujours interdit..." elle soupira. "Je suis pourtant certaine que cela doit être fascinant de voir comment s'organise la sécurité de Valdemar."

C'était une entré en matière comme une autre. Et la stricte vérité. Son père refusait que sa fille tourne autour des soldats, préférant la voir, c'est bien normal, fréquenter des jeunes gens de son milieu. Et à présent, elle n'avait plus l'excuse de sa naïveté de jeune fille pour prétexter s'être perdu aux alentours de l'édifice militaire, comme par hasard.

Sa remarque sur la nécessité d'une nurserie ne manqua pas de surprendre son interlocutrice qui avoua que son logement ne comptait que deux pièces.
Deux pièces?!
Fleur tenta de ne pas trop montrer son étonnement, par politesse. Et parce qu'elle voyait bien que Thalyana était gênée. Fleur n'était pas hautaine, et trop délicate pour faire étalage de son statut dans le but d'impressionner plus pauvre qu'elle. Ce n'était pas dans son caractère.
Et puis, réflexion faite, elle savait que beaucoup de mère ne se séparaient pas de leur enfant en déchargeant cette responsabilité à une nourrice.

"Bien sûr, pardonnez-moi, je dis des bêtises parfois" s'amenda-t-elle en toute franchise.

Fleur n'était pas non plus prétentieuse au point de ne pas assumer quand elle se trompait.

Puis Thalyana parla d'un lien. Sans préciser sa nature, en l'évoquant comme si le mot se suffisait à lui-même. Et cela suffit à Fleur, romanesque quand elle le voulait, pour comprendre.

"Un Lien pour la vie?! Je pensais que ça n'existait que dans les chansons des bardes, oh, c'est si... romantique!"

Et oui, Fleur était bien une jeune femme bercée au son des "Yeux de ma Dame".
Pas que le plus important selon elle, soit la grossesse hors mariage, soit balayé brusquement, mais cela atténuait quand même sensiblement sa faute. Un Lien pour la vie!

"Vous avez de la chance!" continua-t-elle.

Un amour béni des Dieux, c'était quelque chose!
Puis elle vit un léger scepticisme sur le visage de Thalyana quand elle parla de magasin. Elle ne s'en formalisa pas. Les hommes de son milieu aimaient être bien habillé mais rares étaient ceux qui aimaient accompagner leurs femmes jusque dans les boutiques, tout de même. Elle ne renchéri pas sur le sujet, consciente que son époux était unique en son genre, et préféra rebondir sur les accents des habitants de Valdemar.

"C'est vrai que j'ai été étonné en arrivant à Trevale par l'accent, j'en avais perdu l'habitude ici."


Parler d'accent lui fit penser aux étrangers, et soudain, elle se rappela que c'était Thalyana qui avait trouvé Riannon et l'étrangère, dans une marre de sang. Elle aurait tellement aimé en savoir plus à ce sujet aussi!

"Mais Haven reste très cosmopolite tout de même, on y trouve beaucoup d'étrangers. Des mages, des soignants, et d'autres professions exotiques, comme cette Pluiechantante par exemple..."

Elle avait prononcé le nom de la Kestrachern' sans aucun jugement dans la voix. Elle savait bien que Thalyana était tenue au secret professionnel, elle s'était déjà assez heurtée au dogme des guérisseurs en cherchant à grappiller quelques ragots.  Mais il n'était pas impossible qu'elle en apprenne plus qu'elle n'en savait sur cette femme, et qui se résumait à peu de choses finalement.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #10 le: 22 juillet 2014, 09:43:59 »
« Haut placé, je ne sais pas. » Thalyana s’y connaissait mal en hiérarchie militaire, mais elle savait que le grade de Kalaïd n’était pas parmi les plus élevés. Certes, il était jeune, il prendrait encore du galon.

«La caserne est un endroit intéressant, mais on y apprend très peu sur la sécurité. En tout cas, je m’y suis toujours sentie bien accueillie. Les soldats sont ravis d’avoir de la visite, et de pouvoir nous chouchouter. Mais c’est un peu comme avoir des dizaines et des dizaines de grands frères et de pères. Quand ils ont découverts ma grossesse, ils se sont passés le mot pour me surveiller, quand je venais m’entraîner, quand je rentrais seule la nuit, ou que je devais aller voir un patient en ville. J’ai essayé de m’en débarrasser, mais j’ai dû renoncer. Ils sont trop heureux de jouer les chiens de garde. Et je crois que Kalaïd...» Elle s’était un peu laissé emporté, et elle n’avait pas pu retenir son nom. Tant pis. «... que ça le rassure de me savoir bien gardée. Même s’il sait que je déteste ça. »

Les hommes avaient des réactions étranges face à la grossesse. La plupart du temps, ils traitent leur épouse comme si elle s’était soudain changée en verre. Thalyana avait tout de suite signifié qu’elle comptait continuer à vivre comme elle l’avait toujours fait, et qu’il était inutile de tenter de la protéger à tout prix. Elle ne supportait pas qu’on cherche à l’enfermer dans une bulle protectrice. Mais Kalaïd restait un homme, et il s’inquiétait un peu de la voir s’entraîner avec son gros ventre, courir dans les escaliers, et porter de lourdes charges.

L’histoire de la nurserie lui rappela la discussion qu’elle avait eu avec Isabeau. Celle-ci s’était étonnée qu’elle ne prenne pas une nourrice, et lui avait proposé la sienne si jamais elle se trouvait déjà enceinte à ce moment-là. Or, vu qu’elle était partie quelque part, en mission probablement, il y avait peu de chance qu’elle ait besoin d’une nourrice, et que donc elle puisse la partager avec Thalyana.

« Je crois que c’est difficile pour certains d’imaginer qu’on peut vouloir garder son enfant près de soi, et y prendre du plaisir. Dans la noblesse, on estime qu’une nourrice professionnelle fera mieux le travail. C’est sans doute vrai, mais le bonheur de la maternité nait aussi dans les doutes et les erreurs. Et soyons honnête, bien peu ont la possibilité d’engager une nourrice.»


Elle savait bien qu’il lui faudrait une nourrice, si elle voulait retourner travailler. Mais elle comptait nourrir elle-même l’enfant le plus souvent possible. Elle ne s’était pas encore renseigné sur les possibilités qui lui étaient données pour faire garder sa fille au Palais. Elle savait que ce devait être possible.

« Oh non, le Lien est tout le contraire du romantique. Courtiser une dame avec des fleurs et des poèmes, ça s’est romantique. Soupirer après un homme, l’attendre avec le cœur torturé, ça c’est romantique. Le Lien... ôte tout choix, toute peur. Il n’y a pas de cour, il n’y en a pas besoin. Quant à la chance...» Elle sourit, au souvenir des paroles de Beltran. « Certains vous diraient qu’il s’agit là autant d’une malédiction que d’une bénédiction. »

Elle n’avait jamais tellement réfléchi à la nature du Lien. Mais elle ne le trouvait pas romantique, c’était certain. Pour elle, la romance devait comporter une part de doute, d’attente. Comme Raimon qui malgré des fiançailles déjà annoncées avec Isabeau, l’avait demandé en mariage lui-même. Sur bien des aspects, Kalaïd et elle fonctionnait déjà comme une vieux couple. Un vieux couple certes très amoureux, très unis, mais sans les émois et les transports d’un amour naissant.

Les questions d’accent ne suscitaient pas tant d’émotion en Thalyana, et elle était contente d’arriver à ce sujet plus léger.

« On oublie vite. J’ai trouvé que ma mère parlait vraiment avec un accent étrange, qui pourtant est similaire au mien, mais bien plus prononcé.»

Dame Fleur défendit cependant la cité, qui restait très ouverte et où étaient parlés une multitude de patois et de langues. Et qui attirait de nombreux étrangers.

« Profession exotique? Pluiechantante pratique simplement un aspect de mon métier que je dois négliger, faute de temps. J’aimerais avoir le temps de soigner l’estime et de cœur de mes patients. Malheureusement, je réussis à peine à guérir tous les corps et les esprits qu’on me présente. Alors je suis heureuse de savoir que je peux envoyer les gens chez elle et ses confrères. Même si Pluiechantante elle-même a moins de temps pour prendre des patients depuis quelques temps...»
Depuis qu’elle gardait Liane et les autres. Sans parler de sa lutte pour Riannon, qui l’avait énormément affaiblie; il lui avait fallu un temps considérable pour se remettre.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #11 le: 24 juillet 2014, 00:06:14 »
Thalyana ouvrit une fenêtre sur la vie d'une caserne, et Fleur l'écouta presque bouche ouverte. Elle avait bien essayé de tirer les vers du nez à des soldats, mais Beltran tenait sa caserne d'une main de fer, et aucun de ses hommes ne se laissaient aller aux confidences.
Bien entendu, la jeune femme nota précieusement le nom du compagnon de la guérisseuse.

"C'est comme une grande famille!" s'émerveilla Fleur. "Cela doit être rassurant pour vous!"

Oui, elle avait bien entendu que Thalyana travaillait encore, et avait un statut très différent du sien, reste que pour elle, une femme enceinte était un petit être fragile dont il fallait prendre soin.

"Mais... vous vous entrainez? Avec des armes?!"
s'exclama Fleur avec horreur. "Mais c'est très dangereux!" continua-t-elle.

Mais toute à sa surprise, elle ne perdait pas le nord, jamais.

"Votre enfant aura de nombreux oncles pour veiller sur lui n'est-ce pas? Ce sera une fille ou un garçon? Il aura un ami de toute façon, j'ai entendu dire que la fille de la Doyenne des Bardes passait régulièrement quelques jours à la caserne avec son père..."


Oooh, la jolie façon de travestir la vérité. Si on 'écoutait Fleur, on pouvait croire qu'elle connaissait l'identité du père de Liane. Et elle voulait qu'on le croit, car dans ce cas, la vérité pouvait lui échapper. Était-ce un mensonge? Pas tellement pour Fleur.

Elle écouta ensuite le point de vue sur la maternité de son interlocutrice, avec scepticisme, mais acceptant son opinion avec politesse.

"Certainement. Pour ma part, si je suis mère un jour, je serai bien en peine de savoir m'occuper d'un nourrisson!" confia Fleur avec une honnêteté désarmante.

Elle n'était pas aveugle sur son futur non plus. Elle avait que certains disaient qu'Owen se révèlerait incapable de procréer. Plusieurs mois infertiles après leur mariage tendaient à valider ces rumeurs, mais Fleur ne se sentait pas blessée pour le moment. Elle avait trop à faire pour être immobilisé par une grossesse!

Thalyana lui donna alors son point de vue sur les Liens pour la Vie. Et cela étonnait grandement Fleur. Son éducation bercée de comtes romantique refusait d'admettre que le Lien puisse être si asservissant. Elle balbutia:

"Vous en savez plus que moi, bien sûr. Mais je trouve ça romantique que les Dieux vous aient désigné une âme soeur, une seule personne au monde qui vous conviendrait, et pas une autre."
soupira-t-elle.

Dans son milieu, la personne qui convenait était celle qui avait la meilleure position dans le monde. Rares étaient les mariages d'amour, ou ceux qui tombaient amoureux. Owen était amoureux d'elle oui, mais pas elle, même si elle le respectait et avec beaucoup d'affection pour lui. Et rien n'avait été romantique dans leur union. Elle se souvenait de leur rencontre, des tractations, des négociations. Rien de cela ne transpirait la tendresse et la séduction!

Fleur ne rebondit pas sur le sujet des accents, il avait été abondement traité et il n'y avait rien à en dire de plus, en revanche, sur le métier de Pluiechantante...

"Vous voulez dire que vous... vous envisager de... avec vos patients?"

C'était déjà choquant de le faire tout court, mais enceinte!

"Il y a des choses trop étranges pour moi..." avoua-t-elle en rougissant. "Mais si vous considérez cela important..." le ton employé montrait clairement qu'elle ne partageait pas cet avis.

Cependant, encore une fois, elle profita de ce que Thalyana disait pour espérer en apprendre plus.

"J'ai appris que cette dame avait du être soignée suite à... des soins qu'elle donnait à Riannon, n'est-ce pas?"
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #12 le: 24 juillet 2014, 08:08:00 »
« Oui, avec des armes. Mais ça commence à devenir difficile. Et je ne suis pas têtue au point de vouloir continuer à tout prix. Mon ventre me gêne maintenant. » Elle haussa les épaules. « Heureusement, je peux au moins me baigner. »

Elle soupira. Elle n’avait pas du tout envie d’avoir une multitude d’oncles et de grands-pères adoptifs pour sa fille. Un seul lui semblait déjà suffisant. Mais elle n’avait pas le choix, et prenait la situation avec amusement.

« Ça, vous pouvez le dire. Et quand elle sera grande, ma fille aura de nombreux chaperons pour veiller à sa vertu. » Elle avait tenu le même discours, presque mot pour mot, à Beltran. Et depuis, tous les soldats s’étaient en tête de confirmer ses dires. Amalia avait au moins une dizaine de parrains autoproclamés, et bien plus de protecteurs. Pourtant, nombre de ces hommes avaient leur propre famille. Mais ils se sentaient tenus, par loyauté pour leur officier, de protéger sa compagne et sa future fille. À leurs yeux, sans doute, elle faisait partie du “Kalaïd”. « Et la petite Liane a déjà décidé qu’elle aimait beaucoup ma fille. Elle vient souvent nous dire bonjour et chanter pour nous. Elle est si mignonne. Et elle aime tellement faire courir son père. »

Elle trouvait amusant l’aveu de Fleur quant à l’éducation des enfants. Elle non plus n’avait aucune idée de comment on s’occupait d’un nouveau-né. Certes, elle en avait mis en monde, elle avait vu des femmes avec leur bébé, mais elle-même ne s’était jamais occupée d’un nourrisson.

« Oui... au moins, nous avons l’avantage d’avoir gardé nos cousins ou surveillé nos neveux. Tandis que parmi la noblesse, un enfant n’est présenté au monde que lorsqu’il est déjà capable de se tenir. »

Le Lien était source de fascination pour de nombreuses personnes. Et surtout source d’envie. Ils ne voyaient que les aspects positifs du Lien, l’amour exclusif et éternel entre deux êtres. Ils ne réalisaient pas les souffrances qu’engendrait cette relation si extrême. Ni qu’un Lié qui meurt emporte l’autre dans la tombe, bien souvent. Mais Thalyana avait trop bon cœur pour détromper ainsi la jeune fille.

« Oui, c’est romantique à imaginer... »

Thalyana avait parlé en toute innocence de la profession de Pluiechantante. Aussi ne comprit-elle pas tout de suite la réaction choquée de Fleur. Puis la compréhension et le rouge aux joues lui vinrent simultanément.

« Oh Dieux... » Elle était maintenant totalement écarlate. « C’est ça que vous imaginez qu’elle fait ? Pas étonnant que vous soyez choquée ! Non... enfin. » Elle se mordit la langue, cherchant comment expliquer. « Un Kestra’chern, c’est... c’est une oreille attentive avant tout et une main consolatrice. C’est le confident à qui l’on raconte ses tourments, ses chagrins, mais aussi, ses colères, ses peurs. C’est quelqu’un qui peut consoler, mais aussi conseiller. S’ils massent, c’est parce que souvent, les gens ont besoin d’attention, et qu’ils se confient mieux une fois détendus. Mais souvent, le massage n’est qu’une toute petite part du travail, et avec les patients réguliers, il n’est plus toujours nécessaire. Ce... ce à quoi vous faites allusion, cela arrive bien sûr. Quand le Kestra’chern estime que... enfin... que c’est ce qui guérira le mieux le patient. Mais comprenez bien que c’est plus rare qu’on le dit. C’est en tout cas ce que Pluiechantante m’a expliqué. Je pensais un peu comme vous, au début, je dois dire. J’étais vexée qu’on fasse appel à elle plutôt qu’à un vrai Guérisseur. Mais... en fait... Comment expliquer ? Le Guérisseur soigne le corps. Le Guérisseur de l’Esprit s’occupe de l’esprit, du psychisme. Le Prêtre soigne l’âme. Le Kestra’chern soigne ce qu’il reste : la fierté, le cœur, l’honneur... Vous comprenez ? Alors oui, parfois, j’aimerais avoir le temps de soigner le cœur de mes patients, plutôt que simplement leur esprit... »

Pluiechantante semblait fasciner Fleur. Cela n’étonna guère Thalyana. Elle aussi, quand elle avait entendu parler de cette profession si étrange, en arrivant à Haven, elle s’était étonnée. Puis, Pluiechantante était arrivée. Contrairement aux autres Kestra’cherns de Haven, elle pratiquait au grand jour, et ne faisait montre d’aucune discrétion quant à son activité. Et Thalyana avait fini par la rencontrer, et discuter. Et elle avait réalisé la véritable nature du travail des Kestra’cherns.

L’aventure avec Riannon avait encore augmenté l’attrait de Pluiechantante. Thalyana connaissait la vérité, et elle écoutait avec consternation les ragots qui circulaient à propos de cette triste affaire. Elle soupira.

« Oui... mais ça je crois que la rumeur le dit, non ? Je ne peux vous en dire davantage, car je suis tenue au secret. Sachez simplement que la vérité est très différente de ce qui se raconte dans les couloirs. Si vraiment elle vous intéresse, je vous recommanderais simplement d’aller lui parler directement. »
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Fleur de Trevale

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #13 le: 25 juillet 2014, 00:06:47 »
Thalyana n'avait pas l'air d'une femme à qui l'on pouvait ordonner quoique ce soit contraire à sa volonté. Même si elle s'entêtait à faire des choses dangereuses. Aussi, Fleur ne s'y risqua pas et se contenta d'avoir une moue réprobatrice mais indulgente. Elle préféra reporter toute son attention sur la mystérieux papa de Liane. Dieux qu'elle voulait savoir, bon sang!

"C'est adoraaaable de sa part, c'est tellement mignon un enfant, si innocent, si spontané! Quant à son père, je ne m'inquiète pas pour lui, il a de l'endurance!"

De nouveau du demi-mensonge. A l'entendre, elle donnait toujours l'impression de connaitre personnellement le père de Liane. Mais elle ne mentait pas en disant qu'il avait de l'endurance, car comme c'était un soldat, il en avait forcément. D'ailleurs, à bien y réfléchir, ça devait être quelqu'un avec un poste haut placé. Elle n'était pas certaine que Beltran de Greenhaven accepte que chacun de ses hommes amène avec eux leur marmaille, elle l'imaginait mal accueillir des enfants les bras ouvert, lui qui n'en avait pas. Ce n'était pas faute à certaines d'avoir essayé de le faire tomber dans leurs nobles filets, vu la lignée du Capitaine. Non, il était resté marié à sa caserne. Consternant, un tel parti!

Quant à l'instinct maternel des nobles, Thalyana analysait plutôt bien les choses. On voyait qu'elle avait fréquenté les nobles de Valdemar grâce à son métier.

"C'est tout à fait ça, les enfants grandissent dans une monde à part presque jusqu'à leur entrée dans le monde, dans le cas des filles qui ne font pas leurs études au Collegium. C'est si codifié, ça ne laisse pas de place au maternage."

Le pire, c'est que Fleur annonçait ça de façon naturelle, mais parce que ça l'était pour elle. On faisait des enfants pour perpétuer la lignée, surtout. On les aimait bien sûr, son père l'avait choyé, et le faisait encore. Mais ce n'était pas aussi poussé que dans le peuple.

Thalyana n'approfondit pas plus la question du Lien, ce qui convainquit Fleur d'avoir raison. Un Lien pour la vie était le sommet du romantisme, d'un romantisme divin qui plus est!
En revanche, la guérisseuse rougit quand elle comprit l'allusion de son interlocutrice à certaines spécificités du métier de Pluiechantante.
Elle écouta avec une curiosité grandissante la description d'un Kestra'chern selon un Guérisseur. Il faut dire que ce n'était pas une définition qu'on pouvait entendre tous les jours. Même si, objectivement, Fleur continuait à penser que c'était un métier totalement dépravé. Elle ne put s'empêcher d'ailleurs te poser une question:

"Comment le... comment un rapport sexuel peut-il guérir qui que ce soit?! Et de quoi?"

Son ton était incrédule, tout autant que quand elle en avait parlé avec Belinda de Horn. Comment pouvait-on objectivement guérir quelqu'un avec du sexe?!
Son teint s'accorda à celui de Thalyana rien que d'y penser.

"Mais la fierté, l'honneur, tout ça fait partie d'une personne, de son âme non?"

C'est que le sujet devenait presque philosophique, et peut-être trop profond pour une personne comme Fleur.

"Vous divisez une personne en beaucoup de... choses."

Dans l'esprit de la jeun femme, un être humain n'était pas si "compliqué". Il avait son caractère, et son éducation. Et il était soit méchant, soit gentil. Toutes les nuances entre les deux lui échappaient encore. Elle savait qu'on pouvait mentir - évidemment! - et se faire passer pour ce qu'on n'était pas, reste qu'il y avait bien moins de cases pour catégoriser les gens que selon Thalyana.

Il était finalement plus simple de parler des ragots courant sur Pluiechantante, même si Fleur se récria devant la proposition de Thalyana, avouant sans détour:

"On dit beaucoup de chose en effet, c'est bien le problème, quand les choses ne sont pas dites clairement. Mais aller lui demander, oh non, Riannon m'effraie un peu! Et Pluiechantante..." elle secoua la tête'"mon époux ne me laisserai jamais y aller, vous vous rendez compte des idées que ça donnerai à certains?"

Soyons honnête, si elle voyait une connaissance se rendre chez Kestra'chern, elle aurait de jolies choses à raconter elle aussi, alors se jeter dans la gueule du loup, non merci!
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Thalyana

Re: La vérité est cachée au fond du jardin
« Réponse #14 le: 25 juillet 2014, 08:29:52 »
Thalyana n’était pas certaine de Liane était “innocente”. Elle était trop précoce et Douée pour encore l’être. Quant à l’endurance de Beltran, elle était certes légendaire quand il s’agissait de supporter les frasques de ses officiers, mais Thalyana trouvait qu’il rendait vite les armes face à sa fille.

« De l’endurance ? Je ne sais pas trop. Il a l’air tellement perdu, ce pauvre... homme, à se retrouver à élever sa fille du jour au lendemain. Mais Liane est très heureuse de pouvoir vivre avec son père à la caserne. C’est ce qu’elle m’a dit. Et elle est venue voir sa mère tout le temps qu’a durée sa convalescence. »


Et elle continuait de venir la voir pour parler du bébé. Ça la fascinait, d’apprendre qu’un enfant allait sortir du ventre de la Guérisseuse, même si elle semblait toujours légèrement dubitative. Voir Liane rassurait Thalyana autant que ça l’inquiétait. Être si jeune en pleine possession de ses Dons ne semblait pas perturber la fillette outre mesure, mais elle avait vécu des choses trop difficiles pour son âge. Et Thalyana était persuadée que sa fille possédait déjà l’Empathie. Elle redoutait le moment de la naissance, qui devait être particulièrement traumatisant pour un bébé empathe. Il faudrait qu’elle se ferme au mieux, et qu’elle demande qu’on protège le bébé. Elle ne voulait pas qu’Amalia partage sa douleur...

Thalyana s’était beaucoup intéressé à l’éducation des enfants depuis qu’elle était enceinte ; ses connaissances lui venaient des nombreuses questions qu’elle avait posées à ses patientes.

« C’est dommage. Vraiment. Les enfants apportent un nouveau regard, et des questions souvent pertinentes, bien qu’étranges... Enfin, dans un monde où la réputation a une telle importance, je comprends qu’on ne prenne pas le risque de voir son enfant faire des bêtises en public. » Elle soupira.

Thalyana était assez fière de sa petite explication sur le métier de Kestra’chern. Elle l’était d’autant plus qu’elle-même avait cru aux ragots, avant de rencontrer Pluiechantante. Mais Fleur semblait incapable d’embrasser l’ensemble du métier, et ne se focalisait que sur l’aspect le plus étrange.

« Ça... » Elle était vraiment écarlate. « Je pense que... enfin... Je sais sans le comprendre que ça peut guérir. » Elle se tordit les mains. Réalisant que ses mots pouvaient prêter à interprétation, elle expliqua : « Parfois, il m’est arrivé de m’occuper de... enfin... de filles légères. Sachez qu’elles recueillent parfois sur leur oreiller toutes les peines de leurs clients. Et qu’ils repartent libérés pour un temps de leur souffrance. Certains ne les paient que pour pouvoir s’épancher loin des oreilles indiscrètes, et surtout, sans risquer de faire jaser. »

Elle comprenait sans peine qu’il était plus aisé de se confier à un parfait inconnu, ou au moins à une personne totalement extérieure à une situation. Elle-même s’était parfois ouverte à des patients, ou à des collègues dont elle était tout sauf proche.

Fleur ne semblait pas du genre à philosopher sur les constituants de l’être pensant. Cela n’étonna guère Thalyana. Elle-même avait étudié ces questions quand on avait découvert son Don de Guérison de l’Esprit, car la notion de division entre corps et esprit était au centre de ce Don.

« Les êtres pensants sont des choses compliquées... Connaissez-vous le concept de cœur brisé ? Eh bien ! Un cœur brisé peut conduire à la mort... Dans le cas des Compagnons et des Hérauts, ou d’un couple Lié, si l’un d’eux vient à mourir. Pourtant, il n’y a aucun symptôme physique ni psychique. Mais la blessure est réelle pour autant. » Avec un exemple aussi romantique, elle était certaine de toucher la jeune noble. « Un Kestra’chern pourra tenter de soulager cette douleur. Par l’écoute, l’attention, des paroles et des conseils. Comme... comme un meilleur ami qui aurait juré sur les Dieux de n’œuvrer qu’à notre bien, et de garder jalousement nos secrets. »

Thalyana ne comprenait pas les réticences de la jeune femme à aller voir Pluiechantante. Elle comprenait mieux la crainte bien naturelle à l’endroit de Riannon, même si elle n’était pas vraiment justifiée elle non plus. Elle répondit avec agacement :

« Ils penseraient que vous discutez simplement avec une brave femme. Nous parlions de Liane tout à l’heure. Eh bien ! Pluiechantante en est la “marraine” et elle s’occupe aussi souvent d’Adrian, l’enfant adopté par le Roi. Si elle est suffisamment honorable pour s’occuper des enfants du Roi, je pense que vous n’avez pas à craindre qu’on la voie avec vous. Surtout si vous l’abordez alors qu’elle joue avec les enfants. On pensera simplement que vous aimez les petits. »

Que cela devait être épuisant de penser sans cesse à l’image que l’on renvoyait de soi. Thalyana avait grandi loin de toutes ces considérations. Dans son village, un acte jugé inapproprié était immédiatement signalé. On avait alors la grâce de rougir, ou l’énergie de se défendre, et l’affaire était close. Ici, la moindre parole, le moindre geste pouvaient apporter la honte et nourrir les médisances pendant des décades. C’était une des raisons qui l’avaient poussée à être très discrète quant à sa relation avec Kalaïd. Certes, sa grossesse avait compliqué les choses. Elle avait senti quelques regards désapprobateurs quand elle circulait dans le Palais. Son âge, sa fonction, et le fait qu’elle n’ait pas d’amant connu avaient nourri les ragots. Mais avec le mariage qui était maintenant agendé, personne ne pouvait plus rien y redire.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »