Elle n’y arrivait pas. Malgré ses efforts et ceux de Tisia, la brume ne se levait pas. Elle avait semblé se dissiper un peu, à un moment, mais elle était toujours là, oppressante, autour de son corps, en bordure de son esprit. Elle ne percevait que difficilement ce qui l’entourait, qu’il s’agisse des mouvements de son Compagnon, du Collegium autour d’elle… ou de la lame sur son cou. Elle avait un couteau sous la gorge. Même si elle parvenait à récupérer son corps, l’homme en noir…
Calme-toi, souffla Tisia dans son esprit. On va s’en sortir.
Calme-toi. Facile à dire. Elle n’avait rien pour se calmer. Elle ne pouvait pas déglutir pour avaler l’angoisse qui ne lui bloquait pas la gorge. Elle ne pouvait pas prendre une grande inspiration pour repousser la panique. Elle ne pouvait pas serrer les poings pour raffermir sa volonté. Elle ne pouvait que se raccrocher à la présence rassurante du Compagnon qui, elle, était toujours liée au monde extérieur…
… qui explosait ?
Si les détonations furent étouffées par la brume qui enveloppait toujours Dyalwen, elle ressentit très nettement comme un coup au niveau de la cuisse et, surtout, la douleur de Tisia dans son esprit. Le Compagnon s’en rendit compte immédiatement et remonta ses boucliers pour couper son Élue de sa souffrance, mais le mal était fait. Et, de toute façon, même prisonnière du sortilège, la rouquine avait bien senti sa monture trébucher.
Tisia ?! Ça va ?
Était-ce la douleur qui l’aidait à se raccrocher à son corps ? L’inquiétude plus pressante pour son Compagnon ? En tout cas, cette fois, son effort pour s’échapper de la prison de son esprit réussit [1D10 : 10] et la brume disparut d’un coup, lui laissant le souffle coupé par l’afflux de sensations… et, surtout, par la douleur qui irradiait dans sa jambe. Elle ferma les yeux, éblouie, et serra les dents.
Qu’est-ce que c’était ?
Des explosions. Deux. Je ne sais pas d’où elles viennent.
Maintenant qu’elle percevait de nouveau son corps, la Grise ne put ignorer l’allure heurtée de Tisia. Le Compagnon boitait d’un postérieur. Et, avec la douleur qui pulsait dans sa cuisse – elle ne se souvenait pas avoir eu un jour aussi mal – elle avait d’autant plus de mal à retrouver son assiette sur son dos. En comparaison, le picotement sur la peau de son cou, était à peine notable… surtout, réalisa-t-elle, qu’elle ne sentait pas le contact froid de la lame sur sa peau. Pourtant l’homme la tenait toujours et elle pouvait voir son bras levé… Sans doute le couteau n’était-il qu’à quelques centimètres de son cou, mais elle se sentit inexplicablement soulagée qu’il ne soit plus collé à sa gorge…
Jusqu’à ce qu’un sifflement se fasse entendre, que l’homme sursaute et que la lame entaille son uniforme et sa peau sur la clavicule. Elle se mordit la lèvre pour retenir le cri de douleur et de surprise qui manqua de lui échapper.
Dyalwen !
C’est bon. C’est juste une coupure.
Du moins elle l’espérait, parce qu’elle ne pouvait pas trop bouger pour vérifier. Elle n’était pas sûre que ce soit une bonne idée de signaler à l’homme en noir qu’elle avait retrouvé le contrôle de son corps.
[À Kyra] Mais vous êtes malades ?! Il a failli l’égorger !