Tout cela il ne le comprenait pas. La douleur, la sensation, cette puissance inconnue qui l'emplissait sans raison, et cette envie de lutter, de lutter pour sa vie comme il l'avait toujours fait. Fitz ne se laissait pas aller, jamais, ce n'était pas dans ses habitudes.
Le seul instant où il se permettait de libérer l'animal qui était en lui, c'était sur les champs de batailles, lorsque l'acier entrechoquait l'acier, que le feu brûlait la terre, et que les hommes hurlaient à plein poumons. C'était le seul instant où Fitz devenait Fitz.
Cette être étrange, forgé dans la violence et le sang, qui se nourrissait des coups. Et au centre de cette douleur il entendit la voix de Maya, cette petite voix qu'il avait écouté depuis le premier jour.
Laisse toi aller...
Plus facile à dire qu'à faire. En règle général il luttait pour survivre, il n'acceptait juste pas les choses. Et pourtant il sentit que Feuille était là aussi, prolongeant ce contact.
Dans sa tête, les image de son mentor, la haine des combats, la frustration du fouet, les douleurs des coups.
Et il comprit.
Tu en sortiras plus fort.
Il comprit en un instant ce qu'il devait faire, ce qu'il savait faire depuis qu'il était enfant. Accepter. Accepter la douleur comme une part de lui pour la contrôler, pour qu'elle n'ait plus d'importance.
Profitant du contact, il laissa la douleur le pénétrer au plus profond de son être, comme il le faisait lorsque la bataille faisait rage. Fermant les yeux, il laissa les choses couler, être, simplement être. Et petit à petit la douleur s'atténua. Elle restait là, présente, vive, mais il l'acceptait, elle était lui, et il était elle, comme il avait toujours fait.
On avait souvent demandé à Fitz comment il pouvait ne rien ressentir, comment il pouvait continuer à avancer là où d'autres se seraient écroulés. Son secret était simple. Il acceptait. Il acceptait la douleur qu'on lui offrait, il en faisait sa force, son envie, sa puissance. Elle était lui, son moteur, la seule raison qui le poussait à avancer un pas de plus pour châtier celui qui lui infligeait. Et aujourd'hui il faisait de même. Il devait accepter et être. Cette douleur deviendrait son nouveau moteur, il fallait juste qu'il.... Accepte.
Le dos du mercenaire se raidit un instant, les yeux clos, il poussa un soupir d'une longueur demesurée, vidant entièrement ses poumons, le vide. Il n'existait plus l'humain, ni le corps. Il n'y avait que sa main et ce poignard dans sa paume. Il sentait encore quelque part, le contact de Feuille qui tentait de le calmer, et y raccrochait juste assez de son être pour pouvoir revenir.
Mais il acceptait le vide, la douleur, et ce qu'elle signifiait. Elle était une part de lui, comme elle l'avait finalement toujours été. Il avait juste appris à l'utiliser autrement, et c'est aussi ce qu'il faisait aujourd'hui.
Après un temps qui aurait pu paraitre infini, il ouvrit enfin les yeux, la tête légèrement penchée sur le côté il fixait l'arme. D'un geste vif il testa son équilibre sur la tranche de sa main, avant de la faire tourner tout autour de cette dernière, et de la caler enfin au centre de sa marque. Il la fit tournoyer pour la tenir par la lame, fixant l'arme comme si tout était normal.
Quelque chose en lui n'était plus le même et il le savait. Cette acceptation de la douleur comme de son moteur, en faisait un autre être, une autre personne, une nouvelle entité. Et cela était... Etrange.
Là tout de suite tout ce qu'il savait c'est qu'il se sentait capable de déclencher son pouvoir juste... Comme ça... Et il en avait même envie -chose assez rare pour être noté- il voulait tester. Il regarda un instant d'un regard plein de curiosité l'assemblée autour de lui... S'arrêtant finalement sur Feuille à qui il adressa un sourire. Il embrassa la jeune femme, doucement
– Ne t'inquiète plus.
Puis il se leva, rompant le contact, le poignard jouant toujours entre ses doigts, glissant entre chaque phalange comme si il y avait toujours été. Il s'approcha de Maya et de la prêtresse, la tête toujours légèrement penchée sur le côté.
– Quelque chose a changé. Quelque chose est différent.
Et au fond de son regard ne luisait qu'une seule et unique chose: la certitude.