[ HJ: Manuchan, tu rattraperas au prochain tour de post. Je dois vraiment avancer maintenant. ]
Au côté de Kalaid, Galadriel surveillait aussi les environs. Il avait appris à respecter et surtout à faire confiance au mercenaire. Certes, les paroles de l'apparition dans le feu restaient toujours à la lisière de son esprit, et il priait pour que ce ne soit pas dans les personnes proches de lui que le traître se cachait, mais une fois lancé dans une mission, son tempérament lui disait qu'il pouvait faire confiance à son compagnon de route. Son Compagnon était d'accord sur ce point, ce qui contribuait à renforcer le sentiment de confiance qu'il avait pu avoir envers le mercenaire. Quand ils reviendraient, s'ils revenaient vivants bien sûr, Galadriel le recommanderait lui-même pour la Garde si Kalaïd le désirait. De mercenaire, il passerait sûrement à lieutenant... malheureusement, la guerre des Marches avait permis à de tels rangs de se faire convoiter...
Bref, Galadriel regardait d'un côté, et laissait l'autre à Kalaid. Ce dernier avait eu un dernier regard en arrière, et le Héraut soupçonnait que rester à Haven ne lui serait pas si désagréable que ça au final. Sans s'apitoyer plus que nécessaire sur le sort de son collègue - il commençait déjà son deuil et la mission passait avant tout - Galadriel continua à avancer. Kalaid ordonna discrètement aux soldats sous ses ordres de se placer de manière à protéger le petit groupe bien que de manière relativement peu visible.
C'était cependant difficile de ne pas penser à la loque humaine qui avait été autrefois un Héraut. Oui, terriblement difficile, au point que Galadriel manqua ce que son compagnon remarqua immédiatement. Pris au dépourvu, il eut un temps de retard quand Kalaid réagit. Il eut cependant le temps de voir le jeune homme s'enfuir, et sa bouche s'ouvrit horrifiée. Ses pieds réagirent avant qu'il n'ait le temps de hurler un nom, et il talonna Kalaïd de près. La foule s'ouvrit devant eux, peu désireuse de rencontrer la lame du mercenaire, et la hargne du soldat en blanc.
Une fois à la ruelle, Galadriel avait à son tour dégainé. Cependant à part un bruit de pas précipité, difficile de savoir entre quelles maisons s'était rué leur suspect. Mais derrière une petite masure en mauvais état avancé, une ombre grandit. Dans un langage assez horrible, ressemblant à du vieux karsite mais avec un accent hardonien épouvantable, la voix d'un jeune homme psalmodiait, accompagnant le grossissement de l'ombre. Elle avait des relents de Mal évidents, et prenait lentement forme. Des cornes apparaissaient, ainsi que plusieurs paires de bras visiblement terminés par des griffes.
"Il faut tuer l'invocateur avant que le démon n'entre totalement dans ce monde. " souffla Galadriel, citant une ballade de Barde à propos des horreurs dans d'autres lieux. "Vite! Il faut se dépêcher."
Il venait de comprendre comment plusieurs Hérauts et Compagnons avaient succombé.
" C'était un apprenti hardonien du temple du Soleil de Haven. Il a eu le droit de partir parce que c'était son pays... Sale traître... Si je dois mourir, fuyez avec la délégation, et prévenez la Cour d'Hardorn et de Haven. Je vous donne le commandement."
Et le Héraut fonça, précédé par son envie de vengeance. Derrière eux, le son d'argent des sabots de son Compagnon retentit. Le leshyae arriva et dépassa Kalaïd pour se battre aux côtés de son Lié. Kalaïd avait donc deux choix: tenter d'aider son compagnon et le Compagnon, quitte à partir si ça tournait trop mal (face à un démon personne ne lui en voudrait) ou revenir vers les autres chercher des secours qui arriveraient potentiellement juste à temps pour se faire réduire en miette par un démon.
***
Thalyana venait de saisir d'un coup le poids de son Don et de ses devoirs. Elle savait bien sûr qu'elle n'avait pas le choix, mais c'était si noir, si vide, si désespéré et douloureux dans le coeur du Héraut que c'en était à peine supportable. Les premiers gestes de découpage des vêtements firent frissonner de douleur le survivant. Il entendait ce que disait la jeune femme, mais à part le mot Compagnon qui le fit avoir un haut le coeur désespéré, rien n'arrivait à atteindre sa compréhension. Il bredouillait d'horreur et de peur. Il ne réagit plus pendant un moment, alors que Thalyana s'adressait à Aaron. Il avala docilement la dose d'Argonel qu'on lui donnait - presque avec soulagement. Les yeux fiévreux étaient légèrement apaisés, et la compréhension plus facile quand il regarda de nouveau Thalyana:
"Il y avait ... un traître. Passé du Soleil à la nuit. Un hardonien. Tout jeune. Insoupçonnable." commença-t-il d'une voix rauque, abîmée. " Un soir, les Compagnons ont alerté tout le monde. Nous étions avec un prêtre et son apprenti parce qu'il était de Hardorn et voulait passer ses voeux ici avant de revenir... Mais le prêtre était mort avant qu'on arrive... et y avait cette... Chose. Un démon. Un vrai démon. Comme avant la guerre avec Karse. Il a joué avec nous, nous n'avons rien pu faire... et il a tué tout le monde. Et il a disparu avant de me tuer. Sais pas pourquoi. Je veux mourir. Laissez moi mourir." sanglota finalement l'homme d'une voix très faible.
Il refusait de regarder Aaron. A ses yeux, il était coupable de ne pas avoir alerté à temps Haven, d'avoir laissé mourir son Compagnon et ses amis, d'avoir échoué à sa mission. Il ne voulait pas de la pitié ou du ressentiment que pouvait avoir Aaron. Il voulait juste que la douleur s'arrête, et qu'il rejoigne Mernia.
Quand Aaron finit par s'éloigner pour ramener de l'eau, ces mots vibraient encore dans l'air. Démon. Karse. Dieu Soleil. Démon. Démon. Et traître. Les soldats les plus proches chuchotaient d'horreur, et chacun se regardait, priant pour que le seul traître soit loin.
[ Kalaid et Thalyana: votre dernier regard semble contenir une sorte de résonance, comme le son inaudible de quelque chose d'argentin. C'est ténu, et tellement "normal" à votre esprit que vous le remarquez à peine.
Thalyana: ton Don est mis à rude épreuve. Le pire dans tout ça, c'est que chaque mot extorqué au blessé résonne horriblement dans ton Empathie, et tu vis avec lui, malgré les barrières, les douleurs et angoisses. Même l'argonel qui apaise les douleurs physiques n'a pas pu apaiser celles du mental - et l'envie de mourir est tellement forte qu'il te faut un moment pour savoir qu'elle ne vient pas de toi.
Kalaid: tu peux croire ou non aux démons, mais plus l'ombre grandit plus ton instinct de survie se réveille. A toi de faire ton choix. En tout cas, ton sens de la terre est complètement éradiqué et tu comprends subitement que c'est ça le vide que tu ressens depuis un moment - si tu veux. Sinon ça peut rester un truc obscur pour toi, mais tu te sens totalement vide.
Aaron: en tentant de revenir, tu ressens une fois de plus le blocage. Une seconde, tu doutes d'arriver à te téléporter, car de plus ça peut être dangereux. Mais finalement tu réapparais au bon endroit. Il manque encore de l'eau.
Par contre, tu peux communiquer avec ton Compagnon. Il est complètement déprimé.
Et quand le Compagnon de Galadriel se précipite soudain vers l'endroit où ont disparu Kalaid et Galadriel, ton Compagnon hennit très fort, et dans ton esprit " DEMON - DANGER " les mots sont fort clairs. Vas-tu y aller ou tenter de protéger ce qu'il reste de l'équipe?
Plus loin, une ombre grandit, et le village est comme plongé dans la lumière grisâtre d'un orage malgré le ciel relativement bleu.
Les Mages ressentent fortement les variations de l'énergie, et comprennent très rapidement ce qui se passe. Perle semble terrorisée. ]