7
« le: 10 avril 2010, 20:40:50 »
Uriens écouta son Héraut personnel parler, les doigts posés sur les lèvres et les yeux tournés vers le sol sans réellement le fixer. Il prenait garde d'acquiescer de temps à autre pour marquer nettement son approbation mais il avait déjà l'esprit fixé sur le prochain problème: quoi dire si l'on découvrait que le Compagnon de son fils, Ryis, avait atteint la phase terminale de la maladie.
La salle semblait coupée en trois grands mouvements : les sympathisants aux Hérauts dont l'inquiétude et la sollicitude faisaient chaud au coeur, les opposants qui ne manquaient pas de faire sentir leur mécontement à différents degrés allant de l'ennui profond aux vindicatives injonctions et les observateurs, les badauds, ceux qui écoutaient avec de grands yeux ronds en essayant de comprendre. De nombreux paysans et membres du personnel du Collegium étaient là, massés au fond de la salle debout près de la porte. Ils avaient retiré chapeaux et foulards par respect pour le roi et se regardaient tous en son rongeant les ongles.
Le bruit des trompettes interrompit le fil de ses pensées et Uriens redressa vivement la tête. Sa barbe frémit alors qu'il s'humidifait les lèvres et un seul coup d'oeil suffit au Chambellan pour se précipiter dans le couloir afin de s'assurer que toutes les dispositions avaient été prises pour accueillir l'invitée de marque qui arrivait. Cette dernière fit son entrée en grandes pompes, suivie probablement d'une dame d'honneur à l'air digne. Le vieux roi se leva respectueusement et inclina la tête à son tour lorsque la jeune Melarianne le salua. Elle semblait familière du protocole. Sa beauté et son charisme irradiaient dans la pièce, si bien qu'il ne manqua pas de lui adresser un sourire appréciateur. Mais en vieux singe d'une grande sagesse, Uriens n'était pas du genre à se laisser tourner la tête. Plus d'un jeune blanc bec dans l'assistance léchait déjà le plancher derrière elle mais il n'avait aucun doute sur les sentiments qui animaient son fils. Aussi lorsque ce dernier alla à la rencontre de la princesse pour l'accueillir et la faire asseoir puis se tourna vers lui, il ne fut pas étonné de lire dans ses yeux une certaine contrariété.
Le roi mit un certain temps avant de s'adresser à l'assistance. Il attendait que le bruit des frous-frous et le babillement des courtisans ne cessât. Il prit alors la parole, de sa voix encore claire et s'exprima en des termes simples.
"C'est avec une grande joie que nous vous accueillons Dame Melarianne de Garsenc. Vous ne manquerez pas de saluer votre oncle de ma part dans votre prochain courrier, ce polisson me doit encore une visite et une partie de chasse."
Uriens sembla rire doucement à un souvenir que lui seul pouvait se remémorer avant de poursuivre. Il n'y avait qu'un roi pour pouvoir traiter publiquement un autre monarque de polisson sans rougir ! Mais les deux rois avaient entretenu des relations amicales dans leur jeune temps et gardaient l'un pour l'autre de saines relations.
La lettre que lui remit son fils, cette demande de mariage officielle couchée sur le papier était une toute autre affaire. Il s'attendait à cela depuis plus d'un an. Il semblait évident que Rethwellan proposerait une prétendante au trône de Valdemar ce n'était qu'une question de temps. Aussi, Uriens inclina la tête en la recevant et l'ouvrit pour la parcourir brièvement. Il choisit ensuite de s'adresser à l'assistance toute entière.
"Sa majesté le roi, instance suprême du royaume de Rethwellan, propose à notre royaume d'unir le prince Arthon de Valdemar à sa nièce, la princesse Melarianne de Garsenc de Rethwellan."
Ca c'était pour les lents d'esprit qui n'avaient pas encore compris de quoi il s'agissait. Certaines familles nobles s'agitèrent sur leur siège. L'idée de mettre l'une des leurs sur le trône leur avait vaguement traversé l'esprit et de nombreuses intriguantes se massaient toujours autour d'Arthon. Il y eut sur le visage de nombreuses jeunes filles de l'indignation voire même... du désespoir. Oui, le prince avait le don de susciter les émois.
"Sachez avant toute chose que je nous sommes honorés de cette proposition. Devant l'importance d'une telle alliance et les diverses implications qu'elle engendrerait, je pense qu'il serait sage que nous nous réunissions ultérieurement pour nous entretenir de cette affaire, Ma Dame. Je ne puis prendre une décision politique telle que celle-ci sans l'accord de mon Conseil. En attendant, vous êtes la bienvenue à Valdemar. J'espère que vous apprécierez votre séjour parmi nous."
Cette déclaration était la promesse de longues, d'interminables négociations. Uriens en avait mal au crâne d'avance. Le roi tourna les yeux vers une petite page non loin, adorable dans son costume bleu et argent et lui fit signe d'approcher. Il lui confia avec un sourire les lettres de noblesse et la demande de mariage que l'enfant devrait conserver puis apporter à l'archiviste à la fin de la scéance.