Enju gémissait après la quinte de toux qui l'avait secouée. Vraiment, elle détestait se sentir aussi faible, et encore plus dépendante des autres qu'à l'accoutumée. Elle leva les mains pour essuyer ses yeux remplis de larmes : ça ne lui ressemblait de se laisser ainsi aller. Elle devait se reprendre !! Ce serait faire honte à Chelmak, et à Vkandis !!! Enju ferma donc ses yeux à présent secs quelques secondes. La présence de la guérisseuse à ses côtés, pourtant, lui fit rouvrir les yeux, et elle la fixa d'un regard perdu, et brillants de fièvre. Visiblement, Thalyana était plus jeune qu'elle, cela ne faisait même aucun doute, et Enju trouva un instant déplacé qu'une si jeune fille ose lui donner de tels ordres. Pourtant, la prêtresse karsite ne dit rien, prête à fondre à nouveau en larmes - décidément, la fièvre ne lui réussit pas ! Non, Enju ne dit rien parce qu'elle a souvent agi de même avec Chelmak, son vieux mentor, le forçant à manger, ou à aller se coucher.
Mais, par la Divine Flamme de Vkandis !! Était-elle donc simple d'esprit ? Ne voyait-elle donc pas que Enju était sur le point de mourir de chaud ? Ou cherchait-elle, justement, à la tuer et abréger ses souffrances, en la couvrant de toutes ces nouvelles couvertures ? Enju gémit une nouvelle fois, prête à se plaindre à renfort de "J'ai assez chaud !" ou autres "Je dois vraiment partir" pour éviter le supplice d'être cuite à la vapeur. Même la secrétaire estime qu'elle ne mérite pas pareille torture, même pour tous ses pêchers passés.
Aussi, le gobelet tendu devient un signe divin ! Enju se redresse, difficilement, et en profite pour faire descendre quelques couvertures vers le bas du lit. Elle boit lentement, alors que la guérisseuse s'éloigne un temps vers Irmingarde. Décidément, ces décoctions sont plus imbuvables les unes que les autres ! Enju ne veut plus se plaindre, mais elle prie très fort pour que cette fois, la fièvre tombe. Elle voudrait tant retourner dans ses quartiers ; qui donc va s'occuper de son Maître en son absence ? Qui va recopier les rapports ? Enju pense une fois de plus qu'elle n'a pas le droit d'être malade, et qu'elle devrait être dans ses quartiers... Pourtant, elle est incapable de tenir assise et tombe lourdement en arrière, la tête rebondissant une fois sur l'oreiller. Même avec moins d'épaisseur sur elle, Enju avait toujours aussi chaud. Après une nouvelle quinte de toux, assez courte, elle bascula sur le côté pour être un peu plus à l'aise, le nez enfoui dans son oreiller, et les mains jointes dans une prière silencieuse, et qui répétait inlassablement : "Faites que je guérisse vite ! Faites que je guérisse vite !! ... Et les autres aussi..."