Auteur Sujet: [Salle à manger] Rien ne sert de pleurer sur le verre brisé  (Lu 5995 fois)

Yvelin

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5e jour de la 1re décade d'hiver — Salle à manger commune

La nouvelle de l'arrivée d'Elke n'avait pas mis longtemps à se répandre. Après tout, l'arrivée d'une Compagnonne Mage n'était pas si fréquente, encore moins quand la Compagnonne venait du pays avec lequel Valdemar était en guerre. Sans compter qu'elle ne passait vraiment pas inaperçue.

Yvelin avait observé de loin la nouvelle venue au Collegium des Mages. Cette fille était une vraie tornade, et elle fascinait le jeune homme autant qu'elle l'effrayait. Elle débordait d'une énergie proprement effarante. À tel point que même le plus exubérant des Bardes devait se sentir aussi discret qu'une petite souris grise. Alors Yvelin qui était plutôt un Barde timoré se sentait invisible... Mais cette jeune fille était proprement fascinante. Yvelin était presque déçue qu'elle soit une fille, justement. Il se sentait attiré par un être aussi solaire et vivant.

Et elle parlait... et parlait... et parlait encore. Était-ce possible de parler autant? Mais Yvelin y voyait plutôt un avantage, car elle adorait parler de magie, et le Barde était très curieux à ce sujet. Il rêvait d'écrire une magnifique balade ayant pour thème la magie, mais il n'avait pas réussi à trouver un mage suffisamment loquace ou éloquent pour lui fournir matière à composer. Il était donc bien décidé à l'approcher, dès qu'il s'en sentirait capable.

Ce midi-là, Yvelin n'avait pas du tout en tête la nouvelle mage. Il était concentré sur deux éléments importants: son estomac et le cours passionnant d'histoire qu'il venait d'avoir. Il ne vit donc pas la personne qui venait en sens inverse, sans doute pour rejoindre une autre table que celle à laquelle Yvelin avait prévu de s'assoir. Il l'évita machinalement, mais il s'encoubla dans le pied d'une chaise. Le choc de son pied contre le bois tira Yvelin de sa transe et envoya valser les lunettes qui étaient perchées sur son front. Il tenta vainement de les rattraper avant qu'elles ne rencontrent violemment le sol. Peine perdue, seul un bruit de verre brisé récompensa son geste.

«Crotte...»

Il leva la tête pour regarder la personne qu'il avait juste évité. C'était la nouvelle mage.

« Je... euh... mes lunettes...»
ajouta-t-il d'un ton désespéré.

Il allait avoir des ennuis. Ses lunettes coutaient très cher et il pouvait à peine lire sans elle. Faire ses devoirs allait être compliqué ces prochains temps.

Elke

Re : [Salle à manger] Rien ne sert de pleurer sur le verre brisé
« Réponse #1 le: 25 juillet 2016, 02:20:29 »
Cela faisait bien quelques jours qu'Elke était officiellement devenue une élève au Collegium des Mages, mais on ne pouvait pas réellement dire qu'elle s'était réellement adapté à son nouvel environnement. Tout était bien plus grand que l'école d'où elle venait, mais ces règles, cette discipline... Non, rien ne lui convenait. La seule chose qui ne la faisait pas fuir dès qu'elle en aura la moindre occasion était les potentielles connaissances qu'elle pourrait obtenir en restant ici. Bien qu'elle parlait énormément au point même de devenir parfois ingérable pour ses professeurs, elle n'avait pas eu l'occasion de connaître beaucoup de monde. Parfois elle voyait de loin le Doyen, mais sinon, les visages défilaient sans qu'elle n'en reconnaisse vraiment.

Bah, ce n'était pas le genre de chose qui allait l'empêcher de déjeuner posément ! Un des seuls avantages à être là plutôt que sur les routes était la présence régulière de nourriture digne de ce nom dans son assiette. Son plateau en main, elle savourait déjà ce mélange de légumes frais qui sentait merveilleusement bon. Pas de petits biscuits humides et ragoutants, pas de gourde vide sous un vif soleil d'après-midi... Juste un bon plat, avant ces ennuyeux cours. Hum, mieux valait ne pas y penser maintenant.

Elke était tellement dans ses pensées qu'elle ne vit presque pas le jeune barde avancer face à elle. Ils s'esquivèrent sans même y penser, mais le bruit des verres brisés sur le sol réveilla la mage rapidement. Surprise, elle faillit presque lâcher son plateau avant de se retourner vers le garçon. Grand, un peu maigrichon, son visage lui était un petit peu familier mais sans ses lunettes, c'était difficile de savoir si elle l'avait vraiment croisé quelque part ou pas. Sans attendre, elle posa ce qu'elle avait dans les mains sur la table la plus proche, avant de s'accroupir devant les bouts de verre brisé. Ah oui, c'était moche !

« Ah oui, les lunettes, ça craint... » lâcha-t-elle en prenant deux morceaux de verre avec une légère grimace.

Cependant, le jeune homme en question ne semblait pas trouver ça particulièrement amusant. Des choses cassées, pour un mage, ce n'était jamais bien dramatique ! Il ne suffisait que d'un sort pour réparer ça. Mais pour les autres, Elke oubliait rapidement que ce n'était pas la même chose. Pendant un instant, elle se sentit un peu coupable de s'amuser alors que lui semblait vraiment s'inquiéter.

« Eh, regarde un peu ça, c'est sympa ! »

Une sorte de légère lueur entoura alors les mains de la jeune mage, et les morceaux de verre commencèrent à lentement s'élever du sol. Petit à petit, ils vinrent se ressouder les uns dans les autres exactement comme des pièces de puzzle qui s’emboîtaient tous seuls. À la fin, des lunettes flambant neuves se posèrent dans le creux de la main d'Elke, et la lumière disparut... contrairement à la lueur d'espièglerie dans le regard de la jeune femme !

« Tindiiiin ! »

Avec un large sourire, elle remit les lunettes sur le nez du barde.

« Maintenant que je te vois avec ça, je me souviens t'avoir déjà croisé quelque part. Tu n'es pas de Rethwellan, par hasard ? Tu n'as pas la tête de quelqu'un qui vient de Rethwellan. Enfin bref, je t'ai déjà vu. Une intuition. Je crois que c'est une sorte de sixième sens... Hum non, en fait, ça c'en est un des cinq. Tout ça pour dire que je m'appelle Elke ! Je viens d'arriver dans tout ce foutoir. Enchantée de faire ta connaissance, cher... » Elle s'arrêta deux seconde, le regardant de haut en bas avant de continuer. « ... Chère personne qui fait tomber ses lunettes ! »

Yvelin

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Re : [Salle à manger] Rien ne sert de pleurer sur le verre brisé
« Réponse #2 le: 25 juillet 2016, 18:33:28 »
Yvelin regarda la mage réparer ses lunettes avec un air émerveillé. Ici les mages savaient faire des tas de choses, mais souvent rien qui n'ait une réelle portée pratique. Ou alors il n'avait jamais rencontré la bonne personne. En même temps, réparer quelque chose devait être infiniment plus simple que de le créer de toute pièce, et ne devait nécessiter qu'une infime dose d'énergie. Mais il ne connaissait personne qui aurait sacrifié aussi facilement une partie de son énergie pour aider un inconnu.

«Je... euh... merci.»

Elle lui remit ses lunettes sur le nez, et Yvelin loucha dans une vaine tentative pour voir ce qui l'entourait. Peine perdue. Il les remonta sur son front. Elles étaient faites pour voir de près, et il ne les utilisait quasiment que pour lire (ce qui représentait tout de même une certaine part de son temps). Il peinait à marcher avec: tout lui paraissait instable et mouvant, et son équilibre s'en trouvait perturbé.

«Yvelin.» Il semblait un peu secoué par le débit de la jeune fille. Son accent n'arrangeait guère les choses qui plus est. «Il n'a pas de "tête" typique à Valdemar. Les faciès sont très diversifiés... Et tu m'as forcément croisé ici, je ne sors pour ainsi dire jamais du Palais. Je...»

Il n'était plus certain de ce qu'il avait voulu ajouter. Mais son estomac se chargea de lui rappeler qu'il était venu faire quelque chose de précis.

«Je vais m'assoir et manger. Sinon je vais défaillir.»

Sans plus réfléchir, il s'assit sur la chaise responsable de ses déboires et se fit passer une soupière encore à moitié pleine. Comme tout jeune homme de son âge, Yvelin engloutissait la moitié de son poids (certes faible) chaque jour et il avait presque constamment faim. Seule la musique pouvait lui faire oublier son estomac, mais celui-ci se vengeait en réclamant encore plus de nourriture.

«Euh... tu p...veux t'assoir avec moi?»

Il se fit encore passer la corbeille de pain et le pot d'eau et proposa de servir la jeune mage.

«Encore merci... euh... pour les lunettes. Je savais pas qu'on pouvait faire ça par magie. En tout cas je n'ai jamais vu personne utiliser la magie pour ça...»

Il entama — ou plutôt siphonna —  son assiette de souper avec appétit.

Elke

Re : [Salle à manger] Rien ne sert de pleurer sur le verre brisé
« Réponse #3 le: 25 juillet 2016, 23:09:46 »
La jeune fille ne se fit pas prier quand elle entendit l'invitation d'Yvelin, et prit grand plaisir à s'asseoir à côté de lui. C'était la première fois que quelqu'un ici lui proposait une chose pareille ! Peut-être parce qu'elle n'avait encore réparé les lunettes de personne, qui sait... ? Ce garçon n'avait pas vraiment l'air dans son assiette, cependant il semblait être quelqu'un de gentil. Timide, mais gentil. Et il ne semblait pas trop familier avec le domaine de la magie... Alors ce n'était pas un mage ? Oh oui, Elke oubliait assez facilement que le Palais n'était pas composé uniquement d'une école de magie, contrairement à Pierre-de-Shor. Un point pour Valdemar.

« Pas de problème, aider et emmerder les gens, c'est ce que je fais de mieux ! » répondit-elle quand il la remercia pour les lunettes.

Ça n'avait pas été un exercice bien compliqué, c'était assez bizarre que personne ne réparait les objets comme ça, surtout les choses petites et fines comme ces petits machins.

La jeune mage se fit servir avec plaisir, et compléta son plat avec ce qu'elle trouvait ici et là, sur la table. La plupart du temps elle savait ce qu'elle mangeait mais parfois, elle avait des doutes... Des spécialités de Valdemar, certainement. En tout cas, ce n'était pas mauvais. Deux points pour Valdemar.

« Navrée, je ne suis arrivée que depuis trois jours, je ne sais même plus qui j'ai croisé et qui je n'ai pas encore vu. C'est grand ici ! Ouah je n'aimerai pas être celle qui paie la facture de bois pour le feu... Enfin, est-ce que c'est vraiment chauffé l'hiver ? Je n'ai pas eu encore froid, mais bon... Dans le pire des cas, je pense que je n'aurais qu'à faire flamber ma charpente si ça arrive à un moment donné. C'est interdit par le règlement, ça ? »

Question idiote, elle le savait. Mais il n'empêchait que l'idée trottait toujours dans son crâne. Rien que d'y penser, un petit rire s'échappa de sa gorge avant qu'elle n'avala un morceau de légume qu'elle ne reconnaissait pas. Un peu mou et amère, mais ce n'était pas désagréable.

« Tu sais, on peut tout faire avec la magie. Absolument tout ! C'est parce qu'il y a de la magie dans n'importe quoi. Même cette table, là ! » Elle tapa légèrement dessus, mais rien ne se produisit... Et elle en souriait d'autant plus. « Alors réparer des lunettes... Bah, c'était amusant ! Tu as vu comment les morceaux se sont ressoudés les uns avec les autres ? Ah, je ne m'en lasse pas ! Et ce petit picotement dans les doigts, tu vois... C'est vraiment quelque chose. »

Elle cessa de parler et avala tout son verre d'eau d'un coup. Quand elle partait sur le domaine de la magie, il lui était très difficile de s'arrêter tant ça la passionnait. Peut-être qu'Yvelin savait pas ce que ça faisait que de réparer du verre briser, mais il devait bien connaître cette sensation de picotement au bout des doigts quand il faisait quelque chose qu'il adorait, non ? Ou autre chose qu'un picotement, d'ailleurs.

« Doooonc... Yvelin. Yvelin... Je ne rencontre que des gens avec des noms amusants, c'est fou ! Et tu es... un apprenti guérisseur ? Comme les autres que j'ai pu voir au loin ? Avec tout leur attirail étrange... C'est qu'ils pourraient faire peur s'ils s'amusaient à mettre un peu plus de jus de tomate sur eux ! Brrr... »

Elke dévisagea une nouvelle fois Yvelin, le scrutant de la tête aux pieds. Hum non, pas guérisseur. Il avait une expression sur le visage qui lui montrait clairement qu'elle se trompait. S'il n'était pas ça, et s'il n'était pas mage, qu'est-ce qui restait ? Il y avait tellement de Collegiums ici. Par élimination, elle releva la tête vers lui, et fit une légère moue hésitante, de peur de le vexer si elle faisait erreur.

« Oh ! Tu es un... barde ? C'est ça ? Tu fais de la musique ? »

Yvelin

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Re : [Salle à manger] Rien ne sert de pleurer sur le verre brisé
« Réponse #4 le: 26 juillet 2016, 09:41:49 »
Oui, le complexe Palais-Collegia était effectivement immense. Le réfectoire avait des dimensions impressionnantes; il fallait bien ça pour nourrir tous les apprentis des Collegia. Mais ce n'était pas la pièce la plus grande et donc pas celle qui coûtait le plus en chauffage.

Mais après plus de deux ans passés ici, Yvelin ne remarquait même plus ce qui lui avait semblé extraordinaire à son arrivée: l'eau chaude arrivant directement dans les robinets, les poêles dans chaque pièce, la dimension des lieux. Il s'y était habitué, et quand il retournait dans sa famille, il ne pouvait s'empêcher de trouver primitif de devoir sortir dans la cour à chaque envie pressante ou chauffer l'eau à chaque fois qu'il avait envie de se laver correctement.

«Oui c'est chauffé. Et c'est même mieux chauffé que la plupart des maisons de plus petites tailles. C'est la reine Seleney qui fit installer le confort "moderne" au Palais, c'est-à-dire l'eau courante "chaude", un chauffage performant, des toilettes à l'intérieur, etc. Les fenêtres de cette pièce sont orientées plein sud, ce qui permet de la chauffer avec plus de facilité en hiver. Dans ta chambre, je doute que tu aies froid. Mais si ça t'arrive, tu peux toujours demander des couvertures supplémentaires. Si tu as encore froid, un brasero portable devrait être négociable. Nous avons ici des gens qui viennent de très loin au sud, et ils supportent assez mal nos hivers rigoureux. Ou des peuples comme les Tayledras qui ont l'habitude des Vallées qui sont tempérées toute l'année. D'ailleurs il y a une Vallée miniature dans le Champ des Compagnons. Tu devrais aller y faire un tour, c'est absolument... euh... fascinant», conclut-il d'un air soudain gêné.

Il ne devrait pas l'être pourtant. Cette fille parlait énormément, par vague, et elle ne devrait pas être choquée de rencontrer quelqu'un capable de faire pareil.

Elke semblait voir dans la magie un remède universel à tous les problèmes. Pourtant, on avait toujours dit à Yvelin que la magie ne pouvait pas tout faire, et qu'il fallait savoir se débrouiller sans elle. En même temps, il avait grandi dans un pays pour qui la magie était quelque chose de relativement récent. Un siècle, tout au plus. À Rethwellan, la magie avait toujours fait partie du paysage, et sans doute l'utilisait-on de manière plus spontanée.

«Oui... mais ça coûte pas trop d'énergie? Je sais que les compagnons mages ne peuvent utiliser que la leur ou à la limite la magie qui les environne directement, alors cette énergie ne va-t-elle pas te manquer? Après, c'est vrai que tu récupères sans doute l'énergie plus vite que mes parents ne gagnent d'argent...»

Yvelin ne voyait pas en quoi son nom était amusant. C'était un bon nom, traditionnel, sans doute un peu trop bien pour un fils de papetier, mais sa mère étant à moitié érudite, elle n'avait pas pu s'empêcher de choisir le nom de son fils dans des chroniques. Il préférait porter un prénom trop bien qu'un de ces noms étranges que portaient parfois les fils de paysans, dans le genre Merle ou Urs. Au moins il ne portait pas le nom d'une fleur ou d'un animal!

Il fut surpris qu'Elke hésite sur son statut. Après tout, il portait son uniforme. Mais peut-être personne n'avait-il pris le temps de lui expliquer la signification des différentes couleurs?

«Si tu vois quelqu'un habillé en rouge brique, c'est un apprenti Barde. En vert clair, c'est un apprenti Guérisseur. En gris c'est un apprenti Héraut. Normalement, les apprentis mages sont en jaune, et un non-affilié sera en bleu clair. Donc comme je suis habillé en rouge, je suis forcément un Barde. Tu as de la chance d'être juste une visiteuse, si tu étais professeur ici, tu devrais porter l'uniforme brun doré des Mages confirmés.» expliqua-t-il tout en sauçant son assiette.

Il fit un signe pour qu'on lui passe la suite du repas: du ragoût et des tubercules en purée. Il se servit et laissa le plat devant lui; il savait qu'il aurait besoin d'un second service.

Elke

Re : [Salle à manger] Rien ne sert de pleurer sur le verre brisé
« Réponse #5 le: 27 juillet 2016, 00:14:03 »
Elke hocha lentement la tête en écoutant presque religieusement le jeune homme. Il semblait vraiment bien renseigné sur tout ça, nul doute qu'il était ici depuis longtemps. De plus, en tant que personne très bavarde, elle se sentait toujours à l'aise quand elle rencontrait quelqu'un qui parlait autant qu'elle... surtout là, dans des circonstances si informelles ! Non vraiment, c'était agréable. Ce garçon aux lunettes, elle commençait déjà à bien l'aimer.

« La Vallée miniature ? Jamais entendu parler. Il y fait vraiment si chaud que ça ? Ça doit vraiment être particulier comme endroit. Et fascinant ! Exactement comme tu dis. Comment est-ce qu'ils ont réussi ça sans magie ? Cette chaleur doit bien venir de quelque part, ou... »

Elle cessa de parler un moment, réfléchissant très sérieusement à ce problème pendant qu'elle avalait ce qu'elle avait devant elle. Cependant, comme la jeune mage était incapable de rester concentrée trop longtemps quand elle se remplissait le ventre, elle finit par noter tout ça dans un coin de sa tête, avant de continuer à écouter Yvelin.

« Oh tu sais, ça ne me dérange pas. Je fais des nuits complètes ! La plupart du temps, ça me suffit au niveau de l'énergie. Évidemment, je ne pourrai pas réparer toutes les lunettes de Valdemar, à moins de me donner plusieurs semaines. Ou plusieurs années. Et j'exigerai d'être rémunérée pour ça ! Parce qu'il ne faut pas plaisanter avec ça... Enfin si, parfois. Mais pas toujours. La plupart de mes professeurs étaient très à cheval sur l'usage de la magie, tu sais. C'est barbant. La fatigue, ça se gère, et si j'ai envie d'utiliser la magie pour ce que je veux, pourquoi ne pas le faire ? Et puis... ça doit sûrement te revenir moins cher que de perdre du temps à aller faire réparer tes lunettes, non ? »

Contrairement à Yvelin, Elke était du genre à être rapidement repue devant un plat. Elle n'avait guère était habituée à autant de nourriture, et depuis qu'elle était ici, elle avait l'impression de manger comme un moineau. Pourtant, sa quantité de nourriture était tout à faire respectable : elle était vite calée, voilà tout. Les plats d'ici étaient nombreux, et riches... Elle jeta alors un coup d’œil au jeune barde qui lui ne se faisait pas prier pour manger ! Où est-ce qu'il mettait tout ça ? Il avait un estomac supplémentaire et invisible ? Pourtant, il semblait plutôt fin, comme s'il ne mangeait pas assez.

« Oh, c'était donc ça, ces couleurs sur les gens... »

Effectivement, maintenant qu'il le disait, ça semblait assez logique. Elle leva alors la tête pour regarder autour d'elle, observant les autres. Tout le monde avait ce genre de code couleur... C'était étrange, à vrai dire. Peut-être même encore plus réglementé qu'à Pierre-de-Shor. En toute honnêteté, Elke n'avait pas encore d'avis sur le sujet : d'un côté ça donnait des réfectoires plutôt colorés – contrairement à l'école d'où elle venait, où tout le monde s'habillait fondamentalement de la même façon – mais cette façon de ranger les gens... Hum. Elle n'était pas sûre d'adhérer.

« Donc si jamais j'en venais à rester ici, je serai obligée de porter du jaune ? » Elle eut une légère moue rien qu'à y penser. « Je n'aime pas le jaune... »

Elke finit par poser sa fourchette dans son assiette vide, signe évident qu'elle ne comptait rien avaler de plus, puis reporta toute son attention sur Yvelin. Il était donc réellement un barde ? Oh elle en avait déjà vu et croisé dans la rue, mais elle n'avait jamais discuté avec un vrai barde. À vrai dire, c'était un milieu qu'elle ne connaissait presque pas, et rien que pour ça, ça avait le don de la fasciner.

« Un barde, donc. Et... navrée, je suis une grande profane dans ce domaine, mais vous apprenez à chanter, c'est bien ça ? On m'a raconté que les bardes étaient souvent, et secrètement, des assassins ou des espions qui infiltrent les châteaux avec de la poésie pour ensuite tuer le seigneur ou voler des biens, des informations, des plans... Ce ne sont que des histoires ? On entend de tout sur la route ! Tu... n'as pas l'air d'être un assassin. Je ne crois pas. Tu as l'air d'être quelqu'un de bien ! »

Yvelin

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Re : [Salle à manger] Rien ne sert de pleurer sur le verre brisé
« Réponse #6 le: 27 juillet 2016, 10:00:10 »
«Ah non, la Vallée fonctionne en partie grâce à la magie. Comme une vraie Vallée Tayledras quoi. Je ne sais pas précisément comment. Honnêtement, je n'ai jamais pu trouver quelqu'un pour m'expliquer.»

Yvelin réalisa que la jeune fille ne savait probablement pas précisément ce qu'était une Vallée Tayledras. Rethwellan avait bien des territoires qui bordaient la Forêt des Pelagirs, mais pour autant peu de gens pouvaient se vanter d'avoir vu une Vallée de près.

Tout en écoutant la jeune mage, Yvelin engloutissait le plus de nourriture possible. Il ne voulait pas risquer que ça refroidisse.

Yvelin ne doutait pas qu'un maître de magie puisse être à cheval sur l'utilisation de la magie. C'était son rôle après tout. Combien de jeunes mages se sentaient-ils tout puissants parce qu'ils parvenaient à allumer une chandelle avec un sort? Ce qui ne devait pas être le cas d'Elke d'ailleurs, que semblait voir dans la magie quelque chose de merveilleux et d'amusant.

«Tu as sans doute raison. C'est vrai que si les mages utilisent leur magie pour chauffer l'eau de leur bain, il n'y a pas de raison qu'ils ne puissent pas l'utiliser pour réparer des choses.»

Par contre, la jeune mage avait écouté ses explications de travers. N'avait-il pas dit qu'elle aurait été vêtue de brun?

«Bah non, tu as le rang de compagnon, non? Pourquoi tu porterais du jaune? Comme je l'ai dit, si tu étais professeur ici en tant que mage, tu devrais porter du brun doré. Le jaune c'est pour les apprentis. Après, tu n'es plus tenu de porter l'uniforme, je crois... en tout cas la moitié des mages étrangers portent ce qui leur chante.»

Ce qui n'était pas plus mal. Autant il comprenait l'utilité pour un Héraut ou un Guérisseur d'avoir une tenue particulière — cela permettait de les repérer sans peine dans une foule, même en cas de panique — autant ils ne comprenaient pas pourquoi les mages avaient souhaité s'affubler d'un uniforme. Pour les apprentis, la raison était évidente: un uniforme permettait de mettre tout le monde au même niveau, en faisant fi de l'origine sociale ou ethnique. Mais pourquoi les professeurs devraient-ils porter une tenue spécifique? Il n'avait jamais vu personne avoir urgemment besoin d'un mage. Et il avait cru remarquer que ceux-ci ne la portaient que pour enseigner.

Elke semblait avoir entendu des choses très étranges pendant son voyage. Yvelin ne put s'empêcher d'avoir l'air ahuri. C'était... c'était comme ça que les gens voyaient les Bardes? Il ne se réjouissait pas de partir sur les routes! L'utilité des Bardes était peut-être moins évidente que celle des Hérauts ou des Guérisseurs, mais ils avaient un rôle important à jouer à Valdemar.

«Euh... c'est une vision très... déformée des Bardes ça.» Il se demanda quelques instants comment présenter les choses. «Un Barde c'est avant tout un musicien. C'est un musicien avec un Don, ceci dit, c'est ce qui nous différencie des ménestrels. Pour être Barde, tu dois avoir au moins le Don des Bardes et un des deux autres dons bardiques: le Talent et la Créativité. Parfois certains Bardes ont les trois Dons, mais c'est très rare. Ensuite, un Barde, c'est aussi une sorte d'historien, de chroniqueur. D'ailleurs, de nombreux Bardes deviennent chroniqueurs, surtout ceux qui ne rencontrent pas de succès, ou alors qui n'ont pas le goût de l'aventure. Un Barde doit de toute manière passer une année sur les routes, pour valider sa formation et rassembler assez de matière pour écrire son œuvre de diplôme, pour devenir Compagnon Barde. Il est vrai que notre situation de musicien itinérant nous conduit souvent à entendre et apprendre de nombreuses choses, et qu'à notre retour, nous transmettons ces informations au Cercle bardique. On peut donc dire que nous sommes un peu des espions, enfin, des informateurs. Par contre, il n'y a pas d'assassin parmi nous! Et encore moins de voleur! La formation de Barde comprend de nombreux cours d'éthique et en devenant apprenti, tu t'engages à ne jamais utiliser ton Don au détriment des autres ou pour ton seul bénéfice. C'est très strict.»

Il conclut sa tirade en engloutissant la majeure partie de ce que contenait son assiette.

Elke

Re : [Salle à manger] Rien ne sert de pleurer sur le verre brisé
« Réponse #7 le: 30 juillet 2016, 00:29:04 »
C'était en entendant toutes les explications d'Yvelin que la réalité rattrapa bien vite la jeune mage : toutes ces coutumes, toutes ces installations, cette vie, elle n'y connaissait presque rien. Tout était différent de ce qu'elle avait vécu avant, et même si elle pouvait trouver quelques similitudes et certains repères, elle avait l'impression d'être une parfaite novice. Cela n'était un mal en soi, Elke avait parfaitement conscience de son inexpérience, et c'était bien pour ça qu'elle recherchait le maître qu'elle s'était choisi... afin d'en apprendre plus, toujours plus !

« J'ai... le rang de compagnon, en effet. Mais entre le statut d'apprenti et celui de professeur, je suis presque certaine d'être plus proche de celui de l'apprenti ! Enfin, tant que les uniformes ne sont pas obligatoires, moi, ça me va... »

Elle laissa sa phrase légèrement en suspens, laissant traîner son regard sur la tenue du barde. Il fallait bien que ça lui rentre dans la tête rapidement ! Sinon, elle allait faire une autre bourde avec quelqu'un, et ça n'en finira jamais. Donc, couleur brique, ce sont des bardes. Des bardes. Les jaunes, les apprentis mages et les bruns dorés, les professeurs... Une pensée en entraînant un autre, Elke en vint à se demander si, quand elle était arrivée à Haven, le Doyen était de couleur brun doré... Elle n'avait guère fait attention aux vêtements à ce moment-là, elle était bien trop focalisée par tout le reste. Et il s'était passé tellement de choses ce jour-là.

Écoutant presque religieusement le jeune garçon, Elke ne l'interrompit pas une seule fois pendant ses explications. En effet, c'était un peu différent de ce qu'on lui avait raconté, mais c'était également très technique. Le rôle d'un barde était donc si codifié que ça ? Bah, il n'était pas difficile d'imaginer des chroniqueurs aimant la complexité, c'était leur quotidien !

« Donc vous ne tuez jamais ? Vous n'espionnez jamais ? »

Ce n'était pas réellement une question de jugement, à force de s'imaginer le rôle des bardes à partir des « on dit que », Elke avait plutôt tendance à s'imaginer quelques anti-héros, des Robin des Bois accompagnés de quelques chansonnettes... Oh elle savait qu'elle était peut-être très loin de la vérité, mais elle espérait y trouver un fond tout de même. Yvelin ne détruisait pas ses illusions, il leur donnait simplement... une autre perspective.

« Chez les mages aussi, c'est très strict... » finit-elle en compatissant presque. « Toujours utiliser son don avec parcimonie, avec altruisme, avec contrôle... C'est la même rengaine partout, non ? Ils doivent dire la même chose aux Hérauts, peut-être pas aux guérisseurs puisque ça coule de source, enfin bon... Des règles, des règles, toujours des règles ! Hm, mais du coup, tu vas bientôt aller sur les routes, non ? Affronter les terribles kilomètres et les ampoules au pied... On ne le dirait pas, mais c'est ça le plus terrible ! En trois heures, j'ai toujours l'impression que mes pieds doublent de volume. Je te dis ça parce que c'est vraiment un attrape-couillon, et ne fais pas comme moi, ne crois pas les marchands de ''chaussures rafraîchissantes avec un système de lavement intégré''... »

Un douloureux souvenir pour son porte-feuille, cet épisode-là. Enfin, maintenant, elle savait... C'était le principal !

« Et tu partiras seul pour écrire ton œuvre de diplôme ? Tu n'auras pas de maître ou quoi que ce soit ? Et tu sais sur quoi tu la feras, cette œuvre ? J'imagine que ce serait une chanson, ou un morceau de musique, ou quelque chose... De la poésie ? Tu fais de la poésie ? Oh, est-ce que tu me réciterai quelques vers, là comme ça ? »

Yvelin

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Re : [Salle à manger] Rien ne sert de pleurer sur le verre brisé
« Réponse #8 le: 30 juillet 2016, 22:23:02 »
«Euh...»

La question de la mage prenait le jeune Barde au dépourvu. Officiellement, les Bardes n'espionnaient pas... officiellement. Il savait bien que les Bardes et les ménestrels pouvaient parfois servir d'espion. Ce n'était pas vraiment un secret ici, mais c'était clairement officieux. Quant à assassiner... il n'en savait honnêtement rien. Peut-être certains devaient-ils commettre des meurtres pour la couronne. Il avait entendu une rumeur sur un prétendu Héraut espion qui se chargerait de ce genre de tâches pour le Roi. Il ne savait pas très bien s'il devait prêter foi aux racontars. Il n'avait en tout cas jamais croisé de Héraut à l'air louche et au visage chafouin. Et comment pouvait-on commettre un meurtre en étant lié à un Compagnon? N'étaient-ils pas des incarnations vivantes de l'honneur?

«Comme j'ai dit, sur les routes, on apprend pas mal de choses. Donc nous tenons au courant le Cercle... J'imagine que les Bardes employés chez de riches nobles tiennent aussi au courant la capitale de ce qui se passe dans les terres...»

Il était clairement mal à l'aise. Il n'avait pas spécialement envie de mentir, mais il n'osait pas être plus précis. Après tout, Elke n'était pas Barde. Elle n'était même pas valdemarane. Il ne savait pas très bien ce qu'il était autorisé à lui dire. Ce qu'Yvelin ne réalisait pas, c'était que le rôle secondaire des Bardes — informateur de la couronne —  était de notoriété publique, même si personne n'était vraiment certain de quelles étaient les limites de cette fonction.

«Mais nous ne tuons pas, ça c'est certain!»

Imaginer Yvelin en assassin de l'ombre était aussi risible que d'imaginer Fleur de Trevale faisant de la politique. Il était déjà bien trop grand — et sa croissance n'était pas finie! En dehors des moments où il maniait un instrument, il était en outre plutôt maladroit et vraiment pas discret.

Ses deux années au Collegium lui avaient quand même appris à ne plus s'encoubler partout. Grâce aux cours avec le maître d'armes, il avait même réussi à apprivoiser ses longs membres. Il serait toujours lamentable avec une épée, mais il savait manier plus ou moins correctement la fronde, l'arc et le bâton. Cela lui serait d'ailleurs bientôt très utile.

«Euh... je suis en troisième année, donc normalement à la fin de l'année oui, je partirai sur les routes. Et oui, on part seuls. C'est pour ça qu'on doit prendre des cours d'autodéfense et de combats. Un Barde est souvent seul sur les routes, il doit être capable de se défendre. Ceci dit, je me réjouis de partir. Ce sera la première fois que je quitte la capitale. Je suis né ici, je ne suis jamais allé plus loin que les Fermes Familiales. J'ai hâte de visiter d'autre région de mon pays. Quant à l'œuvre que je dois écrire, une œuvre musicale, donc, normalement c'est le voyage en lui-même qui doit fournir la matière. On ne peut donc pas y réfléchir en avance.»

Ce qui était bien dommage. Ce serait tellement plus facile s'il pouvait commencer à réfléchir à son œuvre dès maintenant...

«Et je ne fais pas de poésie... pas dans le sens où tu l'entends. J'écris parfois les paroles d'une chanson pour un devoir. Mais je ne suis pas un très bon compositeur. Y a quasiment aucune de mes compositions qui est restée dans les mémoires. Enfin...» Il eut l'air à la fois amusé et gêné. «La seule qui soit resté, c'est une ritournelle débile que j'ai composée pour un concours de Bardes*... concours de la chanson la plus braillarde. Les paroles sont très mauvaises, heureusement la musique rattrape le tout. J'ai eu un coup de génie. Une fois que tu as entendu cette mélodie, impossible de l'oublier. En plus, le thème de la chanson a eu du succès, car j'ai raconté une anecdote assez drôle... je ne sais pas à quel point elle est véridique, mais elle a fait un bon sujet de ritournelle. Si tu veux, je te la chanterai à l'occasion. Là je mange... je ne vais pas chanter la bouche pleine.»

Pour ponctuer ses propos, il termina son assiette et se resservit aussitôt.

«Et vous, c'est quoi l'examen de passage dans votre école? Un parcourt avec des épreuves? Un examen avec un professeur? Une cérémonie qui quand on peut la pratiquer signifie qu'on peut passer au niveau suivant? Et ça fait quoi d'être compagnon? Et d'être mage?»

Il attaqua sa deuxième assiette avec énergie.

Spoiler: montrer

*

♪ Il était un beau militaire
elle une jeune apprentie Héraut.
En mission il se rencontrèrent
et entre eux ce fut vite très chaud.♪



♪Acier et feu, feu et acier
il y a tant à raconter.♪



♪Elle était timide et gênée.
Il se montra fort rassurant.
Ils se lièrent lors d'un dîner,
serrés autour d'un feu de camp.♪



♪Acier et feu, feu et acier
il y a tant à raconter.♪



♪Le capitaine fut appelé
par un problème très urgent.
Dans les bois il dût s'éloigner
accompagné d'un intriguant.♪



♪Acier et feu, feu et acier
il y a tant à raconter.♪



♪L'homme attaqua le militaire
et celui-ci se défendit.
Ils dansaient, tournaient lame au clair
ils étaient de vrais ennemis.♪



♪Acier et feu, feu et acier
il y a tant à raconter.♪



♪Le soldat était fatigué
et l'homme en profita
Alors qu'il allait le tuer,
la Héraut enfin arriva.♪



♪Acier et feu, feu et acier
il y a tant à raconter.♪



♪Elle crut qu'elle allait assister
à la mort du beau capitaine
Mais son Compagnon avisé
la fit attaquer, non sans peine.♪



♪Acier et feu, feu et acier
il y a tant à raconter.♪



♪Alors pour sauver son ami,
elle alluma un tel brasier
qu'elle craignit de l'avoir rôti
plus qu'à point, presque brûlé.♪



♪Acier et feu, feu et acier
il y a tant à raconter.♪



♪La chance était avec la belle:
seuls le méchant et les habits
du capitaine aux yeux de miel
dans les flammes avaient péris♪



♪Acier et feu, feu et acier
Il reste encore à raconter.♪



♪Devant elle il se tenait nu
encore tout fumant et choqué
Il lui dit alors très ému:
"vous savez comment m'allumer".♪



♪Acier et feu, feu et acier
J'ai fini de raconter.♪



Dédicace spéciale à Beltran et Mina
« Modifié: 30 juillet 2016, 22:31:04 par Yvelin »

Elke

Re : [Salle à manger] Rien ne sert de pleurer sur le verre brisé
« Réponse #9 le: 09 août 2016, 20:56:59 »
« Tu vas partir seul, hein... ? »

C'était amusant de voir à quel point le destin pouvait être un peu ironique : elle, elle venait des routes, elle venait d'un voyage qui pouvait être semblable à celui que le jeune barde fera dans un avenir assez proche. Il était vrai que les routes étaient dangereuses, mais même si Elke n'était pas une spécialiste de l'autodéfense, elle avait réussi à se débrouiller ici et là... Quelques sorts de distraction, ou bien simplement marcher à côté des routes, quelques petites astuces peuvent faire la différence ! Peut-être devrait-elle prendre des cours de combat, finalement. Ça serait toujours ça de pris, et si elle se souvenait bien, c'était Fitz qui en était responsable. Un sourire s'étira sur son visage : ce soldat avait une certaine classe. Une très certaine classe ! Donc Yvelin avait pris des cours auprès de lui ?

Elke le regarda plus attentivement : il était grand, fin – à se demander où il stockait tout ce qu'il mangeait –, l'imaginer en combattant aguerri était assez comique... Mais elle l'aimait bien. Il parlait beaucoup, mangeait beaucoup, semblait passionné par ce qu'il faisait et mine de rien, elle était ravie de se voir des points communs avec lui. D'autant plus qu'elle ne le connaissait que de quelques dizaines de minutes.

« Peu importe qu'elle ait du succès ou non, j'adorerai l'entendre ! » affirma-t-elle avec un ton décidé. « Et comme je suis bien partie pour rester un moment ici, je suis sûre qu'on trouvera un moment où tu ne mangeras pas et où tu pourras la chanter, cette ritournelle ! Elle a un nom ? »

Et elle le regardait manger, encore et encore, tandis qu'elle avait fini depuis longtemps. Enfin, elle se resservit un verre d'eau, mais Yvelin semblait affamé depuis le début du repas ! La jeune mage voulu poser une question à ce sujet, mais dès qu'elle ouvrit la bouche, on lui demanda comment se passaient les examens de magie, chez elle. En un instant, elle oublia complètement ses mots, tout de suite remplacés par des termes de magie qui fusaient dans sa tête. Oh, ce domaine tant aimé ! Elke se réajusta sur le banc pour être plus à l'aise, et commença avec joie.

« En réalité, notre examen s'appelle la Confrontation. On nous en parle dès notre arrivée dans l'école, et personnellement je n'étais encore qu'une petiote, mais jamais dans le détail. Tu sais, parce que ça fait mystérieux et dangereux, tu vois... La Confrontatioooooooon.... »

Elle resta un long moment en insistant sur le « on » en plissant légèrement les yeux. Une légère moquerie ? Absolument pas ! C'était du sérieux, la Confrontatiooooon...

« De ce que je peux te dire, c'est que ça change d'un élève à l'autre, que les épreuves ne sont pas les mêmes et que ce sont tous les professeurs de l'école qui jugent la performance. Ce n'est pas un simple examen dans le sens où on ne regarde pas uniquement les aptitudes du mage, il paraît que les professeurs veillent aussi à qu'on ne soit pas de futurs psychopathes, des mages complètement assoiffés de sang et de pouvoir dans un avenir plus ou moins proche. Bon pour l'instant, je n'ai jamais vu personne se faire recaler pour ça... Du coup, peut-être que ça ne marche même pas leurs méthodes ! Peut-être que d'ici dix ans, je chercherai à asservir l'humanité pour euh... pour faire des trucs de méchant mage. Pas de panique, prendre le contrôle de la planète ne fait pas partie de mon emploi du temps pour l'instant ! »

La jeune mage soupira légèrement. Pour elle, ce n'était rien de plus qu'une plaisanterie, mais elle savait bien que certaines personnes ne plaisantaient pas avec ça, et prenaient la menace des mages très au sérieux.

« À Pierre-de-Shor, les professeurs avaient l'habitude de répéter que les mages étaient comme des gens normaux, mais avec une épée aiguisée et dégainée collée dans la main à chaque instant. Ils n'arrêtaient pas, nous prévenais qu'il était impératif que nous contrôlions nos dons... Je connais des mages qui en faisaient des cauchemars quand ils étaient petiots ! Professeur Therecer n'était pas comme les autres professeurs... Oh non, il était pire ! Mais dans le bon sens. Je suppose. Tu vois, il était typiquement le genre de mage qui ne blâmait pas les imperfections et qui disait « La magie est l'art de la création et de la destruction. De la destruction ! C'est pas en oubliant la moitié de la véritable nature de la magie que les élèves deviendront des mages entiers ! Des moitiés de mages, voilà ce qu'ils sont ! Tous des incapables, des bons à rien ! » suivi d'une très longue tirade d'insultes diverses et variées. Ha ha, il est génial, non ? »

Comme chaque fois qu'elle parlait du mage qu'elle avait choisi arbitrairement pour être son professeur, elle avait le sourire aux lèvres et des étoiles dans les yeux. Il pouvait paraître comme étant le vieillard le plus détestable du monde, aigri et grognon, il était aussi, aux yeux d'Elke, un mage extraordinaire. Il était marginal, indépendant, il connaissait un nombre incalculable de choses, il avait voyagé partout, il avait été en guerre, il avait vécu en ermite, y avait-il encore une chose dont il n'avait jamais encore entendu parler ?

« Eh, Yvelin, je viens d'y penser... Quand tu auras fini de manger, qu'est-ce que tu dirais d'aller en ville ? Tu dois connaître un tas de choses sur Haven, non ? Puisque ça fait déjà trois ans que tu es là. Quand je suis arrivée, j'ai à peine vu à quoi ça ressemblait et je me disais que ce serait une bonne chose si... »

Elle s'arrêta d'un coup, prenant rapidement sa respiration avant de céder.

« Non, ok, c'est un prétexte. Les cours marginaux, je n'en peux plus. Ça ne fait que trois jours, mais je n'en peux plus. Rester assise des heures à ne rien faire... Si jamais tu avais besoin de sortir ou quoi que ce soit, ça me ferait une excuse parfaite ! Qu'est-ce que tu en dis ? »

Yvelin

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Re : [Salle à manger] Rien ne sert de pleurer sur le verre brisé
« Réponse #10 le: 10 août 2016, 17:41:33 »
«Oui... Ce sera la première fois de ma vie que je me retrouverai sans personne pour m'aider ou me surveiller. »

L'idée avait quelque chose d'angoissant. Yvelin n'était pas un homme d'extérieur. Vraiment pas. Ayant grandi dans la cité, il n'avait jamais vu de sa vie un horizon sans limites. Il savait que certains vivaient très mal au grand air et il craignait d'être atteint d'agoraphobie une fois sorti des murs rassurants de la cité. Il avait aussi peur d'être incapable de réagir correctement en car d'orage ou de tempête de neige. Marcher toute la journée ne l'effrayait pas, par contre. Dans une ville aussi étendue qu'Haven, il fallait parcourir des kilomètres pour rejoindre les différents quartiers, en pente qui plus est, car la ville était bâtie sur une colline. Il n'avait pas non plus peur de la solitude, car elle était sa compagne depuis bien longtemps, et il lui arrivait souvent de la rechercher activement. Même si en cet instant, il était heureux d'avoir un peu de compagnie.

Elke était là depuis trop peu de temps pour s'être déjà lassée des compositions maladroites des apprentis Bardes. D'ici quelques décades, elle les éviterait comme la peste, de crainte que ceux-ci ne cherchent un public pour écouter leur nouveau "chef-d'œuvre". Pour le moment, en revanche, elle semblait très intéressée par la musique d'Yvelin, à la grande surprise de ce dernier.

« Un nom? Pas vraiment... c'est pas la genre de composition qu'on s'attend à voir rester dans les mémoires. À la base c'était quand même plutôt une plaisanterie. C'est rare que je participe à de tels concours, d'ailleurs. Tu vois, le plus souvent, ce sont des concours de chansons paillardes. Et ça, franchement, je serais bien incapable d'en écrire. Les chansons à boire sont plus faciles, mais elles finissent par toutes se ressembler. Pour qu'une mélodie soit entraînante et reste dans la tête des gens, il y a des règles à suivre, et ça aboutit à des chansons utilisant toujours les quatre mêmes accords. Si tu ajoutes à ça des paroles qui ne varient que très peu d'une composition à l'autre... Les chansons braillardes c'est plus marrant. Là le but c'est de créer la chanson avec le thème le plus débile et la mélodie la plus agaçante et répétitive. Normalement, on nous exile dans la sellerie quand on lance un concours du genre, personne n'a envie de fredonner nos compositions pendant des dizaines... Mais bref, elle a pas de nom.»

Pour une fois, Yvelin avait trouvé un mage prolixe sur son sujet. À peine avait-il achevé sa question qu'Elke expliquait avec enthousiasme le contenu des examens de son école de magie. Elle en parlait avec plaisir manifeste, on voyait la passion luire dans ses yeux bleus. Même si pour le moment, elle se plaignait plutôt du sérieux de ses anciens professeurs. En même temps, s'ils étaient aussi moralisateurs que ceux des Bardes, si les mages culpabilisaient autant leurs étudiants, il pouvait comprendre. Même s'il était foncièrement honnête de nature, Yvelin avait parfois l'impression, en sortant d'un cours d'éthique, d'être un monstre et un potentiel dangereux criminel. À l'image d'une Elke en conquérante maléfique cependant, le jeune Barde ne put s'empêcher de rire. Yvelin avait quelques doutes sur la capacité de la mage à asservir l'humanité, même si elle avait encore dix ans pour se perfectionner.

Yvelin ne put qu'approuver le jugement de la jeune femme sur son professeur, car il doutait qu'elle acceptât autre chose. Il secoua frénétiquement la tête en signe d'approbation tout en avalant ce qui lui passait sous la main. Il commençait enfin à se sentir moins affamé, voire presque rassasié. Il avait eu un cours de Dons ce matin-là, avant le cours d'histoire, et cela lui creusait toujours l'appétit. Dans ce cours avancé, ceux possédant comme lui un puissant Don des Bardes apprenaient à l'utiliser autrement que par la musique. Ce qui était très très fatigant. Faire usage de son Don dans un cadre normal ne lui coûtait pas grand-chose, mais ce cours requerrait une pratique loin d'être normale.

À la surprise d'Yvelin, la jeune femme lui proposa d'aller se promener avec elle. Il se sentit légèrement rosir.

«Euh...» À la base il avait prévu d'aller étudier un peu, mais il pouvait toujours changer ses plans. « Si tu veux. Mais comme je disais, je n'ai jamais dépassé les Fermes... Ah... je suis bête. Tu ne sais pas ce que c'est. Les Fermes Familiales c'est un complexe juste en dehors de Haven. Quand je dis que je n'ai jamais dépassé les Fermes, ça signifie que je ne suis jamais sorti de la ville. Je suis né ici. Ça fait donc bien plus de trois ans que je vis dans la cité.» Il sourit maladroitement. «Mais je veux bien te servir de guide.»

Pour ponctuer sa résolution sauça encore une dernière fois soigneusement son assiette, but deux grands verres d'eau à la suite et s'essaya la bouche, l'air ravi.

«On y va donc?»

[Tu me réponds ici, et ensuite j'ouvre en ville?]

Elke

Re : [Salle à manger] Rien ne sert de pleurer sur le verre brisé
« Réponse #11 le: 07 septembre 2016, 22:40:35 »
Pour Elke, se jeter seul dans un monde vaste et inconnu, c'était la définition même d'une bonne journée. Certes c'était angoissant, on pouvait y vivre de mauvaises expériences et on risquait de s'en sortir assez mal... mais c'était le risque à jouer ! Cela dit, la jeune mage s'était bien rendue compte que ce n'était pas le cas pour tout le monde, et elle comprenait bien que ça ne mettait pas Yvelin très à l'aise. Il semblait attaché à cet endroit, cette cité. Un sentiment qu'Elke n'avait jamais vraiment ressenti depuis qu'on lui avait vivement conseillé d'aller étudier à Pierre-de-Shor. Sa maison n'était plus sa maison, et Pierre-de-Shor n'avait jamais été un nouveau foyer à ses yeux.

Concernant le Collegium, eh bien... Elle y était encore trop étrangère pour se faire une réelle opinion sur le sujet.

Elle adressa un sourire au barde et lui tapa amicalement dans le dos.

« Tu vas t'amuser, j'en suis sûre ! Le plus dur, c'est de ne pas se perdre. J'ai tourné en rond pendant des jours à cause de ça, sans même m'en rendre compte. Tu sais, il faisait gris, il pleuvait tout le temps, et je n'avais aucune fichue façon de voir d'où venait le soleil. Idem pour la nuit avec les étoiles. Je suis sûre qu'un mage surpuissant aurait pu... je ne sais pas ! Écarter les nuages... Ou faire apparaître la bonne direction dans les flaques... En plus, on avait volé ma carte un peu avant, je n'avais vraiment pas eu de chance. Mais heureusement, j'étais assez douée pour retrouver mon chemin toute seule, sans la moindre aide ! »

Elke se tut deux minutes, oberva Yvelin dans les yeux, avant de finalement baisser les siens dans un soupire.

« Ok, bon je l'avoue, ce n'était rien que de la chance. J'ai marché et pouf, j'ai retrouvé la route. J'avais de la boue à l'intérieur de mes bottes, de mon pantalon, et aussi à l'intérieur de mon sac ; ce n'était pas un moment très mémorable. Peut-être que j'oublierai ''étrangement'' ce passage si j'écrivais mon autobiographie, quand je serai vieille et ridée. »

Bah, elle n'en avait pas grandement honte non plus, c'était simplement un épisode qui tuerait sa crédibilité si elle devenait un jour une mage connue ! C'était exactement comme Yvelin : il ne semblait pas pressé de marquer les esprits avec sa composition. Cependant, il avait beau la dénigrer en la considérant comme une chanson paillarde ou comme une plaisanterie, Elke n'en restait pas moins curieuse : son répertoire à elle était presque vide, et apprendre quelques chansons comme ça ne lui déplairait absolument pas, au contraire ! À Pierre-de-Shor, pour tromper leur ennui, certains mages s'étaient essayés à cette discipline... Peu de commentaire, preuve était faite que les mages n'étaient pas bons chanteurs ni compositeurs ! De plus, la plupart d'en eux chantaient faux. Oh, Elke faisait d'ailleurs partie de ces mages-là : elle répondait toujours présente quand il s'agissait de troubler le calme soporifique de son école.

Ainsi donc lesdites Fermes Familiales étaient situées proche de la ville... C'était une vision un petit peu étrange : dans l'esprit de la jeune mage, les termes « cité » et « ferme » étaient assez éloignés. Mais elle avait conscience qu'Haven n'était pas son village natal, alors peut-être était-ce courant ici d'avoir des fermes juste à côté des grandes villes. Et en toute honnêteté, l'idée lui plaisait assez : encore une différence avec ce qu'elle avait toujours connu.

« Si tu as toujours vécu ici, tu dois connaître la ville comme ta poche, non ? Tu dois avoir déjà vu tous les recoins, trouvé toutes les cachettes... Mais tu n'es jamais sorti ? Pas même un tout petit peu, pas trop loin ? Mince, Haven doit être gigantesque. Ça paraît si petit sur la carte. Même pas deux centimètres. ... Oui, j'en ai acheté une autre, après le vol de la première. Mais pour dix pièces, j'ai l'impression de m'être fait arnaquer. Je me suis fait arnaquer d'après toi ? Les prix sont toujours aussi hauts ici ? »

Elle qui avait l'intention d'aller s'acheter quelques petites babioles en ville avec le peu d'argent qui lui restait, elle avait bien l'impression qu'elle devra faire une croix là-dessus. Enfin, l'idée de se balader lui semblait toujours aussi séduisante ! Ravie qu'Yvelin ait enfin fini de manger, elle se leva d'un coup et une seconde plus tard, elle était déjà prête à partir, le sourire aux lèvres.

« Parée à appareiller, capitaine ! »

Yvelin

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Re : [Salle à manger] Rien ne sert de pleurer sur le verre brisé
« Réponse #12 le: 10 septembre 2016, 10:26:00 »
[L'histoire continue ici]