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Messages - Thalyana

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Collegia / Re : Tirer les oreilles
« le: 31 mai 2020, 11:27:07 »
«Mmhhh. D'accord.»

Thalyana n'était pas convaincue qu'Allister était au clair avec lui-même. Si cela avait été le cas, se serait-il effondré de la sorte? Mais sans doute était-il persuadé d'être parfaitement honnête et à l'aise avec ses manipulations, ses mensonges. Il pensait se connaître parfaitement, il pensait avoir cerné tous les pans de sa personnalité. Il était certain d'avoir tout sous contrôle. Peut-être était-ce habituellement le cas. Mais aujourd'hui, ce contrôle lui avait fait défaut.

Elle le laissa parler sans rien dire. Elle le laissa se vider de sa haine et de sa colère. Elle s'inquiéta de le voir trembler, d'entendre sa voix se casser. Mais elle ne voulait pas l'interrompre.

Malgré elle, par moment, elle se surprit à approuver les paroles d'Allister. Oui, d'une certaine manière, dans beaucoup d'endroits, les forts dominaient les faibles. Les seigneurs abusaient de leur puissance militaire pour soumettre les paysans et tous ceux qui ne pouvaient se défendre. Mais pas à Valdemar. Ici, on se souciait de tout le monde. En tout cas, on essayait. Plutôt que des soldats, la Couronne employait des gens formés au droit et à la conciliation faire respecter la loi. Elle envoyait ses meilleurs éléments jusque dans les régions les plus reculées, pour que nul n'oublie qu'il faisait partie d'un tout bien plus vaste.

Elle aurait voulu le dire à Allister. Mais il n'était pas en état de l'entendre. Il ne l'aurait pas cru. Avait-il un jour discuté avec un Héraut à part sa cousine qui n'était pas un modèle du genre? Sans doute que non. Il faudrait le lui proposer. Mais quel Héraut aurait suffisamment foi en lui pour ne pas se laisser déstabiliser par les techniques du jeune homme? Elle imaginait déjà les effets désastreux qu'il pourrait avoir sur un jeune Héraut naïf.

Allister s'arrêta de parler. Elle allait répondre, quand il rajouta un commentaire cynique. Évidemment. Il lui fallait attaquer, maintenant qu'il s'était mis à nu.

«Peur pour Kalaid? À cause de sa bonne position?» Elle haussa les sourcils, sincèrement surprise. «Non, Allister. Je n'ai pas peur. En fait, je suis plutôt triste. Pour toi.» Elle tendit la main pour repousser une boucle brune sur le front de l'ingénieur.

[À suivre...]

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Collegia / Re : Tirer les oreilles
« le: 19 mai 2020, 08:32:29 »
Thalyana n'aurait pu dire combien de temps s'était écoulé depuis son arrivée dans la pièce. Seule la douleur qui grandissait un peu partout dans son corps lui donnait une indication. Heureusement, elle était habituée depuis longtemps à rester dans des positions inconfortables. Son métier le lui avait appris, sa fille l'avait rendue experte.

Finalement, après sa chanson et un silence, Allister se redressa et parvint maladroitement à s'installer en face d'elle. Il avait l'air d'un enfant pris en faute et ce qu'il lui dit ne fit qu'exacerber cette impression.

«Je suis très contente d'avoir vu "tout ça". Tu n'as donc pas à t'excuser.»

Elle en profita pour changer maladroitement de position. Elle ne sentait plus une de ses jambes et son dos lui faisait souffrir le martyre.

«Allister, je sais quels effets ont la faim et la fatigue sur un individu et... ce ne sont pas ceux-là. Enfin, à elles seules, elles ne suffisent pas. Pas comme ça.» Elle le dévisagea un instant. «Tu ne m'as pas réellement écouté quand je disais que je soignais les maladies de l'esprit. L'effondrement psychologique, c'est mon quotidien. Même si, souvent, celui-ci est provoqué par des Dons, des traumatismes, la guerre.» Elle sourit. «Mais je sais aussi qu'il ne sert à rien de te faire parler, si tu n'en as pas envie. Tu me serviras des salades pour avoir la paix. Tu sembles être un expert pour tromper tout le monde, toi le premier.»

C'était sans doute la leçon la plus difficile que tout Guérisseur devait apprendre au cours de sa vie. Il était impossible de sauver tout le monde. Et Thalyana avait découvert qu'il était impossible de soigner quelqu'un contre son gré, quand il s'agissait de l'esprit. Elle pouvait bien guérir une partie des blessures et des afflictions sans le concours de son patient. Mais très vite, elle avait besoin de leur collaboration. S'ils luttaient, elle se retrouvait impuissante.

«Mais par contre, tu peux peut-être m'expliquer pourquoi cela te tient tant à cœur de fabriquer ces objets pour l'attaque? Je suis certaine que personne ne l'a exigé de toi, à part peut-être toi-même.» Elle réfléchit un instant. Elle savait qu'Allister avait grandi dans une troupe de mercenaires, et qu'il en avait souffert. Il n'avait ni le gabarit ni l'inclination pour le métier des armes. «Je...j'imagine que c'est l'occasion de prendre une revanche? Si tu pouvais, avec tes inventions, faire autant de dégâts qu'un mercenaire chevronné, tu leur prouverais qu'ils avaient tort de te mépriser?» Elle tendit une main vers l'ingénieur et lui caressa doucement les cheveux. «Tu aimerais, sans doute, au fond de toi, qu'ils se disent: " Vous avez entendu, y a notre Allister qui a inventé une nouvelle arme! Il paraitrait même qu'elle fait beaucoup de dommages! On peut tous être fiers de lui." Je ne suis malheureusement qu'une Guérisseuse un peu simplette, mais je peux te dire que tu as de quoi être fier de toi, de tes rêves, de tes désirs, de ta volonté inébranlable de changer le monde.»

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Collegia / Re : Tirer les oreilles
« le: 14 mai 2020, 09:48:02 »
Les mots d'Allister lui firent mal. Très mal. Ce n'était pas la première fois qu'on lui lançait des horreurs à la tête, mais jamais personne n'avait frappé aussi près de ses angoisses les plus profondes.

Qu'est-ce qui motivait ses actes? Son envie d'aider les autres, sa générosité, sa gentillesse? Ou plutôt ce besoin de se savoir utile, presque indispensable, cette soif de reconnaissance et de gratitude, lui permettant de se complaire dans un contentement de soi confortable? Se souciait-elle réellement des autres? S'occupait-elle d'eux pour eux, ou parce qu'elle était incapable de gérer l'angoisse que leur état suscitait chez elle?

Ses actes étaient-ils moins bons si ses motivations n'étaient pas totalement pures?

Elle ne s'était jamais considérée comme quelqu'un de particulièrement altruiste. Elle s'estimait bien plus rationnelle que les Hérauts qui semblaient parfois vivre pour mourir en martyr, dans un geste d'abnégation totale. Elle aimait ce qu'elle faisait, elle était heureuse de mettre ses Dons au service du plus grand nombre. Mais était-ce réellement suffisant? Pouvait-elle être une bonne Guérisseuse, malgré son égoïsme? Ne pourrait-elle pas faire davantage?

Et finalement, quelle importance? Elle avait échoué, une fois de plus.

«Pardon...»

Son esprit embrumé par la douleur ne perçut que trop tard l'effondrement psychique d'Allister. Quand il s'écroula dans ses bras, à peine avait-elle eu le temps de réaliser qu'il se passait quelque chose. Puis leurs peaux se touchèrent, et ce fut comme un coup de poing dans l'estomac. Elle en eut le souffle coupé. Les émotions du jeune homme s'infiltrèrent sous ses boucliers et elle fut prise d'un vertige. Elle se rattrapa tant bien que mal, physiquement et mentalement. D'une main, elle tâtonna à la recherche d'une surface sur laquelle s'appuyer. Elle trouva une chaise. Elle s'y tint et le laissa glisser au sol, tenant Allister de l'autre main.

Maintenant assise, elle put accueillir le jeune homme contre elle; il était de toute manière bien trop faible pour résister. Elle le serra contre son sein et lui caressa les cheveux. Le bruit des sanglots emplissait la pièce. Depuis quand n'avait-il pas pleuré?

Petit à petit, Thalyana retrouva son calme. Les larmes, qui coulaient malgré elle, se tarirent. Elle ne comprenait pas très bien ce qui venait de se passer. Mais quelque part, au fond d'elle, elle savait qu'elle venait de sauver le jeune homme. Elle ne savait pas de quoi, ni de qui, mais cela n'avait aucune importance.

Elle se pencha pour déposer un baiser sur le front d'Allister et le serra plus étroitement. À cet instant, il avait l'air d'un petit enfant perdu. Il s'accrochait à elle, peut-être paniqué qu'elle s'en aille. Elle aurait pu calmer le jeune homme facilement, l'aider à regagner contenance. Mais ce dont il avait besoin, c'était de s'abandonner dans des bras rassurants.

Elle essaya de remettre de l'ordre dans les événements. Et surtout, elle tenta de dresser un portrait mental de l'ingénieur. Elle avait très vite compris qu'il jouait un rôle, sans doute parce qu'en premier lieu, il l'avait sous-estimée. Elle savait qu'elle pouvait paraître simplette ou naïve, mais elle n'était pas stupide. C'était cette erreur initiale qui avait conduit à la catastrophe. Incapable de trouver comment lui parler, Allister avait fini par craquer. Elle réalisa que l'élément central de sa personnalité était la peur. La peur de souffrir, la peur de perdre le contrôle, la peur d'échouer. Par peur, il préférait être seul. Il préférait s'enfermer dans une mascarade.

Thalyana le serra plus étroitement contre son cœur. Que pouvait-elle faire de plus, de toute manière? Parler, au risque de rompre le charme? Ou parler, simplement pour remplir la pièce de mots doux et rassurants? Elle avait peur de dire ce qu'il ne fallait pas, peur de l'effaroucher.

Quand elle ouvrit la bouche, ce fut pour entonner un chant calme et apaisant de son enfance.

Les larmes qui coulent
nourrissent la terre,
abreuvent la mer
et éclairent le ciel.

Les larmes qui roulent
nettoient le cœur,
effacent les peurs
et lave le fiel.

Les larmes qui tombent
purifient l'âme,
éloignent les drames
et chassent les querelles.

Des larmes qui sèchent
naissent les sourires,
jaillissent les rires
et au cœur pousse des ailes.


Gênée, elle se tut quelques instants.

«Est-ce que tu veux me parler?»

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Collegia / Re : Tirer les oreilles
« le: 13 mai 2020, 09:15:34 »
«Je...»

Thalyana n'avait jamais été à l'aise avec la violence verbale. Jamais. Il lui arrivait bien de hausser le ton, mais jamais de manière agressive. Les fois où elle avait perdu son calme se comptaient sur les doigts d'une main. Grâce à son travail, elle avait appris à encaisser les insultes, les cris, les explosions de colère. Mais malgré tout, elle ne s'attendait à une telle violence chez l'ingénieur.

D'une certaine manière, elle était fascinée par ce qu'elle entendait. Ce qu'Allister lui reprochait, c'était finalement ses propres travers à lui. Quelle idiote elle avait été! Allister l'avait totalement manipulée. Elle avait cru, en bonne partie, à son numéro d'ingénieur enthousiaste. Elle réalisa que tout cela n'avait été qu'un spectacle à son attention.

Loin de se sentir trahie, elle avait l'impression d'avoir échoué à gagner sa confiance. Qu'avait-elle fait pour qu'il pense soudainement qu'elle n'avait fait que de lui mentir que de jouer un jeu? Simplement parce qu'elle avait montré un visage moins lisse, il en déduisait que le reste n'était que tromperie?

Elle ne savait comment lui répondre. Quels étaient les bons mots? Que dire? Elle resta silencieuse quelques instants, hésitante.

«Je suis Thalyana, Guérisseuse de l'Esprit à la Maison de Guérison de Haven. Je ne te "veux" rien. Ou plutôt, rien de plus que ce que j'ai dit. J'aimerais que tu manges et que tu prennes un peu soin de ta santé.» Elle ne souriait plus, mais son ton était resté doux. «Tu as raison, aucune gentillesse n'est parfaitement désintéressée. Mais elle n'est pas non plus forcément motivée par de mauvaises raisons. Je...» Elle cherchait ses mots, non par volonté de tromper, mais parce qu'elle savait que tout ce qu'elle dirait serait analysé et décortiqué. «Je t'ai trouvé touchant. Et terriblement seul. J'ai eu envie de t'aider. Ce qui est très égoïste, tu as raison. Tu ne m'as rien demandé, et je crois que tu aurais préféré ne jamais m'avoir rencontrée.» Elle baissa les yeux, gênée. «Suis-je une manipulatrice? Sans doute... je ne sais pas, sincèrement. Je sais ce qu'il convient de faire pour faire réagir les gens comme cela m'arrange. Mais ça, c'est surtout dans le cadre de mon métier. Je ne crois pas être comme ça avec mes amis. En tout cas, si vraiment j'en suis une, je suis très mauvaise, vu que tu m'as percée à jour.» Elle soupira et commença à jouer avec son alliance. «Je m'excuse si je n'ai pas été capable de te prouver que ma gentillesse n'était pas feinte. J'aimerais être une Guérisseuse parfaite, qui peut ouvrir le cœur des gens d'un sourire maternel et de quelques bons mots bien choisis. J'aimerais pouvoir guérir les gens d'une pensée. Je voudrais pouvoir redonner confiance à ceux à qui tout a fait défaut. Je voudrais faire disparaître les cauchemars et les peurs.» Les larmes lui montaient aux yeux. Fichue grossesse. Elle les essuya d'une main rapide, mais celles-ci continuaient de couler. Elle leva la tête et regarda Allister droit dans les yeux. «J'aimerais pouvoir te montrer qu'on peut vouloir aider quelqu'un sans rien y gagner d'autre en retour que la satisfaction de s'être rendu utile. Mais dans ton monde, derrière ton masque, quelqu'un comme moi ne peut être qu'un mensonge, parce que je remets en question le système de valeurs que tu t'es construit à force de souffrances et de privations.»

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Collegia / Re : Tirer les oreilles
« le: 12 mai 2020, 18:11:07 »
La compagnie d'Allister était plutôt reposante pour Thalyana, ou au moins, pour son Don. Il semblait capable de tenir ses émotions en laisse, et ne diffusait pas grand-chose, ce qui était des plus agréables. Mais cette fois, le jeune homme débordait d'émotions violentes, et elle comprit bien vite qu'elle en était la source.

«Pardon?» Thalyana le dévisagea, interloquée par la réponse du jeune homme.«Dangereuse? Mais de quoi parles-tu?»

Elle fronça les sourcils et l'observa d'un œil professionnel. Il était en train de craquer, nerveusement. Il la percevait comme une menace, sans raison.

«Pourquoi représenterais-je un danger? Allister, vraiment, je ne comprends pas.» Elle sentit son bébé s'agiter dans son ventre. Elle devait se calmer. Elle respira profondément et elle se sentit rassérénée. «J'aimerais que tu m'expliques de quoi tu as peur. Et ce que tu as cru comprendre.» Elle avait adopté son ton le plus doux, celui qu'elle utilisait avec les patients les plus récalcitrants. «Je suis désolée de t'avoir choqué avec mes idées. Je sais qu'on se s'attend pas qu'une Guérisseuse soit capable de penser à de telles choses. Mais cela fait des années que je vis avec la guerre, qu'elle cohabite avec nous. Je... j'aimerais pouvoir redevenir une jeune fille innocente, mais je ne peux pas. Et mes patients...eux aussi, ils l'ont trop côtoyée, souvent.» Elle soupira. «Allister...» Elle tendit la main et lui effleura le poignet. Elle lui offrit son sourire le plus chaleureux, le plus sincère. «Pourquoi es-tu en colère?»

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Haven / Re : Convenances (sans convens)
« le: 09 mai 2020, 11:44:08 »
Thalyana s'amusait beaucoup. Elle n'avait pas souvent eu l'occasion de danser avec un homme, et encore moins avec son mari, qui avait été souvent absent. Elle n'était pas très à l'aise dans les danses raffinées qui étaient de mise ce soir. Mais elle comprit rapidement qu'il suffisait d'adapter les pas qu'elle connaissait pour faire illusion. Finalement, toutes les danses se basaient sur les mêmes gestes.

Le duel de Bardes l'amusa beaucoup. Elle n'était pas très versée dans la poésie et la musique, ses connaissances étaient celles d'une jeune fille qui chantait des airs populaires pour se donner du courage. Mais elle savait reconnaître le talent chez les autres. Et les deux Bardes étaient très doués.

Quand le plus âgé des deux perdit conscience, elle fronça les sourcils, perplexe. Puis elle se proposa pour venir ausculter le pauvre homme. Un coup d'œil rapide lui suffit pour déterminer que l'homme ne s'était pas évanoui. Il s'était simplement endormi, d'un sommeil bien trop profond pour être totalement naturel. Le deuxième Barde avait-il tenté de tricher? Ou simplement d'éviter d'avoir à mener ce duel à son terme? Devait-elle le dénoncer?

Elle en était à ce stade de ses réflexions quand elle remarqua l'attitude de la ménestrelle. Celle-ci semblait extrêmement nerveuse et tentait d'accrocher son regard. C'était donc elle la responsable. Mais pourquoi? Thalyana n'osa pas poser la question. Le premier Barde ne risquait rien, et elle n'avait pas envie de s'en mêler. Elle savait que les rivalités pouvaient être profondes, entre artistes.

Sa tâche accomplie, elle retrouva son mari et sa fille. Il commençait à se faire tard. Il était temps de rentrer.

Elle avait passé une bonne journée.

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Collegia / Re : Tirer les oreilles
« le: 05 mai 2020, 09:52:38 »
Il n'y avait pas qu'une seule manière de gérer les patients difficiles. En fait, il y en avait autant que de patients. Mais on pouvait les classer dans deux grandes catégories: la manière douce ou la manière forte. Le problème de Thalyana, en cet instant, avec ce patient en particulier, était qu'elle n'arrivait même pas à se décider pour une approche ou l'autre. Allister oscillait entre gentillesse et agressivité, entre candeur et cynisme, la prenant souvent au dépourvu.

Quand il se montra insultant deux fois de suite, elle dut faire un choix, sans être certaine qu'il fut le bon. Elle se contenta de lui sourire avec douceur. Qu'il la prenne pour une simplette effacée, finalement, cela n'avait que peu d'importance. De manière surprenante, elle pouvait presque suivre les réflexions du jeune homme sur son visage. Il devait être terriblement fatigué s'il en devenait aussi transparent et spontané. Quand il s'excusa pour son accueil plus que grossier, elle accueillit ses paroles d'un petit hochement de tête amusé.

«Je suis venue parce que je m'inquiétais pour toi, Allister.» Elle se pencha maladroitement pour ramasser un papier tombé au sol et regretta aussitôt son geste. Se redresser lui demanda toute sa concentration. «Et d'après ton attitude, j'avais raison.»

Allister prit une pomme et croqua dedans, comme s'il accomplissait là un exploit. Thalyana soupira.

«N'espère pas me voir partir parce que tu as daigné manger une pomme. Je ne repartirai que quand ce plateau sera vide.»

Et elle s'assurerait qu'il mange décemment au moins une fois par jour, dût-elle venir en personne le lui amener.

Si Allister sembla amusé par sa question, comme si celle-ci était stupide, Thalyana eut la certitude que celle-ci était pertinente. Pensait-il que les Hérauts se jetaient en travers des flèches? Certes, certains le faisaient, mais pour les autres, leur sacrifice consistait surtout à ne presque pas dormir, à manger mal et à ne jamais prendre le temps d'écouter leur corps. Exactement ce que faisait Allister en ce moment.

«Ah...oui, l'attaque.» Le ton de Thalyana changea. Eux aussi se préparaient. Ils entassaient bandages, onguents divers, teintures, poudres dans l'espoir d'être prêts à faire face à un afflux majeur le jour de l'attaque. Elle espérait être opérationnelle ce jour-là. Normalement, elle aurait accouché et pourrait participer aux soins, au moins des blessés les plus légers. «Je comprends... je ne pensais pas...» Elle rougit. «Enfin... je suis surprise que tu t'investisses là-dedans au point de t'en rendre malade.» Elle eut un sourire triste. «C'est très bien de vouloir aider, mais c'est stupide de négliger ta santé pour cela.»

Quand elle s'approcha de l'imposante machine, Allister se précipita pour s'interposer. Cela ne faisait plus aucun doute pour elle, le jeune ingénieur était paranoïaque. En tout cas, il semblait avoir une peur bleue qu'elle en découvre trop sur ses recherches. Pourtant, elle n'était pas une menace. Elle n'avait pas les connaissances nécessaires pour réellement comprendre de quoi il retournait. De plus, elle considérait ses venues ici comme un entretien médical, et il ne lui serait jamais venu à l'esprit d'en parler à quiconque.

Enfin, l'ingénieur se lança dans une longue explication sur son invention du moment. Au début, Thalyana peina à saisir la finalité de l'objet en devenir, mais après l'avoir écouté décrire en détail chaque aspect de l'objet, elle finit par en comprendre l'utilité.

«C'est très intelligent comme invention. Les brûlures sont parmi les pires blessures à soigner. Si elles atteignent une suffisamment grande portion du corps, il est alors quasiment impossible de sauver le blessé. En plus, la douleur provoquée par les brûlures est généralement celle qu'on considère comme une des plus intolérables.» Si Allister avait pensé choquer Thalyana en lui parlant de son idée et de ses effets, il s'était trompée. Elle avait connu la guerre et ses horreurs, elle avait écouté des soldats lui raconter les mille manières de tuer un homme. «Peut-être pourrais-tu ajouter quelque chose à ton eau pour la rendre en plus dangereuse pour les yeux? Du poivre, ou alors une de ses épices exotiques qui brûlent les muqueuses. Même une quantité minime peut aveugler un homme. Comme ça, si la chaleur ne les brûle pas, le nuage généré leur brouillera la vue.» Elle lui lança un regard d'excuse. «Être Guérisseur, c'est savoir mieux que tout le monde ce qui peut blesser, empoisonner ou tuer. Je sais exactement où planter un couteau pour priver un homme de l'usage d'une jambe ou d'un bras, pour le tuer le plus rapidement possible ou au contraire lui infliger une blessure qui mettra une décade à le tuer.»

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Collegia / Re : Tirer les oreilles
« le: 26 avril 2020, 22:04:55 »
fut quelque peu surprise par l'accueil que lui fit Allister. Plaisantait-il, quand il disait l'attendre quatre marques plus tôt? Avait-il prévu que quelqu'un finirait par s'inquiéter et qu'on enverrait un Guérisseur se renseigner? Si oui, pourquoi n'avait-il pas pris les mesures nécessaires pour empêcher sa visite? C'était absurde...

Elle s'avança dans la pièce, légèrement agacée. Et la remarque suivante du jeune homme n'aida pas.

«Je suis enceinte, pas mourante. Je peux encore porter un plateau, tu sais. Le problème est moins son poids que l'envergure de mon ventre.»

Heureusement, elle avait l'habitude des patients difficiles, des insultes, des tentatives pour lui faire perdre son sang-froid - la provocation était souvent la meilleure des défenses - aussi n'offrit-elle qu'un sourire aimable pour ponctuer ses propos.

Quelques secondes d'observation minutieuse lui apprirent qu'elle ne s'était pas déplacée pour rien. Malgré la saleté, Allister avait le teint trop pâle et des beaux cernes. De plus, elle croyait percevoir un léger tremblement dans ses mains.

Elle alla poser le plateau sur l'établi et se dirigea d'un pas décidé vers l'unique fenêtre dont elle ouvrit le volet. Puis elle retourna à la porte, qu'elle cala avec une pierre pour s'assurer que le battant ne claque pas. Elle espérait ainsi créer un léger courant d'air afin d'évacuer toute la fumée et l'odeur désagréable qui l'accompagnait.

«Dis-moi au moins que tu as une bonne raison de te mettre dans cet état? Moi qui croyais que seuls les Hérauts étaient suffisamment stupides pour penser que leur santé ne compte pas...»

Heureusement que son mari n'était pas là pour l'entendre dire ça. D'après lui, elle était aussi stupide que les Hérauts. Certes, elle avait elle aussi tendance à faire passer sa santé après son devoir, mais en tant que Guérisseuse, elle savait très précisément où étaient les limites de son corps. Et si elle s'en était un jour dangereusement approchée, jamais elle ne les avait franchies.

«Je vois que cette fois, ta machine a l'air de fonctionner.» Elle était impressionnée malgré elle. «C'est donc à ça qu'elle ressemble, quand elle ne vient pas d'exploser?»

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J’appréciais la musique. Surprenant. Certes, c’était très différent de ce que j’écoutais habituellement. Mais la virtuosité de l’interprétation, et sans doute aussi de la composition, rendait l’ensemble particulièrement magnifique.

Je n’avais jamais vu la plupart des instruments présentés. Je ne connaissais pas les compositeurs des différentes oeuvres. Le jeune protégé de Micha, un certain Yvelin Lambert — il devait être français — jouait du luth principalement. Mais il proposa aussi des oeuvres pour guitare baroque et joua une fois la partie soliste d’une pièce avec un théorbe. C’était un musicien talentueux. Cela ne faisait aucun doute, même pour une profane comme moi.

Le cadre contribuait aussi à l’ambiance particulière. Le concert se tenait dans une ancienne salle de danse d’un grand hôtel londonien. La pièce était de taille modeste, mais on m’avait expliqué que cette musique ne se prêtait pas aux grands espaces. Les chaises anciennes, dépareillées mais soigneusement accordées, et les décors de stuc des murs ajoutaient au charme de la musique. Les tenues des convives paraissaient presque trop moderne pour l’événement.

Le concert se termina sur une oeuvre particulièrement émouvante. William, à ma gauche, sécha discrètement une larme. Je serrai sa main dans la mienne. Sans rien dire. Je le trouvais très beau à cet instant, avec ses cheveux roux soigneusement peignés et ses yeux marrons qui brillaient de plaisir et d’émotion. Je déposai un rapide baiser sur sa joue.

Le public applaudit chaleureusement. C’était mérité. Puis les gens quittèrent leur siège pour aller saluer un musicien ou une connaissance dans la foule. William s’était levé et regardait autour de lui. Micha nous avait offert les places, mais lui-même était assis ailleurs pendant le concert. Or nous avions prévu d’aller manger ensemble. Avec sa grande taille, William n’eut aucune peine à repérer son ami. Il signala sa position d’un geste et se rassit à côté de moi.

— Je crains qu’il ne soit illusoire d’espérer le rejoindre tant que les spectateurs ne seront pas partis.

— Nous ne sommes pas pressés de toute manière. (Je souris.) J’ai cru comprendre que le concert t’avait plu?

— C’était magnifique. J’ai trouvé l’interprétation des musiciens particulièrement touchante. Un délice pour les oreilles. Et je n’ai pas pu manquer de constater que sous ton habituel air blasé, cette musique est parvenue à t’émouvoir!

— En effet! (Je ris.) Ces jeunes musiciens sont tous très talentueux. Et le protégé de ton ami plus encore que les autres. On aurait pu croire qu’il avait ensorcelé la salle. Le public était captivé.

— Au point que même toi, tu le fixais, bouche bée.

Je haussai un sourcil.

— Bouche bée? N’exagère pas, tout de même. Je garde toujours contenance, qu’importent les circonstances.

— Vraiment? (Il avait un petit air coquin.) Qu’importent les circonstances?

J’affichai mon air le plus sérieux.

— Tout à fait.

William se pencha sur moi.

— J’ai des preuves du contraire…

Son souffle caressa mon oreille et je frissonnai. Je sentis la pointe d’une langue taquiner mon lobe.

— William, sérieusement… nous sommes en public.

Il s’écarta avant d’éclater de rire.

William, malgré son ton cérémonieux et ses attitudes d’aristocrate, pouvait parfois se montrer agréablement scandaleux.

Micha arriva à ce moment-là, entraînant dans son sillage le jeune musicien vedette de la soirée. Micha était  un homme d’une carrure impressionnante, aux cheveux blonds soigneusement coupés et aux yeux bleus. Il avait un air mutin et un sourire séducteur qui devaient faire des ravages. Presque aussi grand que William, mais bien plus larges d’épaules. Je l’aurais plus volontiers imaginé judoka que bijoutier. Le jeune Yvelin, quant à lui, était très grand, debout. Il devait flirter avec les deux mètres. Mais il ne pesait sans doute guère plus lourd que moi. Ses cheveux étaient un amoncellement de boucles châtain et il avait des yeux que je devinais bleus derrière ses grandes lunettes.

Les deux hommes se tenaient par la main. Yvelin paraissait un peu mal à l’aise, mais je devinais que c’était là son air habituel. Micha lâcha le jeune homme pour saluer William. Puis il se tourna vers moi.

— Micha Parry, pour vous servir, lady Jocelyn.

— Mes amis m’appellent tous Jo. (Je lui tendis la main.) Ravie de faire ta connaissance.

— C’est réciproque, Jo. Et laissez-moi vous présenter Yvelin, notre jeune prodige.

Yvelin sembla s’offusquer du terme, mais il ne dit rien. Il se contenta de murmurer “enchanté” tandis qu’il nous serrait la main.

— J’ai réservé directement au restaurant de l’hôtel, pour quatre. J’espère que ça ne vous dérange pas? (Je lui assurai que non d’un sourire.) Je vous en prie, allez-y déjà. Je vais aider Yvelin à ranger son matériel.

Je me retins de faire le moindre commentaire. Je ne croyais pas un instant qu’il restait pour l’aider. Il était assez clair qu’il souhaitait féliciter chaleureusement l’artiste. Sans témoin.

Je souris et entraînai William derrière moi. Nous prîmes la direction du restaurant. J’attendis d’être assise pour questionner William sur son ami.

— Tu ne m’avais pas dit que Micha et son protégé…

— Je ne le savais pas moi-même. Tu crois vraiment que je questionne mes amis sur leur vie sentimentale?

— J’imagine que non. (Je soupirai.) Je ne comprends pas. Il n’y a pas de honte à s’intéresser à la vie de ses amis. (Je ne comprenais pas que William ne fût pas plus curieux.) Ils sont étrangement assortis, ces deux-là. Yvelin a l’air très jeune. Mais je trouve cela rassurant de voir qu’ils osent s’afficher devant nous.

— Je suis surpris. Jusqu’à peu, l’homosexualité de Micha était un secret. Je crois que son père n’était pas très ouvert sur la question.

Je secouai la tête, lasse.

— Encore un qui pense que sa virilité est menacée par l’orientation sexuelle de son fils?

— En l’occurence (Micha nous avait rejoint, Yvelin toujours accroché à son bras.) c’est plutôt l’avenir de son entreprise, que cela menaçait, selon lui. Il se supportait pas l’idée que je ne lui donne jamais de petit-fils pour perpétuer le nom.

S’il s’était senti insulté que l’on parlât de sa situation dans son dos, il n’en montra rien. Je lui souris, amusée.

— Et? Il a fini par comprendre que ces notions-là étaient dépassées?

— Non. On s’est engueulé encore et encore. Jusqu’à ce que ma soeur annonce sa grossesse. Yvelin a composé une petite chanson pour le bébé, qui s’est révélé être un garçon. L’existence d’un héritier mâle semble avoir calmé ses craintes. D’autant plus que ma soeur n’est pas marié à son compagnon, et que l’enfant porte donc notre nom. Et mon père a énormément apprécié Yvelin. Alors quand je lui ai dit que entre lui et moi… Il n’a pas voulu de détails, mais au moins, il a arrêté de penser que c’était une honte d’aimer les hommes. Surtout un homme aussi talentueux.

Yvelin devint rouge vif. Je le trouvai charmant, dans sa timidité.

Micha tira la chaise d’Yvelin et s’assit ensuite. Je trouvais ce genre d’attentions charmantes chez un couple gay. En revanche, j’aurais détesté que William en eût fait de même, quelques minutes plus tôt.

Micha passa les minutes suivantes à faire l’éloge de son compagnon. Yvelin devenait à chaque instant plus rouge. Pourtant, il regardait Micha avec une sorte d’adoration. Ils formaient un couple charmant tous les deux. Leur amour était manifeste et faisait plaisir à voir. Il avait quelque chose de contagieux. Sous la table, je me saisis de la main de William. Celui-ci m’adressa un sourire ravi. Je n’étais pas toujours très démonstrative en public. J’avais entretenu des relations purement charnelles pendant plusieurs années et je ne m’étais toujours pas faite à l’idée d’être officiellement en couple. Surtout avec William. Notre histoire semblait sortie tout droit d’un roman pour adolescentes.

Micha et Yvelin, eux, ne semblaient pas s’embarrasser de ce genre de préoccupations. Maintenant qu’il était remis de ses émotions, le jeune musicien était plus bavard. À part le très léger accent qui trahissait ses origines, son anglais étais excellent.

— Si on m’avait dit un jour que je sortirais avec un homme riche, un mage qui plus est…

Je lançai un regard surpris à William. Micha éclata de rire.

— Évidemment, je l’ai mis au courant! Je n’allais pas lui mentir. Je n’en avais pas envie.

— C’est ton droit. Je suis juste un peu surprise qu’il n’ait pas hésité un instant avant d’en parler devant deux inconnus!

— Inconnus? (Les yeux de Micha pétillaient.) Le Mana News parle de toi au moins une fois par mois. Et il me semble avoir lu un article cette semaine annonçant vos prochaines fiançailles?

— Je lis très souvent les journaux des Ombres, vous savez. Je trouve ça passionnant. Micha me les donne toujours. Ça me rappelle les parties de jeux de rôle que je faisais adolescent.

J’adressai un sourire au jeune homme.

— Je suis heureuse que notre presse te fascine. Mais à ta place, je ne croirais rien de ce qu’avance la section people. (Je me tournai vers Micha.) L’as-tu annoncé officiellement? Sinon, il va falloir. Comme tu le sais…

— Jo… (William secoua la tête, amusé.) Tu n’es pas en mission pour le Cercle. Je suis certain que Micha a fait tout ce qu’il fallait. Et si ce n’est pas le cas, il ne tardera pas à le faire, je n’en doute pas un seul instant.

L’orfèvre éclata de rire. Je fusillai William du regard. Il semblait prendre ses aises dans notre couple récemment. Il me taquinait souvent en public. Je n’étais pas certaine d’apprécier cela. Certes, dans le cas présent, sa remarque était justifiée.

Je vérifierais néanmoins qu’Yvelin se trouvait bien mentionné quelque part. Nous gardions trace, dans la mesure du possible, des éclairés. Il était toujours utile d’avoir les noms de nos potentiels alliés. Il était bien plus simple de traiter avec eux qu’avec des gens ignorants tout de notre monde. Ainsi, si un mage, un vampire ou une fée recherchait un musicien de talent pour une occasion spéciale, il pourrait faire appel à Yvelin plutôt qu’à un autre. C’était avantageux tant pour lui — il aurait davantage d’opportunités — que pour nous.


— Yvelin, parle-moi un peu des compositeurs dont tu as joué les morceaux? (Je lui souris.) J’avoue ma parfaite inculture dans le domaine et ça me ferait plaisir de t’entendre m’en dire plus.

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Collegia / Tirer les oreilles
« le: 19 avril 2020, 16:42:11 »
2e jour de la 4e décade d'Été 1485 - Atelier d'Allister

N'y avait-il donc personne sur cette colline pour se montrer raisonnable? Que les Hérauts perdent la tête à l'annonce d'une catastrophe imminente lui semblait logique. Mais pourquoi un ingénieur se mettait-il à perdre les pédales? Elle avait bien compris qu'Allister n'était pas du genre à se ménager, mais quelle mouche l'avait donc piqué pour qu'il en vienne à arrêter de se nourrir, à tel point qu'un page un peu effrayé était venu chercher un Guérisseur, inquiet de voir le jeune homme maigrir de jour en jour. Déjà qu'il n'était pas bien gros à la base...

En entendant ses collègues discuter du cas d'Allister, Thalyana avait senti la curiosité la titiller et, quand on lui avait expliqué la nature du problème, elle s'était portée volontaire pour s'en charger. Elle était parvenue, malgré tout, à nouer un début de relation avec l'étrange ingénieur. Il n'était pas d'un abord facile, mais la jeune femme était têtue.

Chargée d'un lourd plateau qu'elle avait commandé exprès en cuisine, elle se dirigea vers l'atelier du jeune homme. Elle regretta rapidement de ne pas avoir demandé d'aide. Porter un plateau avec son ventre n'était pas idéal. Arrivée devant la porte, elle ne prit pas la peine de frapper et entra directement, appuyant sur la poignée avec son coude.

Elle s'invita dans l'antre d'Allister et la toux qui la saisit fut tout sauf feinte. Quelle odeur! Et quelle fumée! Elle haussa le ton pour se faire entendre.

«Allister, pourrais-tu poser cette clef tout de suite?» Elle avait utilisé son ton de professionnel, celui qui, malgré des devants courtois,  ne laissait nulle place à la discussion. «Va-t-il falloir que je te nourrisse moi-même à la cuillère ou sauras-tu te montrer raisonnable? Et je te préviens que je ne plaisante absolument pas.»

26
RPs épistolaires / Lettres: base de mise en page
« le: 19 avril 2020, 11:22:34 »
Voici la mise en page standard pour les lettres. Amusez-vous bien!

[right][size=16pt][font=Caveat]DATE[/font][/size][/right]

[size=17pt][font=Caveat]CORPS DE LA LETTRE[/font][/size]

[right][size=17pt][font=Caveat]SIGNATURE[/font][/size][/right]

[size=17pt][font=Caveat]POST-SCRIPTUM[/font][/size]

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Haven / Re : Convenances (sans convens)
« le: 16 avril 2020, 10:52:36 »
Thalyana rit aux peurs un peu irrationnelles de Kalaid.

«Je suis enceinte, hein, pas en sucre. Et on va juste éviter les danses de groupe. En ce qui concerne ton niveau, je suis certaine qu'il sera parfait, vu que je ne suis pas non plus une très bonne danseuse. Tu sais, dans un village, on danse plutôt la bourrée.»

La Guérisseuse regarda d'un air désabusé sa fille faire la folle.

«Et en effet, Amalia est très douée pour se faire des bobos. Mais rassure-toi, c'est le cas de tous les enfants du monde. Je suis sûre que toi-même, tu étais toujours couvert de bleus et de bosses, gamin. Moi, en tout cas, je n'avais pas fini de guérir d'une plaie que je retombais dessus. » Elle embrassa son mari sur la joue. «Quant à canaliser Amalia...» Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle puis sourit. «Je suis certaine que sa marraine a très envie de s'occuper d'elle.»

Elle attrapa sa fille au vol et lui tint fermement la main.

«Amalia, vient, on va aller voir Tatisa.»

«Et Montaroooo!»

«Je ne sais pas s'il est là.»

Thalyana serpenta parmi la foule et finit par trouver son amie. Elle ne semblait pas intéressée par la danse et Raimon ne l'avait pas encore invitée. Parfait.

«Isabeau? Pourrais-tu garder un œil sur ma fille le temps que je puisse danser avec mon mari. Je n'en ai pas souvent l'occasion, et je me réjouis d'en profiter pour me moquer un peu de lui.»

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Collegia / Re : Rencontre détonante
« le: 12 avril 2020, 20:51:19 »
«Obligation? Elle n'est obligée à rien. Et si ça se trouve, elle héritera de mes Dons, et alors le combat ne deviendra plus qu'un moyen de rester en forme. L'Empathie ne fait pas bon ménage avec les armes.»

Il était difficile de se battre quand on ressentait dans sa propre chair la moindre blessure que l'on infligeait à son adversaire. Thalyana avait dû s'y résoudre, pendant la guerre. Ce n'était pas un souvenir agréable.

Plus ils discutaient, plus il était clair qu'il avait eu une enfance très malheureuse. Chaque fois qu'il y faisait référence, son attitude changeait légèrement et on entendait l'amertume dans sa voix. Thalyana aurait eu envie de le réconforter, mais elle ne savait comment faire. Ce genre de blessures n'étaient pas de son ressort. C'était le domaine de l'étrangère plutôt, Pluiechantante.

«La curiosité pousse à en apprendre davantage et à trouver des solutions pour se donner les moyens de ses ambitions.»

Après s'être ouvert, Allister se refermait brutalement. Il était de nouveau distant et cassant. Avait-il pris peur? S'en voulait-il de lui avoir trop parlé? Sans doute. Sa réaction à sa petite anecdote était au mieux polie. Il semblait ne désirer qu'une seule chose, qu'elle s'en aille. Et pour une Empathe de l'acabit de Thalyana, un rejet aussi frontal était presque douloureux. Elle se barricada au mieux, mais l'hostilité du jeune homme était presque palpable.

«Mmhh... je crois que...» Elle baissa les yeux. Elle avait l'impression de déranger, maintenant, et se sentait mal à l'aise. «... je te prends de ton précieux temps, alors je vais partir. Tu es un homme occupé et clairement, ma présence t'empêche de réaliser ta grande œuvre.»

Elle s'inclina légèrement et se dirigea vers la porte. Elle avait l'impression d'avoir perdu une bataille, d'être renvoyée chez elle la queue entre les jambes. Arrivée à la porte, elle s'arrêta et grimaça. Il était hors de question qu'elle accepte cette défaite. Thalyana, sous ses airs de douce jeune fille un peu naïve, était en réalité extrêmement têtue. Il allait voir...

Au dernier moment, elle se tourna vers lui, rougissante, et revint se planter devant lui. Elle le prit maladroitement dans ses bras.

«Si tu as envie de manger ailleurs qu'au Palais, ou simplement de te changer les idées, ma porte est toujours ouverte. J'habite dans le quartier des artisans, au-dessus de l'atelier "le creuset des âmes"...ce sont des bijoutiers. Et sinon... tu sais où je travaille.» Elle le lâcha, ses joues étaient écarlates. «Bonne fin de journée, Allister.»

Elle s'en fut aussi vite que lui permettait son état.

29
Haven / Re : Convenances (sans convens)
« le: 11 avril 2020, 11:09:25 »
«Jalouse? De qui?» Puis elle comprit son geste. «Du bébé? Oh non! Amalia se réjouit, en tout cas pour le moment. On verra quand elle aura un petit frère ou une petite sœur qui pleure la moitié de la nuit.»

Amalia était trop pressée de rejoindre son père pour écouter sa mère parler d'elle. Thalyana profita d'avoir une main de libre pour choisir un canapé sur son assiette. Elle le mangea avec le plus de grâce possible, ce qui ne l'empêcha pas de se sentir, une fois encore, comme une paysanne égarée.

Elle ne put que compatir aux malheurs du Capitaine.

«Oui, Dame de Girier est... particulière. J'avoue qu'elle me fait un peu peur. Heureusement, je ne l'ai que peu vue, même si Isabeau a gardé Amalia quand j'ai servi sur le front.» Elle soupira. «Elle est très... attachée aux valeurs traditionnelles. Je ne suis pas vraiment surprise qu'elle veuille vous marier avec sa nièce. Ceci-dit, je doute qu'Irmingarde soit très chaude à l'idée de marier. Si je me souviens bien...» Elle rougit, se rappelant d'une conversation très intime qu'elle avait eu avec la Héraut. «Enfin... je crois que ces choses-là ne l'intéressent pas trop.»

Enfin, sa fille revint avec son mari... ou plutôt était-ce l'inverse et elle lui tendit l'assiette pour qu'il se serve de mignardises.

«Réalises-tu, sage vieillard, que tu as abandonné ton Capitaine face à l'ennemi? Le pauvre a dû résister à un assaut vicieux sans personne pour couvrir ses arrières.» Elle lui fit un clin d'oœil. «Je suis allée saluer le marié, car Amalia ne tenait simplement plus en place. Elle voulait voir Tonton Micha.»

Amalia réclama de pouvoir manger elle aussi et sa mère lui tendit un mini-sandwich, priant pour que la robe reste propre malgré cela.

«Capitaine, j'espère que vous me ferez l'honneur d'une danse, au bal. Enfin, si votre dulcinée accepte de vous partager, évidemment.» Elle se tourna vers son mari. «Et toi tu as l'obligation de me faire danser!»

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Collegia / Re : Rencontre détonante
« le: 11 avril 2020, 10:01:01 »
«Disons qu'Amalia est venue... d'elle-même. Je n'avais pas non plus l'intention d'être mère à 19 ans. Mais il semblerait que j'ai été distraite et que les Dieux ont décidé d'en profiter.» Elle sourit. «Ceci-dit, je ne regrette absolument pas d'être devenue mère. Et je me réjouis de l'arrivée d'un nouveau membre dans notre foyer.»

Thalyana se plaisait parfois à imaginer comment aurait été sa vie si Isabeau ne l'avait pas dissuadée d'avorter. Assez peu différente probablement, car son quotidien était resté sensiblement le même, malgré l'arrivée d'Amalia. Mais sans doute sa grossesse actuelle serait la première.

La Guérisseuse fut surprise de voir qu'un léger contact de son Don avait suffi à mettre en confiance Allister. Elle n'imaginait pas qu'il s'ouvrirait ainsi, ce n'était pas son but premier. Elle voulait simplement qu'il ne se sente plus agressé par ses paroles. Mais l'entendre parler de son enfance et des difficultés qu'il avait vécues émut énormément Thalyana.

Derrière son attitude un peu particulière, Allister était en fait un jeune homme sensible, visiblement très seul, qui n'avait pas eu l'habitude qu'on lui manifeste autre chose qu'un vague intérêt poli. Thalyana était presque certaine que ses paroles avaient eu plus d'effets que son Don.

«Hmm... on a toujours besoin d'outils pour protéger les faibles, même quand soi-même on est capable de se défendre.» Elle espérait vraiment que sa fille deviendrait quelqu'un apte à défendre son mode de vie et ses idéaux.«Et forcément, qu'elle en a envie. Elle voit son père dans sa belle armure, sa mère qui nettoie ses lames, son grand-père qui lui raconte des souvenirs de bataille... Peut-être l'envie lui passera-t-elle en grandissant, mais pour le moment, elle est sacrément mordue

Allister lui offrit encore un peu de ses souvenirs, sans qu'elle n'ait rien demandé cette fois. Elle ne put s'empêcher de sourire, à la fois amusée et touchée.

«La curiosité est loin d'être un défaut, à mon avis. C'est ce qui nous pousse à ne pas nous satisfaire de ce que nous avons sous les yeux. Et le simple fait que tu sois arrivé ici, alors que tu as grandi chez les mercenaires, prouve bien que la curiosité est utile à plus d'un titre.»

Thalyana ne connaissait absolument pas le passé d'Eloïse, mais elle était quand même surprise de découvrir qu'elle avait un cousin qui avait grandi chez les mercenaires. La jeune femme lui avait toujours semblé très aristocratique. La Guérisseuse ne sut d'ailleurs pas comment interpréter le dernier commentaire d'Allister. Comme n'importe quelle personne Douée d'Empathie, elle avait dû apprendre à toujours contrôler ses émotions, ou en tout cas, à contrôler leur intensité. L'Empathie était un des Dons les plus difficiles à réprimer. Thalyana, pour sa part, était incapable de bloquer complètement sa capacité à percevoir les émotions des autres.

«Je pense qu'au contraire, on a le devoir d'apprendre à les contrôler suffisamment pour ne pas blesser autrui...» Elle se mordit la lèvre, cherchant comment formuler sa pensée. «Je veux dire... être maladroit n'est pas un crime, évidemment. Blesser quelqu'un, par erreur, quand on est triste ou épuisé, ça arrive. Mais ne pas se soucier de l'effet qu'ont nos émotions et nos attitudes sur nos proches, cela me semble bien irresponsable.» Un souvenir lui vint à l'esprit. «Je me rappelle d'une histoire...» La sienne, pour être honnête «où il était question d'un mage qui maîtrisait bien mal ses émotions. Il passait son temps à se plaindre, à s'estimer trop bien pour les gens qui l'entouraient, à se lamenter. Il ne réalisait pas qu'il nuisait autant aux gens qu'il appréciait qu'à tous ceux qui l'entouraient. Et un jour, alors qu'un monstre attaqua la troupe avec laquelle il voyageait, et qu'il était censé protéger - de ce genre de créatures, justement - il se révéla bien trop emmêlé dans ses atermoiements pour se rendre utile. Un homme faillit perdre la vie à cause de ses états d'âme...»

Elle évita de raconter qu'ensuite ledit mage avait connu l'engueulade de sa vie, dispensée par une fluette Guérisseuse qui avait cru voir mourir l'homme qu'elle aimait.

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