Une partie des étudiants étaient arrivés, moins qu’il ne s’y attendait, mais connaissant la ponctualité de mise au collégium, il ne doutait pas que certains débarqueraient en retard.
Premièrement une jeune grise de troisième année, qui ne devait pas être encore complètement sortie de l’adolescence. Visiblement la jeune femme avait apporté sa propre arme. Tant mieux elle devait déjà savoir s’en servir, il pourrait pousser le vice un peu plus loin avec celle-là. Et alors que le lieutenant aller lui répondre (tout en prenant soin de poser ses propres armes), la deuxième apparition le laissa légèrement dépourvu.
Feuillemalice débarquait dans son cours, et là tout de suite tout ce que le lieutenant voyait c’était les courbes de son corps qu’il avait pu caresser il y a peu, la douceur de ses baisers, la chaleur de sa peau…. Le lieutenant fut pris d’un rouge aux joues aussi improbable que si une pucelle venait de croiser un terrain d’entrainement rempli de soldats torses nus.
"Dame Enora ravi de vous rencontrer, je vois que vous avez emmené votre arme avec vous ! Et dame.. heu.. Et Feuille… Humm…. Je ne pensais pas te… Vous… Te revoir si vite ! C’est une très agréable surprise."
Il ne savait même pas comment l’appeler, pour la discrétion ça tombait à plat. Fitz se reconcentra un instant, non sans avoir lancé un clin d’œil à son amante, et alors qu’il allait engager la conversation, une autre apparition le laissa légèrement sur le… Bha sur le cul en fait, il n’y a pas vraiment d’autres termes, il n’eut le temps que de penser à une chose : la princesse consort était de sortie (oui la blague était facile, mais nous parlons de Fitz, vous ne vous attendiez pas à mieux quand même ?).
Quand elle eut fini de se présenter (était-ce vraiment nécessaire, nul ne le sait) Fitz lui adressa un grand sourire. C’était donc à cause d’elle qu’il avait une nuit de garde croisé le roi en vadrouille, et eu une discussion des plus enrichissantes sur l’amour et le reste, comme deux vieux copains de chambrée autour d’un verre. Il faut dire qu’elle méritait amplement les risques qu’Arthon prenait pour elle. Par contre il espérait réellement que le roi ne lui tomberait pas sur le râble, car princesse ou pas, elle n’aurait aucun traitement de faveur. D’ailleurs il regarda Feuille une fois de plus…. Il faudrait qu’il arrive à lui faire comprendre qu’aussi dure qu’il soit lors du cours, cela ne l’empêcherait pas d’être d’autant plus tendre après.
Il était là pour leur apprendre à survivre. Et survivre n’était pas une chose aisée. Le lieutenant surprit le regard un peu interloqué de Saskia, et le sourire de Fitz fut deux fois plus grand. Au moins cela avait l’impact attendu.
"Dame Saskia c’est un honneur de vous avoir parmi nous. Mais promettez-moi de ne jamais raconter au capitaine ou au roi quel horrible professeur je suis, cela m’embêterait de devoir m’échapper des cachots du palais !"
Le professeur du jour souriait de toutes ces dents (et contrairement à beaucoup de soldat, il ne lui en manquait pas une seule). Non Fitz n’était pas doué pour le protocole. Pour lui Saskia était une femme qui cherchait à apprendre à se défendre, et vu comment le monde tournait, c’était la meilleure chose qu’on pouvait lui enseigner !
Alors qu’il allait commencer deux nouveaux élèves se présentaient. Une jeune demoiselle qui semblait pouvoir se plier en deux au premier coup de vent, et la galante qui avait provoqué chez son capitaine la désertion soudaine de son poste lors de l’accueil des troupes. Il se souvenait l’avoir déjà rencontré, mais il dut chercher un instant dans sa mémoire son nom… Humm…
"Dame Irmingarde, ravi de vous revoir, j’espère que vous n’êtes pas ici cette fois pour « botter mes fesses » ? Quoique cela pourrait donner un cours intéressant !"
Il lui adressa un franc sourire, et avisa l’épée qu’elle avait emmené avec elle.
"Je vois que vous disposez de votre propre arme, tout comme dame Enora ici présente. C’est une bonne chose il est important d’avoir une arme avec laquelle on se sent bien !"
Puis se tournant vers la jeune femme qui était arrivé juste avant.
"Ravi de vous avoir parmi nous aussi ma chère, même si par contre je suis désolé je n’ai pas la politesse de me souvenir vous avoir déjà rencontré. "
Il lui adressa un semblant de révérence, plus singé que réel, étant donné qu’en fait... Bha il donnait des cours de défense, mais n’avait jamais pris de cours de bonnes manières. Il avait déjà dit que lui et le protocole c’était comme mettre une chemise à un âne et espérer qu’il soit élégant lors d'un bal de la haute société ?
"Mesdames, pour commencer, permettez-moi de m’excuser par avance pour le cours que vous allez subir. L’ennemi ne vous fera pas de cadeau dans le futur, et souffrez donc d’apprendre que je ne vous en ferai pas non plus. Je me présente pour celles qui ignorent encore mon nom : Lieutenant Fitz, de l’armée de Valdemar. Que vous soyez Héraut, apprentie, princesse, ou compa… Guérisseuse, les choses seront les mêmes. Il y a un instant dans vos vies où vous serez égales les unes aux autres quel que soit votre rang :
lorsque la décision que vous êtes sur le point de prendre, fait à elle seule la différence entre votre vie et votre mort. A cet instant, plus rien d’autre ne compte."
Oui sa langue avait fourché encore. Mais il se disait que si il faisait comme si de rien n’était personne ne remarquerait quoique ce soit. Il savait pertinemment que c’était faux, mais comme on dit l’espoir fait vivre, et finalement nous étions dans un cours de survie non ?
"En ces temps troublés, nos vies tiennent toutes à une seule chose : ce que nous savons, et ce que nous sommes capable d’appliquer pour survivre. Il y aura dans ce cours plusieurs types d’ateliers. Bien sûr le maniement des armes est obligatoire, votre arme sera votre première défense. Mais il y a une autre réalité. Une fois que vous aurez frappé votre ennemi, que vous l’aurez tué, et puis frappé encore pour être sûr qu’il est bien mort, que vous aurez survécu, si vous êtes loin de chez vous, perdu dans un lieu que vous ne connaissez pas, ou pire qu’il n’y a plus de chez vous, quelle qu’en soit la raison. Une fois que vous serez seul, votre arme aussi affutée soit elle, ne vous permettra pas de survivre. Il faudra apprendre à placer des collets, à cuire votre viande, à dépecer votre nourriture, reconnaitre les plantes comestibles et les autres, les lieux pour vous réchauffer, savoir vous déplacer de nuit, et cela sans vous perdre. La survie en milieu hostile ce n’est pas que l’ennemi, on peut tuer l’ennemi, on peut s’en débarrasser, on peut le faire fuir, mais il est difficile de se séparer de la faim, de la fatigue, et du froid, par le fil de votre épée."
Le lieutenant se déplaça vers les armes.
"Vous aurez forcément des affinités avec certains domaines. Certaines s’y connaissent en plantes …"
Il désigna la belle, l’envoûtante, la magnifique, guérisseuse... Il s’égarait encore… Cela allait être plus compliqué que prévu…
"… De par vos métiers, vos passions, ou votre culture, votre première force sera le partage de ces informations. Mon métier est de vous protéger, il l’a toujours été, et aujourd’hui je donnerai volontiers ma vie pour chacune d’entre vous, sans même hésiter un instant, comme tout soldat de l’armée, mais une fois que cela sera fait, que nous aurons donné nos vies…. Alors vous devrez survivre, et survivre à tout prix. Cela doit rester, et devra toujours rester, votre seule et unique préoccupation. Les cimetières sont pleins de bonnes âmes qui ont voulu devenir des héros."
Il laissa un instant à ces apprentis du jour pour méditer cette dernière phrase.
"Avant toute chose, je voudrai que chacune d’entre vous se présente aux autres, et surtout donne son point fort.
Même quelque chose qui peut vous paraître infime peut avoir une importance. Par exemple, une couturière, saura facilement créer une nasse pour pouvoir pêcher et survivre quelque temps au bord d’une rivière.
Vos lieux de vies, vos coutumes, vos croyances, pourraient un jour vous sauver la vie, sans même que vous en ayez conscience. Durant cette présentation, je voudrai que vous me parliez de l’arme avec laquelle vous ressentez une affinité. N’ayez pas honte surtout, j’ai connu des femmes qui maniaient des haches bien plus énormes que la mienne. Ensuite seulement nous commencerons les ateliers, et je tacherai de vous apprendre quelques prises, techniques de combat, mais aussi des pièges, comment faire du feu, se repérer dans des bois, trouver de l’eau, et tout cela pourrait, du moins je l’espère, vous sauver la vie un jour. "
Il avait réussi à dire tout cela d’une traite. C’était long, c’était douloureux (surtout pour lui) et il imaginait très bien Aed en train de se moquer de lui… Fitz professeur ? Franchement la personne qui lui aurait dit ça il y a quelques mois se serait retrouvée avec une hache en travers du visage, balancé par un gars plié en deux de rire. En même temps le même sort été réservé à une personne qui lui aurait parlé d’une déesse choisissant des élus grâce à un vent…. Alors franchement, au point où il en était, il pouvait bien leur enseigner quelques trucs.