« Ah, c'est le mieux, ça, d'avoir quelqu'un qui connaît les choses de l'intérieur. Et c'est vrai que, comme tu disais avant, les bardes sont plus bavards que les mages… »
Il avait du mal à se faire son trou dans cette communauté qui, au final, n'en était pas vraiment une. Cela le changeait beaucoup du petit nid familial, avec la convivialité d'une auberge, et la familiarité des clients plus ou moins habitués qui, pour certains, n'hésitaient pas beaucoup à raconter leurs aventures une fois attablés au coin d'un feu, un chope de bière aux côtés. Ses collègues ou aînés du Collegium, eux, ne discutaient pas beaucoup. Il haussa les épaules, prêt à se satisfaire malgré tout de sa situation.
« Je suppose qu'il faudra juste un peu plus de temps pour que je les connaisse mieux. »
Les livres, par contre, c'était hors de question. Il admettait de bonne grâce que les pages couvertes de signes contenaient une foule d'informations, mais préférait largement se les faire raconter, et pouvoir interagir avec la personne qui les lui rapportait. Il sourit ensuite aux deux dyhélis, puis son attention ne fit que passer successivement d'eux à son ami barde.
« J'aime bien les noms Tayledras… c'est plus limpide que les nôtres, même s'ils ont aussi une signification quelque part. Et vous, vous choisissez vos noms ? Promis, je ne répéterai pas votre secret, »
assura-t-il avec une touche de sérieux. Il ne voyait pas bien pourquoi cela ne devait pas être su, mais les deux bestioles lui plaisaient, il n'allait pas leur refuser cela.
« Mais oui, c'est sûr qu'ils ont l'air d'avoir beaucoup à faire, les Compagnons. On a le droit d'aller les voir, nous ? Ils ont l'air tellement… je ne sais pas, un peu d'un autre monde. Enfin, c'est aussi un peu le cas ici, au Collegium, en général. Ça change tellement du reste de la ville. »
Il sourit en réponse à Yvelin, qui avait bien remarqué comme la tentative de prendre la succession de son père n'avait été qu'un lamentable échec. Ce devait être assez clair, de toute manière. Il envoya une bourrade amicale à l'autre humain.
« Je suis content aussi. J'aurais jamais pensé que ça pouvait arriver, mais c'est le genre de surprise qui fait plutôt plaisir ! Bah, il y a bien de temps en temps un peu de cuisine à faire, mais c'est pas pareil, l'ambiance est différente, et la manière de faire aussi. Grand-mère deviendrait folle ici, avec tous les apprentis qui passent et qui ne rangent pas forcément les choses à la même place, et qui ne prépareraient sûrement pas les plats comme elle pense qu'il faut ! »
ajouta-t-il avec un amusement teinté de véritable affection pour Kerydwen. La mère de Gwyon était plus qu'exigeante lorsqu'elle se trouvait dans son antre, mais on la pardonnait quand on avait goûté ce qui sortait de ses marmites. Il opina ensuite à « l'étrangeté » du Collegium que relevait Yvelin.
« J'aime bien ça aussi. On peut voir plein de gens différents, avec qui on ne parlerait jamais sinon. Oh, je t'ai pas raconté comment je suis arrivé ici ? Non, c'est vrai. Eh bien… c'est assez bizarre en fait. »
Il s'appuya un peu plus contre le plus proche poteau, comme pour se mettre à l'aise. Cela lui permit aussi de rassembler ses idées sur la manière de commencer, de préférence par le début.
« Bon, j'espère que tu seras indulgent, je suis pas barde, moi, »
fit-il en guise de préambule, une lueur d'amusement dans le regard. Laquelle disparut rapidement.
« Il y a eu une arrestation à l'auberge. Des Mages de sang qui y étaient. Je rentrais de chez Maître Lerek, le bourrelier, quand ça s'est passé. Il y avait des gardes, et un Adepte à l'intérieur. Enfin, je ne voyais rien, j'étais juste dehors, mais…j'ai senti leur combat magique. C'était vraiment pas agréable. Ensuite, l'Adepte est venu voir ce qui clochait. Il m'a demandé de faire germer une graine… j'ai dû faire une drôle de tête, sûrement. Et encore plus quand ça a un peu marché. Et voilà… »
conclut-il avec modestie, et assurément, aucune prédisposition pour se frotter à l'art des bardes. Il était bien trop pragmatique.