Auteur Sujet: Parler du bon vieux temps  (Lu 3381 fois)

Yvelin

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Parler du bon vieux temps
« le: 10 janvier 2017, 09:26:10 »
4e jour de la 3e décade d'hiver 1485

Yvelin faisait le pied de grue au réfectoire des Collegia dans l'espoir d'y rencontrer un de ceux qu'il devait interroger pour écrire sa chanson. Or, pour le moment, ni le Héraut Matt, ni le Héraut Irmingarde, ni la Guérisseuse ne semblaient décidés à pointer le bout de leur nez. Il avait fini son repas depuis longtemps et tuait maintenant le temps en mettant par écrit ses idées sur une feuille et en dessinant parfois un cœur dans la marge, qu'il gribouillait aussitôt, pour en refaire un quelques centimètres plus bas dès qu'il n'y pensait plus.

Le Barde ne savait pas s'il était amoureux — comment aurait-il pu reconnaître les symptômes, alors qu'il était si inexpérimenté dans ce domaine? - mais il ne cessait de repenser à Micha depuis la veille. Il se réjouissait de le revoir, mais angoissait à l'idée que l'autre ne souhaite pas qu'ils reconduisent leurs ébats. Rien ne laissait penser cela, heureusement, mais pouvait-on être sûr? Un homme aussi séduisant que Micha avait sans doute des tas de prétendants bien plus attirants et expérimentés que le jeune Barde? Non? Peut-être trouverait-il leur différence d'âge trop grande? Plus il y pensait, plus Yvelin doutait que l'artisan veuille d'un nouveau rendez-vous avec lui.

L'arrivée de Irmingarde le tira de ses pensées angoissées. Il se leva alors, ramassant son papier, et se dirigea vers elle, l'air décidé. Il sentit néanmoins une légère pointe d'angoisse naître dans sa poitrine. Et si celle-ci décidait de l'incinérer sur place à cause de sa chanson?

«Héraut Irmingarde? Puis-je vous parler un instant?»

Sans attendre la réponse, il embraya.

«Je suis le Barde Yvelin, et j'ai été chargé par sieur Micha de Girier de composer une chanson pour fêter la naissance du petit Montaro d'Armentières. Or celui-ci désire que j'émaille ma composition d'anecdotes sur les deux parents. Il m'a dirigé vers vous. Je crois que vous êtes une amie proche d'Isabeau? Auriez-vous le temps de discuter? Pendant ou après votre repas, comme cela vous sied le mieux.»

Dans un coin de sa tête, Yvelin admira l'élégance de ses formulations. Il devenait un vrai Barde, avec une langue fleurie (l'image que suscita cette pensée le fit brièvement rougir) et des manières onctueuses.
« Modifié: 11 janvier 2017, 13:15:22 par Yvelin »

Héraut Irmingarde

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Re : Parler du bon vieux temps
« Réponse #1 le: 10 janvier 2017, 13:57:54 »
La faim avait tiré Mina de ses appartements, où elle s'était enfermée, légèrement fiévreuse. A force de errer dans les couloirs glacials, entre le Collegium des Hérauts et celui des Guérisseurs, où elle allait voir son amie parturiente, elle avait pris froid.
Elle s'était fait violence pour bouger dans le réfectoire, espérant qu'un peu d'exercice, et un bon repas, l'aiderai à aller mieux, même si Ezarel lui conseillait de retourner au Collegium des Guérisseurs, mais pour elle.

Elle n'avait pas vraiment envie de faire la discussion à qui que ce soit, mais, une assiette modestement remplie dans la main, elle fut accostée par un Barde qu'elle ne connaissait pas.
Elle haussa un sourcil et afficha une moue perplexe, pas très avenante mais parfaitement serviable.
Cependant, le jeune barde n'attendit pas son assentiment et lui fit sa requête.
Il avait de la chance que cela concerne la famille De Girier et leur dernier né, cela empêcha Mina d'envoyer bouler Yvelin pour rester avec son assiette et son mal de crâne qui pointait.

Elle lui montra d'un signe du menton le siège face à celui sur lequel elle posait ses fesses, fronça les sourcils et soupira:

"Je serai toujours heureuse, Barde Yvelin, de contribuer à quoique ce soit qui ferait plaisir aux époux Hérauts d'Armentières, et d'aider Micha."

Sur cette réponse courte, elle émietta un bout de pain qu'elle mangea sans grande conviction et regarda Yvelin dans les yeux, attendant la suite.
Elle n'allait pas livrer des anecdotes spontanément, il faudrait qu'il vienne les chercher.
« Modifié: 10 janvier 2017, 17:22:16 par Héraut Irmingarde »

Yvelin

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Re : Parler du bon vieux temps
« Réponse #2 le: 10 janvier 2017, 17:14:28 »
«À la bonne heure! Vous m'en voyez ravi!»

Puis il attendit qu'elle parle. Mais rien ne vint.

«Hum. Il me faudrait des anecdotes plutôt amusantes, légères, qui illustrent le caractère d'Isabeau. Maître Micha m'a recruté justement parce que je suis assez spécialisé dans les chansons amusantes et légères, qui parlent du quotidien, voire les ritournelles humoristiques. Par exemple, il a beaucoup apprécié l'anecdote sur mes propres déboires avec Isabeau. Elle me terrifiait quand j'étais étudiant, car elle surveillait la bibliothèque, et moi j'avais la fâcheuse tendance à vivre littéralement au-dessus des bouquins.» Il sourit. «J'imagine que vous devez avoir des tas de choses amusantes à me raconter.»

Il déplia à nouveau son bout de papier devant lui et reprit sa pointe de graphite, prêt à noter tout ce que lui dirait la femme. Puis il releva la tête, un sourire aimable et avenant plaqué sur les lèvres. Enfin il nota les traits tirés de la jeune femme, son teint pâlichon.

«Peut-être préféreriez-vous que je revienne vous voir un autre jour? Demain? Je ne voudrais pas vous importuner.» *Pas avec la réputation que tu as.* «Je n'ai pas beaucoup de temps, mais je peux sans problème attendre encore quelque chose et aller voir le Héraut Matt en attendant. Voire la Guérisseuse Thalyana. Simplement, je me disais que vous seriez celle la plus à même de partager des anecdotes amusantes, du temps où vous étiez grises ensemble.»

Il réfléchit quelques instants, griffonnant au hasard sur sa feuille.

«Peut-être une anecdote liée à votre formation? Ou peut-être avez-vous fait les quatre cents coups ensemble?»

Il baissa les yeux et réalisa qu'il avait à nouveau tracé un cœur. Gêné, il le recouvrit.

«Peut-être pourriez-vous me raconter votre rencontre?»
« Modifié: 10 janvier 2017, 17:31:14 par Yvelin »

Héraut Irmingarde

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Re : Parler du bon vieux temps
« Réponse #3 le: 13 janvier 2017, 22:43:11 »
Mina avait l'habitude de provoquer chez ses interlocuteur un air dubitatif face à son mutisme, sa froideur naturelle. Elle ne s'en offusquait pas, et elle espérait que les autres non plus.
Il avait l'air vraiment très... joyeux. Et lui dévoila une chose qui ne tomba pas dans l'oreille d'une sourde:

"Des chansons humoristiques hein? C'est à un de vos collègues que je dois la petite parodie sur mes aventures avec le Capitaine Beltran?"


Impossible de savoir qui avait crée à la base cette chanson, les bardes gardaient le secret dans ces cas là pour éviter les représailles. Ce qui avait laissé à Mina une image assez médiocre de la profession. Cela ne l’empêchait pas d'apprécier leur talent! Beltran, grand amateur de musique et excellent musicien par ailleurs, l'avait emmené à plusieurs concerts. Sa compagne n'avait, il faut dire, absolument aucune culture musicale et avait beaucoup aimé.

"Non, aujourd'hui ou un autre jour, pas d'importance, je suis disponible maintenant, autant en profiter"
:Même si j'ai l'impression d'avoir du coton à la place du cerveau:


Elle but une gorgé d'infusion froide, se força à avaler un bout de jambon et essaya de se rappeler de choses amusantes. Isabeau était amusante, aussi, elle devrait pouvoir trouver, non?
Bon il fallait éliminer les fois où cela avait concerné la vie amoureuse de Mina.

"Isabeau a essayé de faire la cuisine, un jour, en mission. Et bien croyez-moi, c'est un miracle de pouvoir nous parler, on a failli être empoisonné, c'était abominable, elle est la pire cuisinière du monde, au moins."


Ce que la jeune maman admettait volontiers.
Du coin de l'oeil, elle avait vu le coeur dessiné presque inconsciemment et soupira intérieurement. Un jeune barde romantique, qu'allait-il sortir comme ritournelle niaise?

Yvelin

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Re : Parler du bon vieux temps
« Réponse #4 le: 14 janvier 2017, 08:24:51 »
Comme il s'y était attendu, Irmingarde lui parla de sa chanson. La fameuse, son unique succès. Elle ne savait pas qu'il en était l'auteur, mais à l'entendre, elle aurait apprécié de le découvrir pour pouvoir lui sonner les cloches.

«Euh... vous savez, cette chanson est le résultat d'un concours d'étudiants. Sa notoriété n'était sans doute pas prévue par son compositeur...» Il rougit légèrement. «Le thème imposé était "Ombre et Lumière", vous savez, comme la chanson du temps de Vanyel.» Il haussa les épaules. «Ce n'était sans doute pas la seule chanson à avoir choisi de parler de vous, mais c'est la seule qui est restée.» Il sourit à la Héraut. «Prenez-le comme un compliment! Combien de jeunes femmes peuvent se vanter d'avoir une chanson à leur nom? C'est un honneur, même si la chanson en question est plutôt... immature.»

Mais elle était et resterait un classique des soirées étudiantes. Elle était facile à apprendre, à accompagner et à jouer. Elle avait d'ailleurs donné lieu à des reprises mettant en scène d'autres protagonistes. Certaines valaient le détour, tant leurs paroles étaient bien pensées.

Yvelin fut rassuré d'apprendre qu'il ne dérangeait pas (trop) la Héraut et qu'elle était disposée à lui répondre maintenant.

«Je vais essayer de ne pas vous accaparer trop longtemps alors.»

Si elle était malade, elle était sans doute plus susceptible, et il n'avait vraiment pas envie de se la mettre à dos. Ni d'ailleurs de la déranger alors qu'elle était malade. Il y avait plus agréable que d'être retenu par un Barde bavard quand la seule chose que l'on désirait, c'était d'aller dormir.

Irmingarde dut réfléchir avant de lui raconter la première anecdote. Elle n'avait pas l'air d'être le genre à s'épancher sur ses amitiés et ce devait être un exercice inédit pour elle de raconter ses souvenirs avec Isabeau.

«Qu'avait-elle tenté de cuisiner?» Il inscrivit quelques mots clefs sur la feuille. «Isabeau n'est pas très manuelle, n'est-ce pas?»

Héraut Irmingarde

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Re : Parler du bon vieux temps
« Réponse #5 le: 29 janvier 2017, 20:13:33 »
Mouais, Yvelin semblait aussi du genre à ne surtout pas dévoiler le nom de l'auteur de la chanson, en dépit de sa connaissance plutôt approfondie des circonstances ayant amené à sa création.

"C'est si dommage de ne pas vendre la mèche, je suis une spécialiste pour les allumer..."

Sur la table était posé un bougeoir en étain sur lequel était plantée une bougie de suif, certainement oubliée par un page négligeant. Avec un sourire engageant, Mina fit grandir démesurément la flamme de la bougie avant de souffler dessus avec un air ennuyé. C'était théâtral et puéril, mais parfois, elle aimait bien se la raconter.

"Je ne sais pas ce qui doit m'inquiéter le plus, savoir que plusieurs bardes ont pensé au Capitaine Beltran et moi pour une chanson, ou au fait que je devrais me sentir... flattée? Si le thème de votre soirée était "Ombre et Lumière", Barde Yvelin, sachez qu'en dépit de mes... talents, je préfère l'ombre."

Mina savait qu'elle apprenait qui était à l'origine de cette chanson, un jour. Elle connaissait assez de monde pour que ce soit possible. Elle avait même pensé à aller soudoyer Wylan, mais s'était ravisée, il avait mieux à faire, et elle n'avait pas envie qu'il chantonne la chanson en question à chaque fois qu'il la verrai, jusqu'à la fin de sa vie.

Elle préféra réfléchir à ce que lui demandait Yvelin, et confier des anecdotes drôles, mais pas mortifiantes.

"Des champignons. Et encore, à l'origine, ils n'étaient pas vénéneux, ou toxiques, enfin tout dépend de la façon dont on les cuisine, et Isabeau... et bien, personne ne sait vraiment comment elle a fait pour que ce soir trop et pas assez cuit à la fois, cru et carbonisés, sans parler de l’assaisonnement très libre qu'elle avait cru bon de rajouter. Avec toute mon amitié, je n'ai pas pu m'empêcher de grimacer. Quant à sa dextérité manuelle..." elle laissa échapper un petit rire "Isabeau est une jeune femme qui rêvait d'être Héraut mais qui a été éduquée comme une noble, bien sûr, et avant de partir en mission, elle n'avait pas l'habitude de se salir les mains. Cela dit, je crois, je suis sûre qu'elle a fait tout ce qu'elle a pu pour s'améliorer. Je crois que vous devriez interroger sa Mentor, Alyss, à ce sujet. Il me semble avoir entendu dire que leur collaboration ne fut pas de tout repos au début."

Yvelin

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Re : Parler du bon vieux temps
« Réponse #6 le: 30 janvier 2017, 09:35:30 »
«Hum... je pense que le problème est justement là. Vous auriez plus de succès dans votre enquête si de son succès ne risquait pas de découler la crémation d'un talentueux jeune Barde.»

Yvelin, qui trouvait déjà la jeune femme effrayante sans la connaître, était maintenant terrifié à l'idée qu'elle puisse découvrir la vérité. Il n'avait pas du tout envie de finir épilé de près comme le Capitaine. Il tenait beaucoup à sa touffe châtain.

«Euh... Ombre et Lumière c'était la thématique formelle. Donc deux protagonistes, refrain, qui se chante à deux voix idéalement, accompagnement similaire. Personne n'a prétendu qu'"Ombre et Lumière" vous correspondait, stricto sensu, comme thématique.»

Il déglutit péniblement.

Quand il avait écrit cette chanson, il n'avait pas réalisé un seul instant qu'il risquait de s'attirer les foudres de la jeune femme. Normalement, les compositions présentées lors de ce genre de soirée ne survivaient pas au décuvage. Au matin, tout le monde se souvenait avoir passé une très bonne soirée, mais personne n'était capable de fredonner ne serait-ce qu'une mesure d'une chanson. Sauf que ce soir-là, Yvelin avait un peu trop appuyé sur son Don et quelques malins étaient partis avant d'être totalement ivres. Sa ritournelle s'était donc parfaitement gravée dans leur mémoire. Et dès le lendemain, elle s'était propagée parmi les étudiants à une vitesse folle.

Parler d'Isabeau était tout de même moins périlleux, et le jeune Barde sentit la tension se relâcher. La boule d'angoisse dans son ventre commençait doucement à fondre. Il rit même à l'anecdote fournie par la Héraut. Oui, ce serait amusant dans une chanson.

«Et j'imagine que depuis tout le monde le lui rappelle? Ce qui est étonnant, c'est qu'elle n'ait rien appris dans les cuisines, quand elle était de corvée.»

Puis il se souvint qu'Isabeau avait été dragon de bibliothèque et qu'elle n'avait jamais eu d'autres corvées. Ceci expliquait sans doute cela.

Il nota sur la feuille le nom de la mentore d'Isabeau avant de froncer les sourcils.

«Le Héraut Alyss? C'est un Héraut de tournée, non? Je ne pense pas que je vais réussir à la trouver avant de devoir rendre mon texte. C'est dommage d'ailleurs. Si j'avais été prévenu un peu plus tôt, j'aurais pu effectuer des recherches plus poussées. Mais ce n'est pas grave, je saurai me débrouiller avec ce que j'ai.»

Il se tut quelques instants, jouant avec le trou vide à son oreille. Puis il détailla la Héraut assise devant lui. Elle était vraiment très pâle. Il se sentit soudain un peu coupable de l'avoir accostée alors qu'elle n'était manifestement pas en forme.

«Vous n'avez vraiment pas l'air dans votre assiette et je ne voudrais pas vous retenir ici, dans le froid, si vous êtes malade. Si j'ai besoin d'une deuxième anecdote, je reviendrai vous voir. Et si vous pensez à quelque chose de vraiment amusant, vous pouvez me l'écrire et me le faire porter chez les Bardes.»

Il se leva, l'air un peu gêné.

«Je vous souhaite un prompt rétablissement. Je pense que l'on se reverra à la fête. Bonne journée à vous, Héraut.»

Il s'inclina légèrement et s'en fut, heureux de mettre de la distance entre la Boutefeu et lui.

[RP CLOS]
« Modifié: 06 février 2017, 20:14:35 par Yvelin »