Les deux cavaliers prirent donc la route pour sortir de la ville. L'air était sec et la poussière de la rue restait en suspension. Un peu de pluie ne ferait pas de mal à la ville, encore moins à la campagne, mais rien ne présageait une averse imminente.
A peine avaient-ils franchi les portes de Haven que la jeune et impétueuse Thahirim montra des signes d'impatience. Elle piaffait et supportait mal l'allure imposée, le pas en l'occurence, tant elle semblait désireuse de se dégourdir les jambes.
L'insouciance de la jeunesse, pensa sa cavalière en souriant avec affection, tout en mettant sa science à l'oeuvre pour canaliser l'énergie débordante de la jeune jument. Pour cette monture là, il y avait fort à parier que l'âge ne changerait rien, elle resterait un caractère indocile. Néanmoins, elle devait au moins apprendre à se fier à son cavalier, ne serait-ce que pour ne pas se blesser. Si la Shin'a'in lui accordait le fougueux galop qu'elle attendait, nul doute qu'elle finirait la journée avec un claquage et une assignation à domicile pour plusieurs jours, voir pire.
Mentalement, elle tenta de faire passer son message à son cheval, l'enjoignant à lui accorder sa confiance. En regardant Béoul et Fitz, elle savait qu'à un moment ou à un autre, ils les défieraient. Non qu'elle ait un don de télépathie, mais à force d'observer de loin les Héraults, elle se disait que même si c'était vain, le fait de tenter de communiquer avec ses chevaux ne lui couterait pas grand chose. Et lu permettrait de cibler ses demandes plus correctement.
Quand bien même elle restait concentrée sur sa fougueuse monture, Kayann n'avait pas perdu un mot de ce qu'avait rapporté Fitz. Elle écoutait avec sérieux, tentant d'apporter des réponses aux nombreuses questions qui étaient restées en suspens entre eux. Ce qu'elle apprit ne lui permit pas de percer le mystère, mais elle était ravie d'apprendre que Fitz avait fait tout ce chemin.
Finalement, tu es un capitaine, avec des pouvoirs surnaturels, et une hache en prime... Tu ne t'en sors pas mal on dirait! résuma-t-elle en riant.
Il lui retourna ensuite sa question, le sourire de la Shin'a'in changea, il ne s'estompa pas mais se teinta d'une sorte de tristesse. Par où commencer...
Eh bien, après les missions, j'étais... un peu perdue... Je ne savais plus où était ma place, et j'avais la certitude qu'elle n'était pas ici...
Comment lui dire que son absence, à lui, l'absence de nouvelles de sa part, avait largement accentué son malaise... Elle préféra se taire là dessus et poursuivit:
Je suis retournée chez moi, dans les Dorisha, dans mon clan. Ça n'a pas été simple... Le souvenir de mon frère, tout ça... Mais la déesse dans sa grande sagesse m'a accordé le pardon et pendant quelques temps, la vie s'est montrée clémente. En remerciement et par piété envers elle, je suis devenue promise à la Déesse, chamane si tu préfères...
Elle donnait bien trop de détails... Mais voilà, une fois le flot libéré, comment s'en défaire? Elle accorda un sourire à son compagnon.
Mais là encore... C'est étonnant la vie, là où elle nous emmène... J'étais à nouveau très intégrée dans mon clan, je pensais que ma place était toute faite, et tout à coup, tu te lèves un matin avec des fourmis dans les jambes... Et j'étais repartie sur les routes, une superbe horde de chevaux m'accompagnant. Béoul et Tahirim viennent de mon troisième convoi. Et chaque fois que je reviens, je profite de faire avancer mon petit commerce de cuir, histoire de payer mon pied à terre.
Voilà, dans les grandes lignes. Ils arrivèrent bientôt à l'orée du bois qu'ils avaient emprunté l'époque, lors de leur première chevauchée.