Yvelin se demanda un instant si la gouvernante avait conscience qu'une de ses pages était une véritable monte-en-l'air. Probablement, car la femme n'ignorait pas grand chose de ce qui se passait dans le Palais. Et si elle l'avait jugé digne de servir, il n'y trouvait rien à redire. Il savait que nombre de personnes ici avaient un passé plutôt trouble. Et qu'une enfant bien nourrie n'avait plus de raison de voler.
Puis, par habitude, il posa la question habituelle des Bardes. Et la réponse de la fillette le laissa songeur. Pouvait-on décemment ne pas savoir si on aimait ou non la musique? La plupart des gens n'avaient certes aucune formation dans le domaine, mais ils savaient s'ils appréciaient ou non d'entendre de la musique. Voire de la chanter.
Puis Sou, sans doute consciente que sa réponse ne satisferait pas un Barde, tenta de s'expliquer, plutôt maladroitement. Yvelin esquissa un sourire.
«Volés? En effet, ce n'est pas la meilleure initiation à la musique.»
Il fouilla dans ses poches à la recherche d'un mouchoir et s'essuya les mains. Il but un peu d'eau et ramena son attention sur son invitée.
«Ça m'arrangerait que tu n'empruntes pas les miens. Je n'en ai pas d'autres et j'y suis très attaché.» Il sourit et tendit la main vers son luth qu'il installa sur ses genoux. «Ça, c'est un luth. C'est un instrument que j'apprécie énormément.» Il gratta la corde la plus aiguë. «Ça c'est un sol. Enfin, ça ne te dira rien, j'imagine. La musique, c'est comme une langue. Dans cette langue, chaque son est désigné par une note, en fonction de sa hauteur.» Il joua une gamme chromatique sur son instrument. «Do, do#, ré, ré#, mi, fa, fa#, sol, sol#, la, la# et si. Quand on arrive au si, on reprend à partir du do. C'est une série perpétuelle. Composer de la musique, ça consiste à arranger ces différentes notes ensemble.» Il attrapa une feuillet griffonné sur la table et lui montra les portées. «Et la musique s'écrit sur des portées. Là se trouve le do, et à partir de là, on place les notes soit sur les lignes, soit entre les lignes. Quand elles sont dièses, on ajoute un symbole. Les différentes couleurs de notes représentes leur valeur, leur durée dans le temps. Dans la musique que j'écris, la valeur moyenne, c'est la blanche.» Il désigna ladite note sur le papier. «Deux fois plus courte, c'est la noire. Et encore deux fois plus courte, c'est la croche. Dans l'autre sens, deux fois plus longues, c'est la ronde. Et deux fois plus longue, c'est la carrée.» Il s'interrompit brusquement. «Hum... désolé. J'imagine que ce n'est pas très intéressant pour toi. Peut-être aimerais-tu que je te montre comment on joue du luth?»