Une petite pause ~ Yvelin-Sou

[Yvelin]

«La magie, hein? Je me suis toujours dit que ça devait être compliqué. En plus, Haven n'est sans doute pas l'endroit idéal pour apprendre. La magie est très récente ici et je ne sais pas à quel point les professeurs sont...» Il hésita un instant. «Enfin, certains d'entre eux sont compétents. Mais d'autres... d'après certaines rumeurs... Bref, ce n'est pas à moi de colporter ces ragots-là.»

En fait si, c'était tout à fait aux Bardes de le faire. Mais Yvelin avait eu son content de ragots et ne désirait pas particulièrement participer à ce genre de jeux.

«Je pense que si j'avais pu choisir un Don à ton âge, cela aurait été...» Il s'arrêta. Que souhaitait-il pour lui-même, à huit ans? «En fait, je pense que j'aurais souhaité avoir exactement le Don que j'ai. J'ai toujours adoré la musique et je ne me suis jamais senti assez héroïque ou même intéressant pour devenir Héraut. Quant à Guérisseur... je n'y ai jamais pensé.» Il sourit. «Ceci-dit, tu es loin d'être très mauvaise en luth. Et je trouve assez dommage que personne n'ait songé jusque là à te donner quelques leçons de musique. Tu as une bonne oreille et des doigts sûrs. Tout ce qu'il faut pour faire de la musique. Est-ce que ça t'amuserait d'apprendre? Je peux demander.»

Évidemment, peut-être Sou ne souhaitait-elle pas apprendre. Elle avait sans doute déjà bien assez à faire comme page, car elle suivait forcément des cours en parallèle. Le Palais fonctionnait ainsi. Devenir page était pour des enfants modestes l'occasion d'acquérir une bonne éducation gratuitement.

«Ça fait longtemps que tu es au Palais? Je ne crois pas t'avoir déjà vue. C'est ta...» Il s'interrompit. Il avait failli parler de sa famille. Or, il avait rapidement compris que la fillette venait des bas-quartiers. Il reconnaissait l'accent, l'attitude. Il doutait que quiconque là-bas réussisse placer son enfant au Palais. Il fallait beaucoup de chance pour cela, et souvent, ceux qui vivaient près de la Porte de l'Exil en manquaient cruellement. «C'est ton bienfaiteur qui t'a fait entrer au Palais?»

[Sou]

La jeune page observe le barde avec circonspection. Qu'est-ce qu'il entendait dire sur les mages ? Est-ce qu'ils étaient seulement incompétents ou est-ce qu'il y avait quelque chose de plus profond, de mauvais chez eux. Elle se promit d'ouvrir grands les oreilles là-dessus à l'avenir.

"Et moi je ne suis pas... Pas assez... Enfin je veux dire, je ne peux pas être un Héraut." Déjà il y avait le problème des Compagnons. Et puis son malaise face aux "démon blancs". Sans compter que plus personne à la maison n'oserait plus lui adresser la parole si elle osait seulement dire qu'elle voulait en devenir un. Sou rit doucement. "Et Guérisseurs et Bardes, ils voient trop de gens, tout le temps." Et ça devait être fatiguant.
 
Encore un compliment qu'elle range comme un doudou qu'elle pourra câliner plus tard.

"Hu, hu. Je veux bien. Ce serait toi mon professeur ?"

Après tout elle n'était plus obligée de vivre dans le silence. Même si elle aimait encore ces instants ou le monde tournait sans qu'il la remarque. Elle pouvait aussi apprécier ceux ou elle se montrerait. Tant qu'elle pouvait en garder le contrôle.

Sou va répondre quand la dernière question instille la méfiance en elle. Elle baisse trop rapidement les paupières pour qu'il ne voit pas son regain de vigilance. Comment savait-il qu'elle avait un protecteur ? Son propre raisonnement suit plus ou moins celui d'Yvelin, tenant compte de ce qu'elle lui a déjà révélé sur elle et elle finit par se détendre un peu.

"Oui. Il y a quelques décades."

Malgré tout la fillette est légèrement refroidie. Se relevant elle achève de rassembler les restes.

"On va se demander ou je suis. Je vais dire à la Gouvernante que vous pensez que je peux apprendre la musique. Et que je veux bien. D'accord ? "

[Yvelin]

Yvelin se demanda brièvement pourquoi la fillette pensait ne pas pouvoir être Élue. Sa réticence était inhabituelle pour une enfant de son âge. Certes, Yvelin aussi ne se serait jamais vu Héraut, mais il sentait que les motivations de Sou différaient largement des siennes.

En proposant qu'elle s'initie à la musique, le jeune Barde n'avait pas imaginé qu'elle suggérerait qu'il soit son professeur. Après tout, il n'avait jamais enseigné à quiconque.

«Si c'est ce qui te met à l'aise, pourquoi pas? Mais tu ne préférerais pas quelqu'un qui a l'habitude?»

Alors qu'il posait la question, il se rendit compte qu'il connaissait déjà la réponse. Sou était farouche, sans doute avait-elle du mal à faire confiance aux gens. Un professeur inconnu, c'était quelqu'un qu'elle risquait de rejeter, au détriment alors de son éducation. Et finalement, Yvelin avait eu plaisir à lui enseigner.

La question d'après suscita immédiatement la méfiance de la fillette. Celle-ci s'était raidie et sa voix sembla moins chaleureuse quand elle répondit. Yvelin lui sourit avec gentillesse.

«Tu as eu de la chance, alors. Et c'est rassurant de savoir que quelqu'un veille sur nous, non?»

Mais le moment était passé. Sou, tel un petit oiseau farouche, était sur le point de prendre son envol. Son excuse eut au moins le mérite d'être crédible et Yvelin ne s'en formalisa pas.

«Tu as raison. Et moi, je dois me remettre au travail. Cette composition ne va pas se faire toute seule!»

[Sou]

Sou hausse les épaules et regarde le Barde d'un petit sourire en coin. Bien sur qu'elle préférerait apprendre avec lui. En quelques mots il avait su s'en faire une alliée et n'avait jamais chercher à se poser en professeur ou en figure d'autorité. Même si elle ne se plaindrait pas d'avoir une autre personne face à elle. Et puis avoir des cours particuliers, elle n'avait pas les moyens tout simplement. Elle comprendrait que les adultes la mettent dans une classe comme pour ses autres cours. Ou qu'Yvelin, en tant que compositeur visiblement, ne veuille pas s'embarrasser d'elle.

"Il faut finir ce que l'on commence non ?"

Dit elle doucement tout en sachant qu'elle tentait de le manipuler un peu.

La jeune page hésite un instant à répondre au barde. Mais ne fait que hoche la tête. Elle mesurait sa chance chaque fois qu'elle retournait chez sa mère. Et si parfois les attentes de Wylan pouvaient l'angoisser, il était son chef. Un chef qui prenait soin des siens. C'était donc un bon chef.

En silence la fillette rassembla les restes, mit le tout dans son panier et après une dernière salutation, retourna à ses tâches.

[RP CLOS]