Thalyana ne savait plus trop que faire. D'abord, on l'avait appelée "Tha", et cela l'avait simplement bloquée. Elle hésitait entre envoyer promener l'auteur de ce diminutif affreux ou l'insulter copieusement. Heureusement pour tout le monde, la jeune femme avait un sens des responsabilités bien trop important pour faire plus que pousser un soupir et refuser d'un signe de tête de monter en croupe.
Elle avait beau vouloir participer à l'action, elle ne dépendait ni des Hérauts, ni de la Garde (à son grand regret, avouons-le). Elle attendait donc que la situation s'éclaircisse avant de choisir où elle irait. Le Lieutenant Fitz lui demanda de venir, mais avant qu'elle puisse lui répondre, il avait déjà enfourché sa monture, et semblait prêt à partir à l'assaut.
En bonne Guérisseuse, Thalyana désapprouvait tout ce remue-ménage. Maintenant que son excitation était retombée, elle avait à nouveau la tête froide, les idées claires. Et elle savait pertinemment qu'elle n'avait rien à faire au milieu d'un sauvetage.
Alors qu'elle cogitait, elle fut littéralement inondée de surprise, puis d'incrédulité. Elle leva la tête, cherchant du regard la cause de toute cette agitation soudaine. Toutes les têtes étaient tournées vers le Bosquet, mais de là où elle était, et à cause de sa taille tout à fait moyenne, elle ne put rien voir. Par contre, elle sentit la joie exploser autour d'elle.
Alors qu'elle ne savait toujours pas que faire, elle entendit qu'on appelait un Guérisseur. Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle, et ne voyant personne bouger, elle se leva, adressa un regard entendu à Kalaïd, ramassa son ample jupe et s'élança dans la direction d'où provenait l'appel.
Une jeune femme était étendue dans l'herbe, apparemment inconsciente. En se penchant, la Guérisseuse réalisa que les yeux de la femme étaient noirs, intégralement noirs. Cela fit frissonner Thalyana, mais elle s'agenouilla dans l'herbe et lui prit la main. Son souffle fut coupé, ses yeux se voilèrent de rouge. Quelle rage! Elle fut d'abord incapable de réfléchir. Puis elle bouta la rage hors de son esprit, respirant de plus en plus profondément, appelant à elle des images paisibles: le vent dans l'herbe, le ru qui dégringole dans la vallée, le sourire de... Quand elle eut chassé les émotions violentes de son propre esprit, elle "s'élança" dans celui de sa patiente. Repoussant la colère avec son calme comme on repousse le noir avec une torche, elle "avança" bravement jusqu'à qu'il ne reste que la lumière et le calme dans le cœur de la jeune femme.
Thalyana sortit, et les sons lui cinglèrent les oreilles. Tous autour d'elle parlaient en même temps.
" Calmez-vous! L'un de vous peut me dire si c'est la première fois qu'une telle chose lui arrive?"
On lui apprit que non, mais que depuis quelques temps, elle avait un comportement bizarre, qui ne lui ressemblait en rien. Hochant la tête, elle se replongea dans la jeune femme. Elle n'y connaissait rien en folies et troubles du comportement, mais elle était une très bonne Empathe réceptrice. Il lui semblait donc possible de sentir le trouble profond de la jeune femme, et peut-être même d'en découvrir la cause, si celle-ci était physique.
C'était comme plonger en apnée. Les premiers mètres étaient faciles à atteindre, mais ensuite, il fallait une bonne discipline mentale pour descendre encore. Le calme régnait... mais était-ce son calme ou celui de sa patiente? Elle plongea encore, encore. Une petite voix dans sa tête lui disait de faire attention, qu'elle pourrait avoir de la peine à revenir. Mais elle chassa ses appréhensions. Elle pouvait encore sentir son Lien, c'était comme un fil d'or qui pourrait la ramener à la surface à n'importe quel moment.
Soudain, le calme se fissura, il ne pouvait plus contenir ce que la jeune femme cachait. La douleur... une terrible douleur... Mais comment soigner une telle douleur?