Auteur Sujet: Elessar, La Pierre du Destin  (Lu 3741 fois)

Elbereth

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Elessar, La Pierre du Destin
« le: 15 décembre 2010, 21:29:05 »
[center:bq5z2d8i]Chapitre Premier[/center:bq5z2d8i]

[justify:bq5z2d8i]« La lune est pleine et le ciel étoilé ce soir. La virée va être magnifique… »

Artanis adorait sentir le vent sur sa figure et voir le paysage défiler comme si elle volait. Son cheval préféré, Volondil galopait égal à une flèche lancée. Les plaines de Nùmendil étaient d’une telle immensité qu’elles rivalisaient avec la majesté des cieux. On ne voyait que des masses d’herbes d’un vert profond à perte de vue. La jeune fille calma son étalon fougueux, et regarda tranquillement couler les flots du Findambar. Elle aimait ce fleuve, car son onde était apaisante, et il emportait son imagination dans des pays lointains. Après une heure de songe, elle pensa à rentrer. Artanis se permit un petit tour au galop et partit pour Keldel.

La ville était construite en différentes étapes. D’abord venait le quartier des pauvres et du marché, le plus grand. Ici, la nuit grouillait d’animations diverses. Mais les soldats de l’empereur étaient toujours là lorsque des hommes avaient trop bu… Puis petit à petit, les maisons se transformaient, évoluaient. On arrivait chez les bourgeois. Enfin le palais apparaissait. Somptueux, sa pierre restait toujours pure, d’un blanc éclatant. Il était constitué d’un nombre incalculable de tours et de fenêtres. Elle avança vers le pont-levis. Les gardes pointèrent leurs armes, puis la reconnaissant, les abaissèrent et la saluèrent. Elle entra alors dans l’enceinte du château.

Là encore, plusieurs bâtisses étaient érigées, servant surtout à la fabrication d’armes et d’objets de guerre, des forges. La jeune fille se dirigea vers les écuries. Personne ne l’attendait. Tant mieux. Elle pourrait s’occuper de son cheval. Artanis aimait ce moment particulier avec Volondil, car pour elle, il était plus qu’un moyen de transport, beaucoup plus même, il était son ami. Celui à qui elle s’était toujours confiée. Alors elle aimait le bichonner et parler en tête-à-tête avec lui. Après avoir souhaité bonne nuit à l’étalon, Artanis rentra au palais.

Tout était sombre. Evidemment, la nuit était quasiment à la moitié de sa course. Elle monta rapidement, mais discrètement à ses appartements. Seule sa sœur, Kellyan, était au courant de ses escapades nocturnes ; et la jeune fille ne tenait pas à ce que cela s’ébruite. Artanis ouvrit les fenêtres de sa chambre, la chaleur était étouffante, et entreprit de se déshabiller.

Elle sourit en pensant à la réaction de ses parents s’ils savaient… Ils lui reprocheraient sa conduite encore une fois… Elle avait toujours été à part : elle s’évadait facilement, elle était proche de la nature, elle avait un goût prononcé pour la dague et l’arc, elle montait comme un homme, elle allait souvent en ville… Et le pire pour son entourage, elle haïssait tous ces grands repas bourgeois, où chacun essayait d’avoir l’air plus riche et plus important que l’autre. Ils étaient tous à la botte de la reine, et ne savaient pas prendre de décision par eux-mêmes. Seule sa sœur aînée restait la plus sensée. Artanis était méprisée par tous ces gens, mais elle ne s’en souciait pas. Cependant, elle avait des qualités, et était aimée de la plupart des pauvres et du personnel du palais. Artanis était généreuse, elle savait écouter. Elle ne les méprisait pas et n’avait pas pitié d’eux. Lorsqu’elle leur parlait, c’était d’égal à égal. C’est pour cela qu’elle se promenait souvent. Elle aimait le contact avec ces gens qui n’étaient pas aveuglés par la richesse et l’orgueil…
La jeune femme se glissa entre les draps et s’endormit.

[center:bq5z2d8i]***[/center:bq5z2d8i]

Un rayon de lumière inonda la pièce et vint caresser Artanis. Celle-ci ouvrit doucement les paupières, et sourit en entendant la voix bourrue de sa gouvernante. Elle l’adorait. Eléonore était petite et bien portante, mais sa force était étonnante. On s’attachait facilement à elle. Elle avait toujours été bonne, sévère mais juste, envers Artanis.

- Allez ma fille, debout ! Vous allez être en retard ! N’oubliez pas que votre mère reçoit Prince Thalion au repas de midi !
- Oui Eléonore, je me lève… Quelle robe dois-je porter ?
- Eh bien je vous ai déjà tout sorti, sachant votre goût incontesté pour les habits élégants…

Artanis fit la grimace et enfila prestement la robe. Elle était d’un rouge bordeaux, avec des rubans de soie qui entouraient le bas, et le décolleté était vraiment serré.
- Oh Eléonore ! Suis-je vraiment obligée de porter cela ?
- Oui, je suis désolée, mais c’est une tenue de circonstances…
- De circonstances ? Comment cela ?
Une lueur de surprise traversa les yeux de la gouvernante, qui grommela :
- La reine vous expliquera… Il faut que vous soyez prête dans une quinzaine de minutes. Kellyan viendra vous chercher.
- Bien.

Artanis se coiffa. Sa longue chevelure brune tombait en cascade sur ses épaules, mais Giliane, sa mère, n’aimait pas la voir ainsi. Alors elle tressa ses cheveux sur un côté, et mis son diadème, qui était aussi simple que sa coiffure. Puis la jeune fille se leva et ajusta d’un geste ce qui n’allait pas. Des coups furent frappés à la porte. Artanis demanda :
- Qui est-ce ?
- Kellyan, je peux entrer ?
- Oui vas-y.
Kellyan poussa la porte et admira sa sœur.
- Tu es très belle comme cela. J’adore te voir coiffé ainsi, c’est magnifique et cela te ravi.
- Merci. Tu n’es pas mal non plus, ajouta Artanis après un coup d’œil.

La robe de Kellyan était d’un vert très doux, enrichie en décorations et en parures. Comme elle, le décolleté était voyant, mais cela ne semblait pas gêner sa sœur. Elle avait une coiffure très complexe qui mettait en valeur son visage. Son diadème était un peu plus recherché, car elle prendrait la tête de la ville à la suite de ses parents. Kellyan pressa sa sœur :
- Allez, on va être en retard !
- Oui… Tu sais qui est ce Prince toi ?
Kellyan eut un moment d’hésitation.
- Non… je sais juste qu’il habite la capitale des contrées de Damorzel : Hedertieht. Il est le fils de l’Empereur lui-même, et réside au Palais. Mais Mère t’en diras plus.
- Eh bien, allons-y !

Les deux jeunes femmes traversèrent une multitude de couloirs, tous richement décorés, et  toutes les personnes qu’elles rencontraient sur son passage s’inclinaient. Artanis n’était pas dans son élément… Les sœurs arrivèrent à la salle du trône. Leurs parents, Giliane et Lenaik, les attendaient. Elles les saluèrent respectueusement. Puis Giliane prit la parole :
- Kellyan, va attendre ta sœur à la porte.

Elle eut l’air surprise, puis aquiesça et se retira. Seule avec ses parents Artanis était mal à l’aise… Sa mère reprit :
- Ma chère Artanis, il faut que je te dise deux choses très importantes. D’abord tu n’es pas notre fille naturelle. En effet, nous t’avons recueilli alors que tu étais encore bébé, tu avais été abandonnée près de la porte principale. Une lettre nous demandait de prendre soin de toi comme notre propre fille. Nous l’avons fait, nous t’avons soignée, nourrie, logée…

Tout se mélangea dans son esprit… Elle avait été adoptée… Cela expliquait beaucoup de choses ! La distance de ses parents envers elle, la préférence pour Kellyan, le fait qu’elle ne se sente pas chez elle… Giliane lui laissa le temps de tout assimiler, et continua :
- Dans l’enveloppe il y avait quelque chose que je devais te remettre le jour de ton départ. Tiens…

C’était une simple corde de cuir noir, avec au bout une pierre. C’était fascinant ; elle mélangeait les couleurs rubis et saphir, avec de l’or qui chatoyait par endroit, comme si elle était vivante. Artanis aima immédiatement la Pierre. Elle le mit autour de son cou. Puis quelque chose l’assaillit. « Le jour de ton départ… ». Elle demanda :
- Le jour de mon départ ? Il me faut partir ?
- Eh bien ma fille tu as atteint ta majorité, et nous ne te prendrons pas toujours en charge. Tu dois commencer à faire ta vie.
- Faire ma vie ? Je suis désolée mère, mais je crains de ne pas bien comprendre...
- Hum… En vérité, le Prince Thalion ne vient pas ici en simple visite, mais il m’a demandé ta main par écrit, et… hum… nous avons accepté… Il est ton fiancé.

La jeune fille fut prise de vertiges. Son sang bouillonnait dans ses veines tandis qu'un sentiment de colère montait en elle.
- Mais comment est ce que... Pourquoi ? Ne puis-je pas rester avec vous ?
- Désolée Artanis, mais nous sommes déjà engagés envers le Prince, et de plus tu devrais savoir que les mariages arrangés sont courants. On ne fait plus de mariage d'amour depuis longtemps. J'estime que nous avons accompli notre devoir, et tu devrais nous être reconnaissante : nous t'offrons un très bon parti, qui plus est, le fils de l'empereur.

Giliane acheva la jeune fille. Une quantité de sentiments la faisait frémir ; la colère, l'injustice, l'impuissance, la peur et... la haine. Artanis bouillait, mais elle se dit qu'il ne valait mieux pas dire tout ce qu'elle pensait... Elle laissa cependant échapper une infime partie de sa rage :
- Oui évidemment vu comme cela... ça vous arrange hein ?

Lenaik, qui était resté silencieux jusque là, explosa:
- Ecoute Artanis, nous avons eu beaucoup de mal pour arranger ce mariage, et tu viens nous dire que c'est juste pour notre propre intérêt ? Moi je ne crois pas, tu épouseras ce Prince. Tu m'as bien compris ?
La jeune fille inclina la tête.
- Oui Lenaik.
Sur ce dernier affront, il se leva, et lui administra une gifle magistrale.
-Bien, et ne t'avise plus de manquer de respect. Tu peux te retirer, mais sois à l'heure pour le repas.

Artanis lui jeta un regard brûlant de haine, et partit la tête haute. Elle franchit la porte d'un pas vif, Kellyan la rattrapa.
- Artanis ! Artanis attends !
La jeune fille s’arrêta et fixa sa sœur :
- Qu’est-ce qu’il y a ? Tu ne crois pas qu’on ne m’en a pas déjà assez fait comme ça ? Tu veux en rajouter ?
- Ecoute Artanis, je crois qu’il est temps que nous ayons une discussion. Viens, allons marcher dans le parc.

Kellyan savait que c’était un des endroits préférés de sa petite sœur. Artanis hocha la tête et la suivit. Elles marchèrent en silence un moment, lui laissant le temps d’encaisser ce qu’elle venait d’apprendre. Le ciel était limpide, un soleil d’été venait éclairer une végétation luxuriante. Des arbres étaient plantés ici et là ; des buissons, des parterres de fleurs étaient disséminés dans tout le parc. Des oiseaux chantaient, et une masse de petits animaux vivaient tranquillement. Cet endroit inspirait la paix, et Artanis se calma assez vite. Elles allèrent s’asseoir devant le petit étang, et restèrent un moment à le contempler. Ce fut Kellyan qui rompit le silence :
- Je suis désolée…
- De quoi ? répondit la jeune fille amère. On ne peut rien changer.
- De tout. Tu sais j’étais au courant pour tout, mais je n’avais pas le droit de t’en parler, et ça me brisait le cœur de voir le comportement de nos parents. J’ai vraiment essayé d’être comme une sœur pour toi.
- Oui et tu as réussi. Tu es ma sœur et tu la resteras quoi qu’il arrive. Ce n’est pas après toi que j’en ai, tu sais… Je ne comprends pas comment est-ce qu’ils ont pu me faire ça. Tu m’excuseras mais je ne peux plus les considérer comme mes parents. Ils sont deux parfaits étrangers pour moi. Tu sais à quoi ressemble mon fiancé ?
- Non je ne l’ai jamais vu. Mais tu as raison, papa et maman ont été odieux. J’espère que vous pourrez être heureux… Garde espoir, je suis avec toi.
- Oui mais pour combien de temps ? Lorsque je partirai, tu ne seras pas avec moi… Et dire que je ne peux même pas aller faire un tour à cheval. J’en aurais besoin…
- Courage Artanis. J’entends un bruit de galop. Allez, viens, rentrons.

Kellyan serra sa sœur dans ses bras, puis elles partirent en direction du château. Artanis avait le cœur lourd. Elle était morte de peur ; ses mains tremblaient. Elle fut cependant étonnée de ne voir que deux chevaux, sans aucune suite et tout ce qui va avec. Alors son cœur se gonfla d’espoir. Les deux jeunes filles rentrèrent dans la salle ou les attendaient ses parents, avec deux hommes. L’un était habillé simplement, contrairement à l’autre que des habits élégants, sans toute fois être extravagants, rendaient charmant. Il plut tout de suite à la jeune fille ; cependant, elle restait méfiante. Elles s’inclinèrent et attendirent que leur mère fasse les présentations. Ce fut Lenaik qui prit la parole, froidement :
- Artanis, Kellyan, voici le Prince Thalion, dit-il en désignant le jeune homme raffiné. Prince voici votre fiancée, Artanis, et sa sœur Kellyan.

Thalion baisa les mains de deux sœurs, s’attarda un peu sur celle d’Artanis, puis parla à son tour :
- Je suis enchanté de faire votre connaissance. Malheureusement, comme je vous l’ai expliqué, je ne peux rester très longtemps, et je crains, que vous ne deviez préparer vos affaires Princesse Artanis. N’emportez que le strict nécessaire, nous passerons chercher le reste de vos biens. Nous partirons à cheval. Majesté, dit-il en se tournant vers Giliane et Lenaik, je suis désolé de ne pouvoir rester parmi vous.
- Je vous en prie Prince, répondit Giliane, nous comprenons. Artanis, va préparer tes affaires, dépêche-toi !
- Oui Mère.
- Je l’accompagne, ajouta Kellyan.

Elles saluèrent, tandis que Thalion leur renvoyait un sourire. Puis elles s’éclipsèrent. Perdue dans ses pensées, Artanis entendait sa sœur parler, sans l’écouter vraiment.
- Qu’est-ce qu’il est beau ! Il a l’air prévenant, tendre… Je suis sûre qu’il fera un très bon mari, non ? Artanis ? Dis, tu m’écoutes ? !
- Oh ! Euh… non excuse-moi Kellyan. Je pensais à ce départ précipité. Enfin, tu as raison, peut-être qu’il est bon, mais je me méfie. On verra bien.

Les deux sœurs arrivèrent dans la chambre d’Artanis. Elle prit le sac en bandoulière qu’elle emmenait toujours lors de ses promenades avec Volondil. Elle y introduisit de quoi écrire, quelques petits objets auxquels elle tenait beaucoup, dont un présent de sa sœur. Alors, elle entreprit de se déshabiller avec l’aide de Kellyan. Elle enfila sa tenue de cavalière, enroula ses cheveux en chignon serré et passa la Pierre autour de son cou. Les jeunes filles se regardèrent, puis s’étreignirent. La voix d’Artanis tremblait :
- Il faut y aller, tu vas me manquer. Mais je te promets de t’écrire
- Moi aussi tu vas beaucoup me manquer. Alors écris-moi autant que tu pourras !
- C’est juré !

Puis elles versèrent quelques larmes dans les bras l’une de l’autre. Ensemble, elles descendirent les marches qui menaient à la cour. En chemin Artanis confia ses affaires à sa sœur, en lui disant qu’elle pourrait garder quelques objets ou vêtements qui lui plaisaient, avant de les lui envoyer. La jeune fille s’aperçut que Volondil était déjà prêt, et qu’il l’attendait. Arrivée devant ses « parents », elle hésita de la conduite à tenir, puis finalement les embrassa tous les deux, mais ce fut froid et distant. Elle serra de nouveau Kellyan contre elle, qui, les yeux emplis de larmes, lui murmura d’une voix tremblante :
- Prends soin de toi, je t’aime
- Je t’aime aussi, tu seras une très bonne reine je n’en doute pas.

Sur ce, elles s’embrassèrent. Puis Artanis sauta sur son étalon, qui piaffait d’impatience, et après un dernier signe de la main se retourna, et suivit sa destinée. Mais ce n’était pas fini. La ville entière était venue assister au départ. Artanis les regarda longuement, et grava chaque détail, s’imprégnant d’une ville qu’elle ne reverrait sans doute jamais ! Cela faisait tellement de couleurs, d’odeurs, et de saveurs, qu’elle connaissait si bien ! Tout allait lui manquer ! C’est donc le cœur lourd qu’elle quitta définitivement Keldel.

Thalion se lança alors au galop suivit de son compagnon. Artanis les rattrapa facilement. Ils suivaient le fleuve. La jeune fille regardait ce paysage si familier défiler, puis lui échapper. Elle laissa alors son esprit vagabonder. Cela faisait déjà trois heures qu’ils chevauchaient, lorsqu’ils firent halte. Artanis attacha les bêtes puis s’assit, encore perdue dans ses pensées. Ce fut le compagnon de Thalion qui lui tendit son assiette avec un sourire. Elle le lui rendit, et mangea avec appétit, cependant les deux hommes respectèrent son besoin de silence, et parlèrent discrètement entre eux. Artanis posa une seule question :
- Pourquoi cette précipitation, Prince ?
- Je vous en prie appelez-moi Thalion. Et bien, disons que nous avions vraiment besoin de vous, mais je ne peux pas vous dire plus maintenant, je suis désolé. Je ne vous ai pas présenté mon compagnon de voyage, Eldarion.
- Je suis heureux de faire votre connaissance, dit celui-ci, visiblement à l’aise.
- Enchantée, répondit-elle un sourire aux lèvres. Hederthiet est-elle encore loin ?
- Eh bien, hésita Thalion, oui plus loin que vous ne le croyez. Mais je vous dirai tout dans trois jours. Nous devrions avoir atteint mon premier objectif, car nous avançons vite grâce aux chevaux. D’ailleurs il est temps de partir.

Il s’étira puis se leva. Les autres suivirent. Ils reprirent donc leur course. Chacun semblait apprécier le silence, et Artanis décida de profiter du galop. Plusieurs questions lui venaient en tête, toutes restaient sans réponses. Serait-elle heureuse ? Pourquoi tous ces mystères ? Et cette phrase… « Plus loin que vous ne le croyez… » la laissait perplexe. Enfin, elle prendrait les événements comme ils viendraient. La chevauchée dura tout l’après-midi, jusqu’à ce que la nuit commence. Là ils s’arrêtèrent, installèrent le camp et mangèrent, en parlant peu. Puis Thalion annonça :
- Je prends le premier tour de garde, et tu feras le suivant Eldarion.
- D’accord, dans ce cas je prends le troisième, répliqua Artanis, un sourire en coin.
- Et s’il n’y a pas de troisième ? insinua Thalion
- Il y en aura ! insista Artanis en riant.
- Bien, bien, je m’incline Princesse ! lança-t-il avec un clin d’œil.
Pour la première fois depuis longtemps, la jeune fille s’endormit, le sourire aux lèvres.
 
[center:bq5z2d8i]***[/center:bq5z2d8i]

Une main la secoua, doucement, mais fermement.
- Princesse Artanis ! C’est l’heure, levez-vous.
- Non Eléonore, encore un peu, grogna-t-elle encore endormie.
- Je ne crois pas m’appeler ainsi, et vous avez assez dormi !

La jeune fille se réveilla d’un coup, en se demandant où elle était. C’est lorsque qu’elle vit le visage moqueur de Thalion que tout lui revint. Une pensée fit intrusion dans son esprit alors qu’elle s’éveillait un peu plus.
- Mais il fait jour ! Et mon tour de garde !
- Eh bien, répondit Eldarion, vous dormiez si bien que je n’ai pas osé vous réveiller.
- Ah c’est fin ! bougonna-t-elle. Enfin merci quand même ! Mais par pitié cessez de m’appeler Princesse, et ce soir je prendrais le premier tour, puisqu’on a pitié de moi.
- Bien, à vos ordres, répliqua Thalion en riant. Venez donc manger !

C’est ce qu’elle fit. Pendant le repas, il lui posa une question, qui vint s’ajouter au mystère :
- Savez-vous vous battre ?
- Et bien, répondit-elle, en voilà une question surprenante. Oui je sais me battre, avec une épée et un arc, mais je suis meilleure à l’arc. Pourquoi ?
- Encore un peu de patience… Attendez deux jours.
La jeune fille grommela un peu, puis sourit.
- J’attendrais…

Ils rangèrent le camp, toujours la bonne humeur, puis repartirent. La journée se déroula sans incident, comme la précédente, le lendemain aussi. Cependant, Artanis bouillonna d’impatience toute la journée. En fin d’après-midi, ils atteignirent une forêt, et cela laissa une interrogation de plus à la jeune fille. Si c’était le premier objectif ? Elle restait septique. Elle attendit donc encore. Ils s’arrêtèrent pour la nuit dans une petite clairière. Ils avaient maintenant cessé de suivre le Findambar, ce fleuve qu’elle aimait tant. Tandis que les deux hommes installaient le camp, et cherchaient du bois, elle prépara le repas. Ils commencèrent à manger en silence, Artanis attendait que Thalion prenne la parole. Il la complimenta sur sa cuisine, parla de choses et d’autres. Enfin, il devint sérieux, mais, une lueur de malice brillait dans ses yeux.
- Vous voulez la vérité Artanis ? Bien. Je ne suis pas Thalion, et nous n’allons pas à Hedertieht.
Un sourire se dessina sur son visage.[/justify:bq5z2d8i]
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Elbereth

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Re: Elessar, La Pierre du Destin
« Réponse #1 le: 15 décembre 2010, 21:41:33 »
[center:chvsns12]Chapitre Deux[/center:chvsns12]

[justify:chvsns12]Artanis se figea. Elle pensa d’abord à fuir, puis en repensant aux deux jours passés avec ces deux hommes, elle sentit qu’elle n’avait rien à craindre, et elle se fia à son instinct. Elle demanda posément :
- Alors qui êtes-vous ?
- Si je commençais par vous demander, qui êtes-vous ? répondit « Thalion », Vraiment ?
- Pardon ?
- Et bien si je suis bien informé, vous avez été confiée bébé à ce couple, pour qu’il s’occupe de vous comme leur propre fille. Non ?
- Oui mais… Comment savez-vous tout cela ?
- Je vais faire court, nous n’avons pas beaucoup de temps. Tu fais parti du royaume des elfes, de l’autre côté de la chaîne d’Elenwë. Je me suis fait passer pour le Prince Thalion, pour t’échapper au mariage, et il était tant que tu rentres parmi nous. Nous nous rendons pour le moment dans un petit village caché dans les monts d’Itarillë, après la forêt, Miphirum. Là-bas, nous suivrons un enseignement un peu spécial, avec le Maître Atanatar, un très vieil elfe. Et à l’heure qu’il est j’ai peur que les sbires de ton père, et ceux de Thalion soient à nos trousses. Une dernière chose, rajouta-t-il doucement, je suis ton…frère.

Artanis écouta tout sans rien dire. Après un moment un sourire illumina son visage.
- Avec tout ça, tu as oublié de me dire ton prénom…
- Oh ! Je suis désolé ! Je m’appelle Meneldil. Et surtout n’oublie pas une chose essentielle… Tu dois protéger Elessar plus que ta propre vie.
- Elessar ? répéta la jeune fille sans comprendre.
- La pierre que tu portes autour du cou.
- Bien. Mais pourquoi ?
- C’est la clé du Destin… Mais le Maître t’en dira plus que moi. Il faut se dépêcher petite sœur, il reste du chemin à faire. Et les sbires de Lenaik ne doivent pas être loin. Tiens voici ton épée, tu devras lui donner un nom. Et un arc elfique. Tu t’en sortiras ?
- Oui, oui. C’est plus maniable que ce que j’avais jusque là.
- Tu pourras dormir sur Volondil, plaisanta Eldarion.

Ils rangèrent le campement, et repartirent dans la nuit, en évitant les sentiers. La forêt était belle, et les animaux nocturnes se réveillaient peu à peu, donnant ainsi de la vie. Artanis pensait à tout ce qu’elle venait d’entendre. C’est vrai qu’elle se sentait plus à l’aise avec eux, et le tutoiement était venu naturellement. Et son… frère, elle avait du mal à se faire à cette idée, lui plaisait franchement. Elle n’en avait jamais eu, et il correspondait à l’idée qu’elle s’était faite du « grand frère ». Eldarion était… différent. Il les avait laissé se retrouver tout à l’heure, et elle lui en était reconnaissante. En fait, il était plutôt du genre discret, et effacé, mais présent. Il n’était pas timide, mais il ne voulait pas s’imposer. L’aube se levait. Meneldil stoppa son cheval, sans toute fois en descendre. Son visage, éclairé par un grand sourire se tourna vers Artanis :
- Regarde, nous sommes presque arrivés !

La jeune fille leva la tête. Ce qu’elle vit lui coupa le souffle. Des pics enneigés perçaient le ciel, encore rose orangé. Mais des touches de violet et de bleu vinrent compléter ce spectacle.
- C’est magnifique, souffla-t-elle par respect pour la majesté des lieux.

Puis son regard glissa sur son frère. Il était fin, élancé et musclé. Ses cheveux semblaient faits de fils d’or, ses yeux bleus et doux trahissaient une grande tendresse. Il s’était changé depuis leur première rencontre, et portait maintenant des habits plus simples, comme ceux d’Eldarion. Celui-ci avait des cheveux bruns et des yeux noirs qui reflétaient son ardeur et son enthousiasme. Il était bâti à peu près comme Meneldil, sauf que sa peau restait plus bronzée. Elle remarqua soudain les formes de leurs oreilles, et toucha les siennes. Elles s’étaient allongées ! Des oreilles d’elfes… Voyant son regard surpris, Eldarion expliqua :
- Nous sommes sortis du champ de magie ; il sert à masquer notre véritable nature lorsque nous partons dans les contrées de Damorzel. Il a pris fin il y a peu.

Ils se lancèrent alors dans les montagnes. A la mi-journée, ils firent une pause pour déjeuner. Ils avaient déjà bien avancé et devaient pouvoir arriver tard dans la soirée. Ils pourraient enfin dormir dans un lit ! Tandis qu’ils mangeaient, en bavardant joyeusement, Meneldil les fit taire d’un geste, et il écouta. On entendait des voix d’hommes accompagnés de bruits de sabots en contrebas. Ils se mirent alors à l’abri, observèrent. C’était un groupe d’une vingtaine d’hommes, tous armés. Ils portaient l’emblème de Keldel, et celui de l’empereur, Artanis les ayant reconnus.

Les trois jeunes gens montèrent sur leurs chevaux silencieusement. Eldarion et Artanis bandèrent leur arc, tandis que Meneldil sortait son épée. Ensemble ils tirèrent deux flèches, qui firent mouche. Les hommes cherchaient à savoir d’où venaient ces flèches, lorsque deux autres partirent, tuant de nouveau deux hommes. Le groupe remarqua alors les trois elfes et hurla sauvagement en attaquant. Artanis et Eldarion purent encore tirer deux flèches, avant qu’ils arrivent sur eux. Puis ils sortirent aussi leur épée du fourreau. Ils étaient à quatorze contre trois… Meneldil souffla dans une sorte de corne, et émit une note qui se répercuta au loin. Et ils chargèrent. Artanis remarqua un phénomène étrange : la Pierre chauffait à son cou. Alors, la jeune fille ne vit plus rien, si ce n’est ses ennemis. Son épée entama une danse macabre, semant la mort partout où elle passait. C’était en même temps gracieux, et effrayant. Les deux hommes la surveillaient du coin de l’œil, mais ils étaient sidérés par ce qu’ils voyaient. La jeune fille décima la moitié du groupe, tandis que Meneldil et Eldarion venaient péniblement à bout de l’autre moitié.

Lorsque ce fut fini, Artanis se tint un moment en transe, puis s’effondra dans les bras de son frère, qui était venu la soutenir. Elle n’avait cependant pas perdu connaissance. Seulement elle tremblait de tous ses membres, de tremblements incontrôlables. Meneldil la berçait depuis un moment, lorsqu’elle murmura :
- Que s’est-il passé ?
- N’aie crainte Artanis, je pense que c’est la Pierre qui t’a aidée ; mais le Maître t’en dira plus que moi.
- C’était tellement étrange, j’avais l’impression d’un mur de silence autour de moi, et tout était flou, à part ces hommes. Et maintenant, cette sensation de vide…
- Ce doit être dû à la Pierre.

Il regarda autour de lui. Eldarion restait silencieux, plongé dans ses pensées. Artanis avait les yeux levés vers le ciel. Meneldil reprit, en souriant :
- En tous cas, tu as tué au moins la moitié de la troupe ! Nous avions l’air fin à côté ! Deux hommes qui peinent contre sept hommes, alors qu’une femme réussit seule, ça devait donner !

Tandis que les trois elfes riaient, d’autres hommes approchèrent. Les deux amis se levèrent, sur leur garde, mais quand ils virent qui approchait, ils se détendirent. Artanis tourna péniblement la tête, et demanda d’une voix faible :
- Qui est-ce ?
- Ce sont nos prétendus sauveurs, répondit Eldarion en riant, mais ils arrivent un peu tard ! Ce sont des elfes qui viennent du village pour nous accueillir.

Les elfes échangèrent des accolades, puis discutèrent un peu. Meneldil revint vers elle, et lui demanda, doucement :
- Est-ce que tu te sens capable de te lever ? Nous devons encore marcher un peu pour atteindre Miphirum.
- Je vais essayer, répondit-elle avec un petit sourire.
Il l’aida alors à se mettre debout. La vue d’Artanis se brouilla, le monde vacilla sous ses pieds, et ce fut le noir.

[center:chvsns12]***[/center:chvsns12]

Artanis ouvrit les yeux, et peu à peu, sa vue redevint nette.
- Ah ! Enfin te revoilà ma chère enfant, dit une voix de vieillard. Il est vrai que, souvent, la première approche avec la magie est plutôt douloureuse.
La magie ? Qu’est-ce qu’il racontait ? La jeune fille regarda autour d’elle. Elle était allongée dans un lit de paille, avec une couverture chaude. À côté d’elle se tenait, un elfe, le plus vieux qu’elle n’avait jamais vu ! Il avait des yeux bleus dans lesquels on pouvait lire une grande sagesse. Une petite table était disposée près de lui, où se tenaient une bougie, et pleins de petits flacons en tous genres. Plus loin, elle vit, attablés, Eldarion et son frère, près d’une grande cheminée, où brûlait un feu réconfortant. Elle prononça doucement son nom :
- Meneldil…
- Meneldil ! répéta le vieillard. Ta sœur est réveillée, elle te demande !

Celui-ci se leva et rejoignit sa petite sœur avec un grand sourire.
- Tu nous as fait peur tout à l’heure ! Enfin tu vas mieux, je suis content !
- Mais, où sommes-nous ? demanda Artanis.
Eldarion, qui s’était approché, expliqua :
- Eh bien, ma chère princesse, nous sommes arrivés à Miphirum. Et voici le fameux Maître Atanatar !
Celle-ci sourit, puis soupira de fatigue. Le Maître reprit la parole.
- Fameux, fameux, il ne faut rien exagérer ! Allez ! Tout le monde retourne se coucher, demain, une grosse journée nous attend !
Ils partirent donc tous dormir, et Artanis referma les yeux.

[center:chvsns12]***[/center:chvsns12]

Ce fut un doux chant d’oiseau qui la réveilla, au petit matin. La jeune elfe s’étira, et tenta prudemment de se lever. Le sol était de nouveau stable sous ses pieds. Un petit déjeuner était installé sur la table, et c’est de bon appétit qu’elle l’attaqua. Puis elle se servit un bol de thé, sortit, trouva un rocher surplombant le village, y grimpa, et s’assit. Derrière le groupement de maison s’étendaient plusieurs pics montagneux, baignés pour le moment dans la lumière du soleil levant. Ce paysage époustoufla Artanis. Puis elle ramena son regard sur le village. Il était composé d’une douzaine de maisons, toutes faites de chaux, avec un toit tissé de paille, tellement serré, qu’il devait être imperméable. Au centre se dressait un puits, côtoyant une petite place, en dalles de pierre. Un peu partout, des arbres était plantés, donnant au village un air de sous-bois. Son infusion terminée, elle rentra chez Atanatar, et y trouva des vêtements propres. La jeune fille, ressortit, à la recherche d’un ruisseau. Elle le trouva un peu en amont du village. Elle s’y baigna. L’eau était fraîche, mais claire et pure. Le soleil étant levé, elle s’étendit, et se laissa sécher avec plaisir. Elle s’habilla ensuite et retourna tranquillement voir si les autres était levés. Elle les vit attablés, dehors, profitant aussi de l’astre matinal. Elle lança :
- Bonjour !
- Ah ! Je vois que notre petite Artanis est bien remise de son aventure d’hier, répondit Atanatar.
- Bonjour petite sœur ! dit à son tour Meneldil. Où étais-tu passée ?
- Je suis allée admirer le soleil levant, le paysage est vraiment sans pareil ! Et puis je suis allée me laver au ruisseau ! Si tu savais comme ça fait du bien !
- Ton frère a préféré l’eau chaude ! Monsieur a peur de l’eau froide !

C’était Eldarion, qui venait de sortir, un grand sourire aux lèvres. Meneldil se défendit, et cela finit en éclat de rires. Puis Artanis alla chercher son peigne, et entreprit de démêler ses cheveux. Elle était heureuse d’être ici, sans contraintes, de vivre simplement. Mais elle s’interrogeait sur tout ce qu’elle avait appris depuis son départ, et en fit part au Maître, qui prit la parole :
- Je crois qu’il est temps de connaître ton passé, ton présent, et ton avenir…[/justify:chvsns12]
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Elbereth

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Re: Elessar, La Pierre du Destin
« Réponse #2 le: 15 décembre 2010, 21:53:17 »
[center:1ej696oj]Chapitre Trois[/center:1ej696oj]

[justify:1ej696oj]- Je vais commencer par te parler de notre histoire, reprit le vieux sage. Tu n’es pas sans savoir quel empereur gouverne les contrées de Damorzel ? Bien. D’abord il existe deux pays ou camps, appelle-les comme tu voudras. Les contrées de Damorzel et le Royaume des Elfes. Mais cela, c’est aujourd’hui. Si l’on remonte le cours du temps, jusqu’au début de l’ère, il n’y avait qu’un seul royaume, en paix. Les elfes. Nous vivions en harmonie, tous heureux. La magie de la nature régnait partout, et tout le monde se respectait. Il y avait certes un roi, le premier de tous, Anárion. Mais il était aimé de son peuple. Il savait le sens réel des mots justice et paix. Son règne  a duré plusieurs siècles, presque un millénaire. Puis d’autres lui ont succédé. Ils étaient plus ou moins sages, mais tous étaient bons au fond.

« C’est alors qu’Argawaen arriva sur le trône. A cette époque, un groupe d’elfes noirs avait infiltré le territoire, et cela était arrivé jusqu’à Argawaen, qui rejoignit alors le groupe. Il devint un elfe noir. Malheureusement, cela n’était connu de personne, et il fut couronné. Il incarnait le mal même. Seulement, il fut un peu trop prétentieux, car il n’avait pas assez de partisans pour nous contenir tous. Une attaque fut alors lancée contre lui. Elle faillit réussir, mais c’était sans compter sur ses forces cachées… En effet, ce traître avait eu recours aux forces humaines… Nous perdîmes beaucoup d’elfes ce jour-là. Cependant, nous réussîmes à nous retrancher dans les montagnes de Tarannen, l’actuel Royaume des elfes. Une prophétie avait été annoncée, te concernant, ainsi que… la pierre que tu portes autour de cou. En effet, durant la bataille qui nous opposa aux elfes noirs, on raconte qu’un prophète du nom de Turambar, se dressa au milieu du combat qui opposait Argawaen et le chef des elfes, Celebrimbor, fut soulevé dans les airs, par un souffle mystérieux, et prononça des paroles que chacun retint : « Sous le temps du Seigneur Noir viendra celle qui rétablira la paix et la justice, et avec elle la Pierre du Destin ! ». Mais cette prophétie fut oubliée au bout d’un certain temps. Argawaen régna en tyran sur les humains et ses partisans d’elfes noirs.

« Quant à nous, nous ne nous occupâmes plus des histoires des contrées de Damorzel, car nous étions énormément affaiblis par la bataille. Puis nous continuâmes à vivre presque comme avant. Les elfes noirs se succédèrent au trône. Les conditions de vie du pauvre peuple se dégradaient petit à petit. Tu les connais d’ailleurs puisque tu as vécu parmi les humains… Mais je m’égare… Pendant ce temps, notre peuple s’organisait et formait chaque elfe, au cas où une autre guerre se déclarerait. Mais bizarrement, aucun, humain ou elfe noir ne passa la frontière de la chaîne d’Elenwë.

« C’est alors que vint Herumor, l’empereur que tu connais. Tu n’es pas sans savoir que dans la langue humaine, cela signifie « Seigneur Noir ». Je fus envoyé ici, pour préparer les plus grands d’entre nous, et surtout, toi Artanis, car nous devions être présents lorsque ton temps viendrait. Nous étions alors ceux qui habitent ici aujourd’hui, mais de plus, tes parents t’accompagnaient. Tu n’étais encore qu’un nourrisson. Mais les elfes noirs étaient méfiants, ils se souvenaient de la prophétie. Des sentinelles gardaient les frontières. Nous réussîmes à passer hors de leur vue. Malheureusement, nous fûmes repérés non-loin de Keldel. Je réussis cependant à me cacher, et, sous la forme d’un vieillard, je t’emmenai dans la ville où tu serais en sécurité jusqu’à ce que l’on vienne te retrouver. Je laissais la Pierre dans une enveloppe avec un message. Quelques guerriers perdirent la vie dans la bataille dont tes parents, et ce fut pour tous une grande tristesse. Et le temps a passé. Nous nous sommes installés ici. Puis, par des espions, nous avons eu vent de ton mariage, alors nous avons eu le sentiment qu’il était temps de te ramener parmi nous. La suite, tu la connais. Tes parents s’appelaient Anardil et Silmarien. Je te montrerai comment les rencontrer un jour…

Le silence plana. Artanis avait écouté, fascinée l’histoire qu’était la sienne, et celle de son peuple. Beaucoup de questions lui venaient en tête, mais elle ne pouvait les poser toutes. Elle sourit au Maître lorsqu’il évoqua ses parents. Soudain, son frère eut un grand éclat de rire. Atanatar demanda :
- Puis-je savoir ce qui est si drôle, Meneldil ?
- En fait, je pensais à la réaction du véritable Thalion, et celle des dirigeants de Keldel. Je n’aurais pas aimé être sur place !
- Oui en effet, sourit Artanis, ça n’a pas du être beau à voir ! Ah… Ma pauvre sœur ! J’espère qu’elle connaîtra une vie heureuse !
- J’en suis sûr, répliqua Meneldil. Jolie comme elle est, elle n’aura pas de mal à trouver un bon mari !
- Si tu le dis… répondit-elle. Au fait Maître, j’aimerais en savoir un peu plus sur la Pierre que je porte autour du cou…

- Tu en apprendras plus lors de ta formation, mais je peux t’expliquer quelques petites choses. Cette Pierre à un nom : Elessar. Elle est en quelque sorte, vivante. Elle s’active avec ton esprit et ton âme. En vérité, Artanis, c’est grâce à la magie qui afflue dans tes veines qu’elle peut s’animer. Car tu es une elfe, et ne l’oublie jamais, la magie est en toi. Seulement, comme tu as vécu parmi les humains, tu n’as jamais appris à l’invoquer. Hier, c’est ton instinct de survie qui s’est déclenché, et a fait appel à Elessar. Et comme c’était ta première approche avec la magie, un peu brutale, je te l’accorde, tu t’es trouvée affaiblie. C’est tout à fait normal. Mon enseignement va t’apprendre à contrôler cette magie, à l’invoquer, et à ne plus faire qu’un avec elle, et Elessar. Car la magie non contrôlée peut-être très dangereuse et on peut y laisser la vie. Mais ne t’inquiète pas, je t'apprendrai tout cela en temps voulu. Tu as autre chose à me demander ?

- Oui, en fait, j’aimerais savoir comment est apparue Elessar.
- Ah… C’est, en effet, assez étrange… C’est ton père qui l’a découvert. Il chassait une biche, une très belle biche. Il y avait plusieurs heures qu’il la traquait. La pauvre était épuisée par sa course folle. Il tira. Lorsque la flèche atteignit sa cible, une aura de lumière argentée se  forma autour de la biche, puis une explosion retentit, alors que la lumière devenait aveuglante. Quand ton père ouvrit les yeux, la Pierre était à l’emplacement exact de la biche. Et il me l’a amenée. Je n’ai touché que le collier, attendant d’être seul pour examiner la Pierre. Le soir venu, je l’ai prise dans mes mains. J’ai alors eu une vision. D’abord, celle de Turambar annonçant la prophétie, puis celle de ta naissance, et enfin ton nom est apparu en lettres claires. Ta mère était alors enceinte. J’ai du leur annoncer qu’ils auraient une fille du nom d’Artanis, et leur expliquer tout ce qui te concernait. Ils ont pris cela assez bien, se préparant courageusement à affronter ce qui se passerait. Ta venue au monde a été transmise dans tout le royaume. Voilà. Ai-je contenté ta curiosité pour le moment ?

Artanis sourit puis acquiesça. Cela faisait au moins deux heures qu’ils parlaient, et le soleil était maintenant haut dans le ciel. Atanatar reprit la parole :
- Maintenant que nous t’avons retrouvé, il va falloir repartir pour le royaume des elfes, car il devient trop dangereux de rester ici. Nous partirons dès l’aube demain, le temps que vous vous remettiez du voyage, et que vous prépariez vos affaires. En attendant, Artanis, j’ai pensé que tu aimerais faire connaissance avec le reste du groupe, je les ai donc invités à manger ici, et j’aurais besoin d’aide !
- Ce sera avec plaisir, répondirent Artanis, Eldarion, et Meneldil.

Le repas se prépara dans la joie et la bonne humeur. Des éclats de rires retentissaient dans la maison d’Atanatar. En effet, une complicité s’était installée entre les quatre elfes, une complicité qui était venue tout naturellement. Le Maître lui apprit quelques coutumes de son peuple, principalement que les animaux étaient traités comme des amis, et que, lorsqu’ils tuaient pour se nourrir, ils faisaient un rite de remerciement. Artanis se rappela son étalon, qu’elle n’était pas allé voir depuis la veille. Comme les préparatifs se terminaient, elle demanda l’autorisation d’aller lui rendre visite.
- Bien sûr, vas-y, répondit Atanatar. Tu as encore un peu de temps.

La jeune elfe partit donc pour les écuries. Elle traversa le couloir en caressant chaque cheval qui se trouvait là, et trouva enfin Volondil. Elle entra dans son box, et se mit à l’étriller. Puis elle vérifia sa mangeoire, et enfin se mit à parler. Elle posa sa tête contre la sienne et lui raconta tout ce qu’elle avait accumulé depuis le matin, ainsi que ses craintes pour l’avenir. Cela lui fit beaucoup de bien, et lorsqu’elle eut fini un grand silence plana sur l’écurie. Volondil ébroua la tête, comme pour signifier qu’il avait compris, puis la poussa doucement vers la porte, lui rappelant qu’elle était attendue. Ses yeux brillaient d’intelligence, et, alors qu’elle se dirigeait vers la maison d’Atanatar, Artanis se demanda si son étalon n’avait pas saisi ce qu’elle avait dit. En entrant, les effluves de la cuisine l’assaillirent. Eldarion l’interpella :
- Artanis ! Ton frère et le Maître sont partis rassembler les autres sur la place. Tu m’aides à transporter le ragoût ?
- Oui, bien sûr je viens !

Tenant chacun un bout de bâton sur lequel pendait la marmite, ils sortirent en direction de la place. Là Artanis aperçut une dizaine d’elfes rassemblés qui écoutaient Atanatar. Lorsqu’ils arrivèrent, les murmures se turent. Tous avaient les yeux fixés sur elle. Gênée, Artanis baissa la tête. Ils posèrent la marmite, et Atanatar prit la jeune elfe par l’épaule, faisant face aux autres elfes. Il parla, d’une voix forte :
- Mes amis, voici celle que nous attendions depuis longtemps. Artanis a eu un passé difficile, et ayant vécue parmi les humains, je vous prie de l’aider à trouver sa place avec nous. Elle ne connaît pas toutes nos coutumes et nos lois, ainsi je vous demanderai de lui enseigner ce que j’oublierai, ou n’aurai pas le temps de faire. Suis-moi Artanis.

Elle marcha derrière lui. Il s’arrêta devant un elfe, et dit :
- Fëanáro, je te présente Artanis, Artanis, voici Fëanáro, un guerrier redoutable.

Fëanáro inclina la tête. Artanis fit de même, puis Fëanáro esquissa un sourire, signe qu’elle s’était comportée comme il le fallait. Les présentations continuèrent. Ainsi, elle connut Russandol, un rouquin plus jeune que les autres, apprenti forgeron, Eärwen, une vieille elfe au regard bleu, Astaldo, un autre guerrier, Findis, une elfe un peu plus jeune qu’elle, fabricante d’arcs, Aulendil, le forgeron, et Círdan, le charpentier, Eldalóte, une elfe excentrique de son âge, poète, Tauron, le forestier. Enfin vint le tour de Laurelin, la chanteuse. C’était une elfe magnifique. Elle avait les cheveux faits d’or, des yeux d’un bleu cristallin, des pommettes saillantes ainsi qu’un sourire angélique. Lorsqu’elle parla, ce fut d’une voix douce et mélodieuse :
- Bienvenue parmi nous Artanis, nous ferons tout notre possible pour toi, et saches que tu es déjà de notre peuple pour nous tous.
- Merci, murmura-t-elle.

Aussitôt, un lien se tissa entre les deux elfes, un lien qui allait les unir à vie. Soudain un bruit retentit. Tout le monde se retourna pour voir Eldarion frapper la marmite avec une grosse louche en fer, en criant :
- Allez ! Maintenant que les présentations sont faites, on peut passer à table, sinon ça va refroidir ! Ce serait dommage.

Le groupe éclata de rire et chacun apporta son bol. Artanis suivait son Maître. Eldarion précisait à chaque fois :
- Ragoût délicieux préparé par le Maître, Meneldil, Artanis et moi !

Les trois intéressés sourirent devant la « prétention » d’Eldarion. Puis chacun s’assit en tailleur sur le sol, en formant un cercle. Artanis était placée entre Laurelin et Eldarion. Les conversations démarrèrent de bon train. La jeune elfe essaya d’en savoir un peu plus sur chacun, elle apprit ainsi qu’Eärwen venait de la mer, que Findis était sa fille, que Círdan et Eldalóte, ainsi que Findis et Tauren étaient fiancés ; Laurelin et Aulendil mariés. Elle apprit aussi le parcours de chacun, et leurs aventures. Eldarion ne tarissait pas de plaisanteries et amusait tout le monde. Meneldil et lui se chamaillaient souvent. Au dessert, ce fut au tour d’Artanis de dévoiler sa propre vie. Alors elle raconta. Elle parla de son enfance à Keldel, des conditions de vie, de sa sœur, de Giliane et Lenaik, de ses échappées… Elle raconta aussi avec humour son « enlèvement » par Meneldil et Eldarion. Alors qu’ils prenaient le thé, Atanatar s’exprima :
- Maintenant que nous avons rapporté Artanis avec nous, il devient dangereux de rester ici. C’est pourquoi j’ai décidé de rejoindre notre peuple. Nous partirons donc demain à l’aube. Vous pourrez ainsi préparer vos affaires. Mais ne vous chargez pas trop !

Cette déclaration fut suivie de cris de joie et d’espoir. Puis chacun repartit vers sa maison. Artanis n’avait rien de spécial à emporter, puisqu’elle avait déjà fait le tri en partant de Keldel. Elle accompagna donc Atanatar, pendant que son frère et Eldarion partaient vers leurs habitations respectives. Elle l’aida à nettoyer la marmite, ainsi que la maison, puis, comme elle ne servait pas à grand chose, elle demanda si elle pouvait faire une balade à cheval.
- D’accord mais ne t’éloigne pas trop, au cas où les sbires de Lenaik, ou de Terendul aurait eu l’envie subite de revenir, répondit-il.
- Bien Maître.

Elle marcha d’un pas léger jusqu’aux écuries, heureuse de pouvoir s’échapper un moment. Volondil prêt, elle sauta à cru, et s’élança au petit galop. Elle s’éloigna petit à petit du village, et se trouva en pleine montagne. Elle continua alors au trot, tout en prenant le temps de s’imprégner du paysage. Soudain elle arriva dans une clairière. Ce qu’elle vit l’émerveilla. Contre le flan rocheux, jaillissait une cascade d’eau pure, formant un petit étang, entouré d’une herbe verte et grasse. La clairière étant à découvert, le soleil donnait directement sur l’eau, formant des milliers de petites gouttelettes de la couleur de l’arc-en-ciel. Artanis laissa la beauté du lieu l’envahir, puis, ne résistant plus à la tentation, elle se déshabilla et plongea dans l’eau fraîche et claire. Elle y resta un petit moment, puis sortit, et s’allongea sur l’herbe pour se laisser sécher. La jeune elfe enfila ses vêtements, et s’assit, contemplant la vue. Elle sentit peu à peu une paix infiltrer son corps. Cependant, elle ne pouvait s’empêcher de ressasser tout ce qui s’était passé. Tout cela était survenu si vite ! Elle avait à peine eue le temps de réaliser ce qui s’était dit depuis la matinée. Ainsi, elle serait  celle qui devrait sauver les siens… Elle avait du mal à accepter tout cela, mais au fond d’elle, Artanis savait que c’était son destin, et quoiqu’il arrive, il faudrait qu’il s’accomplisse. Et puis, tant de gens comptaient sur elle… Elle se réalisa soudain le fardeau qui venait de s’abattre sur ses épaules ! Ce serait si lourd à porter… Comme elle agitait toutes ces pensées, elle ne s’aperçut pas que le sommeil vint peu à peu alourdir ses paupières, pour finalement l’endormir.

Une main la secouait. Artanis ouvrit les yeux, et vit le visage inquiet de son frère au-dessus d’elle :
- Artanis ! Tu vas bien ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
- Oui ça va, répondit-elle en se relevant. Je suis partie me promener, et comme j’ai trouvé la clairière magnifique, je m’y suis arrêtée. J’ai dû m’assoupir un moment.
- Un moment ! S’exclama Eldarion qui venait d’apparaître. Le soleil est en train de se coucher ! Nous te cherchons depuis plusieurs heures ! Nous étions inquiets !
- Je suis désolée, reprit Artanis. Je ne voulais pas vous faire peur. Je… J’avais besoin de me retrouver seule un moment, mais je ne pensais pas m’endormir. Je suis vraiment désolée.

Eldarion se radoucit.
- Excuse-moi de m’être emporté. Nous te croyons. C’est juste que nous avons vraiment eu peur. Allez, il est temps de rentrer et de rassurer les autres.
- Allons-y, dit Artanis avec un petit sourire.

Ils partirent alors tous les trois à travers le bois. En chemin, ils lui racontèrent qu’Atanatar, ne la voyant pas rentrer, s’était inquiété. Il avait envoyé alors les deux guerriers, Meneldil et Eldarion à sa recherche. Ils étaient d’abord allés voir du côté opposé de celui où elle était, car c’était là qu’avait eu lieu la bataille. Puis ils avaient fait petit à petit les alentours du village. Ne la trouvant toujours pas, ils avaient décidé de se séparer, pour aller plus vite. Et finalement, les deux elfes l’avaient trouvé étendue par terre. Alors qu’Artanis s’excusait encore une fois, Meneldil l’interrompit, s’arrêta, mit ses mains en porte-voix, et poussa un hurlement de loup si proche de la réalité que la jeune elfe sursauta. Lorsqu’il eut fini, un autre hurlement lui répondit, identique à celui qu’il avait lancé. Son frère eut alors un sourire penaud :
- Euh… on avait oublié de les prévenir qu’on t’avait trouvé. Ils rejoignent directement le village.

Artanis sourit, alors qu’Eldarion riait franchement. L’atmosphère était plus détendue. Cependant, alors qu’ils arrivaient au village, Artanis sentit tout de suite l’affolement qui avait eu lieu. Alors qu’il entrait dans la demeure d’Atanatar, elle sut qu’elle allait se faire réprimander. Le Maître la foudroyait du regard, et les deux guerriers avaient l’air mécontent. Une lueur de soulagement passa dans leur regard, mais elle fut de courte durée. Atanatar lui demanda froidement :
- J’attends des explications, Artanis, et j’espère qu’elles sont acceptables.

Celle-ci expliqua ce qui s’était passé encore une fois, mais avec gêne, car elle savait qu’elle s’était mise en danger. Lorsqu’elle eut fini, Atanatar poussa un soupir, et répondit avec une voix plus douce :
- Artanis, je comprends le besoin que tu as eu d’être seule, néanmoins, tu aurais dû être vigilante. Tu es recherchée, et de plus, tu portes notre destin à tous. Alors si tu venais à disparaître… Tu dois faire attention à toi. À présent, je veux que tu reste dans l’enceinte du village, ou alors que tu sois toujours accompagnée lorsque tu pars. Je suis désolé de t’imposer cela, mais je veux que tu comprennes que tu es essentielle Artanis. Et puis, beaucoup d’entre nous, maintenant qu’ils te connaissent, tiennent à toi. Je te promets cependant que tu auras plus de liberté quand nous serons revenus chez nous. Allez, viens te restaurer un peu, je t’ai gardé un bol de soupe chaude.

Il sourit, signe qu’elle était pardonnée, et Artanis lui rendit son sourire. Les quatre elfes qui l’avaient cherchée furent invités à manger un peu aussi. La tension se dissipa, et l’ambiance se réjouit. Astaldo lui dit que tout le monde avait fini ses paquets, et qu’ils étaient impatients de revoir leur terre natale. Le dîner terminé, le Maître les envoya se coucher car ils devaient se lever tôt le lendemain. Artanis pris ses affaires, qui se résumaient à son sac en bandoulière et sa cape, et elle suivit Meneldil chez lui. Arrivée là, elle vit qu’une couche lui avait été préparée. Ils se souhaitèrent bonne nuit et se couchèrent. La journée avait été longue et riche en nouvelles. Ainsi, Artanis n’eut aucun mal à s’endormir. Elle pensa bien un peu à sortir prendre l’air, mais le sommeil la rattrapa et elle ferma les yeux.[/justify:1ej696oj]
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Elbereth

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Re: Elessar, La Pierre du Destin
« Réponse #3 le: 15 décembre 2010, 22:23:17 »
[center:2exfllab]Chapitre quatre[/center:2exfllab]

[justify:2exfllab]Ce fut le chant des oiseaux qui la réveilla. Artanis ouvrit doucement les yeux, et se rendit compte que tout était encore silencieux. L’aube commençait à peine à poindre ! Elle se leva et prépara une infusion de tilleul. Lorsque ce fut prêt, elle prit son bol et partit s’asseoir sur le même rocher que la veille. L’elfe admira une dernière fois le magnifique paysage qui s’offrait à ses yeux. Bizarrement, elle se sentait nostalgique à la pensée du départ, alors qu’elle n’était là que depuis deux jours, un peu moins. Peut-être était-ce parce que cet endroit représentait tous les secrets de son histoire, qu’elle avait appris depuis peu… Elle haussa les épaules, et contempla les montagnes aux sommets enneigés et aux vallées verdoyantes, le tout baigné dans une lumière dorée. C’est alors qu’elle réalisa que le soleil se levait. Elle finit rapidement son infusion, et alla faire un tour rapide à la rivière. Puis elle acheva de ranger ses affaires. Tout le monde était déjà levé et faisait comme elle. Enfin un quart d’heure plus tard, le groupe fut prêt à partir. Atanatar prit la parole :
- Mes amis, le temps que nous attendions est enfin arrivé. Artanis est enfin parmi nous. Maintenant, nous pouvons rentrer dans notre contrée !

Des exclamations de joie retentirent. Lorsque le silence fut revenu, le Maître reprit :
- Mais attention. La route n’est pas sans dangers. Je veux que chacun fasse attention à soi, et que personne ne parte seul en expédition. Nous sommes un groupe. Nous devons le rester. J’aimerais que nous arrivions tous à destination. En ce qui concerne le chemin, nous chevaucherons la journée jusqu’aux abords de la forêt d’Itarillë, puis il nous faudra traverser les plaines de Nùmendil en une traite, car c’est là que nous serons les plus vulnérables. Ensuite, nous arriverons à la forêt de Phirnet, après laquelle nous passerons la chaîne d’Elenwë. Là nous serons dans le royaume des elfes. Il nous faudra encore passer les montagnes de Tarannen, et enfin nous serons dans notre forêt de Fantur, et il ne nous restera plus qu’à aller jusqu’à la capitale : Kadiln. Bien. Il y aura sûrement des batailles, donc je veux que chacun garde sur soi son arc, et son épée. Artanis, il faudra que tu penses à les baptiser. C’est une coutume. Quand tu leur auras trouvé un nom, préviens-moi.

Artanis acquiesça. Tout le monde avait écouté Atanatar en silence, et c’est donc dans cet état qu’ils partirent. Tant qu’ils seraient dans les contrées de Damorzel, il leur faudrait être discret. Heureusement, ils étaient à cheval et cela leur permettrait d’aller plus vite. Artanis flatta l’encolure de Volondil, et l’étalon se mit au petit trot. Ils chevauchèrent ainsi toute la journée, s’arrêtant un peu le temps du repas de midi. Le soir arriva, ils étaient presque à l’orée de la forêt, et décidèrent de camper un peu en retrait, pour plus de discrétion. Astaldo, Findis Cìrdan et Tauron partirent chercher du bois pour le feu. Le reste du groupe installa les couvertures et prépara le repas. En attendant que les aliments chauffent, chacun vaqua à ses occupations. Artanis s’assit près d’un arbre, et réfléchit en regardant ses armes. Elle repensa à la bataille de l’avant-veille. Revoyant la danse de son épée et la justesse de son arc, elle décida de les nommer : Elemmacil : « étoile épée », et Cuthalion : arc de fer. La jeune elfe se leva, le sourire aux lèvres et alla annoncer sa décision à Atanatar. Celui-ci eut une expression bienveillante, et lui proposa de l’annoncer au groupe lors du dîner. Artanis accepta. Le maître se chargea alors de rassembler le groupe. Lorsque tout le monde fut prêt, il déclara :

- Avant de commencer à manger, j'aimerai régler deux choses. Tout d'abord, il nous faut organiser des tours de garde, cinq groupes de deux. Qui se propose pour le premier ?
- Moi, répondit Artanis, qui n'avait pas sommeil.
- Moi, ajouta aussitôt Eldarion

Puis, furent choisis successivement, Fëanaro et Astaldo, Russandol et Aulendil, Círdan et Eldalòte, Meneldil et Tauron. Ils décidèrent qu'il en serait ainsi chaque nuit. Atanatar reprit :
- J'ai aussi le plaisir de vous dire qu'Artanis a baptisé ses armes. Artanis...
- Et bien, j'ai décidé d'appeler mon épée : Elemmacil, et mon arc : Cuthalion.

Tous applaudirent et approuvèrent cette décision. Le vieil elfe finit :
-Désormais, ces armes sont liées à toi. N'en utilise aucune autre, sauf en cas extrême. Et maintenant, je vous dis bon appétit !

Chacun s'attaqua à son assiette avec entrain. Le repas fut convivial, les discussions fusaient d'un peu partout, sans pour autant être trop bruyantes. Ils s'attardèrent un peu autour d'une infusion ; puis, petit à petit, chaque elfe partit se coucher. Bientôt ne restèrent plus qu'Eldarion et Artanis. Ils se rapprochèrent du feu. La jeune elfe se perdit dans la contemplation des flammes. Eldarion respectait son silence. Il eut cependant un sourire malicieux et dit :
- On a eu raison de prendre le premier tour, c'est le moins fatigant.

Artanis sourit distraitement, mais ne répondit pas. Au bout d'un moment, Eldarion demanda :
- Ça va Artanis ?
- Oui, répondit elle en sortant de sa réflexion. C'est juste que tout ça a été si soudain. J'ai encore du mal à réaliser tout ce qu'il se passe. Dire qu'il y a seulement quelques jours, j'étais toujours à Keldel, ignorant tout de mon histoire, passé comme futur. C'est peut être bête, mais j'ai peur. Je n'ai pas voulu le dire au Maître, pour ne pas le décevoir, mais je suis terrorisée.
Des larmes lui échappèrent. Elle ne put se contenir, et se mit à pleurer doucement. Dans un élan d'affection, Eldarion la prit dans ses bras, et elle se laissa aller, la tête sur son épaule. Ils restèrent ainsi jusqu'à la fin de leur tour de garde. Ils se levèrent, et allèrent réveiller Fëanaro et Astaldo. Puis ils se couchèrent l'un à côté de l'autre. La jeune elfe, dans un besoin de protection, se blottit dans les bras d'Eldarion, et elle s'endormit.

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Lorsqu’Artanis se réveilla, le soleil se levait à peine. Elle se rendit compte qu’elle avait dormi contre Eldarion. Un peu gênée, elle se dégagea doucement et s’assit. Elle observa ses compagnons endormis. La plupart avaient des expressions inquiètes ou oppressées. « Cela ira mieux quand nous serons rentrés » songea-t-elle. Cette idée lui paraissait étrange. « Chez nous ». Elle allait, pour la première fois, voir son véritable pays, et rencontrer les siens, ainsi que sa vraie famille. Elle eut soudain une pensée pour sa sœur adoptive, Kellyan. Dire qu’elle ne la reverrait sans doute jamais. Elle ne pouvait même pas lui écrire pour tout lui expliquer. Son regard tomba sur les veilleurs, et elle aperçut son frère. Elle se leva et les rejoignit. Tauren et Meneldil étaient silencieux. Artanis les salua et leur demanda s’ils avaient bien dormi. Ils répondirent à l’affirmative, puis ce fut à nouveau le calme. La jeune elfe n’avait pas tellement envie d’entamer une conversation et savoura ce silence en contemplant les braises encore rougeoyantes. En observant son frère, elle lui trouva un air morose qu’elle ne lui avait jamais vu auparavant. Il leva la tête et lui sourit, d’un sourire compatissant. Mal à l’aise, elle détourna les yeux. Juste avant que chacun ne se lève, elle mit de l’eau à chauffer et prépara le petit déjeuner avec l’aide de ses deux compagnons. Puis, ils allèrent réveiller tout le monde. Le repas se déroula, comme toujours, dans la convivialité. Eldarion la rejoignit, avec un grand sourire, s’assit à côté d’elle, et lui demanda si elle avait passé une bonne nuit. Artanis hocha distraitement la tête. Elle venait de voir le regard noir de Meneldil dardé sur Eldarion. Elle se décida alors à interroger celui-ci :
-Dis-moi, il se passe quelque chose entre Meneldil et toi ?
-Non, dit-il avec une petite moue. Il doit s’inquiéter pour toi. Ne te fais pas de soucis, cela ira mieux lors qu’on aura passé la frontière.
-Si tu le dis… répondit-elle, sceptique.

Le petit-déjeuner se terminant, chacun se prépara à partir. Juste avant le départ, le Maître prit la parole :
- Bonjour à ceux que je n’ai pas encore vu. Nous allons devoir traverser les plaines de Nùmendil. J’espère que nous pourrons atteindre la forêt de Phirnet avant demain soir. Cela veut dire qu’il nous faut dormir dans les plaines ce soir. Bien sûr, le champ de magie s’actionnant, nous allons prendre apparence humaine, mais je compte sur votre discrétion, pas la peine de se faire repérer. Donc pas de feu ce soir. Et si jamais un combat a lieu, il faudra rester groupé, sauf Meneldil et Eldarion, que je délègue pour emmener, à tout prix, Artanis en lieu sûr.
- Non ! protesta la jeune elfe. Je suis autant capable de me battre que n’importe qui d’entre nous !
- Artanis, reprit Atanatar. Je sais que tu veux te battre, mais tu es notre seul et unique espoir ! Te garder en vie est notre priorité !
- Maître, si je peux me permettre, intervint Meneldil, lorsque nous sommes arrivés au village, c’est elle qui a battu la moitié des hommes qui étaient à nos trousses, alors que nous parvenions à peine de nous débarrasser de l’autre moitié. Même si elle était aidée par la Pierre, elle est agile, et douée au combat. Elle a de l’expérience.

Voyant qu’Artanis ne changerai pas d’avis, le Maître soupira :
- Bon, si j’ai bien compris, je ne pourrai pas t’empêcher de te battre. Alors d’accord. Mais, si jamais je te demande de partir, et j’aurais de bonnes raisons, il faudra m’obéir.

La jeune elfe acquiesça. Puis Atanatar donna le départ, et ils partirent à grand galop. La journée se passa sans incidents, et ils ne s’arrêtèrent qu’à la nuit tombée. Là, ils se nourrirent de galettes. Le Maître hésita à repartir, mais voyant l’état de fatigue du groupe, il décida qu’il serait plus sage de se reposer en cas de combat le lendemain. Il annonça donc qu’ils pouvaient s’installer pour la nuit. Tout le monde alla se coucher, sauf Artanis et Eldarion, qui prirent le premier tour de garde. Ils s’assirent non loin du groupe, la jeune elfe gardant le silence. Elle était toujours intriguée par le comportement de son frère, et n’arrivait pas à être convaincue par les explications d’Eldarion.

Celui-ci, quoiqu’un peu hésitant, passa son bras autour des épaules de sa compagne. Artanis se raidit légèrement, mais ne protesta pas. Ils restèrent ainsi un long moment, contemplant la voûte céleste, serrés l’un contre l’autre. Lorsqu’elle tourna la tête, la jeune femme vit qu’Eldarion la regardait intensément. Elle voulut baisser les yeux, mais fut incapable de se détacher de ceux de l’elfe.  Petit à petit, leurs têtes se rapprochèrent. Lorsque leurs lèvres se touchèrent, une flamme de passion s’alluma en elle, et elle répondit ardemment au baiser d’Eldarion. Leurs mains se joignirent. Ces quelques secondes parurent à Artanis une éternité, et c’est à regret qu’elle s’éloigna du visage de son compagnon. Quand elle le regarda à nouveau, elle s’aperçut qu’il lui souriait tendrement. Avec un petit rire, elle nicha sa tête dans le cou de l’elfe, et ils attendirent la fin de leur tour de garde. Puis ils allèrent réveiller Fëanero et Astaldo, et se couchèrent, toujours l’un contre l’autre. Après un dernier baiser à Eldarion, Artanis s’endormit avec quiétude, pour la première fois depuis longtemps.

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Une main la secouait sans ménagement. Elle sursauta, et s’assit brutalement, se demandant ce qu’il se passait. C’est alors qu’elle rencontra les yeux durs et froids de son frère, qui lui parlait d’une voix neutre :
- Prépare tes affaires, nous levons le camp.

Et il la planta là. D’abord surprise, elle se réveilla complètement, et tous les événements de la veille lui revinrent en tête. Son premier réflexe fut de regarder à côté d’elle. Eldarion était déjà parti. Puis elle s’aperçut que l’aube se levait à peine. Tout en préparant son cheval et saluant ses compagnons, elle repensait au comportement de son frère. Lui, d’habitude si tendre… Depuis deux jours, il semblait maussade, voire furieux… Même ce matin, pas une parole douce, pas un baiser, rien… Elle se décida à aller lui parler, cependant, en arrivant vers lui, elle se sentit mal à l’aise.
- Meneldil, qu’est-ce qu’il se passe ? Qu’est-ce que tu as ?

Il grogna un vague « ce soir… » et la laissa coite. Laurelin vint à côté d’elle et essaya de la réconforter, en lui assurant que cela s’arrangerait. Peu après, Atanatar donna de nouveau l’ordre du départ. Tout en traversant les plaines, Artanis repensait à Meneldil. Son intuition lui soufflait que la manière d’être de son frère était liée à sa relation avec Eldarion. Elle n’aurait pas su expliquer pourquoi, mais elle en était presque certaine. Puis ses pensées voguèrent peu à peu vers les événements de la veille. Elle avait reçu son premier baiser… Ce qui n’était pas pour lui déplaire ! Elle se revit, dans les bras d’Eldarion, leurs cœurs battant à l’unisson, leur passion commune s’enflammant… Lorsqu’elle tourna la tête, elle vit que celui-ci la regardait d’un air tendre, elle rougit.

 Ils galopèrent sans arrêts jusqu’à tard dans la nuit, et la journée se passa sans encombres. En voyant les premiers arbres de la forêt de Phirnet, Artanis se sentit euphorique, tandis qu’un murmure de victoire montait du groupe. Néanmoins, s’ils avaient passé le plus difficile, tout danger n’était pas écarté et ils restèrent sur leurs gardes. De plus, le brouillard était tombé, réduisant quelque peu leur champ de vision. Le groupe s’avança en forêt profonde, laissant les sous-bois derrière lui. Pour plus de sécurité, ils n’allumèrent pas de feu cette nuit-là. Leur tour de garde étant déjà passé, Eldarion et Artanis se couchèrent, et s’endormirent presque aussitôt, serrés l’un contre l’autre, les bras protecteurs d’Eldarion entourant la jeune elfe.

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Artanis, sentant bouger à côté d’elle, se retourna, ouvrit les yeux et se redressa légèrement. Eldarion eut un sourire penaud, l’embrassa tendrement, et s’excusa :
- Désolé, je n’avais pas l’intention de te réveiller. On ne mange pas tout de suite, tu as encore un peu de temps.
- Ne t’inquiète pas, répondit-elle. Mais tu dois vraiment partir ? Tu ne peux pas rester encore un peu ?

Vaincu, l’elfe se laissa retomber, alors qu’Artanis se blottissait contre lui. Ils restèrent ainsi un moment. Quand ils entendirent remuer autour d’eux, ils se levèrent également. Ce ne fut que lorsqu’elle aperçut son frère, que la jeune elfe réalisa qu’ils n’avaient pas pu discuter la veille. Elle voulut aller le voir, mais le Maître l’intercepta :
- Attends ce soir Artanis. Cela vaudra mieux.

Elle obéit, et alla s’installer dans le cercle. Alors qu’ils mangeaient, Atanatar les prévint qu’ils seraient le soir même au pied des montagnes d’Elenwë, et qu’ils devraient donc redoubler de vigilance, car plus ils s’approchaient de la frontière, plus le risque de combat s’agrandissait. Ayant un peu de temps devant elle, Artanis s’occupa de Volondil, qu’elle avait un peu délaissé ces derniers jours. Enfin, ils prirent la route. La matinée passa. Ils ne galopaient plus, la forêt ralentissant leur avancée. Cette fois-ci, ils firent une pause pour déjeuner. Personne ne parlait, chacun restant sur ses gardes. Ce fut dans une atmosphère tendue que le groupe se remit en selle. En fin d’après-midi, alors qu’ils touchaient presque au but, le Maître les fit arrêter, et leur fit signe d’écouter. En effet, ils entendaient des pas et des cliquetis d’armures.

Décidément, même entraînés, les humains restaient bruyants. Ils mirent leurs chevaux à l’abri dans une petite clairière, et décidèrent d’entourer la garnison. Selon Atanatar, ils ne devaient pas être plus d’une dizaine. Le combat ne serait sans doute pas difficile, mais il valait mieux faire attention. Chacun dégaina son arme. Ils approchèrent petit à petit des soldats, jusqu’à les apercevoir, et, silencieusement Findis, Aulendil et elle-même tirèrent une flèche de leur carquois et visèrent. Trois soldats tombèrent à la renverse, et avant que les autres aient pu réagir, trois autres moururent à leur tour. Il en restait six. Avant qu’ils aient pu donner l’alerte, Meneldil, Eldarion, Tauren et Cìrdan passèrent à l’attaque et les tuèrent. La bataille se fit ainsi sans presque aucun bruit. Atanatar découvrit une grotte non loin, où ils entassèrent les corps. Finalement, ils chevauchèrent encore un peu et décidèrent d’une halte dans une clairière, non loin du mont par lequel ils passeraient pour entrer dans le pays. Comme d’habitude, Eldarion allait prendre sa place auprès d’Artanis pour le premier tour de garde, mais le Maître l’intercepta et lui demanda d’échanger avec Meneldil. L’elfe comprit et partit donc se coucher, pendant que Meneldil s’installait auprès de sa sœur, l’air plutôt morose. Artanis entama alors la conversation :
- Peux-tu me dire ce qu’il se passe depuis quelques temps ? Y a-t-il quelque chose que j’ai fait de mal ?
- Non, répondit-il. Ce n’est pas toi, enfin, ce n’est pas ta faute.
- Mais alors ? Qu’est-ce qui…
- Eldarion, la coupa-t-il brutalement. Il ne devrait pas… Il n’a pas le droit…
- …De quoi faire ? D’être plus qu’un ami pour moi ? ! S’exclama Artanis une nuance de colère dans la voix. Qu’est-ce qu’il fait de mal ?
- C’est plutôt compliqué à expliquer. En réalité, à cause de ton… don ou de ta Pierre si tu préfères, tu ne peux pas avoir de relation avec n’importe qui. Seuls quelques rares elfes, qui ont un type de pouvoirs spéciaux un peu comparables aux tiens, mais en moins puissants, peuvent te « convenir » si je puis dire. Si jamais tu avais une relation plus… intime avec un elfe normal, il mourrait par la force de tes pouvoirs ; car ils se transmettent pendant cette relation.

La jeune elfe resta un moment interloquée. Une question lui vint à l’esprit :
- Mais si Eldarion en faisait parti de ces elfes ? Comment le savoir ?
- Ses pouvoirs doivent être déclarés tout simplement. Or Eldarion n’a pas de pouvoirs spéciaux comme les tiens. Ou tout du moins pour le moment, on ne peut pas savoir à l’avenir. Mais il vaudrait mieux pour vous arrêter là. C’est plus prudent.
- Mais comment est-ce que je vais lui annoncer cela ?
- Il le sait. Il faut lui faire prendre conscience du danger. Je vais lui parler. Vous pourrez en discuter après, mais saches que je ne fais pas cela pour vous séparer.

Sur ce, il lui pressa gentiment l’épaule et partit en direction d’Eldarion. Artanis s’effondra dans l’herbe et observa les deux elfes discuter. Elle vit Eldarion s’indigner, s’énerver, puis finalement céder. Personne autour d’eux n’était dupe sur ce qu’il se passait, mais ils préféraient ne pas réagir tout de suite. Une fois qu’il eut fini, Eldarion la rejoignit, et lui proposa d’aller marcher un peu. Elle le suivit. Ils se promenèrent un moment sans échanger un mot. La forêt était sombre, la lune étant cachée par les arbres. Eldarion parla le premier :
- Je suis désolé. Je n’aurai pas dû.
- Non, répliqua la jeune elfe. Tu ne pouvais pas prévoir. Les sentiments ont été plus forts. C’est tout. Mais tu ne crois pas… qu’on pourrait continuer quand même ?
- Non Artanis. Ce n’est pourtant pas l’envie qui me manque, mais ce ne serait ni prudent, ni raisonnable. Et, quoique cela me brise le cœur, si je t’aime vraiment, je dois te laisser partir.
- Alors qu’il en soit ainsi, murmura-t-elle dans un souffle.

Les larmes coulaient silencieusement sur ses joues, et lorsqu’elle regarda Eldarion dans les yeux, il ne put résister à la serrer dans ses bras une dernière fois. Soudain, ils entendirent un bruit dans les fourrés, et aperçurent un groupe d’homme armés en cercle autour d’eux. Eldarion sortit son épée. Artanis était sans ses armes.
- Reste derrière moi ! cria-t-il.
Il commença à se battre. Effrayée, Artanis serra instinctivement sa Pierre dans les mains, et émis un bruit perçant. Puis tout devint noir.

[center:2exfllab]***[/center:2exfllab]

Trois voix chuchotaient autour d’elle. La jeune elfe ouvrit péniblement les yeux, et tenta de se lever, mais devant les vertiges qui la submergeait, elle capitula et se rallongea. Les murmures s’étaient arrêtés. Elle distinguait maintenant son frère, Eldarion et Atanatar à la lueur des faibles rayons de lune. Elle demanda d’une voix mal assurée :
- Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Je me souviens des hommes armés, d’Eldarion qui me défend, puis plus rien.
- Comme tu t’en rappelles vous vous êtes faits attaqués. Eldarion raconte qu’il t’a vu devenir rayonnante, presque translucide et puis une sorte de hurlement, que nous avons tous entendu, est sorti de toi. Apparemment c’était tellement puissant que ceux qui étaient proche de toi sont tombés. C’était peut-être une sorte d’appel à l’aide. Alors nous avons tous accouru, et voyant la situation, nous t’avons mise à l’abri pendant que d’autres se battaient. Puis, pensant que ton cri aurait pu alerter n’importe qui à dix lieues à la ronde, nous avons préféré lever le camp.

Artanis s’aperçut en effet que la clairière n’était plus la même. Le Maître reprit :
- Nous avons tout d’abord installé un brancard, mais comme cela nous gênait pour progresser, nous nous sommes arrêtés à un endroit discret et le plus éloigné possible du combat. Maintenant, il y a une chose que je voulais te dire. C’était pareil pour ton compagnon. Ce que vous avez fait était très imprudent. Je croyais vous avoir demandé, et à toi particulièrement Artanis, de faire attention. Tu as failli te faire tuer ! Déjà le fait que vous soyez éloignés était risqué…
- C’est de ma faute Maître, intervint Eldarion, je n’aurais pas du…
- Non ! explosa Atanatar, en colère. C’est de votre faute à tous les deux. Vous auriez dû prendre conscience du danger autant l’un que l’autre ! Et jeune fille, tu devrais savoir que tu ne dois jamais te séparer de tes armes, règle numéro un si tu veux vivre. Je sais que tu vis un moment difficile, mais de ta survie dépend la notre, et, des gens sont prêts à mourir pour toi. Alors pense au moins à ceux-là, et fais plus attention maintenant !

Artanis ferma les yeux, honteuse. Comment avait-elle pu être aussi égoïste ? Elle s’en voulait et se promit de prendre garde à l’avenir. Le Maître se radoucit alors et l’aida à se relever, lui prodiguant soins et conseils. Quand elle se sentit mieux, Meneldil siffla doucement, et tout le monde se leva à son tour pour partir. Il valait mieux pour eux avancer le plus possible. Peu à peu, le groupe s’aperçut que le chemin devenait plus sinueux et plus pentu, la forêt plus dense. Ils avaient commencé l’ascension du mont Elenwë. Bientôt le danger serait derrière eux.

Il se passa encore quelques jours où le groupe grimpa, souvent difficilement entre les rochers, les pistes boueuses et glissantes, puis enneigées, l’humidité et le froid, les arbres, les buissons, les ronces… Cependant ils ne rencontrèrent aucune troupe de surveillance, grâce à leur prudence et leur discrétion. Arriva enfin un matin. Le soleil commençait à pointer ses rayons d’or. Artanis, grisée par un étrange sentiment de bien-être marchait d’un bon pas, aux côtés du Maître, en tête du groupe. Soudain la jeune elfe ne put avancer plus haut. Atanatar annonça : « Bienvenue chez toi, ma chère enfant ».

Artanis ne put retenir un hoquet de surprise.[/justify:2exfllab]
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Elbereth

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Re: Elessar, La Pierre du Destin
« Réponse #4 le: 15 décembre 2010, 22:29:49 »
[center:3duqqakb]Chapitre cinq[/center:3duqqakb]

[justify:3duqqakb]Herumor tournait en rond dans la vaste salle du château de Lenaik. Thalion, le vrai, était aussi présent. Quand à Lenaik lui-même, il se confondait en excuses auprès de son empereur :
- Vous comprenez Votre Altesse, nous n’avions jamais vu le Prince Thalion avant, et les elfes sont tellement sournois. Nous avions vraiment cru que c’était lui. J’ai bien essayé d’envoyer des hommes à sa poursuite…
- Oui une bande d’incapable qui s’est fait décimée par une femme et deux hommes ! s’écria Herumor furieux. Est-ce que vous imaginez une seconde tout ce qu’Artanis représente ? Elle est la destruction de mon pouvoir ! Je vous l’avais pourtant bien précisé dans ma lettre ! Et vous n’avez rien vu venir ?! Son enlèvement n’aurait pas pu être prévisible ?!

A ce moment, un garde entra essoufflé dans la salle. Voyant le trio réuni, il s’inclina respectueusement, attendant qu’on lui fasse signe. Lenaik réagit le premier :
- Pourquoi ce dérangement soudain ? J’espère que tu as une bonne raison pour être venu ici. Parle !
- Eh bien, je n’ai pas de très bonnes nouvelles… dit l’homme en se relevant prudemment. On m’a rapporté qu’un groupe de gardes s’était fait attaqué prêt de la frontière hier soir. Tous morts. Ce sont nos hommes partis à la recherche du groupe que vous nous avez signalé qui les ont retrouvés, ils ont envoyé un messager immédiatement. Et les flèches que l’on a vues ressemblaient plutôt à celles des elfes. Je crains qu’ils ne soient déjà passés de l’autre côté de mont Elenwë Monseigneur…

Herumor fusilla Lenaik du regard. Il fit comprendre au garde qu’il pouvait se retirer. Lenaik, quant à lui, le remercia d’un signe de tête. Quand il fut parti, Herumor réfléchit un temps, puis prit la parole d’un ton menaçant :
- Mon cher roi Lenaik, j’espère que vous vous rendez compte de l’ampleur des dégâts… Vous avez vécu un certain temps avec Artanis, alors vous allez me rendre service. J’ai besoin de savoir ses points faibles.
- En fait, répondit le roi, un peu gêné, Artanis n’en avait pas beaucoup. Elle était aimée du peuple et de tous les serviteurs, plus que des gens de notre classe. Elle avait un charisme, une bonté et une gentillesse étonnante pour une princesse. Elle sait monter à cheval, tirer à l’arc et manie l’épée mieux que personne.
- Bon ! coupa l’empereur en colère. Il y a bien des gens pour qui elle donnerait sa vie ! Des personnes qui pourraient me servir d’appât, avec lesquels j’arriverais la faire marcher ! Je vous préviens Lenaik, vous m’avez déjà beaucoup déçu, et ce serait dommage que je doive prendre des mesures radicales pour vous punir de votre incompétence.

Le roi déglutit difficilement, se concentra, puis eut un sourire triomphant :
- Il y a sa nourrice, Eléonore, et évidemment sa sœur qu’elle aimait plus que tout.

Mais il regretta tout de suite ses paroles, réalisant ce qu’il venait de dire. Hérumor, lui, eut un rictus malfaisant :
- Bien, bien… Parfait ! Vous voyez quand vous voulez ! Kellyan fera parfaitement l’affaire. Et puisque, mon fils, le prince Thalion n’a pas pu avoir la première de vos filles, il aura donc la seconde, après tout elle est tout aussi jolie. Ainsi, elle nous accompagnera à ma forteresse, et je pourrai prendre Artanis au piège.

Lenaik baissa la tête en signe de soumission, et maudit intérieurement sa bêtise. Il allait perdre sa seule fille ! Thalion n’avait pas l’air vraiment tendre et doux, il craignait pour sa vie. Mais il tenait à la sienne, celle de sa femme, ainsi qu’à son royaume. Il fit appeler Eléonore afin qu’elle aille prévenir Kellyan. Puis il convoqua des valets, et leur dit de préparer les affaires de sa fille pour le soir même. Thalion restait de marbre, ses yeux bleus glacials et ses long cheveux ébènes lui donnant l’air presque effrayant. L’empereur affichait, quant à lui, un air satisfait, qui le rendait encore plus machiavélique, cela fut-il possible. Ils patientèrent ainsi quelques minutes. Enfin, après ce moment qui parut interminable aux yeux du roi, le garde annonça l’arrivée de sa fille. Celle-ci, ne comprenant pas ce qu’il se passait, salua son père et ses invités, le regard un peu perdu. Comme d’habitude, elle était magnifique, rayonnante. Sa grâce égalait avec son charme et son élégance. Lenaik eut encore une pointe de regret pour ce qu’il s’apprêtait à faire. Il prit son inspiration, et, la tenant par le bras, il se lança :
- Ma fille, j’ai une grande nouvelle pour toi. Comme tu le sais, ta sœur était promise au Prince Thalion. Et comme tu le sais aussi, il y a eu un… malentendu, ta sœur étant repartie avec au final deux inconnus… Et dans son infinie bonté, notre Empereur accepte de te donner au prince à sa place, tu partiras donc…
- Ce soir, trancha Herumor. Nous avons tant qu’assez traîné. Certaines affaires du royaume ne peuvent attendre.

Il se tourna vers la jeune fille, qui, quant à elle, affichait un air perdu.
- Mademoiselle, je vous prierai de ne prendre que vos affaires les plus importantes, des valets emmèneront le reste de votre garde-robe et objets personnels. Ah et sachez que comme vous allez être mariée au Prince, celui-ci héritera de votre royaume, ajouta-t-il au roi.

Kellyan se fendit d’une révérence, puis disposa, alors que Lenaik acquiesçait, et saluait l’empereur à son tour. Une fois dans les couloirs, la princesse rencontra Eléonore, et s’effondra dans ses bras.
- Allons, allons ma fille, du calme voyons, du calme ! Que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui peut bien vous mettre dans cet état ?
- Oh, ma bonne nourrice… Je pars ce soir même, l’Empereur et le prince Thalion sont venus me chercher. Je vais devoir épouser le Prince, qui héritera du trône lorsque Père ne pourra plus régner. Il va me falloir quitter cette ville, et vous, ma famille…
- Et bien ma Princesse, allez, voyez le bon côté des choses : vous allez vous marier à un bon parti, vous avez un avenir assuré. Même si d’un premier abord, cela peut vous paraître dur, peut-être qu’au final, ce sera bénéfique pour vous.
- Puisses-tu avoir raison, je l’espère aussi.

Elle se redressa alors, retrouva sa démarche assurée et partit d’un pas décidé vers appartements, suivie par la nourrice. Une fois-là bas, elle s’empara de son châle, d’une besace élégante, où elle mit ses objets les plus chers. Puis elle embrassa sa chambre du regard, et partit. Comme il lui restait peu de temps, elle monta simplement sur les créneaux, et s’imprégna de la ville dans laquelle elle avait grandi. Elle pensa à tous les bons moments qu’elle avait vécu ici, et l’image de sa sœur lui apparut. Ainsi donc, Artanis avait disparu… Kellyan espéra qu’elle était en sécurité, son intuition lui souffla que sa cadette avait pris un chemin bien différent du sien. Le visage de Thalion lui revint à l’esprit. D’une beauté froide, il paraissait accepter la situation sans sourciller, mais ne manifestait aucune émotion. Comme cela, il avait l’air mauvais. Mais peut-être se trompait-elle. Après quelques minutes de recueillement, la jeune princesse descendit, et rejoignit son père, son futur époux ainsi que l’empereur dans la cour. Sa mère aussi était présente. Elle serra ses parents dans ses bras, et embrassa tendrement sa nourrice. Puis, elle se tourna vers l’empereur, et annonça :
- Je suis prête Monseigneur.
- Bien, répondit celui-ci. Dans ce cas je vous invite à monter dans le carrosse.

Le Prince salua le couple royal d’un léger signe de tête, puis accompagna Kellyan. Quant à Herumor, il s’adressa au roi :
- J’espère pour vous et pour votre fille qu’Artanis sera rapidement hors d’état de nuire. Mais ne vous inquiétez pas, je vous ferai parvenir les invitations au mariage !
Et il partit dans un éclat de rire cruel. Giliane se rapprocha de son mari, qui passa un bras autour de ses épaules. Ils regardèrent s’éloigner le carrosse qui emmenait leur seule fille très loin d’eux, le cœur plein de tristesse et de crainte.

[center:3duqqakb]***[/center:3duqqakb]

Le voyage fut long et épuisant. Après plusieurs jours de traversées cahoteuses et de courtes nuits, ils arrivèrent enfin à la capitale. Kellyan, qui avait essayé d’engager la conversation avec son futur époux, sans grand succès, se tut lorsqu’ils aperçurent la ville. Keldel, sa cité natale, lui paraissait minuscule à côté de celle-ci. Des milliers de maisons, tantôt en chaume et en paille, tantôt en pierres entouraient un immense château, de couleur noire, installé sur une butte. Les tours semblaient toutes vouloir atteindre le ciel. Trois enceintes séparaient le château en lui-même de la Basse-Ville. Cependant, il n’y avait dans cette cité aucune couleur éclatante, tout étant fait de gris et de noir. Les gens étaient, pour la plupart, renfermés, on sentait un sentiment de crainte planer dans chaque rue. Plusieurs fois, ils croisèrent des passants, qui s’empressaient de saluer le carrosse royal. Les chaussées, pavées, formaient un véritable labyrinthe, un dédale d’artères, de rues et de ruelles. Un long moment passa avant qu’ils n’atteignent le château, et Kellyan tenta de ne pas se laisser imprégner du caractère sinistre qui avait l’air de s’être totalement installé à la capitale.

La jeune femme regarda Thalion. Il n’avait presque pas décroché un mot depuis leur départ, cependant, il ne cessait de l’observer discrètement. Elle n’osait se l’avouer, mais elle était effrayée. Soudain, le carrosse s’arrêta brusquement, et la porte s’ouvrit sur un Herumor ravit :
- Ma future belle-fille, bienvenue dans notre belle et sombre capitale ! annonça-t-il dans un sourire cynique. J’espère que vous avez aimé le voyage.

Elle hocha doucement la tête en signe d’assentiment. Ils descendirent, et Kellyan leva les yeux. Elle se sentait toute petite à côté de cette immense bâtisse. Certaines tours se perdaient dans les nuages.
- Bien, fit l’empereur. Je vois que vous appréciez à sa juste valeur votre nouvelle demeure. Un des serviteurs va vous conduire à vos appartements, le Prince et moi-même ayant fort à faire pour l’instant. Nous vous retrouverons ce soir, pour le dîner.

Et sur ce, il fit volte face, et partit, suivit du fiancée de la jeune fille. Un homme se présenta à elle. Grand et maigre, les lèvres pincées, un nez droit et fin, et de petits yeux glacials, il se tenait, aussi raide qu’un bâton de bois.
- Je suis Rogor, votre majordome. Veuillez me suivre, je vous prie.

Sans ajouter un mot de plus, il se retourna et avança. La princesse n’eut d’autre choix que de le suivre. Elle passa tout d’abord la grande porte, qui faisait au moins trois fois sa taille. Le couloir dans lequel elle arriva était démesuré. De là partait des dizaines d’autres couloirs et escaliers. Cependant, aucune décoration n’était accrochée au mur, tout était vide. Et au fond, on pouvait apercevoir une autre grande porte, en or massif celle-ci.
- La salle royale, commenta le majordome d’une voix neutre. Où sa majesté reçoit ses délégations, et donne les grandes réceptions.

A un moment donné, il tourna sur la gauche, montant un escalier. Quatre étages plus haut, et quelques couloirs passés, ils arrivèrent à ses appartements. Qui se composaient d’une grande chambre et d’un petit salon. Comme le reste, tout était vide de décoration. La jeune femme frissonna. L’homme parla d’une voix neutre :
-Vous pouvez disposer de vos appartements comme vous le souhaitez, je viendrai vous chercher pour le dîner. Soyez habillée comme il se doit.

Il fit volte-face et repartit vers les couloirs sombres… Se retrouvant seule, la jeune fille s’assit sur le lit, et des larmes coulèrent sur ses joues. Sur le coup, elle en voulut à Artanis de l’avoir mise dans cette situation. Mais peu à peu, la colère laissa place à la tristesse… Elle ne se sentait pas chez elle. De plus, ses affaires ne seraient pas là avant quelques jours, et en attendant, elle devrait se vêtir d’habits qui n’étaient pas les siens, étrangère à ce nouveau royaume, à cette nouvelle vie. Soudain, une femme d’âge assez mûr, la quarantaine estima Kellyan, apparut frappa à la porte restée ouverte. La jeune fille détourna la tête le temps d’essuyer ses yeux, puis dit, d’un ton qu’elle espérait stable :
- Entrez…

La femme avança. Elle paraissait froide de prime abord, mais lorsqu’on détaillait mieux son expression, elle était simplement timide. Pas très grande, et plutôt mince, elle avait l’air fragile. Des cheveux bruns-grisonnants, raides, ramenés en chignon, encadraient de grands yeux gris, un petit nez fin et une bouche légèrement crispée, le tout lui donnant un air craintif.  Elle était vêtue d’une simple robe marron, serrée à la taille par une ceinture de cuir. S’inclinant, elle salua la princesse d’une voix douce et légère :
- Ma Dame, je me présente, Myriam, votre femme de chambre. Je loge dans la chambre attenante à vos appartements, et si vous avez quelque besoin que ce soit, n’hésitez pas à m’appeler.

Kellyan s’était mise debout, et fit signe à la domestique de se relever. Elle réussit à sourire et prit un air avenant.
- Chère Myriam, je suis enchantée de faire votre connaissance, et heureuse de votre compagnie. Je dois vous avouer que cela fait du bien de voir enfin un visage chaleureux en ces lieux froids et austères. Pardonnez mon jugement peut-être hâtif de ce château, mais je n’en ai vu jusqu’ici que peu de convivialité…
- Non, je vous comprends Dame. Il y a des moments où l’on ne se sent guère bien entre ces murs. Mais je tâcherai de vous rendre la vie plus colorée, si c’est là ce que vous souhaitez...

La gouvernante avait parlé moins « protocolairement » et avait l’air plus détendue. Un sourire était même venu éclairer son visage, la rendant jolie ainsi. Les deux femmes semblaient faites pour s’entendre. La princesse se sentit d’un coup moins seule. Elle fit quelques pas, et s’approcha de la petite fenêtre de sa chambre. Le soleil se couchait, inondant l’horizon de ses rayons ardents, rendant le paysage dévasté de la ville presque beau. Elle soupira, c’était bientôt l’heure du souper. Se retournant vers sa compagne de chambrée, Kellyan l’interrogea :
- Quelle robe croyiez-vous que je devrai porter ? Je n’ai rien à moi ici, et je n’ai aucune idée du « comme il se doit » de l’Empereur et du Prince…

La femme grimaça, et acquiesça. Elle se dirigea vers la grande armoire de chêne et l’ouvrit tout en grand. Il apparut alors une garde-robe fournie, avec des robes toutes plus provocantes les unes que les autres. Mais chacune étaient parées pour être mises par une princesse… Farfouillant un peu, Myriam finit par en choisir une, un petit air triomphant sur le visage. Elle la sortit et se retourna pour la faire voir à Kellyan. D’un sombre bleu-nuit, le tissu semblait fait de soie, et échancrée au niveau de la poitrine, la robe descendait en V derrière. Des perles d’argents ornaient le décolleté ainsi que la taille. Enfin, l’ourlet du bas et celui du bout des manches amples étaient cousus d’un tissu doré, dessinant des formes entremêlées. Hochant la tête, la jeune femme sourit, montrant son approbation.
- Ni trop, ni pas assez. Merci beaucoup. Je vais la passer de ce pas.

Baissant humblement le regard, la gouvernante lui tendit la robe et la princesse se dirigea derrière les paravents. Là, elle essaya le vêtement qui lui allait à ravir. Elle sortit et entendit une exclamation étouffée de la domestique :
- Princesse, vous êtes magnifique…

La remerciant à nouveau, Kellyan se tourna vers le miroir. En effet, elle était amincit par la couleur sombre, et les perles à la taille l’affinaient encore un peu. Elle fit volte face et regarda comme elle put son dos, quasiment entièrement apparent. On voyait la fin de ses omoplates et sa colonne vertébrale bien dessinée. Puis elle s’assit alors que la gouvernant la coiffait d’un chignon compliqué et lui fardait légèrement le visage. La jeune femme se saisit du diadème d’argent et le posa sur sa tête. Puis, ouvrant sa boîte à bijoux, elle en sortit une chaîne d’argent avec un saphir comme pendentif. Elle se leva et alla s’observer une dernière fois dans la glace. Satisfaite, elle fit un petit sourire :
- Je crois que je suis prête.
- Une vraie reine de la nuit ma Dame !

« Et qui cadre parfaitement avec le décor… » Pensa Kellyan. Alors qu’elle s’affairait à ranger son peu d’affaires, un coup sec fut frappé à la porte. D’un hochement de tête, elle fit signe à Myriam d’ouvrir, laissant apparaître l’affreux majordome. Un rictus cynique déforma ses lèvres et il ricana :
- Je vois que vous avez compris ce que l’Empereur attend. Suivez-moi, vous êtes attendue pour le dîner.

Avec un dernier regard pour sa domestique, la Princesse afficha un air froid et distant, redressa la poitrine, et pris une position la plus royale possible. Elle voulait fermer le caquet à cet insolent personnage. Prenant une voix dédaigneuse, elle l’observa de haut :
- Bien… Comment avez-vous dit déjà… ? Ah oui ! Rogor. Eh bien que diable ! Qu’attendez-vous pour m’y conduire, nous devrions déjà y être ! Ah et cessez de sourire ainsi bêtement, cela vous donne un air idiot.

Complètement surpris par ce changement de comportement, le serviteur pâlit, ouvrit la bouche interloqué, et une grimace de colère imprégna son visage. Il retint juste à temps une réplique cinglante, se rappelant sans doute sa position inférieure. Tournant le dos sans davantage de cérémonie, il avança d’un pas encore plus raide qu’à l’accoutumée. La jeune femme entendit un tout petit rire derrière elle, celui de Myriam. Elle aussi était très amusée par la scène, mais elle se garda bien de l’afficher, se sentant observée par les différents domestiques du palais, alors qu’elle avançait plus encore dans le château. Au bout de quelques minutes, ils arrivèrent devant une grande arche, qui donnait directement sur une salle immense, déjà pleine. Trois tables différentes étaient remplies. Un brouhaha léger s’élevait, et alors qu’elle observait les différentes personnes présentes, le majordome s’éclaircit la voix, et annonça froidement :
- La Princesse Héritière de Keldel, Dame Kellyan Barens !

Le bruit se mua en murmures, avant de mourir. Tous avaient les yeux levés sur elle. Se sentant rosir, la jeune femme de se départit pas de son sang-froid et salua l’assemblée d’un signe de tête, avant de prononcer un clair et distinct :
-Bonsoir.

L’Empereur lui-même se leva et alla à sa rencontre, alors qu’elle descendait les escaliers. Il semblait manifester une joie exagérée, tandis qu’elle distinguait un éclair de cruauté dans son regard. L’elfe noir s’exclama :
- Eh bien ma chère, je vois que vous avez trouvé de forts seyants habits ! Mes amis, je vous présente ma future belle-fille !
Quelques ricanements s’étaient échappés, presque aussitôt remplacés par des applaudissements, et félicitations au Prince. Mais tout cela n’était qu’une mascarade, Kellyan le sentait. Tous ici craignaient Herumor et lui vouaient en même temps une grande admiration. Elle suivit l’Empereur et s’assit à sa droite, face à son futur mari. Qui affichait toujours cette beauté glaciale. Un léger sourire de circonstance vint cependant étirer ses lèvres, et il murmura presque :
-Vous êtes très en beauté ma chère future épouse.
-Merci, répondit-elle, soutenant son regard.

Puis ses yeux dérivèrent vers les autres convives. Personne n’osait vraiment relancer les conversations et quelques brefs regards et paroles s’échappaient ici ou là. L’elfe noir rit bruyamment avant de relancer :
-Hé bien mes chers amis ! Nous fêtons ce soir les fiançailles de mon fils ! Un peu plus d’enthousiasme s’il vous plaît ! Et que les musiciens viennent nous divertir !

Un groupe d’instrumentistes arriva, et tandis qu’on commençait à servir les plats, ils entonnèrent une mélodie enjouée. Alors le brouhaha reprit comme à son arrivée. Pendant qu’ils mangeaient, plusieurs questions lui furent posées, auxquelles elle s’efforça de répondre avec un sourire. Heureusement qu’elle avait plus l’habitude des mondanités que sa sœur, et n’était pas embêtée par les protocoles et toutes les bonnes manières. Elle ne s’amusait pas comme chez elle, c’était certain, mais se retrouvait d’un côté dans un élément connu. La jeune femme se sentit moins mal à l’aise, mais restait tout de même méfiante face à ces gens, car elle se doutait que tous n’étaient pas honnêtes face à elle. Soudain, la question fusa :
-Et pour quand est prévu le mariage ?
-Le mois prochain ! Le temps d’avoir toutes les réponses aux invitations et de terminer les préparatifs !

C’était l’Empereur qui avait répondu. La Princesse eut un bref instant de surprise avant de se reprendre extérieurement. Intérieurement, elle réfléchissait. Un mois ! C’était si peu… Mais déjà les choses avaient dues être prévues depuis un moment… Sauf que l’épouse avait changée. A la place d’Artanis, c’est elle qui allait s’unir à Thalion. Sa sœur lui manquait à cet instant. Plongée dans ses pensées, elle n’entendit pas qu’on lui parlait, et secoua la tête en s’excusant, puis répondant à une nouvelle question. Tout d’un coup, les musiciens entamèrent une valse. Elle vit le Prince se lever sous le regard de son père, et s’avancer vers elle. Il s’agenouilla, tendit la main, et demanda d’une voix dénuée d’émotions :
-Dame Kellyan, ma Dame, m’accorderiez-vous cette danse ?

La Princesse eut une seconde d’hésitation, et hocha la tête en répondant :
-Mais bien évidemment, Prince, avec plaisir.
Elle avait gardé le même ton protocolaire que lui, et il leva un sourcil, avant de l’entraîner sur la piste. Plutôt bon danseur et pas très brutal, la jeune femme fut surprise. Cependant son regard restait glacial. Ils dansèrent plusieurs minutes seuls, à se jauger l’un l’autre. Puis d’autres couples rejoignirent les fiancés. Alors qu’ils valsaient, elle l’entendit chuchoter :
-Vous bernez tout le monde avec votre air d’aisance. Mais pas moi. Je vois bien que vous n’êtes pas bien, et qu’au fond vous avez peur.
-Et ai-je raison d’avoir peur ? Demanda-t-elle sur le même ton.

Il se contenta de la regarder sans rien dire. Kellyan frissonna. Elle avait du mal à le cerner, à savoir ce qu’il était vraiment. La musique s’arrêta avant de reprendre sur un nouveau morceau. Tout le monde changea de cavalière, et elle se retrouva ainsi avec un comte petit et bien portant. Il discuta presque joyeusement pendant toute la durée de la danse. Elle rencontra ainsi plusieurs personnages plus ou moins important du royaume, quand l’Empereur lui-même vint prendre sa main :
-Vous ne refuserez pas une valse à votre futur beau-père ?
-Non Sire, je vous en prie.

Alors qu’ils enchaînaient de nouveaux pas, la jeune femme sentait son regard froid et calculateur la scruter. Il parla finalement d’une voix qu’il voulait innocente :
-Au final, je suis heureux de cette petite mésaventure, car je pense que vous ferez une meilleure reine que votre sœur. Vous êtes sûrement mieux préparée à ce genre de place.
-Artanis n’était pas destinée au trône Majesté, répondit-elle méfiante. Nous n’avons donc pas eu tout à fait la même éducation, il est vrai. Cependant, elle sait les bonnes manières et ce qu’il convient de faire dans ce genre de soirée.
-Oh je n’en doute pas ! A ce propos, vous avez peut-être eu de ses nouvelles ? Vous a-t-elle écrit ? N’êtes-vous pas trop inquiète quant au sort qu’auraient pu lui réserver ses ravisseurs ?

Diantre, il tentait de lui soutirer des informations ! Elle répondit posément :
-Non je n’ai malheureusement pas reçu de missives de sa part, sans doute est-elle dans l’incapacité de le faire. Et je ne sais que penser de cet enlèvement.

Apparemment, sa sœur avait l’air important aux yeux d’Herumor. Quel véritable secret cachait donc Artanis ? En tous cas, elle était sûre que si sa cadette avait pu lui écrire, elle l’aurait fait. Au final, peut-être était-elle plus en sécurité à présent qu’elle-même… L’Empereur la contempla un moment pensif, avant de la laisser à un nouveau cavalier. La soirée se termina doucement, sans incident. Peu à peu, chacun se retira, les femmes surtout. Kellyan se leva à son tour, et salua les personnes restantes. Alors qu’elle tournait les talons pour tenter de retrouver ses appartements, une main se posa sur son épaule. Faisant volte-face, elle découvrit Thalion :
-Très chère, permettez-moi de vous raccompagner jusqu’à chez vous, vous pourriez vous perdre tant le château est grand.

Elle ne sut que penser de cette proposition, et hocha simplement la tête. Le Prince marchait à ses côtés, droit, silencieux. Lorsqu’ils parvinrent à la porte de sa chambre, le semi-elfe lui prit les poignets et la tourna vers lui. Il ne lui avait pas fait mal, cependant, ses réflexes lui avaient fait faire un pas de recul. Une flamme de colère passa dans les yeux de Thalion et il chuchota :
-Pourquoi me craigniez-vous ?

Apeurée, Kellyan ne put répondre. Alors, il se pencha vers elle et l’embrassa, fermement et doucement à la fois. Puis il se recula, lui jeta un dernier regard, et s’en fut. A moitié hébétée, la jeune femme resta un instant immobile avant de reprendre ses esprits, et de pousser la porte, un peu perdue. Myriam l’attendait. Voyant l’air surpris de sa maîtresse, elle lui demanda comment s’était passé la soirée. Pensive, la Princesse chercha un peu ses mots avant de lui raconter le tout, sans faire part de ses sentiments vis-à-vis d’Artanis cependant. Elle voulait être sûre de la loyauté de sa gouvernante avant de tout lui confier. Celle-ci lui commenta telle ou telle personne de la cour, mais ne sut que penser du comportement de Thalion. C’est ainsi que Kellyan se coucha, l’esprit en ébullition. Elle mit un moment avant de trouver le sommeil, et c’est en se disant qu’il faudrait vraiment rendre la chambre moins austère, que finalement, ses yeux se fermèrent.[/justify:3duqqakb]
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »