«Je suis certain que tu ferais une infirmière parfaite, ma colombe.»
Malgré son sourire, il était impossible de manquer la petite pointe de moquerie dans le commentaire de Wylan. Il ne doutait pas que Jehanne puisse faire preuve de douceur et de compassion, mais clairement, elle était bien plus habituée à infliger des blessures qu'à les soigner. Ce qui ne le dérangeait nullement. C'était agréable de discuter avec quelqu'un qui pouvait comprendre, dans une certaine mesure, ce qu'impliquait son travail.
Il écouta Jehanne raconter ses déductions avec une admiration teintée de honte. S'il avait correctement fait son travail, elle n'en aurait jamais rien su. Ou plutôt, la garde aurait reçu l'ordre d'intervenir une fois les preuves rassemblées. Mais il s'était planté. En beauté.
: Ça doit bien t'arriver une fois ou l'autre! Une sur vingt? Sur trente peut-être? :
: Chaque erreur est une erreur de trop. J'aurais pu y passer. :
: La situation était particulière... :
: Moui... :
Une seule chose le réconfortait, c'était d'imaginer la tête des gens qui avaient appris au matin que l'Attitré avait traversé la ville en toute urgence pour une affaire aussi triviale. L'attitude de Fitz, par contre, était des plus habituelles.
«Ah ça... Bouclette qui se précipite en ville et qui participe à un combat, c'est pas fréquent, c'est certain. Il n'a pas été très discret sur le coup. Et je crois qu'il a eu très peur.»
Pour lui, avant tout.
Un doux l'empêcha de repenser, pendant à temps, à la raison profonde de cette peur. Il préféra se concentrer sur ses lèvres et son corps contre le sien. Mais Jehanne restait une professionnelle avant tout, et malgré son tact, il ressentit son envie d'en apprendre davantage.
Wylan n'était pas certain de vouloir en parler. Mais le moment n'était pas pire qu'un autre, et mieux valait se débarrasser de cette corvée au plus tôt.
«Mhhh... si tu as envie d'entendre l'histoire d'un fiasco, oui...»
Il lui prit la main et la guida jusqu'au vieux fauteuil moelleux où il s'assit avant d'installer d'autorité la garde sur ses genoux. Il se figea un instant, surpris du naturel avec lequel il avait agi. Depuis quand se montrait-il aussi... familier?
« J'imagine que tu as entendu parler de ces overdoses et autres crises de délire, dans les bas-quartiers? Après une rapide enquête, j'ai découvert quel produit en était responsable et qui le fournissait. J'ai donc décidé d'aller voir de plus près. J'avais fait des repérages, et d'après mes observations, il n'y avait qu'un seul homme à l'intérieur de l'entrepôt. Je me suis donc infiltré pour en apprendre davantage. Disons que... ce n'était pas une bonne idée. Tu vois, un des effets secondaires de cette drogue, c'est qu'elle rend l'esprit parfaitement imperméable. Donc invisible pour mes Dons. À l'intérieur, je suis tombé sur un mec, le planton, je pense, qui bien évidemment était aussi consommateur. Je ne l'ai pas repéré avant de tomber nez à nez avec lui.» Et là était sa plus grosse erreur. Tellement habitué à se fier à ses Dons, il en avait oublié les règles élémentaires de l'infiltration. «Il a donné l'alerte et... disons que soudain ce charmant tête-à-tête s'est transformé en une sacrée orgie.» Il la gratifia d'un sourire un peu désabusé. «Bouclette a réalisé que j'étais dans la mouise, alors il a sauté sur Taver pour venir me porter secours. Et concernant le capitaine Fitz, je crois qu'il passait simplement par là. À nous trois, nous n'avons eu aucun mal à régler le problème...Mais question discrétion, on a vu mieux.»
Il avait passé sous silence l'essentiel. Il y reviendrait. Plus tard.