Le sourire de Dyalwen s’affermit un peu lorsque Méra lui répondit, même si l’idée véhiculée par ses paroles n’était pas franchement réjouissante. Les courbatures ne lui étaient évidemment pas inconnues et ne faisaient clairement pas partie de ses expériences préférées… Mais c’était prévisible. La rouquine n’eut toutefois pas le temps de hocher la tête pour signifier à son instructrice que, oui, elle était prête, que celle-ci passait à l’action. Mais, malgré la surprise, la Grise résista sans trop d’effort. Méra avait raison : la position qu’elle avait adoptée était bien plus stable que la précédente. C’était un peu comme trouver sa place sur le dos d’un cheval pour ne pas être déséquilibrée au moindre mouvement…
… et, comme sur le dos d’un cheval, la position ne faisait pas tout. L’habitude et la musculature jouaient une part non négligeable dans l’équilibre, et Dyalwen se sentit vaciller au deuxième coup de la Blanche. Elle serra les dents et se contracta, au point de sentir ses muscles protester, mais réussit à rester debout. Mais l’approbation de Méra lui permit de se détendre et de relâcher un peu la tension, et elle hocha la tête, pour montrer qu’elle prenait note de la conclusion – il fallait travailler – et des consignes suivantes. Elle suivit le geste de la Héraut et jeta un œil au miroir qu’elle n’avait même pas encore remarqué. Un miroir si grand, c’était… inhabituel – pour ne pas dire incroyable – et, de prime abord, elle l’avait juste pris pour une perspective plus grande.
Son attention revint tout entière sur Méra quand celle-ci commença l’enchaînement. Ses mouvements étaient si fluides que la Grise doutait de pouvoir l’imiter un jour.
Tu n’as pas su monter à cheval en un jour, souligna Tisia dans son esprit.
Je sais…
Mais ça remontait à tellement loin… À présent, l’équitation lui était aussi familière que la marche. Mais Tisia avait raison – Évidemment – et il était de toute façon hors de question de se décourager.
« D’accord, » répondit donc la rouquine aux explications de Méra, avant de se mettre à l’exercice.
Imitant son instructrice, Dyalwen s’efforça donc de reprendre la position qu’elle avait mis si longtemps à trouver précédemment, avant de projeter son poids vers l’avant, comme l’avait fait Méra. Évidemment, le premier essai ne fut pas vraiment probant et, entre la position de garde qui ne lui était pas encore familière, le changement d’appui qu’elle ne maîtrisait pas bien et le poids de la lance, elle manqua de trébucher. Mais elle reprit son équilibre et revint à sa place, les sourcils froncés, concentrée sur les mouvements de la Héraut et bien décidée à les copier correctement. La deuxième fois, elle prit donc le temps de décomposer ses mouvements, qui furent évidemment plus lents, mais elle conserva sa stabilité. La troisième fois aussi. Ignorant l’échauffement que provoquait le frottement du bois dans la paume de sa main ou la tension dans ses épaules et son dos, elle s’apprêtait à renouveler l’exercice une quatrième fois, en tâchant de le faire un peu plus vite, lorsque Méra reprit la parole pour lui poser une question.
Coupée dans son élan, la Grise trébucha et prit appui sur sa lance pour ne pas tomber.
« Il n’est pas méchant, » protesta-t-elle.
Bon, certes, le Héraut du Roi était loin d’être aussi chaleureux ou amical qu’Enora ou Méra… Contrairement aux deux femmes, ou même à Isabeau, elle ne se voyait pas l’appeler par son prénom et encore moins le tutoyer. Mais de là à la qualifier de « pas commode »… ! Il était impressionnant, mais pas autant que Grand-père. Ou… pas de la même façon, en tout cas.
« Ça se passe bien… Je ne m’imaginais pas capable de rester à écrire pendant des heures, mais c’est intéressant, reconnut-elle sans préciser qu’elle était également contente d’être utile. Normalement, c’est plutôt mon frère qui aime les livres et les parchemins, moi je préfère m’occuper des chevaux. »
Au grand dam de Mère et de Grand-père.
Elle reprit sa place, près de Méra, prête à répéter l’exercice.
« Mais je ne pensais pas que j’aurais à apprendre à manier une lance un jour. Ça fait beaucoup de changement en peu de temps. »
Heureusement, avec son emploi du temps, elle n’avait pas trop le temps de s’arrêter pour évaluer tous lesdit changements.