[justify:23yut5br]Ah... La question de sa provenance. C'était LA question. Celle qu'elle éludait souvent comme si elle n'avait pas entendu ou comme si elle ne comprenait pas. Souvent ça passait. Les rares fois où on s'y intéressait vraiment, elle secouait la tête, disait que c'était trop petit pour que les gens connaissent et bien souvent, ça suffisait. Mais elle ne pensait pas que ça marcherait cette fois si. Elle ne pouvait pas feindre de n'avoir rien entendu et si elle n'avait pas compris, elles lui redemanderaient, évidemment. Elle ne savait juste pas trop bien comment elles pouvaient leur répondre, partagée entre l'envie d'être parfaitement honnête avec les deux femmes face à elle et celle de rester fidèle à sa famille et de ne donc rien révéler à leur sujet. Elle secoua cependant la tête. Ce n'était pas un secret qu'elle n'était pas de Valdemar.
« Non, je suis pas née ici. Je viens un endroit loin au sud. Mes parents, je crois ils savent, mais ils sont partis loin aussi. C'était mieux, ils ont dit... »
Enfin écrit. Un endroit loin au sud, c'était le mieux qu'elle avait trouvé, et elle baissait à nouveau le nez, pas très désireuse de devoir essayer de préciser plus encore où était précisément cet endroit. Quant à ses parents, elle ne savait guère quoi dire de mieux, elle restait consciente qu'il y avait peu de chances qu'elle eût à nouveau des l'occasion d'en savoir plus à présent. Ils ne reviendraient sans doute plus, maintenant. Et comme elle craignait, malgré la douceur que la Ménestrelle tentait d'y mettre, que la sécheresse de la voix de cette femme eût une incidence sur ce qu'elle pensait d'elle et de ses réponses, elle n'osa guère relever le regard tout de suite. Elle n'eut guère d'autre choix, cependant, quand la Barde lui demanda directement de lui faire signe si elle ne comprenait pas ce qu'elle lui disait, ce à quoi l'enfant hocha à nouveau la tête. Elle aimait bien la sollicitude de la femme qui cherchait sans doute à la mettre un peu plus à l'aise. Ou en tout cas moins mal à l'aise. Un sourire timide sur les lèvres, elle la regarda prendre en main un instrument de musique dont elle ignorait le nom, qu'elle tendit à sa camarade, prête à jouer. Le silence régna encore un instant pourtant, tandis que la Barde commençait ses explications.
Vivre de la musique. Rien que l'idée illuminait à nouveau le regard de la fillette. Elle avait du mal à concevoir comment ce pouvait être utile, pourtant, chez elle, ça ne l'était assurément pas. Qu'on payât pour être ainsi distrait, c'était surréaliste pour elle... et magnifique. Et puis apporter les informations, elle comprenait. Même si elle fronça les sourcils. En tant que page aussi, elle amenait des informations à droite et à gauche, pourquoi la musique alors ? La réponse vint aussitôt, avant que Margareth cherche son assentiment. Une nouvelle fois, elle hocha vigoureusement la tête.
« Je comprends... je crois. C'est plus facile se rappeler une chanson que juste une conversation, hein ? »
Pour elle, c'était certain, mais de là à savoir si c'était pareil pour les autres... Elle restait particulièrement admirative du fait qu'on s'intéresse ici réellement à la musique, et qu'on ne minimisait pas du tout le bien que ça pouvait faire - dans son petit coeur à elle, c'était indéniable mais de là où elle venait, c'était bizarrement perçu. La Ménestrelle, donc, fit « de la musique qui voulait dire quelque chose », et la mélodie emplit la pièce. Tallulah ne comprenait pas forcément tout le texte, mais les sentiments qui se dégageaient du jeu de la femme ne lui échappaient pas, et son visage en témoignait sans le moindre doute. La mélancolie l'enveloppait, et ses yeux plein d'étoiles s'humidifiaient quelque peu. Ce n'était pas comme si elle n'était pas hyper-sensible, après tout... Quand elle s'interrompit pour lui donner quelques explications supplémentaires sur son travail, la brunette sourit. Protéger la musique. C'était tellement beau à ses yeux... Pourtant, elle n'était pas au bout de ses surprises, bien loin de là. L'autre femme avait repris l'instrument, et reprenait la même oeuvre, dans un autre registre, donc, qui n'échappa pas à la fillette, mais elle n'eut guère le temps de s'intéresser à ce point de détail. Toutes les émotions du morceau semblaient avoir décidé d'entrer en résonance avec elle, faire vibrer tout son être. Et les larmes coulèrent, bien qu'elle ne fût pas réellement triste en soi. « Juste » émue comme elle ne l'avait jamais été de sa vie. Ou en tout cas, elle n'avait pas le souvenir de l'avoir jamais été autant. Elle jouait avec les émotions, donc. Dans la tête de la petite fille, des perles brillantes représentant les émotions se retrouvaient tissées sur une jolie toile qui devait représenter la musique. Elle sécha ses larmes, souriant toujours au milieu d'elles. Si elle n'avait pas été en position de « test », sans doute qu'elle se serait exclamée d'un « whaou ! » sans la moindre équivoque.
« Oui, je comprends. »
Les trois cases se formaient dans sa tête, et elle se demandait sincèrement si elle pouvait inscrire son nom dans l'une d'elles... ou plusieurs ? La question trottait à présent dans sa tête et elle n'avait absolument aucune idée de la réponse... mais c'était pour ça qu'elle était là, n'est-ce pas ? En attendant, une nouvelle interrogation lui était adressée par la Ménestrelle - elle se répétait ce mot en boucle à chaque fois que ses pensées repartaient vers la femme en question.
« Je sais pas jouer, mais je veux bien chanter, si vous voulez. Enfin je connais pas vraiment les mots mais je peux faire la musique... »
Elle n'avait jamais eu un instrument dans les mains à vrai dire, alors forcément, elle n'imaginait pas pouvoir en tirer d'aussi belles choses que les femmes face à elle à l'instant. Quant à donner de la voix... Elle pouvait faire, normalement, mais elle n'avait jamais vraiment eu l'occasion de mettre de vraies paroles sur les mélopées qu'elle fredonnait. Ca poserait problème ? Elle espérait que non... En tout état de cause, voilà que c'était l'instant de vérité, alors... Elle dévisagea tour à tour la Ménestrelle et la Barde, un cran d'anxiété supplémentaire sur ses petites épaules.
« J'y vais, hein ? »
Un instant de silence encore, et puis elle ferma les yeux. Ce serait sans doute plus facile si elle arrêtait de chercher des réactions dans leurs regards - d'autant qu'ils lui semblaient particulièrement insondables. Alors elle se décida à ouvrir la bouche, comme si elle n'était pas là en fait, comme si elle était dehors, pendant un moment libre, ou tiens, comme quand elle rangeait les affaires dans l'armoire de la Guérisseuse qui l'avait poussée à venir ici. C'était le mieux qu'elle pouvait faire, et au fur et à mesure que les notes s'égrenaient et que sa voix cristalline emplissait à son tour la pièce, il fut évident qu'elle se détendait réellement, emportée par sa chanson sans parole, une mélodie douce, un peu nostalgique, mais qui semblait tout de même laisser transparaître quelques notes d'espoir. Elle ne pouvait pas dire clairement ce qu'elle chantait, si c'était quelque chose qu'elle avait entendu au cours de ses pérégrinations ou si ça sortait juste comme ça, de son coeur. Elle se laissait porter, tout simplement... et ne réalisait plus vraiment le temps qui passait.[/justify:23yut5br]