"Tu es en sécurité ici."
Mina était reconnaissante à Beltran de le lui répéter. Pas qu'elle en doute, elle avait confiance en lui, mais la confiance ne chassait jamais totalement la peur. La peur à cause des mauvais souvenirs, mais aussi la peur de l'inconnu, cet inconnu vertigineux qu'il lui faisait découvrir.
Elle réclama du vin, parce que c'était aussi une bonne façon d'occuper ses mains et son temps. Il répondit volontiers à sa demande et lui tendit un verre, sans s'en servir pour lui. Tient donc, le Capitaine serait-il si angoissé qu'il ne voudrai pas embrouiller ses pensées et ses gestes? C'était rassurant de se dire qu'elle n'était pas seule à crever de trouille et d'envie.
Pour sa part, Irmingarde apprécia tremper ses lèvres dans la boisson, ne serait-ce que pour calmer sa gorge sèche.
"Merci."
Sentir les lèvres de Beltran se poser sur sa main la fit frissonner de plaisir. C'était pourtant une caresse innocente et cela laisser présager à quel point Mina pouvait être réceptive, pour peu qu'elle soit un minimum sereine.
Beltran reprit ses caresses et ses découvertes de son corps. Un corps qu'ils découvraient ensemble. Armé de sa lavette, il continua, en douceur, à la laver. Mina avait une conscience aiguë du moindre centimètre carré de peau qu'il effleurait au travers du tissus humide. Elle appréciait terriblement ça, et elle espérait qu'il le sentait, à défaut qu'elle le lui dise. En même temps, elle avait aussi beaucoup de mal à comprendre les réactions de son corps, submergée par les sensations qui ne cessaient d'affluer.
Quand Beltran effleura sa poitrine, elle eut l'impression d'être traversée par une décharge électrique qui la fit légèrement sursauter. Ce fut très rapide et le contact lui manqua presque instantanément.
Puis il la rinça à grand renfort d'eau, refroidissant sa peau brûlante,et Irmingarde reprit son souffle pour essayer de relâcher la pression, se concentrant sur les légères caresses qu'il faisait sur sa nuque.
Mais ses efforts se révélèrent vains quand il réduisit à rien l'espace de sécurité qu'elle avait laissé entre eux, se coulant contre elle. La jeune femme eut un hoquet de surprise.
"On ne panique pas, on. ne. panique. pas." se répéta-t-elle.
Et en fait, elle n'en eut pas le temps, car Beltran lui demanda comment elle allait, monopolisant ses pensées sur sa question plutôt que sa peur. C'était habile de sa part, même si pas entièrement efficace.
"Ca... va, oui" croassa-t-elle, tendue.
Avant de plonger dans ce bain, alors qu'elle était contre lui en sous-vêtement, elle avait aimé que leurs peaux se touchent. C'était toujours le cas, mais là, il n'y avait vraiment plus aucune barrière pour l'empêcher de sentir parfaitement combien les choses devenaient sérieuses. Mina aimait bien les barrières, c'était rassurant. Là, elle n'était pas rassurée, pas du tout.
Quand il caressa son bras, elle se rendit compte que le verre qu'elle tenait dans la main s'était légèrement fêlé, sans toutefois la blesser. Lentement, elle contorsionna son bras pour le reposer sur le tabouret, dans un tintement léger. Au même moment, de l'autre main, Beltran effleurait un de ses seins sans le toucher vraiment, et elle mordit sa lèvre inférieure d'anticipation. Sa main droite à nouveau libre agrippa le rebord de la baignoire et les flammes des bougies environnantes gagnèrent un centimètre de hauteur en plus, l'espace d'une seconde, sans qu'elle s'en rende compte. Et enfin, il caressa sa poitrine entièrement et là, il fut impossible à Mina de retenir un râle de plaisir autant que de soulagement, qui la surprit et la fit rougir de honte.
"Désolée..." s'excusa-t-elle.
Mais elle avait beau se sentir mortifiée d'être aussi... démonstrative, elle se sentait incapable de se taire. Les mouvement de son corps lui échappaient et elle accentua de ce fait la pression qu'elle exerçait contre Beltran. Son souffle bruyant rebondissait comme un écho entre les murs de la salle de bain, et toute au plaisir nouveau qu'elle découvrait, elle ne se rendit compte que tard jusqu'où s'était aventurée l'autre main de son amant. Paniquée, sa main gauche plongea sous l'eau pour l'arrêter, mais au dernier moment, elle dévia la trajectoire de son bras et sa main se posa alors sur la cuisse de Beltran.
Elle se répéta qu'elle avait confiance en lui, et que jamais il ne chercherait à lui faire de mal, ou à l'obliger. Il voulait juste son bien. Il lui avait promis. Promis des bons souvenirs. Et Beltran de Greenhaven ne faisait pas de promesse à la légère. Il savait de quoi il parlait, il ne s'aventurait pas avec cette assurance tranquille dans quelque chose qu'il ne maîtrisait pas.
Cette confiance totale en lui ne l'empêchait pas d'être déchirée entre plusieurs choses. Le plaisir de ses caresses sur sa poitrine, son angoisse, ses paroles, sa gêne d'être aussi expressive, la sensibilité de l'endroit où il la touchait à présent, et son désir à lui, qu'elle sentait contre son dos.
Résultat, pendant une très longue minute, elle ne sentit plus rien, comme si les sensations s'étaient éteintes, que son corps s'était bloqué.
Puis lentement, ses sens se réveillèrent. Elle entendit de nouveau sa voix. Il lui disait de se détendre, de profiter, de prendre du plaisir, qu'il lui appartenait.
Lui.
Lui appartenir.
Lui qui appartenait en premier lieu à son pays.
Comme elle.
Ce soir, cette nuit, les priorités changeraient parce qu'il l'aimait.
Elle essaya de reprendre le contrôle d'elle-même, de s'ancrer quelque part et, tournant légèrement la tête, elle trouva ses yeux. Elle y puisa un peu de tranquillité, et assez de certitude pour respirer profondément, se laisser aller lentement.
C'était... surprenant.
Mina était tout simplement abasourdie de ce que Beltran arrivait à lui faire ressentir avec de telles caresses. Jamais elle n'aurait imaginé qu'elle puisse apprécier, et pourtant... pourtant c'était diablement agréable. Ça courrait sous sa peau, remontait le long de sa colonne vertébrale, emballait son cœur mais ça la détendait aussi. Elle se félicitait d'avoir rétorqué à Thalyana qu'elle refusait de découvrir ça seule. C'était intense de le vivre entre ses bras. Et elle refusait de savoir ce que ça pourrait être sans lui. Elle essaya de lui faire comprendre en souriant timidement.
Elle finit par fermer les yeux, bougea un peu contre lui pour enfouir son visage dans son cou. Elle préférait être ainsi, pour étouffer contre sa peau son souffle erratique qui se transformait en légers gémissements. Sa main gauche, toujours sur sa cuisse, s'ouvrait et se refermait presque en griffant sa peau, cherchant à s’accrocher quelque part. Ses pieds semblaient avoir déclarés leur indépendance, agités de spasmes.
Sous les mains expérimentées mais douces de Beltran, Mina perdit la notion du temps, tout absorbée par ce qu'elle ressentait. Elle commençait à se sentir à l'étroit dans son propre corps, qui se montrait impatient d'une chose qu'elle ignorait, mais qui se trouvait à sa portée, elle le savait. Une chose qui montait progressivement sans qu'elle sache comment l'arrêter. Elle avait conscience que le but était justement de lâcher prise, totalement. Elle savait qu'elle pouvait devenir vulnérable entre ses bras sans que rien de dangereux ne lui arrive, elle savait, elle sentait même que ce serait tout le contraire. Mais ce n'était pas à sa sécurité qu'elle pensait, c'était à celle de Beltran. A cet instant, Irmingarde se sentait incapable de différencier son plaisir ou son don.
C'était dangereux.
Mais c'était incontrôlable.
"Beltran je..."
Trop tard. La violence de ce qui la traversa fit arcbouter son corps contre celui de Beltran et si elle resta silencieuse, ce ne fut que parce que son souffle se bloqua sans sa gorge. Tremblante, elle se laissa choir contre le Capitaine, essayant de redescendre sur terre. Quand sa tête arrêta de tourner, elle se rendit compte que l'obscurité était plus marquée, et vit que les chandelles avaient tout simplement fondues.
Oups.
Son corps fut secoué par un léger rire puis elle s'inquiéta:
"Ca va? Je ne t'ai pas... fait mal?"
Les bougies n'avaient pas résisté à l'intensité des flammes qu'elle avait amplifiées, et elle espérait ne pas l’avoir brûlé par inadvertance.
Wow.
Elle ne savait pas trop ce qu'elle venait de ressentir, mais c'était... elle n'avait même pas de mot pour le définir.
Le corps sensible à l'extrême, presque trop, Mina se décolla de lui, glissant à moitié, se rattrapant aux parois de la baignoire. Elle se tourna, face à lui, en équilibre sur ses genoux. Gênée, elle n'osait pas le regarder dans les yeux. Son regard rencontra le tissus mouillé avec lequel il avait commencé à la toucher, et elle l'attrapa, ainsi que le pain de savon qu'elle frotta dessus avec application, toujours sans le regarder.
Et puis, précautionneusement, elle tendit le bras pour frotter ses épaules, puis son torse. Elle ne savait pas si elle s'y prenait bien. Elle n'osait pas aller plus bas.
Elle reposa la lavette et se mit à le rincer. Quand les dernières traces de savon eurent disparues, elle fit courir le bout de ses doigts sur ses pectoraux, comme il l'avait fait sur son bras.
Le bain était tiède à présent.