-Je ne sais pas si c'est l'aide qui était de taille ou l'affection de Marta, qui lui a fait penser que Jon aurait voulu me léguer cette montre. Et à vrai dire, je n'avais aucune idée du prix d'un tel objet. C'est avant tout une valeur sentimentale pour moi.
Elle sourit, un peu penaude de porter quelque chose de valeur ainsi, sans le savoir. Elle hocha la tête, y notant dans un coin où elle pourrait retrouver la jeune noble. Un peu surprise, elle releva :
-Oh, tu es mariée ? Il y a longtemps ?
Dans un signe de négation, elle répondit dans un sourire :
-Non ce n'est pas indiscret !
Elle réfléchit un instant.
-Je suis partie, d'abord parce que dans mon petit village la Magie n'était pas forcément appréciée. Disons qu'on ne voyait pas le potentiel que ça pouvait apporter au quotidien. Mais je ne savais pas que j'étais Douée jusqu'à ce que j'arrive ici en fait. Je crois que je voulais découvrir le monde surtout. On ne voyait que très peu d'étranger, même si le pays s'était davantage ouvert qu'auparavant. Je me souviens d'un marchand, une fois quand j'étais petite. Il venait de Valdemar. Et quand j'ai entendu parler de ce pays merveilleux, avec les Hérauts, les Guérisseurs, les Mages... qui résonnaient comme des choses extraordinaires dans mes oreilles d'enfants. J'ai toujours su alors, qu'un jour j'irai. Et voilà.
La jeune femme était une nomade dans l'âme. Elle aimait voyager, faire de nouvelles rencontres, découvrir de nouveaux lieux, de nouvelles cultures. Mais à Haven, elle avait trouvé un lieu cosmopolite, qui réunissait tellement de personnes d'horizons différents, que prendre un verre à la Rose des Vents suffisait pour voyager hors de Valdemar. Alors tant qu'elle s'y plaisait et qu'elle sentait que sa place était ici, elle restait. La question suivante lui demanda encore un peu de réflexion.
-On peut créer à partir de la matière première, mais pas la créer non. On peut influencer le temps qu'il fait, créer des illusions, mêler des matières pour en former une nouvelle, ça oui. Mais l'utilisation de la magie est complexe et dangereuse si on ne connait pas ses limites. Et les limites à ne pas franchir de manière générale je dirais.
Le regard de Kate sur ses mains n'échappa pas à la mage qui, si elle n'était pas gênée, se sentit rosir légèrement. Heureusement, Kate lui posa une nouvelle question, qui lui permit d'enchaîner assez rapidement.
-Pas seulement. Je travaille surtout avec des représentations mentales. Les mains viennent parfois en appui, sur des gestes précis, tout comme les incantations.
Puis elle écouta sa réponse, intéressée. En effet, la brune semblait animée de passion alors qu'elle évoquait son travail et la Compagnon l'imagina sans peine les cheveux retenus par un ruban, en train de travailler gracilement sur de toutes petites pièces.
-En tous cas, tu en parles avec beaucoup d'entrain de ton métier, ça donne vraiment envie de venir voir ces magnifiques objets que tu crées. J'admire, je ne suis pas sûre que je saurais être assez patiente, ni assez adroite pour exercer un savoir-faire comme le tien !
Non pour ce qui était du manuel, Elbereth n'était clairement pas la plus douée. Elle s'en sortait mille fois mieux une épée entre les mains ! De nouveau elle intercepta le regard de son interlocutrice, ou plutôt la direction qu'avait pris son regard... et ne s'y attendant pas, elle sentit de nouveau ses joues chauffer. Vite trouver un moyen de reprendre contenance.
-Tu disais que tu voudrais voyager... Où aimerais-tu aller ?
Ouf. Ceci dit, et étrangement, l'intérêt que semblait lui porter Kate ne la laissait pas indifférente. Sinon elle n'aurait pas réagi ainsi, avec cette ... timidité là. D'une part, elle avait peu l'habitude qu'on s'intéresse à elle. Et d'autre part encore moins que cet intérêt émane d'une autre femme. Enfin, peut-être se trompait-elle, mais ces regards... Elle frissonna, mue par une certaine... envie, de poursuivre cet échange non verbal. Mais elle se sentait pataude, maladroite et presque comme une enfant en fait. Ce qui a trente ans, était un comble.