Mina avait beau déclarer qu'elle détestait être une sorte de légende, il fallait qu'elle admette que ça lui faisait tout drôle qu'on ne sache pas qui elle était ! A bien y réfléchir, c'était même très appréciable.
"Pas besoin d'excuse, c'est reposant, quelqu'un qui ne me connait pas."A sa remarque sur Ezarel et elle, elle lui sourit gentiment puis écouta son explication sur sa retraite, et son refus d'en parler plus. Son regard, son attitude, sa voix... Trsitan lui fit beaucoup de peine et Mina se sentit sincèrement désolée pour lui et désireuse de l'aider. Elle n'était pas très démonstrative, ou tactile, et pour la première fois, elle le regretta un peu. Elle le comprenait aussi, ce qui ne serait peut-être pas le cas pour un non Héraut. Il s'était isolé, et pourtant, n'avait jamais vraiment été seul.
Mais ca ne suffisait clairement pas.
Son Compagnon lui transmit ce qu'Eryk avait bien voulu lui dire, et Mina tiqua. Tristan avait certes besoin d'une soeur de Cercle pour l'écouter, mais surtout d'être suivi par un Guérisseur. Quoiqu'il arrive, et quoiqu'ils finissent par de dire sur cette route, elle en ferait le rapport à Alem.
Ce ne fut pas elle mais Eryk qui décida qu'ils devaient s'arrêter dans le village voisin. Elle fut amusée et rassurée de voir que Trsitan était malgré tout bien surveillé. Elle le laisse négocier à l'auberge, sincèrement admirative de sa façon de parler et d'obtenir ce qu'il désirait. Un vrai diplomate, c'était certain !
En tant que Héraut, Mina était rarement mal reçu dans les villages et bourgades, mais l’accueil ici fut vraiment cordial. On s'était fait du soucis à cause des feux, et on était rassurés. Les Compagnons furent particulièrement chouchoutés, et Ezarel fit savoir à Mina combien elle était heureuse de son traitement.
Autour de la table qui leur fit attribuée, Tristan se montra plutôt curieux et bavard, et cela tira à Mina un petit rire amusé.
"Rien que ça ?! Alors laisse-moi réfléchir à la situation avant que je ne quitte Haven. Sur les nouvelles élections, je dois avouer que je ne sais pas grand chose. Ce n'est pas vers moi que les nouveaux gris se tournent pour trouver des réponses alors..."Elle enfourna une fourchette de son plat délicieux dans sa bouche puis la pointa vers celle de Tristan, lui déclarant, la bouche à moitié pleine:
"Je préfère te prévenir. On ne sortira pas de cette table tant que je ne t'aurai pas vu manger correctement. J'ai peut-être pas l'air comme ça, mais je peut être redoutable pour obtenir ce que je veux."C'était dit avec un peu d'humour mais Irmingarde était on ne peut plus sérieuse. Tristan avait besoin de se remplumer d'urgence, et elle allait y veiller. Il était peut-être plus vieux qu'elle, mais des deux, elle était de toute évidence la plus raisonnable. Et avant d'être Héraut, elle avait été responsable des Pages, et grande sœur esclave. Donc gérer des "j'ai pas faim", elle savait.
"Sinon, Saskia a eu son uniforme blanc. Je crois qu'elle fait sa probation dans les tribunaux. Je ne l'envie pas. Quant au roi, je ne saurai pas trop quoi en dire. Il est assez discret. Ce qui a beaucoup à voir avec Alemdar. Franchement, dans le genre surmené, je ne sais pas comment il fait pour tenir debout. Et Wylan..."Elle réfléchit à comment décrire le Héraut, tout en dévorant la moitié de son assiette. Pouvait-elle dire qu'il était son ami ?
"C'est particulier. Ce qui m'a le plus marqué chez lui, c'est quand il a décidé de m'apprendre de gré ou de force à maîtriser mon bouclier. Toi qui le connais, tu sais combien il peut se montrer impitoyable... Mais je le fréquente surtout parce qu'il est le cousin du Capitaine Beltran. Du coup, pour répondre à ta question, je fréquente donc Beltran, et essentiellement la Héraut Archivite Isabeau, qui est ma cousine, et son clan familial, les De Girier. Et Méra, qui a été ma mentor. Je crois bien que c'est tout."La qualité plutôt que la quantité, et ça lui allait très bien.
Avec précaution, elle l’interrogea lui. Elle ne voulait pas remuer de mauvais souvenir.
"Et toi, tu as été absent longtemps, qui as-tu envie de revoir?"Elle se doutait bien qu'il crevait d'envie de revoir son amant perdu, et elle ne pouvait pas lui en vouloir. Mais s'il voulait aller de l'avant, il fallait aussi qu'il envisage avec plaisir de revoir ses anciennes relations. Et si Mina elle-même le comprenait, étant donné son handicap social, c'est dire si c'était essentiel.
Elle but une grande gorgée de bière - elle avait fini par apprécier cette boisson finalement - et rajouta:
"En tout cas je sais que bon nombre de nos frères et soeurs sont ravis de te revoir bientôt. Tu as manqué au cercle, Tristan."Mina n'était pas réputée pour ses grands discours ou ses envolées lyriques, et même dans l'intimité de son couple, elle n'avait jamais fait de grandes déclarations à Beltran. Ce qu'elle disait à Tristan était donc assez exceptionnel.
Après s'être assurée que Tristan avait ingéré un minimum de nourriture, elle monta s'écrouler dans sa chambre en oubliant qui elle était et où elle était tant elle avait besoin de sommeil.
***
Elle retrouva Tristan le lendemain autour d'un solide petit déjeuner. Elle avait pu profiter d'une salle de bain plutôt correcte, ce qui, après des décades de bain dans de l'eau froide souvent pleine de cendre, était une vraie bénédiction et avait mis Mina d'excellente humeur.
D'un froncement de sourcil, elle invita Tristan à suivre aussi ce matin son conseil d'hier, à savoir, manger.
Elle n'avait malheureusement pas fini ses œufs au plat que la porte de l'auberge s'ouvrit à grand fracas sur une petite foule matinale.
"Gerald! On nous a dit qu'il y avait des Hérauts par chez toi?!"L'aubergiste n'eut pas le temps de répondre que l'homme qui avait posé cette question avisa Mina et Tristan.
"Hérauts! C'est une chance que vous soyez-là ! Je réclame justice pour ma fille!"Une petite femme brune entre deux âges - sa femme ? - s'avança, tenant le bras d'une gamine qui ne devait pas avoir plus de quinze ans et qui semblait mortifiée.
Derrière eux, on voyait se débattre un jeune homme plus âgé, immobilisé par deux gaillards.
Mina lança un regard lourd de sens à Tristan et recourut, pour la première fois avec lui, à la parole par l'esprit:
:Ca, ça sent l'histoire de coeur qui a dérapé...:La suite lui donna raison. Le père de la jeune fille désigna son ventre et déclara:
"Il a mis ma fille enceinte et y veut pas assumer !" Miséricorde...
En tant que Héraut, Irmingarde avait autorité pour juger ce genre de cas, mais ne l'avait jamais fait. La guerre avait fait office de probation, et sur le chemin vers l'Ouest, on lui avait demandé une seule fois d'user de son titre, pour marier un couple trop impatient, ce qui l'avait hautement amusée.
Là c'était autre chose, et elle préféra s'en remettre au spécialiste de la région et de la diplomatie. Après tout, cela le remettrai aussi en selle non ?
:Je n'ai jamais fait ça Tristan. Je te laisse prendre la main? Ca me permettra d'apprendre comment fonctionne un tribunal populaire:Je te laisse lancer la préparation de ce tribunal, je jouerai les accusés/coupable ensuite
On pourra faire des post court pour que ce soit plus simple.