[Guerre avec Rethwellan] Je vous en met trois tranches?

[Héraut Alemdar]

La guerre ravageait le sud de Valdemar depuis deux ans. Alem en avait entendu parler l'hiver précédent. Avec les tenants et les aboutissants qui l'accompagnaient l'usurpateur Rethwellan, qui avait chassé l'héritier légitime du trône et l'héritier qui tentait de le reconquérir avec l'aide de Valdemar. Son sang n'avait fait qu'un tour. Parce que si pour sa compagnie de mercenaire, il était le Grand Alem, il avait été un jour connu comme étant Alemdar, fils de Gedric, Roi de Rethwellan. Fils de la cuisse gauche, entendons-nous bien. A peine majeur, il s'était barré du panier de crabes qu'était la Cour. Mais tout de même, l'héritier spolié, s'il était le fil de l'autre salope de Reine, était son frère. Et Alem s'était senti obligé de rejoindre les rangs de Valdemar. Accompagné de sa meilleure amie Katy, il était remonté vers le nord, via Karse pour éviter les combats et il avait rejoint les armées Valdemaranes dotées de solides recommandations. Il avait intégré l'armée, Katy les rangs des guérisseurs et ils s'étaient jetés tête baissée dans la guerre.

Et c'est ainsi, grâce à ses bonnes idées et à son sens du devoir fraternel qu'il se trouvait là, encerclé en compagnie d'un Héraut par une belle poignée de traitres Rethwellans.

Super. Une bonne journée.

Un premier larron chargea le bâtard, le plus loin possible du Compagnon. Moins peur de son épée que des sabots du cheval et le la hache du cavalier? Grossière erreur. L'épée bâtarde du mercenaire lui ouvrit le ventre et le diaphragme, le laissant tomber, en essayant d'aspirer frénétiquement un peu d'air dans ses poumons mutilés.

Il y eut un léger blanc parmi les soldats ennemis.

[Fitz]

: Mon élu, il y’a un homme là-bas qui a pas l’air en forme :
: Il a croisé la route d’Alem ?:
: Il a croisé la route d’Alem :

Fitz éclata de rire.
Il était sur le front depuis 2 ans. Plus pour sa capacité musculaire et la forte impression qu’il faisait sur le dos de Fedora avec sa hache, que pour ses attributs de Héraut. Mais il faut dire que lui et Fedora sur un champ de bataille, ça dépotait sévère. Mais pour être honnête il ne s’était jamais autant marré sur les champs de bataille que depuis qu’Alem était parmi eux.

Il y avait toujours un petit nouveau chez les ennemis qui se disait « soyons malin attaquons les mercenaires, et fuyons le Héraut, on pourra s’en charger à la fin » et à chaque fois ça finissait pareil. Coupé en rondelle par un Alem peut être plus bourrin que Fitz lui-même, et ce n’était pas peu dire.

En général ça laissait un froid sur le champ de bataille. Et une fois encore il y eu un gros blanc. Et pour une fois ce n’était pas Fitz.

:Bon ma belle tu es en forme aujourd’hui ? On a du travail:
:Tu peux clairement dire que tu as encore envie de risquer ta vie et la mienne au passage :
:Mauvaise humeur ?:
:J’ai parfois l’impression que je suis comme ta hache pour toi :
:Voyons ma belle tu sais que tu es bien plus. :

Le compagnon semblait titiller dans sa curiosité ce qui plaisait à Fitz

:Tu es mon plus bel outil de travail :

Elle balança une ruade de réprobation avant de foncer en avant, laissant la hache de Fitz trainer le long de son flanc, creusant un sillon dans le sol à chaque foulée.

:Tu es incorrigible :
:Mais c’est toi qui m’a choisi

La hache de Fitz se releva d’un seul coup accompagné par une ruade de Fedora pour augmenter la puissance du coup, emportant avec elle un homme qui s’envola avant de s’écraser plus loin au centre de ses compagnons. Enfin en tout cas pour la première partie de son corps. On retrouverait peut être les membres plus tard… Ou pas.

Fedora en retombant écrasa le crâne de l’homme le plus proche en retombant, qui franchement n’avait vraiment pas demandé ça, soufflant de tous ses naseaux.

- Alem ! Celui qui en tue le plus se fait offrir les prochaines boissons par l’autre ?

:Tu peux vraiment pas t’empêcher de le défier ?:
:C’est la meilleur partie du truc ma belle :
:Certes mais on pourrait mourir si tu ne te concentres pas :
:Alors je mourrai au côté de celle qui compte le plus pour moi… Toi:

Il avait marqué un point, et il le savait. Son compagnon tourna la tête pour plonger son regard dans le sien un instant, avant de foncer de nouveau vers le groupe le plus proche.

[Héraut Alemdar]

Alem et Fitz formaient vraiment une bonne équipe. Comme s'il avait entendu un signal, le Grand Alem s'écarta de Fedora et les laissa, elle et son elu, massacrer deux gars. Et le defier.

"C'est pas juste, elle joue pour toi! Je marche que si on divise votre score par deux!"

Un larron se permit d'attaquer pendant cette cruciale discutions. Alem se retourna souplement et lui entailla la cuisse de l'épée. Quand il se fut effondré a terre, il planta son épée entre deux vertebres de cou et acheva ainsi le malotru:

"Tu permets, je parle."

Il se tourna de nouveau vers Fitz:

"Alors, ca te va?"

Puis il se tourna vers la masse , leva son épée et chargea. Un larron tomba sous sa lame mais les autres s'éparpillèrent.

"C'est quoi ces manières. Revenez vous faire découper!"

[Héraut Irmingarde]

La champs de bataille vomissait plusieurs choses en grandes quantités.
Bruit, poussière, sang...

Au milieu de ce capharnaüm, on pu voir arriver au grand galop une grande brune aux cheveux couvert de terre. Sa jument, blanche à une époque, avait les muscles tremblant.
Irmingarde flatta l'encolure d'Ezarel, compagne de guerre qu'elle s'était offert lors de sa montée en grade dans sa Compagnie, puis regarda les cadavres autour des deux hommes qu'elle avait rejoint. Son collègue, Alem, et un Héraut détonnant, Fitz.
Quand ces deux-là étaient ensemble, ils ne pouvaient pas s'empêcher de se lancer des défis.

"Vous faites quoi là, un concours de celui qui a la plus grosse?"

Elle détacha de son poignet un lien en cuir dont elle se servit tant bien que mal pour attacher sa masse de cheveux puis fit un grand sourire.

"Non parce que si c'est une histoire de nombre de victime, encore, j'ai bien peur de vous battre, encore."

A ce moment-là, un énorme BOUM se fit entendre et la terre trembla. Une retentissante explosion suivie de flammes plus hautes qu'un homme venait de faire de très gros dégât dans les lignes adverses.
Sur le visage sale de Mina, beaucoup de fierté.
On l'appelait l'Artificière.

[Fitz]

: J’aurai peut-être dû choisir Alem, lui au moins il reconnait mon talent :
: Boudeuse:
: Jaloux ?:
:Toujours :

Une main sur le menton, semblant réfléchir, il abattit sa hache qui s’écrasa sur le crâne d’un homme à proximité l’arme au clair qui avait un instant caressé l’espoir de blesser Fedora, puis il se retourna sans regarder le cadavre, vers Alem.

-Pari tenu ! Même si c’est un peu cruel de dissocier un Héraut de son compagnon, je t’accorde cette règle !

Dit-il d’une aire faussement dramatique, comme si Alem avec sa proposition venait de percer son petit cœur fragile d’une flèche acérée.

Et alors qu’il allait foncer de nouveau dans le tas pour augmenter son score, une vois familière retentit. Et alors qu’elle finissait de parler, Fitz se bouchait déjà les oreilles. Fedora aurait fait de même si elle avait pu lever ses sabots.

Et boum.

Il aurait bien voulu savoir ce qui l’attirait autant dans tous les trucs qui faisait pshtt, boum, bim, patatra, et autres capharnaüms qu’aucun humain normal, ou pas, appréciait.

Et excepté son corps et ses courbes qui étaient à faire exploser n’importe quelles hormones d’un homme un tant soit peu attiré par la gente féminine, elle était loin de ce qu’on pouvait imaginer d’une femme à explosion.

: Je te rappelle que je suis là :
:Quoi ? Avoue quand même qu’elle a des courbes à faire se pâmer le plus droit des hommes non ?:
:Ce que je peux dire en tout cas, c’est que vu ta facilité à te retrouver accompagné la nuit, tu as déjà trouvé bien pire que cette demoiselle :
:Jalouse ? :

Fitz soupira et se tournant vers Alem.

- Je te propose que si on compte pas mon compagnon, on compte pas les jouets qui font du bruit de la demoiselle ici présente ! Ce serait bien plus équitable !

Avant de recevoir la volée d’injure qui ne manquerait pas d’arriver de part et d’autre, le Héraut s’élança vers l’avant, la hache au clair, tranchant à peu près tout ce qui échappait aux sabots et aux dents de Fedora. Dans son sillage des moitiés d’hommes, et tout le monde savait qu’une moitié d’homme, ça se battait mal.

[Héraut Alemdar]

Alem gloussa aux faux airs blessés de son compagnon d'armes, puis il alla raser de très prêt un zozo qui s'était trop approché.

Soudain, il prit conscience qu'il tuait des conscrits rethwellanais. Des compatriotes à lui, des sujets de son frère. Des pauvres bougres qui n'avaient probablement pas eu le choix de leur camp dans cette guerre.

Mais un champ de bataille n'était pas le lieu pour de la sensiblerie. Il était mercenaire et apatride depuis qu'il avait quitté la cour avec Katy. Il n'avait pas de compatriotes, il avait des frères d'armes. Il enfouit sa sensiblerie en lui et reprit sa concentration blagueuse. À temps pour voir sa collègue débarquer.

"Mina! Tu peux pas jouer, tu les fais par lot!"

D'une main leste, il envoya une dague de lancée dans la carotide d'un type qui faisait mine de s'en prendre à Ezarell.

"On met pas la main à la croupe des Dames."

[Héraut Irmingarde]

Mina fit mine de réfléchir, la bouche pincée, et admit:

"Bien, faisons comme au marché où les choses sont moins chères par lot, comme les treize œufs à la douzaine. Disons que 3 victimes pour moi comptent pour deux, qu'en pensez-vous ?"

Elle tourna vivement la tête pour voir tomber celui qui venait d'essayer de l'attaquer par derrière.

"Ho, merci Alem"

Sur ce, elle sorti de sa besace quelques sachets rempli d'un mélange de sa composition qu'elle enflamma rapidement avant de les lancer vers leurs assaillants, enfin les survivants. Et dans ces cas-là, mieux valait ne pas rester trop loin, car si Mina savait concocter de détonnant cocktails, elle n'était pas vraiment réputée pour savoir viser.

D'une pression des cuisses, elle ordonna à sa jument de partir au galop. D'une main, elle tenait les rênes, de l'autre, une épée courte pour se défendre en cas d'attaque plus proche.

"On se retrouve au campement?"

Et elle disparu dans un nuage de poussière.

[Fitz]

Fitz se retourna juste à temps pour voir Mina continuer à lancer des trucs qui faisaient des petits morceaux de ses adversaires.

Puis il sembla perdre le fil de ses pensées un instant . Fedora lui sauva la mise en écrasant deux adversaires qui s’approchaient. Et en les éloignant un peu du point d’impact des engins de Mina

:Concentre-toi s’il te plait :
:Désolé une absence :

*Boum1*

:Oui j’ai bien compris que tu aurais bien aimé être à la place d’Ezarell :
:On peut même plus avoir d’intimité :

*Boum2*

Avant de se relancer en avant, il hurla une dernière phrase à Alem

-On peut leur mettre la main à la croupe si elles sont consentantes ou ça aussi c’est interdit ?

Lançant Fedora au galot, il se mit debout sur son dos, et sauta de tout son poids sur le tas d’homme le plus prêt. Sa hache s’écrasa au sol et découpa un homme en deux. Fedora couvrant les arrières de son lié, en envoya deux valser plus loin à coup de sabot. Ça aurait pu bien se passer si les pierres du coin n’avaient pas rencontré leurs têtes. Fitz souriait en relevant sa hache.

-J’accepte les termes de la dame. En avant Alem, y’a des bières qui nous attendent

Fitz continua son chemin, laissant sa hache énorme tracer un trajet dans les rangs adverses.

Quand il montait sur Fedora ils étaient impressionnants, comme tout Héraut à dos de son compagnon. Mais une fois sur le sol, libre sur tous les axes, lui et elle… Ils étaient inarrêtables, féroces, sauvages.
Ils formaient un balai étrange. La grâce des mouvements de Fedora, combinée à la sauvagerie de Fitz. Le don de prescience qu’il avait, lui permettait d’éviter une grande partie des attaques qui leurs étaient destinées, et il prévenait immédiatement sa Liée de son prochain mouvement, de sorte qu’à chaque moulinet de hache, celle-ci passait toujours seulement à quelques centimètres de Fedora qui attaquait sur l’angle mort, rendant leur duo particulièrement imprévisible et redoutable.

Les termes du pari décidé par Alem n’étaient pas innocents, il le savait, Fedora faisait autant de dommage que Fitz sur un champ de bataille. Elle était partie intégrante de leur tactique développée au fil des combats. Pour chaque homme tranché, Fedora en mettait un autre hors combat.

Certains Hérauts étaient diplomates, professeurs, espions, beaux parleurs, rendaient la justice, où aidaient les gens. Lui il était là pour gagner des batailles. Il était envoyé pour gagner des guerres.
Ils ne faisaient pas dans la finesse, et ce n’est pas ce qu’on lui demandait à Haven.
Découper, décourager, et faire fuir l’adversaire, voilà ce qu’on leur demandait. Et ils s’y employaient avec une minutie implacable.


Depuis qu’il avait été nommé, il avait fait une seule chose : remporter des batailles pour Haven. 

[Héraut Alemdar]

"Ça marche, Mina!"

Et elle se remit à faire péter des trucs. Alem décida de s'éloigner de sa trajectoire.

Une dernière pique de Fitz lui parvint:

"Si la Dame est d'accord, ça vous regarde!"

Puis l'accalmie dont ils avaient profité pour leurs bêtises cessa. La bataille redevint dense et dangereuse. Alem passé de concentration blagueuse à concentration tout court. Il tranchait, coupait, massacrait comme si sa lourde épée bâtarde ne pesait rien. Ah, son épée, l'un des derniers cadeaux de son père qu'il avait conservé. Il en avait camouflé la poignée ouvragée sous une couche de cuir pour ne pas tenter les indélicats, mais c'était toujours celle de Papa.

Papa. Tué par un usurpateur.

Le bâtard hurla et laissa sa rage , sa colère et sa tristesse transparaitre. Il se mit à frapper comme si chaque conscrit était personnellement responsable de la mort de son père.

Il finit la bataille épuisée et pas particulièrement calmée. Il avait tué, aujourd'hui. Beaucoup. Assez pour battre les deux autres zozos. Mais cela ne lui rendrait pas son père. Cela ne lui rendrait même pas son frère, qui devait l'avoir oublié depuis longtemps. Douze ans.

Doucement, il rentra dans sa tente, celle qu'il partageait avec Katy. Katy. Sa compagne de fuite, sa meilleure amie, qui n'avait pas hésité a quitté une place confortable pour le suivre sur les routes. Il défit son armure de cuir et entreprit de la nettoyer méticuleusement. Puis il passa à son épée. Enfin, il s'inspecta soigneusement avec le petit miroir de Katy. Il ne se sentait pas blessé, mais la rage du combat pouvait vous faire négliger une blessure. Non, ça allait, rien qui ai besoin d'être recousu. Il passa un peu de pommade sur le reste et s'habilla d'un uniforme plus léger.

Il était prêt pour faire la fête. C'était important, la fête, ça vous rappelait que vous étiez en vie et pas les autres. Ça vous encourageait à le rester. Puis c'était encore meilleur quand vous aviez gagné. Il s'installa a un feu de camp et attendis ses compagnons de beuverie.

[Conteur]

Rafael, héritier légitime du trône de Rethwellan, 20 ans

Rafalentha Jedrevalyn avait survécu un jour de plus. Il se demandait encore comment. Il n'avait jamais été un bon combattant, la guerre avait toujours été le domaine de son frère aîné. Lui, formé à devenir roi un jour, avait bénéficié d'une éducation plus généraliste. Il avait des bases dans de nombreux domaines, juste de quoi s'assurer que ses conseillers ne lui raconteraient pas n'importe quoi. Mais il n'excellait dans rien. Et moins encore sur un champ de bataille.

Il était d'ailleurs dans un état lamentable. La lance d'un soldat s'était brisée sous son épée et un éclat de bois lui avait méchamment entaillé le front. Il avait du sang plein le visage et l'impression d'avoir bu le contenu d'une taverne la veille. Mais, étonnamment, il se sentait bien. Optimiste même. Sans doute parce qu'il avait entendu dire que son frère, qu'il n'avait pas vu depuis bien trop longtemps, était quelque part, non loin. Et Rafael, s'il avait toujours adoré son père, n'avait jamais eu qu'un héros dans sa vie: son grand frère parti monter sa propre compagnie de mercenaires.

À la fin de la bataille, il ignora les recommandations de son écuyer, et celles, plus pressantes, de son général, pour se mettre en quête d'Alemdar. Qu'importe s'il était sale et épuisé! Qu'il ait survécu à cette bataille était un miracle. Il ne voulait pas risquer de mourir - ou qu'Alemdar meurt, ce qui était peu probable  - avant d'avoir pu le revoir au moins une fois.

Quand il demanda son chemin, personne ne sembla le reconnaître. Il ressemblait à n'importe quel combattant. Finalement, il arriva dans un camp où visiblement, on s'activait pour fêter la bataille du jour. D'après l'étendard, il était au bon endroit. Il se sentit soudain nerveux. Et si Alemdar le détestait? Il s'arrêta, hésitant. Puis prenant son courage à deux mains, il demanda qu'on lui indique où se trouvait Alemdar.

«Il est sans doute quelque part là-bas. Vous pouvez pas le manquer, de toute manière.»

Rafael se mit en route et finit par apercevoir une silhouette familière. Il n'avait jamais réalisé auparavant à quel point Alemdar et son père se ressemblaient, de loin. Intimidé, il s'approcha lentement.

«Hum... la place est-elle libre?»

Il lança à Alemdar un regard à la fois admiratif et gêné.

«Je...» Il prit une large inspiration. «Te souviens-tu de moi?»

[Héraut Alemdar]

Après reflexion, Alem s'était servi une petite bière en avance. Il n’allait pas tarauder à sec en attendant les autres quand même!

«Hum... la place est-elle libre?»

"Oui, oui, plus on est de fous plus on rit."

Il n'avait pas regardé le nouveau venu, même si sa voix éveillait un truc en lui. Il prit une gorgée de bière... Et s'étouffa avec quand le jeune homme lui demanda s'il était reconnu.

Oh putain. Il avait pas changé. Il s'était pas changé non plus. Il avait le visage plein de sang séché et grossièrement essuyé.

Alem hésita entre la familiarité qu'il partageait avec le gamin a l'époque et l'obséquiosité due à son rang. Il hésita, mais après tout, il n'était pas convoqué. C'était Raf qui était venu le chercher.

Venu le chercher. Il regarda autour d'eux. Ouais, ils étaient seuls. Seuls... furieusement, il chuchota:

"Putain, Raf! D'où tu te balades seul dans le camp. Y a des gens de partout, ici, il peut y avoir des assassins et tu fais une cible idéale à chercher un vieux con de mercenaire!"

Oups, ça devait un peu trancher avec le langage plus policé de l'ancien Alem courtisan.

[Conteur]

Rafael, héritier légitime du trône de Rethwellan, 20 ans

Rafael ne sut d'abord où se mettre. Il n'avait pas réfléchi un instant aux risques qu'il prenait. Malgré tout ce qui lui était arrivé, il oubliait facilement que tout le monde n'était pas forcément bien attentionné à son égard.

«Mais je ne risque rien au milieu de tes hommes!» Rafael fronça les sourcils. «Et tu n'es pas vieux!»

Il ne put s'empêcher de regarder autour de lui, curieux comme un chaton.

«C'est donc à ça que ressemble un camp de mercenaire? C'est pas très différent du mien.»

Ayant conscience qu'il ne racontait que des banalités, il se tut, gêné.

[Héraut Alemdar]

"Ce ne sont pas mes hommes, ce sont mes camarades."

Il ne réagit pas sur l'histoire de la vieillesse. Ce n'était qu'une provocation, de toute façon.

Il sourit à la remarque sur le camp.

"Il y a des différences. Mais elles ne sautent pas aux yeux, c'est vrai. Surtout si ton camp est bien tenu."

Un camp de mercenaires dignes de ce nom était toujours bien tenu. Ce n'était pas une parenthèse dans leur vie, eux, c'était leur quotidien.

Raf se tut. La gêne était palpable sur son visage. Machinalement, Alem lui sourit, histoire de le mettre à l'aise, comme il le faisait à l'époque.

"Ça me fait plaisir de te voir."

Vraiment? Était-il heureux de voir débarquer un crétin qui ne faisait pas gaffe à lui?

...

Oui, même s'il l'aurait préféré entouré de trois gardes.

"Vraiment. Je peux faire quelque chose pour toi?"

[Conteur]

Rafael, héritier légitime du trône de Rethwellan, 20 ans

«Ah... mais euh... ce n'est pas toi le chef? J'étais sûr pourtant!»

Il se sentit idiot. Pourquoi s'était-il persuadé qu'Alemdar dirigeait la compagnie de mercenaire? Sans doute parce qu'il ne pouvait s'imaginer le fils d'un roi en simple subordonné. S'il avait fait partie de son armée, Alemdar aurait eu un poste d'importance.

Rafael était à la fois heureux comme un enfant de retrouver Alemdar et un peu perdu. Même si celui-ci se montrait chaleureux, il s'était imaginé des retrouvailles plus... chaleureuses, justement. Ça faisait douze ans qu'il est était parti, en l'abandonnant. Douze ans! Et il le traitait comme s'il s'était croisé la décade dernière.

«Faire quelque chose pour moi?» Son visage se décomposa. Il avait l'air un chiot blessé. «R-rien... je venais juste te voir. Enfin... te saluer. Je ne vais pas te déranger, alors.» Il se leva. «Vous allez fêter la victoire, je ne voudrais pas m'immiscer. Mais c'était... plaisant de te recroiser.»

Il avait beau être un futur roi, Rafael restait un jeune homme au caractère plutôt doux et rêveur. Que son demi-frère, son héros, manifeste un tel flegme en le voyant lui avait donné un coup.

[Héraut Irmingarde]

Ils avaient gagné la bataille, et tout le monde avait pu rentrer faire une brève toilette avant de fêter leur victoire.
Mina s'était rafraîchit les idées en plongeant dans un ruisseau glacé - et surtout isolé - et s'était plus ou moins soignée elle-même. Un soldat Rethwellan l'avait fait tomber de son cheval alors qu'elle se pensait hors d'atteinte et la réception avait été maladroite. Elle boiterai quelques jours et n'avait pas envie d'aller déranger Katy, elle avait bien assez de boulot comme ça. Ah, et le soldat en question était bien sûr mort.

C'est donc les cheveux encore humides et d'un pas claudiquant qu'elle traversa la camp pour choisir avec qui elle célébrerai leur victoire. Comme si elle allait s'en remettre au hasard, alors qu'elle savait bien qu'elle cherchait une personne en particulier. Alemdar.
Il était, dans la compagnie, ce qu'elle pouvait qualifier d'ami le plus proche. Il faut dire qu'il avait une qualité essentielle à ses yeux. Il était socialement reposant.
Il ne ressentait jamais le besoin de parler pour ne rien dire, ou faire parler les autres. Il était parfaitement capable de rester à ses côtés une marque entière sans rien dire. Et quand on vivait dans une si grande famille qu'une Compagnie de mercenaire, c'était on ne peux plus précieux.

Sa grande taille le rendait facile à repérer, même assis, et elle le rejoint facilement, ne faisant guère attention à l'interlocuteur d'Alem, qui avait visiblement pensé que l'hygiène était quelque chose d'accessoire.
Elle s'assit en grimaçant et dit d'un ton boudeur:

"Tu aurai pu m'attendre pour allumer le feu..."

Le feu, c'était SON domaine.
Enfin, elle se rendit compte de l'ambiance. Elle regarda Alem, puis l'autre homme, plus jeune, pas de chez eux, un inconnu total pour elle:

"Je dérange peut-être?"

Elle ne se présenta pas. Les bonnes manières, ça n'avait jamais été son truc.