Auteur Sujet: Broyer du noir  (Lu 4071 fois)

Dyalwen de Bordebure

  • Élèves Hérauts
  • Messages: 127
    • Voir le profil
  • Fiche: Registre d'élevage
  • Compagnon ou Familier: Tisia & Vela
  • Âge: 17 ans (09.05P.1468)
  • Langues: Valdemaran
Broyer du noir
« le: 26 septembre 2020, 23:37:02 »
8ème jour de la 5ème décade d’automne 1485

[HJ- Suite de L’assistante assistée.]

Une heure ne s’était même pas écoulée après la discussion entre Taver et Tisia que Dyalwen commença à s’agiter dans son sommeil. Il faisait noir. Trop noir. Ce n’était pas normal. Le noir recouvrait tout et l’empêchait de voir ce qui l’entourait. Il absorbait la lumière, les sons, les odeurs. Comme une sorte de brouillard. Mais le brouillard, c’était blanc et mouillé, pas noir. Là, il faisait noir, alors que la nuit n’aurait pas dû être tombée. Et la nuit ne l’empêchait pas de sentir ce qui l’entourait. Là, elle ne sentait rien. Même en se concentrant. Sauf sa main qui tenait quelque chose. Un manche. Une lance ou une fourche. Elle ne savait pas quoi mais elle savait que ce n’était pas un balai. Elle n’aurait pas dû avoir une arme en main. C’était dangereux sans savoir ce qu’il y avait autour. Elle voulait la lâcher mais elle n’y parvenait pas. Ses doigts ne s’ouvraient pas. Et son bras s’avançait. Et, quelque part, dans le noir, il y avait une forme blanche. Elle voulait lui dire de partir mais sa bouche ne s’ouvrait pas. Et ses pensées semblaient rebondir dans son esprit sans pouvoir en sortir. Elle avait envie de crier mais il n’y avait que le silence. Et le noir. Et…

Je suis là, émit Tisia, sans attendre le moindre appel, au moment où Dyalwen ouvrit les yeux.

Le souffle court, la rouquine mit quelques secondes à réaliser qu’elle entendait le Compagnon, qu’il allait bien, qu’elle n’avait pas d’arme à la main et qu’il faisait jour. Et qu’elle se trouvait à moitié couchée dans la paille.

Tu m’as laissée dormir !
Oui.
Mais pourquoi ? Je suis en retard !


D’un bond, la Grise se mit debout et s’épousseta, tâchant de retirer les brins de paille qui s’accrochaient à son uniforme ou à ses cheveux, sous le regard imperturbable de Tisia qui se levait tranquillement.

Qu’est-ce que je vais dire ?
Rien.
Alemdar m’attend, il va vouloir savoir ce…
Non.


Dyalwen cessa de s’épousseter pour jeter un regard incrédule à son Compagnon.

Comment ça, non ? Je devrais y être depuis… je sais pas, une demi-heure au moins.
Il ne t’attend pas.
Pourquoi ?
Parce que je l’ai prévenu que tu ne viendrais pas.
Tu as fait quoi ?!


Tisia ne broncha pas et garda le même ton imperturbable.

Tu avais besoin de dormir.

Tâchant de juguler son agacement, exacerbé par la fatigue, Dyalwen haussa les épaules.

Je ne dors plus. Je vais y aller et m’excuser et…
Non. Tu vas à la Maison de Guérison…
Et puis quoi encore ?
… voir la Guérisseuse Thalyana.
Et pourquoi ça ?
Parce que c’est un ordre d’Alemdar.

Pour le coup, Dyalwen ne trouva rien à répondre pendant quelques secondes.

Qu’est-ce que tu lui as dit exactement ?
La vérité, rétorqua Tisia d’un ton sans réplique, avant de donner un coup de nez dans le giron de son Élue. On y va.

À court d’argument, la Grise ne put qu’obtempérer et prit la direction de la Maison de Guérison, son Compagnon sur les talons. Des fois qu’il lui viendrait à l’idée de ne pas y aller, par exemple, songea la rouquine, agacée de… agacée de tout. Et fatiguée. Et agacée.

Arrivée à destination, Dyalwen faillit s’arrêter mais le nez de Tisia au creux de ses reins lui rappela qu’elle n’avait pas le choix. Elle entra donc et salua la première personne qu’elle aperçut.

« Bonjour ? On m’a dit de venir voir la Guérisseuse Thalyana. Mais je ne veux pas la déranger si elle est occupée, je repasserai plus tard… »

Dans tes rêves.
« Modifié: 28 septembre 2020, 11:44:44 par Dyalwen de Bordebure »

Thalyana

Re : Broyer du noir
« Réponse #1 le: 28 septembre 2020, 09:36:01 »
La Guérisseuse Clara était une petite brune potelée et énergique, dont l'efficacité n'était plus à démontrer. Elle pouvait estimer l'état d'un patient d'un seul coup d'œil et c'était pour cette raison qu'elle était souvent celle sur qui on tombait en entrant dans la Maison de Guérison. Personne ne l'avait réellement assignée à l'accueil des malades, mais tout le monde appréciait qu'elle le fasse.

Quand elle vit Dyalwen entrer, son œil redoutable ne manqua pas de repérer les réticences de la jeune Grise à se trouver là. Une brève observation lui apprit que la jeune fille ne présentait aucune blessure ou maladie et le nom qu'elle demanda confirma ses soupçons. Elle acquiesça avec conviction, faisant danser sa lourde tresse brune.

«Bien sûr! Thalyana est dans la partie sud-est et il faut prendre le couloir là, puis sur votre doite puis...» Elle s'interrompit. «Vous savez quoi? J'ai quelque chose à aller chercher là-bas, du coup, je vais vous y emmener, ce sera plus simple! Cet endroit peut être un vrai dédale quand on ne le connait pas.»

Évidemment, Clara n'avait rien à faire dans le département de Charwin, mais elle avait le pressentiment que la jeune Grise en profiterait pour se "perdre" si personne ne l'amenait directement à la bonne soigneuse.


En théorie, Thalyana aurait dû être chez elle à s'occuper de son nouveau-né et à se reposer. En théorie, seulement, car l'attaque sur Haven avait mobilisé tous les Guérisseurs disponibles et continuait d'occuper tout le service de Charwin. D'habitude légèrement sur-occupé, celui débordait maintenant de patients atteints de cauchemars, d'angoisse et de crises de panique. Et Charwin n'avait eu d'autre choix que de rappeler toutes les personnes disponibles, y compris Thalyana. Celle-ci ne s'en plaignait pas. Bien qu'elle apprécie de rester chez elle avec Aldwin et Amalia, elle avouait sans peine que ses patients étaient moins prenants. Et Amalia adorait passer du temps chez sa marraine, laquelle avait mis à disposition sa nourrice pour Aldwin, les Dieux la bénissent.

La Maison de Guérison s'était vidée lentement au fil de la décade précédente, mais les patients continuaient d'affluer auprès des Guérisseurs de l'Esprit. Une fois leur corps réparé, il était plus que temps de guérir leurs peurs et les traumatismes. Cela renvoyait Thalyana à sa période sur le front. Elle n'aurait pas pensé revivre un jour pareille situation.

L'humeur plutôt sombre, elle referma la porte d'une chambre d'isolement. Son patient s'était enfin calmé et elle avait bon espoir qu'il puisse enfin dormir. Si tout se passait bien, on pourrait le détacher d'ici un ou deux jours et lui faire rejoindre une chambre commune dans une décade au plus.

Dans le couloir, Clara l'interpella.

«Ta patiente suivante est arrivée. Comme elle semblait un peu perdue, je l'ai guidée jusqu'ici... Bon. J'y retourne. Encore un bras cassé chez les commis de cuisine. J'aimerais bien que quelqu'un mette fin à leur défis à la noix! C'est mon troisième cette décade!»

Elle repartit dans l'autre sens, dans un froissement de tissus. Thalyana avisa enfin l'apprentie Héraut qu'on lui avait amenée.

«Je suis à peu près certaine que je n'avais pas rendez-vous avec toi.» Elle sourit avec douceur. «Mais ce n'est pas bien grave. J'ai fini ma tournée du matin, je suis donc libre. Suis-moi.»

Elle la guida jusqu'à une petite pièce aux murs d'un vert très doux, illuminée par une petite fenêtre donnant directement sur un buisson de lilas. Outre un bureau qui ne semblait pas énormément servir - à part peut-être à accueillir plusieurs gobelets vides et une théière à demi-pleine - une méridienne couverte d'une couverture en crochet et un fauteuil occupaient l'espace. Sur les petits guéridons on avait placé des bouquets de fleurs qui embaumaient la pièce. La pièce avait été refaite durant son absence et c'était avec plaisir que Thalyana avait investi les lieux, à son retour.

«Je t'en prie, assieds-toi.» Elle désigna la méridienne. Elle même prit place dans le fauteuil. «Alors... que puis-je faire pour toi?»

Dyalwen de Bordebure

  • Élèves Hérauts
  • Messages: 127
    • Voir le profil
  • Fiche: Registre d'élevage
  • Compagnon ou Familier: Tisia & Vela
  • Âge: 17 ans (09.05P.1468)
  • Langues: Valdemaran
Re : Broyer du noir
« Réponse #2 le: 03 octobre 2020, 21:43:15 »
Malgré le sourire accueillant et l’enthousiasme de la Guérisseuse, Dyalwen se sentait plutot mal à l’aise. Elle n’avait qu’une seule envie : tourner les talons. Sauf qu’une espèce de mule blanche attendait devant la porte et ne comptait pas la laisser rebrousser chemin. Mais, avec un peu de chance, la brune souriante lui dirait que Thalyana n’était pas là ou pas disponible, et elle pourrait vider les lieux sans qu’on ne puisse rien lui reprocher. Ou pas. Visiblement, la Guérisseuse recommandée par Alemdar était libre… et, pire, celle qui venait de l’accueillir se proposait même de la guider dans les couloirs de la Maison de Guérison.

« Merci, » soupira la Grise, en tâchant de grimacer un sourire, histoire de faire bonne figure.

L’agacement et la contrariété, exacerbés par la satisfaction de Tisia dont elle avait parfaitement conscience, ne rendaient pas l’exercice facile, et la Guérisseuse n’était sans doute pas dupe. Mais, si la rouquine avait bien conscience que sa guide n’y était pour rien, c’était au-dessus de ses forces de donner le change. Elle se contenta donc de lui emboîter le pas en silence, en tâchant de se repérer. Elle abandonna vite l’affaire. Le coup de fouet que lui avait donné son réveil en sursaut et sa discussion avec Tisia ne faisait plus effet et, plus elle avançait, plus elle avait l’impression que ses pensées s’emmêlaient et que la Maison de Guérison était effectivement un vrai labyrinthe.

Elle s’arrêta automatiquement derrière la jeune femme mais il lui fallut quelques fractions de secondes pour réaliser qu’elle s’adressait à une de ses consœurs, blonde celle-ci, et encore une ou deux de plus pour comprendre qu’il devait s’agir de Thalyana. Du coup, le temps qu’elle ouvre la bouche pour remercier sa guide, celle-ci avait déjà fait demi-tour avec enthousiasme en faisant voler ses jupes. Comment faisait-elle pour avoir autant d’énergie ? N’était-elle jamais fatiguée ?

« Je suis dés… » commença Dyalwen lorsque Thalyana déclara qu’elle n’avait pas rendez-vous, avant de réaliser qu’elle avait encore une caravane de retard.

La Guérisseuse affirmait que ça ne la dérangeait pas et l’invitait à la suivre. La rouquine ravala donc ses excuses et hocha simplement la tête avant de se laisser à nouveau guider, cette fois jusqu’à une petite pièce qui ressemblait plus à un salon qu’à un bureau – surtout si on comparait avec le bureau de l’Attitré, toujours prêt à déborder de dossiers. Elle s’assit sur le bord de la méridienne que lui désignait son interlocutrice et posa ses mains sur ses cuisses.

« On m’a dit de venir vous voir… »

Non. Alemdar t’a fait dire de venir la voir et je t’ai poussée jusque-là.

« … parce que je… je ne dors pas assez, » répondit Dyalwen en ignorant résolument le commentaire de Tisia.

Elle se sentait déjà suffisamment ridicule comme ça. Sérieusement. Déranger un Guérisseur à cause de simples cauchemars. Ça lui donnait presque envie de pleurer tant c’était ridicule.

Pas autant que d’essayer de faire comme si tout allait bien alors que tu n’as pas dormi une nuit complète depuis quinze jours.

La Grise haussa mentalement les épaules.

« Je suis désolée de vous déranger pour ça. »

Thalyana

Re : Broyer du noir
« Réponse #3 le: 05 octobre 2020, 08:43:21 »
Thalyana classait la plupart der patients en deux catégories: ceux qui n'éprouvaient jamais aucune scrupule à déranger un Guérisseur, même pour une blessure mineur ou un simple rhume et ceux qui continuaient à s'excuser de déranger alors même qu'ils se vidaient de leur sang sur la table. Et contre toute attente, elle préférait les premiers. Au moins ceux-là ne tentaient-ils pas de cacher leurs problèmes à tout prix.

«Il n'y a aucune raison de s'excuser. C'est mon travail.»

S'excusait-on d'acheter du pain à son boulanger?

Thalyana récapitula le peu que la Grise lui avait dit.

«Tu as parlé d'un "on"… quel "'on"?» Elle sourit. «Tu ne dors pas assez, donc? Si c'est un problème d'insomnie, je peux évidemment te prescrire des tisanes calmantes. Mais je soupçonne que si on t'a envoyé à moi, c'est qu'il ne s'agit pas de cela. Alors dis-moi, pourquoi ne dors-tu pas assez?»

Thalyana soupçonnait que c'était lié à l'attaque sur Haven. Quoi d'autre, ces jours? Mais vu l'âge de la jeune fille, un chagrin d'amour était tout aussi probable, ou même un chagrin d'amitié. Elle avait vu des Bardes dépérir pour moins.
« Modifié: 05 octobre 2020, 10:00:01 par Thalyana »

Dyalwen de Bordebure

  • Élèves Hérauts
  • Messages: 127
    • Voir le profil
  • Fiche: Registre d'élevage
  • Compagnon ou Familier: Tisia & Vela
  • Âge: 17 ans (09.05P.1468)
  • Langues: Valdemaran
Re : Broyer du noir
« Réponse #4 le: 22 octobre 2020, 20:04:44 »
« Dés... »

Dyalwen referma la bouche subitement, en se rendant compte qu’elle s’apprêtait à s’excuser de s’excuser. Elle n’avait pas besoin de se rendre plus ridicule qu’elle ne l’était déjà. Elle carra les mâchoires et serra les poing pour tâcher de reprendre contenance, pendant que la Guérisseuse parlait, mais elle avait l’impression qu’elle s’enfonçait de plus en plus. Heureusement que ni Mère ni Grand-père n’étaient là pour la voir. Elle leur aurait fait honte. Même si, en théorie, elle ne devait plus rien à sa famille, elle n’avait aucune envie de lui faire honte.

Tu ne fais honte à personne, soupira Tisia dans son esprit, blasée.

La Grise ne répondit pas à son Compagnon et se mordit plutôt les lèvres aux questions de Thalyana, avant d’avouer à mi-voix :

« Je fais des cauchemars. »

Ridicule.

« Et c’est Alemdar qui m’a dit de venir vous voir,
ajouta-t-elle en baissant les yeux sur ses mains. Je devrais être en train de travailler avec lui, là. Mais je me suis endormie et j’ai raté l’heure. »

Voilà. Comme ça, la Guérisseuse savait tout. Non seulement elle la dérangeait pour quelque chose de stupide, mais en plus elle n’était même pas capable de faire son travail. Et Grand-père qui voulait qu’elle soit digne d’être un Héraut ! Elle en était bien loin !

Thalyana

Re : Broyer du noir
« Réponse #5 le: 26 octobre 2020, 10:00:46 »
La gêne de la jeune fille était palpable. Thalyana se demandait pourquoi une telle honte? Être malade n'avait rien d'honteux. Faire des cauchemars encore moins. Pensait-elle que devenir Héraut impliquait d'être surhumaine? Quelle idiote! C'était de cette manière qu'on se retrouvait avec des Hérauts au bout du rouleau, malades, blessés et incapables de continuer leur mission pour plusieurs décades.

«Ce sont des choses qui arrivent, quand on souffre de troubles du sommeil. Le Héraut Alemdar a bien fait de t'inciter à venir nous voir. C'est important de prendre soin de sa santé, et je suis ravie de voir enfin un Héraut qui l'a compris.»

Et tous les Guérisseurs le bénissaient pour cela.

«Tu disais donc: des cauchemars? Très bien. Ont-ils un thème récurrent ou bien sont-ils tous différents? Et est-ce qu'ils te réveillent, ce qui cause ton manque de sommeil, ou c'est parce que tu crains d'en faire que tu ne dors pas?» Elle sourit. «Tu ne m'as pas dit ton nom, d'ailleurs. Et notre différence d'âge n'est pas assez marquée pour que je t'appelle "jeune fille".»

Dyalwen de Bordebure

  • Élèves Hérauts
  • Messages: 127
    • Voir le profil
  • Fiche: Registre d'élevage
  • Compagnon ou Familier: Tisia & Vela
  • Âge: 17 ans (09.05P.1468)
  • Langues: Valdemaran
Re : Broyer du noir
« Réponse #6 le: 02 décembre 2020, 14:21:08 »
La honte de Dyalwen ne tenait pas tant au fait de devoir déranger un Guérisseur que de devoir déranger un Guérisseur pour quelque chose d’aussi ridicule. Des cauchemars. Elle faisait des mauvais rêves de temps en temps, évidemment, comme tout le monde, mais au point de se réveiller plusieurs fois par nuit ou de ne pas être capable de se rendormir ? C’était de l’âge de Derlyth d’avoir besoin d’être réconfortée après un cauchemar. Elle, elle n’avait plus dix ans depuis longtemps. C’était elle qui consolait et rassurait sa petite sœur, avant son départ pour Haven pas l’inverse. Et que ses cauchemars l’empêchent de faire son travail, c’était pire que tout.

La Guérisseuse, toutefois, ne lui jetait pas la pierre et la rouquine ne sut pas quoi répondre pour le coup. Évidemment qu’il fallait prendre soin de sa santé, elle le savait ! Et elle avait suivi les recommandations des Guérisseurs pour les soins de sa blessure après l’attaque. Mais… des cauchemars, quoi. Thalyana parlait de « troubles du sommeil » mais ça ne changeait pas grand-chose à ce que c’était. C’était ridicule. Agaçant. Déprimant.

Dyalwen baissa la tête et battit des paupières pour chasser les larmes de fatigue et de frustration qui montaient à nouveau, avant de relever le nez aux questions de son interlocutrice. La dernière phrase de la Guérisseuse lui fit tout de même esquisser un sourire.

« Je m’appelle Dyalwen. »

Elle prit une légère inspiration. Après tout, puisqu’elle était là désormais et qu’il était clair qu’elle ne quitterait pas les lieux tant que l’entretien ne serait pas terminé, autant tout déballer, non ? Plus vite elle répondrait aux questions, plus vite elle rendrait son temps à la jeune femme.

Enfin une idée presque judicieuse, émit Tisia dans son esprit.

La Grise l’ignora soigneusement.

« Les deux : je me réveille plusieurs fois par nuit et j’ai du mal à me rendormir, même avec l’aide de Tisia. J’ai essayé de travailler plus longtemps ou plus tard, mais ça n’aide pas. »

Ça faisait juste qu’elle s’endormait le nez sur ses livres une fois sur deux. Mais ça ne l’empêchait pas de se réveiller en sursaut ensuite.

« Et c’est toujours à peu près pareil : il fait noir, je ne vois rien, je n’entends rien, je ne sens rien. »

Comme pendant l’attaque par le mage noir.

« Et à présent, ajouta-t-elle à mi-voix, j’attaque Tisia. »

Thalyana

Re : Broyer du noir
« Réponse #7 le: 04 janvier 2021, 14:58:05 »
«Enchantée, Dyalwen.»

Thalyana prit quelques instants pour observer la jeune femme. Tout en elle criait son malaise d'être ici. Sans doute ne rêvait-elle que de partir loin de cette pièce. Pourtant, si on l'avait envoyé voir les Guérisseurs, c'était que le problème était réel, car les Hérauts n'avaient pas la réputation d'être hypocondriaques.

Elle écouta attentivement les indications de la jeune femme, espérant pouvoir en tirer un premier diagnostique. Au moins, on ne parlait pas de chagrin d'amour ou autre drame habituel chez les adolescents du Palais.

«Tu attaques Tisia? Comment? Physiquement? Cela me semble compliqué. Mentalement? Et c'est assez fréquent d'avoir des sursauts de violence quand on est réveillé en sursaut. Ça n'a rien de surprenant.» Mais c'était rarement agréable, en effet. «Comme tu es une jeune fille intelligente et que tu as à tes côtés un Compagnon, je suis certaine que tu connais la cause de tes cauchemars. J'imagine que c'est lié à l'attaque du Palais?» Elle sourit doucement. «Tu n'es pas obligé de tout me raconter, mais peut-être cela te ferait-il du bien de t'ouvrir.»

Elle tenait le même discours avec tous les traumatisés. Elle savait à quel point parler était indispensable à la guérison, mais il était contre-productif de forcer les gens. Ils finissaient tous par s'ouvrir, avec le temps.
« Modifié: 02 mars 2021, 11:40:15 par Thalyana »

Dyalwen de Bordebure

  • Élèves Hérauts
  • Messages: 127
    • Voir le profil
  • Fiche: Registre d'élevage
  • Compagnon ou Familier: Tisia & Vela
  • Âge: 17 ans (09.05P.1468)
  • Langues: Valdemaran
Re : Broyer du noir
« Réponse #8 le: 21 janvier 2021, 22:11:24 »
« De même, » mentit poliment Dyalwen en inclinant légèrement la tête.

En réalité, elle n’avait rien contre la jeune femme, bien au contraire. Elle aurait juste préféré ne pas la rencontrer dans ce contexte. Et pas si tôt. Elle savait qu’elle avait eu de la chance lors de l’attaque de la ville, que beaucoup de soldats et de Hérauts avaient été blessés bien plus gravement qu’elle et que certains avaient dû rester plusieurs jours, voire décades, à la Maison de Guérison... mais elle avait l’impression que les soins de sa plaie à la cuisse finissaient à peine, et elle se serait bien passée de devoir remettre les pieds chez les Guérisseurs si vite. Surtout pour ça.

« Dans mes rêves, répondit la Grise avant de corriger et de préciser : C’est dans mes cauchemars que je l’attaque. En général, ça me réveille. »

Elle ne savait pas ce qui se passerait si elle ne se réveillait pas à ce moment-là… et elle n’avait pas envie de le savoir. La présence de Tisia se fit plus réconfortante et rassurante dans son esprit mais, pour une fois, le Compagnon ne dit rien, tandis que Thalyana reprenait la parole. Elle ne savait pas si elle était une « jeune fille intelligente » – Quand tu fais pas ta tête de mule, tu te débrouilles pas si mal.Tu peux parler ! – mais la Guérisseuse, elle, était drôlement perspicace. Comment savait-elle que c’était lié à l’attaque ?

Je ne sais pas… À ton avis ?

La rouquine ignora consciencieusement l’ironie de Tisia pour se concentrer sur son interlocutrice. Qui souriait gentiment. Et qui l’incitait à développer. Sous le regard encourageant de la Guérisseuse, Dyalwen se sentit rougir. Elle n’avait pas envie d’en dire plus. Elle se sentait déjà suffisamment ridicule comme ça pour ne pas se replonger dans ses souvenirs de l’attaque… et le sentiment d’inutilité qui les accompagnait Et, comme chaque fois qu’elle y pensait, elle sentit une pointe de désapprobation en provenance de Tisia mais, étrangement, le Compagnon ne dit rien cette fois. Si bien que la Grise finit par rompre le silence :

« C’est comme lors de l’attaque, oui, avoua-t-elle en baissant les yeux sur ses mains qui reposaient sur ses cuisses. Comme lorsque l’homme en noir a… »

Elle déglutit.

« Comme lorsqu’il a pris le contrôle. »

Elle releva les yeux sur la Guérisseuse.

« Et je n’ai pas attaqué Tisia. Je n’aurais jamais fait ça. »

N’est-ce pas ?

Thalyana

Re : Broyer du noir
« Réponse #9 le: 02 mars 2021, 11:55:25 »
«Lorsqu'il a pris le contrôle?»

Thalyana avait parlé d'une voix très douce. Elle n'était pas certaine qu'on parlait bien ici de possession, mais dans le doute, elle préféra agir en fonction. Elle avait vu les séquelles que cela pouvait laisser sur un esprit, et ce n'était pas quelque chose à prendre à la légère.

«Donc, si je comprends bien, tu revis ce moment d'impuissance, quand...un homme en noir t'a maîtrisée? Physiquement? Mentalement?» Elle fronça les légèrement les sourcils. «Serais-tu d'accord de me raconter ce qu'il t'est arrivé pendant l'attaque, si bien sûr tu te sens prête? Sinon, peut-être pourrais-tu me raconter de manière un peu plus détaillée un de tes cauchemars? Parce que je dois avouer que je ne suis pas sûre de bien comprendre comment ça se passe.»

En fait, Thalyana avait de la peine à se représenter concrètement la situation. Et contrairement à la plupart de ses autres patients, elle n'avait pas pu entendre leur histoire de la bouche d'une tiers personne. Évidemment, si la jeune fille ne parvenait pas à s'ouvrir, elle irait interroger le Héraut du Roi, ou quiconque capable de la renseigner.
« Modifié: 02 avril 2021, 06:51:53 par Thalyana »

Dyalwen de Bordebure

  • Élèves Hérauts
  • Messages: 127
    • Voir le profil
  • Fiche: Registre d'élevage
  • Compagnon ou Familier: Tisia & Vela
  • Âge: 17 ans (09.05P.1468)
  • Langues: Valdemaran
Re : Broyer du noir
« Réponse #10 le: 28 mars 2021, 19:42:13 »
Malgré la douceur de la voix de la Guérisseuse, lorsqu’elle répéta ses mots sous forme de question, Dyalwen dut faire un effort pour ne pas baisser à nouveau les yeux sur ses mains. Ses doigts se crispèrent sur ses cuisses alors qu’elle hochait la tête en réponse. Contre toute logique, elle espérait que ça suffirait. Ce n’était évidemment pas le cas et, comme on pouvait s’y attendre, la jeune femme lui demanda plus de détails. La Grise déglutit. Elle n’avait pas envie de détailler. Elle n’avait même pas envie d’y repenser. Après l’attaque, entre la victoire et les blessés à soigner, elle n’avait pas eu l’occasion d’en parler avec les seuls au courant – à savoir Alemdar et Taver – et c’était tant mieux. Sans les cauchemars, elle aurait pu faire comme si rien ne s’était passé.

« Je… »

C’est une Guérisseuse, elle ne le répétera pas, intervint Tisia avant que son Élue ait le temps de faire preuve de mauvaise volonté.
Et alors ? Ce ne sont que des cauchemars.
Qui t’empêchent de dormir. Alemdar ne t’aurait pas envoyée la voir si ça ne valait pas la peine de lui parler.

Le Compagnon marquait un point. Le Héraut du Roi lui avait ordonné d’aller voir Thalyana, ça impliquait sans doute aussi de répondre à ses questions. Et il savait. Si elle ne parlait pas, irait-il raconter lui-même à la Guérisseuse ce qui s’était passé ? Ce serait encore pire que de devoir le raconter elle-même ! Elle ne pouvait pas désobéir et déranger son supérieur en plus de tout le reste.

Ignorant le soupir blasé de Tisia dans son esprit, la rouquine prit donc sa décision. Mais sa volonté n’allait pas jusqu’à soutenir le regard de son interlocutrice. Les yeux de nouveau baissés sur ses mains, elle soupira avant de reprendre la parole, d’un ton aussi neutre que possible.

« J’étais dans les écuries avec Tisia quand l’attaque a commencé. On regardait par la fenêtre, vers la ville, quand un homme en noir a franchi le mur. Il a tué les gardes et est parti vers le Palais alors on l’a suivi pour le surveiller. En fait ils étaient deux et ils ne nous ont pas vues, mais… »

Elle déglutit.

« … Mais il y en avait un troisième qu’on a pas vu. Et tout est devenu noir. Pas vraiment comme s’il faisait nuit, parce que je ne percevais presque plus rien. Et je n’entendais plus Tisia. Je crois que j’ai lâché ma fourche… »

Tu as menacé de t’égorger avant.
Quoi ?
Il t’a fait pointer la fourche sur ta gorge pour que je le laisse monter derrière toi, avant que tu la lâches.
Pourquoi tu l’as pas dit avant ?
Tu n’avais pas besoin de le savoir.

Dyalwen serra les poings pour réprimer une bouffée d’agacement contre son Compagnon, histoire de reprendre son récit.

« Tisia dit que je me suis menacée avec, avant de la lâcher. Et, au bout d’un moment, j’ai pu lui reparler. Mais la brume noire est restée jusqu’aux explosions. Ensuite, un Héraut et une soldate sont arrivés pour attaquer l’homme en noir et Tisia les a aidés à le battre. Voilà. »

Tisia. Pas elle. Elle, elle n’avait rien fait. À part se faire blesser et, à présent, déranger une Guérisseuse. Non, vraiment, elle était bien loin d’être digne des Hérauts, hein. Et les yeux toujours fixés sur ses doigts, elle espérait que ça suffirait à Thalyana.

Thalyana

Re : Broyer du noir
« Réponse #11 le: 02 avril 2021, 07:39:47 »
Thalyana écouta attentivement le récit de Dyalwen. Il confirmait ses premiers doutes. Non, il allait bien au-delà. Il n'était guère étonnant que la jeune femme fasse de cauchemars, qu'elle panique, qu'elle soit dans un tel état de fragilité mentale. Mais d'une certaine manière, elle avait eu de la chance. Quiconque avait pris possession d'elle était doué, car il aurait tout aussi bien pu détruire son esprit en le faisant. Thalyana était encore prise de nausées quand elle repensait à la femme possédée qu'elle avait tenté de sauver, quelques années plus tôt. Ce qui restait de son esprit... mieux valait ne pas y penser.

«Je vois... Ça a dû être dur de vivre ça. Perdre le contrôle de son corps, de ses pensées, alors que normalement, c'est la seule chose qui nous appartient vraiment. Quand on est enchaîné, on peut au moins essayer de se débattre. Mais quand c'est par l'esprit qu'on nous tient, alors plus rien n'est possible. C'est l'impuissance la plus totale qui soit. Et ça n'a rien de honteux d'en faire des cauchemars. Ce qui tu as vécu était d'une extrême violence.»

La Guérisseuse avait l'impression - ou plutôt, c'était ce qu'elle percevait - que Dyalwen s'en voulait. Était-ce parce qu'elle s'était laissée prendre? Parce qu'elle faisait des cauchemars?

«Tu sais, ici, je vois passer toutes sortes de gens. Même si je suis spécialisée dans la Guérison de l'Esprit, j'ai passé bien assez d'heures à soigner les blessures et les bobos de tout le monde. Et s'il y a une chose que j'ai apprise, c'est que les blessures de l'esprit sont pires que celles du corps. Quand tu te casses une jambe, personne, pas même toi, ne peut douter de la réalité de la chose. Tout dépend de sa gravité, tu auras abondamment saigné, on t'aura recousu, tu auras une attelle, des pansements, des cannes. En te regardant dans la glace chaque matin, tu verras les preuves de cette blessure et tout le monde autour de toi aussi. Personne ne doutera de ta douleur, et personne - pas même toi - ne donnera de conseil stupide du genre: "essaie de courir, tu verras, ça ira mieux" ou encore "je suis sûr que si tu te forces un peu, ça guérira tout seul".» Elle sourit doucement. «Quand les blessures ne se voient pas, alors tout d'un coup, ce bon sens s'évanouit. Tout le monde - et surtout toi - doute continuellement de la réalité de cette blessure. À chaque instant où tu te sens mieux, tu te demandes: "et si j'avais tout imaginé? Et si j'exagérais?". Autour de toi, les gens, incapables de voir dans ton esprit, partiront du principe que tu vas bien. Et même si tu affiches plus clairement les marques de ta souffrance, ils t'arroseront alors de leurs bons conseils totalement idiots. Et peut-être le feras-tu toi aussi.» Elle se tut un instant, le temps d'accrocher le regard de Dyalwen. «Est-ce que tu irais dire à quelqu'un qui n'arrive pas à dormir à cause de sa jambe cassée qu'il a tort d'en parler à un Guérisseur?»

Dyalwen de Bordebure

  • Élèves Hérauts
  • Messages: 127
    • Voir le profil
  • Fiche: Registre d'élevage
  • Compagnon ou Familier: Tisia & Vela
  • Âge: 17 ans (09.05P.1468)
  • Langues: Valdemaran
Re : Broyer du noir
« Réponse #12 le: 18 avril 2021, 01:00:56 »
Les yeux toujours fixés sur ses doigts, Dyalwen attendait le verdict de la Guérisseuse. Elle était presque persuadée que la jeune femme allait lui dire que c’était ridicule, qu’elle n’avait pas besoin d’une consultation et encore moins de soins ou, à la rigueur, qu’il suffisait d’un remède simple pour résoudre le problème. Quelque chose – une potion ou n’importe – qui lui permettrait de dormir pour de bon, sans faire de cauchemars et voilà. Ça signifierait qu’elle avait fait faux bond à Alemdar et dérangé Thalyana pour rien et qu’elle n’était pas capable de faire son travail mais, au moins, ce serait vite fini. Elle pourrait vite sortir d’ici. Et...

Et non. La rouquine se mordit la lèvre quand son interlocutrice déclara que ça avait dû être dur à vivre puis que ses cauchemars n’avaient rien de honteux. Elle releva le nez pour dévisager la Guérisseuse, alors qu’elle percevait l’approbation de Tisia dans son esprit. Mais, étrangement, le Compagnon garda le silence, et Dyalwen n’eut ainsi aucun mal à écouter les paroles suivantes de Thalyana.

La Grise n’avait jamais envisagé l’existence de blessures de l’esprit, mais les paroles de la Guérisseuse paraissaient sages. Logiques. Sensées. Et la réponse à la dernière question était évidente.

« Non. Bien sûr que non, répondit Dyalwen sans hésiter. Mais ce n’est pas pareil… »

Tu n’as rien écouté, hein ?
Si mais…

Mais elle n’avait pas d’arguments à opposer à Tisia ou à Thalyana. Ou, plutôt, elle avait l’impression qu’ils lui échappaient, que ses pensées n’étaient pas assez vives pour les attraper et les ordonner. La fatigue lui embrumait l’esprit et l’empêchait de réfléchir comme d’habitude. Elle sentit des larmes de frustration et d’épuisement lui monter aux yeux et battit des paupières pendant quelques instants pour les chasser tout en tâchant de réfléchir correctement. Mais c’était peine perdue.

Avec un soupir, la rouquine rendit les armes et releva les yeux pour affronter le regard de la Guérisseuse.

« Qu’est-ce que je dois faire, alors ? »

Thalyana

Re : Broyer du noir
« Réponse #13 le: 29 avril 2021, 15:21:10 »
Thalyana laissa à la jeune fille le temps d'assimiler ses paroles et d'en tirer les conclusions qui s'imposaient. Et sans nulle doute bénéficiait-elle des conseils avisés de son Compagnon, qui n'avait très certainement pas résisté à l'idée de participer, à sa manière, à cette échange.

Thalyana comprenait très bien l'envie de Dyalwen de refuser l'idée même qu'elle puisse être malade. Personne n'appréciait ce genre d'étiquette, personne n'avait envie d'être un patient. Mais refuser la réalité n'était pas option, quand on était Héraut. Trop de choses réposaient sur leurs épaules.

Enfin, Dyalwen sembla se résigner. Sa voix ne semblait pas très ferme et ses yeux brillaient.

«Faire? Il n'y a rien à faire, à part écouter ton corps, parler, pleurer et peut-être prendre la potion somnifère que je vais te préparer. Mais comprends bien qu'elle ne te sera d'aucun secours si tu ne fais pas ce qui vient avant.» Elle sourit doucement avant de tendre à Dyalwen un mouchoir propre - elle en avait une pile à disposition dans son bureau. «De mon côté, je vais demander qu'on t'exempte d'entraînement au combat pour le moment. Et je vais m'assurer à ce que tu sois entourée, par des gens conscients de ta situation. J'écrirai un rapport à Alemdar, évidemment. Pas sur ce que tu m'as raconté, mais sur les mesures que je pense nécessaires.»

Dyalwen de Bordebure

  • Élèves Hérauts
  • Messages: 127
    • Voir le profil
  • Fiche: Registre d'élevage
  • Compagnon ou Familier: Tisia & Vela
  • Âge: 17 ans (09.05P.1468)
  • Langues: Valdemaran
Re : Broyer du noir
« Réponse #14 le: 16 mai 2021, 17:58:29 »
Rien à faire ? À part écouter son corps et parler et pleurer ? Mais elle ne pouvait quand même pas s’endormir n’importe où et n’importe quand ! Ni pleurer devant n’importe qui ! Elle avait des cours à suivre et des corvées à faire et… Et la Guérisseuse parlait de l’exempter des entraînements au combat.

« Mais j’ai déjà été dispensée pendant presque plus de deux décades ! » protesta Dyalwen, consternée.

Le temps que sa blessure à la cuisse cicatrise. Jamais elle ne serait capable de se défendre si ça continuait et…

Tu crois vraiment être capable de tenir une arme en l’état ?
Je ne suis pas impotente !
Tu n’es même pas capable de te repérer dans la Maison de Guérison, comment tu espères suivre les instructions de Méra ?

Tisia avait raison, évidemment. Ce qui n’aidait pas vraiment son Élue à lutter contre la fatigue et la frustration. Elle se sentait encore plus minable et inutile qu’après l’attaque, et elle prit le mouchoir que lui tendait Thalyana pour se donner contenance. Quoiqu’en dise la Guérisseuse, même si les larmes n’étaient pas loin, elle n’avait pas l’intention de les laisser déborder. Elle avait suffisamment honte comme ça. Et l’annonce du rapport à Alemdar n’arrangeait pas vraiment les choses. Il savait déjà, d’accord, mais quand même.

« Vous ne direz rien à Grand-père, n’est-ce pas ? »

Parce que ça, ce serait pire que tout. Elle n’osait pas imaginer la réaction de son aïeul s’il l’apprenait. Elle ne savait pas s’il serait fâché ou déçu ou les deux à la fois mais elle n’avait pas du tout envie de le savoir.