Ce n’était rien de bien grave, ce n’était rien de bien grave, … Certes, il n’y avait pas de blessé, pas de dégâts matériels autres qu’un flacon cassé, des parchemins tâchés et des chaussures foutues, mais quand même ! Par pure maladresse, elle avait gaspillé des ressources du Collegium, dérangé un homme qui ne demandait rien à personne et, surtout, ruiné une partie de ses affaires. Qu’il ait suffisamment de ressources pour remplacer ses chaussures abîmées était plutôt une bonne chose, certes, mais ça n’empêchait pas qu’elle avait commis une bévue. Et Dyalwen ne put s’empêcher de se sentir un peu rassérénée lorsqu’il déclara qu’il avait peut-être une idée pour qu’elle puisse réparer son erreur.
« Je vous écoute, Messire. »
Mais les propos qui suivirent n’avaient rien à voir avec ce à quoi elle s’attendait. En quoi la raison de sa présence à Haven, que ce soit pour trouver une épouse à son fils ou autre chose, avait-elle un lien avec ses chaussures tâchées ? Elle était apprentie Héraut, elle, et… hein ? Quoi ? Incrédule, la rouquine garda le silence pendant que son esprit tentait d’analyser les mots de son interlocuteur. Elle se trompait forcément dans son interprétation, non ? Il ne pouvait pas suggérer que…
Je crois que si.
Mais…
Dyalwen n’eut même pas le temps de formuler ses objections en pensées que l’homme confirmait ses craintes en utilisant la situation présente pour illustrer son propos. Trouver chaussure à son pied, hein. Oh, par Stepolk ! Il n’était quand même pas en train de parler de mariage en dédommagement d’une paire de chaussures tachées ?
C’est ridicule !
Ridicule, elle ne savait pas. Mais inattendu et incroyable et inimaginable, ça c’était sûr !
Une décade plus tôt, Dyalwen savait que ça pouvait lui tomber dessus à tout moment. Ni Mère ni Grand-père ne lui en avaient parlé explicitement, mais elle n’était pas stupide. Elle avait dix-sept ans, elle arrivait à Haven, son frère serait officiellement seigneur du domaine familial d’ici quelques années… Il y avait donc toutes les chances – si on pouvait parler de chance – pour que Grand-père lui trouve un fiancé avant la fin de ses études au Collegium. Elle espérait que ça n’arrive pas, évidemment, ou à défaut, que ce soit le plus tard possible. Mais, tout ça, c’était avant Tisia. Avant que le Compagnon ne la Choisisse, trois jours plus tôt. Depuis trois jours, depuis que les yeux de Tisia s’étaient perdus dans les siens, ce n’était plus d’actualité. Elle avait encore du mal à le réaliser pleinement mais, comme l’avait dit Enora, sa famille n’avait plus de prise sur elle.
Et voilà qu’un illustre inconnu lui parlait de mariage ?
« Mais… Messire… Vous ne me connaissez même pas, » bafouilla la rouquine, incapable de trouver réplique plus intelligente.
Sérieusement. La seule chose qu’il savait d’elle, c’était qu’elle portait l’uniforme gris et qu’elle était maladroite. Et la seule chose qu’elle savait de lui c’était que… son fils était l’héritier d’un Comté ? Ce qui voulait dire qu’il était Comte lui-même ? Ou peut-être même pas. Si ça se trouvait, c’était un parent qui était Comte. Et ça ne changeait de toute façon rien à l’absurdité de la situation.