Haven > Campagne
[Fitz/Wylan] Un petit coup de main?
Fitz:
Le lieutenant écoutait avec attention ce que Wylan lui révélait sur les boucliers. Il faudrait qu'il s’entraîne, c'était indéniable, et surtout qu'il trouve quelqu'un pour le faire. Bizarrement il commençait à hésiter un peu en ce qui concernait l'idée de demander à Feuille... Il n'était pas un élève fabuleux, et il avait peur qu'ils finissent à un moment donné par se lancer des trucs au visage au vu de l'entêtement du guerrier. Mais de toute façon il fallait qu'il le fasse.
« Oui je pense que je n'ai pas fini de m’entraîner dans ce cas là. Je me vois mal d'un seul coup devoir m'arrêter pour penser à monter mes boucliers. »
Ainsi il avait juste entendu la voix de Kyra dans le crâne de Wylan. Cette sensation était étrange, et franchement il aimait l'idée d'être seul dans sa tête au final.
« Je comprends mieux. Comme j'étais parfaitement conscient de ce que je cherchai, et surtout de comment le faire fonctionner, j'ai ressenti l'intervention de Kyra comme quelque chose que je « lisais » à l'intérieur de toi, ce que je cherchai à faire au final. C'est étrange comme sensation. Maintenant de toute façon, j'ai l'habitude qu'on me prenne pour un fou. Tu sais que les hommes me surnomment le porte poisse ? Ils ont l'impression que si ils partent en mission avec moi, ils verront des choses qu'aucun autre être sur terre n'a déjà vu... Autant te dire qu'être pris pour un fou, c'est quelque chose de courant dans mon cas ! »
Il souriait franchement. Tout cela le faisait rire au final, il prenait les choses comme elles venaient, et tant pis si c'était des trucs que le commun des mortels ne connaissaient pas. La seule chose qu'il avait encore du mal à admettre c'était son propre rôle dans tout ça. Etre spectateur était facile, être acteur plus compliqué. Fitz se servit de la flasque tendue par Wylan, écoutant ce que le héraut avait à dire. Il comprenait son choix, enfin tout du moins, il comprenait pourquoi.
« Je vois ce que tu veux dire. C'est ce que je me dis chaque fois que je monte au combat avec ma petite troupe choisie par mes soins. Mieux vaut que je sois en première ligne, moi et ma résistance légendaire, qu'un homme lié comme Kalaïd, ou qu'un être aussi important pour le pays que Beltran. Finalement c'est le même principe. Tant qu'à avoir du sale boulot à faire autant que ce soit moi. »
Et même avec Feuille dans sa vie, ses pensées étaient toujours les même. Si demain il devait choisir des hommes pour une mission suicide, il remplacerait son ami Lieutenant au pied lever. Il adressa un sourire désolé au Héraut.
« Je ne voulais pas te gêner. C'est juste que je comprends les sacrifices que demandent un tel choix de vie, et je sais combien parfois cela peut être lourd à porter. Ho y'a de bons moments c'est certain, mais d'un autre coté... Parfois ça fait du bien de se dire qu'on peut aussi vider son sac. »
Il n'épilogua pas plus, laissant cela derrière eux. Il prit une gorgée de plus du liquide avant de rendre la flasque à Wylan. Voilà une boisson qui passait parfaitement bien après leur éprouvante journée.
«Délicieux vraiment ! Si il y en a assez, je sens que je vais finir par passer une commande ! Enfin si la solde d'un lieutenant peut se permettre un tel breuvage. Et quant aux herbes.... »
Le lieutenant s'humecta les lèvres.
« A mon avis, si à la première gorgée on essaye de savoir ce qu'il y a dedans sans réussir, à la deuxième gorgée on a complètement oublié les questions qu'on se posait, et on se contente de savourer ! »
Héraut Wylan:
Wylan tenta de rassurer Fitz.
« Ça devient assez vite automatique, tu sais. Et après tu te sens nu quand par hasard tu te retrouves sans bouclier. »
Et cela devenait assez rapidement un effort conscient de ne pas avoir de boucliers dressés. Évidemment, certains Dons poussaient moins à développer des protections puissantes. Mais les Compagnons s’assuraient de leur côté que leur Élu était bien protégé.
« Pfff... tu sais, les soldats sont souvent très terre-à-terre. Si tu fréquentais plus de gens Doués, tu constaterais qu’ils sont tous fous. Les Dons ont un effet intéressant sur les gens je trouve. Déjà, tous les Hérauts ou presque ont l’habitude de raconter tout ce qu’ils font, mentalement et parfois à voix haute. Même ceux qui ne peuvent pas communiquer verbalement avec leur Compagnon. Ils savent que le Lien suffit à transmettre l’essentiel. Alors tu en verras pas mal des gens qui font des trucs étranges. Les Bardes sont, je crois, les pires. Tu sais pourquoi ils reçoivent des cours d’éthique, comme les Guérisseurs? C’est parce que c’est très difficile pour eux de résister à la tentation d’utiliser leur Don pour influencer les autres. J’ai un peu fréquenté la seconde de Riannon. C’est une femme charmante, discrète, intelligente. Mais alors, quand elle te veut dans son lit, je t’assure que tu n’as aucun moyen de refuser. Je ne dis pas qu’elle mésuse de son Don. Mais elle met une telle intensité dans sa voix... pffff. Je préférerais encore défier Beltran en duel que de lui dire non. Et les Guérisseurs... c’est probablement les plus sains de tous. Mais c’est aussi parce qu’ils sont suivis très étroitement pendant leur formation. Tu sais qu’ils peuvent tuer avec le Don de Guérison ? C’est relativement facile, il paraît. Mais tu comprends pourquoi beaucoup sont plutôt du genre coincés. Tu as déjà croisé Charwin ? Lui, je crois qu’il combine toutes les tares possibles. Il est sérieux, rigide, affublé d’un complexe du sauveur pire que le nôtre, et en plus, il est capable de te harceler jusque dans ta propre tête si tu ne suis pas ses recommandations à la lettre. »
Il rit. Charwin était le Guérisseur le plus unanimement détesté du coin.
« Au fait... Kalaïd, lui aussi il possède un Don, non ? Tu as pensé à en parler avec lui ? Tu aurais l’avis d’un soldat bien terre-à-terre. Ça ne peut que t’être bénéfique. »
Wylan avait rarement rencontré quelqu’un qui partageait ne serait-ce qu’un peu sa vision des choses. Il était donc heureux de pouvoir parler de tout ça avec Fitz, qui semblait le comprendre un peu au moins. Mais contrairement au lieutenant, il ne se sacrifiait pas à la place que quelqu’un d’autre. S’il n’avait pas été en mesure de remplacer l’ancien espion, et de ramener ainsi ce domaine de compétence au sein des Hérauts, la Couronne aurait engagé quelqu’un d’autre. Mais personne que Wylan connaissait. S’il refusait demain de partir en mission de l’autre côté des lignes, personne ne devrait s’y rendre à sa place. C’était lui qui avait fait de ce poste ce qu’il était actuellement. L’ancien espion de la Couronne se contentait d’entretenir un réseau d’informateurs un peu partout, et parfois il s’infiltrait. Wylan lui s’était créé une multitude de rôles dans une multitude d’endroits. Il avait sa place partout et obtenait lui-même les informations utiles à son pays. Il utilisait bien évidemment des informateurs, mais il vérifiait toujours par lui-même les informations importantes.
Il sourit à Fitz.
« J’ai peut-être un petit avantage sur toi. J’ai Kyra pour m’écouter quand j’ai besoin de parler. Et je ne suis jamais vraiment seul, car elle m’accompagne en esprit au moins si elle ne peut le faire en personne. »
: C’était gentil, ça... : Le ton de Kyra était empli de chaleur.
Laissant lui aussi cet épineux sujet derrière eux, il reprit la flasque et but une bonne gorgée.
« C’est de la gnôle, tu sais, pas du vin Brolin. On est dans gens simples chez moi. On fait de l’alcool simple. Donc tu as largement de quoi te payer la cuite de ta vie. Si ça t’intéresse, je peux demander à Kyle de te mettre quelques bouteilles de côté dans la prochaine livraison. Sinon je sais que quelques négociants de Haven en ont. Mais je pense qu’ils pratiquent des prix... pour nobles. »
Wylan rit à la boutade de Fitz.
« Ma mère serait ravie de t’entendre. C’est sa recette. » Il jeta un regard à Fitz. « Feuillemalice aussi a beaucoup apprécié...»
Fitz:
Il avait l'habitude de se sentir nu. Dès qu'il devait poser son arme, le lieutenant avait toujours la sensation qu'un truc lui manquait. Pour certain leur tic était de ne jamais sortir sans manteau, sans chapeau, pour lui c'était de ne pas être sans son arme.
« Il faut que cela devienne une habitude. Je vois ce que tu veux dire. »
Quelques doutes encore sur sa capacité à faire en sorte que cela devienne une vraie habitude, mais il allait y travailler. Le lieutenant souriait quand au reste.
« C'est vrai que je me suis toujours demandé, pourquoi ils n'utilisaient pas plus leur don. Je suppose qu'il y a toujours un risque de mal agir à un moment donné, mais avec la maîtrise vient la sagesse dit-on. Par contre il ne me semble pas avoir croisé ce Charwin encore, mais vu comment tu le décris, il ne me tarde pas! Finalement je me dis que même si on a un don puissant il ne faut pas oublier parfois d'être un humain. Nos défauts et nos envies font partie de nous, il est stupide de les renier ou de les enfermer. C'est un coup à devenir encore plus taré qu'on ne l'est déjà ! »
Une réalité venait de sauter aux yeux de Fitz à la réflexion de Wylan.
« Tu sais que je crois ne jamais avoir parlé de son don à Kalaïd. Je ne me suis jamais demandé comment il le gérait. La dernière fois qu'on s'est retrouvé tout les deux, on a plutôt discuté du vêtement féminin que j'ai trouvé par hasard en m'asseyant sur un fauteuil dans sa chambre. Et ensuite... Le reste du temps on parle guerre, organisation, et autres trucs barbants. »
Il est vrai que cela faisait pas mal de temps qu'il n'avait pas eu l'occasion de se retrouver seul avec le lieutenant afin de parler de la vie, et du reste. Mais cela revenait à ce qu'il voulait déjà faire avec Beltran. Prendre une soirée pour que les gradés arrêtent un instant d'être des gradés. C'était son idée fixe dorénavant, et il comptait bien la mettre en œuvre le plus rapidement possible. D'autres pouvaient très bien faire tourner la boutique pendant une soirée non ?
« C'est vrai que contrairement à d'autres vous n'êtes jamais seul. Je suppose que ce lien donne une force considérable aux hérauts. J'avoue même avoir parfois une légère jalousie à ce sujet, même si je sais très bien que déjà seul dans ma tête c'est le boxon, alors à deux.... Ce serait un véritable massacre. »
Et il en était persuadé. Il lui arrivait régulièrement de s’engueuler mentalement avec lui même, alors si une tierce personne venait à donner son grain de sel, il savait très bien qu'il finirait par ne jamais prendre de décisions. Le lieutenant tiqua un instant au nom de Feuille. Quelques images qu'il avait glané dans l'esprit du Héraut s'imposèrent à lui, mais il les écarta rapidement, adressant un sourire au Héraut.
« Ca ne m'étonne pas vraiment d'elle. C'est vraiment agréable à boire, et si jamais tu retourne bientôt voir ta mère, tu pourras lui dire qu'elle a gagné un nouveau client dans la garde de Haven ! Et je serai ravi que tu arrives à m'en faire mettre quelques unes de coté ! »
Au loin le bruit de Mephisto fit se retourner Fitz. L'animal s'impatientait, il s'ennuyait et tentait visiblement de le faire comprendre à son maître. Quand Fitz leva les yeux au ciel, le soleil commençait doucement à descendre. C'est qu'ils en avaient passé du temps dans ce coin perdu loin de tous.
« Je pense que notre après-midi touche à sa fin. J'ai encore des rapports à récupérer, avant justement de rejoindre Feuille pour un repos plus que mérité à mon avis. Mais avant je tenais à te remercier Wylan, ce que tu as fait pour moi aujourd'hui était vraiment important pour que je commence enfin à accepter ce que je suis devenu. »
Le lieutenant déplia ses jambes, vérifiant comme toujours si tout était toujours à sa place.
« Et si jamais tu as besoin d'un soldat un de ces jours, je serai ravi de t'apporter un coup de main. »
Il regarda sa main gantée, et se mit à rire.
« Quelque soit la main dont tu as besoin ! »
Héraut Wylan:
Wylan n’était pas certain d’avoir tout à fait compris le raisonnement du soldat... l’éthique n’était qu’un guide, on devait s’y conformer tout en restant le plus en accord avec soi-même...
«Le bon-sens aussi dicte l’usage des Dons. Pourquoi s’épuiser à utiliser un Don quand on peut faire autrement? Quant à Charwin, tu le rencontras que s’il t’arrive des bricoles... particulières. C’est lui qui gère la partie de la Maison de Guérison dédiées aux malades psychiques. Donc...»
Le Héraut trouvait toujours très drôle de constater que les gens ne pensaient pas toujours à ce qu’ils avaient sous le nez. Fitz aurait pu commencer par demander à Kalaïd des renseignements sur les Dons. Mais jamais il n’y avait pensé. La pudeur l’en avait peut-être empêché.
Il rit à l’évocation des sujets de conversation entre les deux hommes.
«De vêtement féminin? Quoi, la petite avait abandonné des dessous chez lui?»
La réflexion de Fitz était celle qu’il entendait le plus souvent à propos de la relation Héraut-Compagnon. Il se demandait comme les gens se représentaient ce Lien. Mais sans doute très différemment de ce qu’il était dans les faits.
«On est pas vraiment deux dans une seule tête. On partage une zone commune je dirais.»
Il vida la flasque d’une gorgée.
« Mmmmhh, aucune chance que je la vois avant la fin de... de tout ça. Kyle peut-être si on arrive à se croiser en ville. Ah, Kyle est mon frère aîné. Si tu tombes sur un type avec une tête aussi banale que la mienne, ce sera probablement lui. C’est lui qui vend l’alcool familial. Je lui dirai de t’en livrer.»
Il lui laisserait un mot. Il n’y avait aucune chance qu’il le croise avant son départ, prévu pour le lendemain. Et comme il n’était pas certain de revenir, il préférait que tout soit réglé avant son départ.
Il se releva à son tour.
«Pas de problème. Je dois avouer que ça m’intriguait, ton histoire de Don. Et maintenant j’en sais plus que quiconque sur la question. Je suis donc satisfait.»
Fitz lui proposait ses services. Wylan sourit.
«Je note.»
Il récupéra ses affaires et les deux hommes repartirent vers la cité.
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