Ysendar haussa une épaule.
_ Je connais la Complainte de Vanyel. Il en existe plusieurs mais c'est moi qu'aie composé celle-là.
Il vint s'asseoir à ses côtés, les autres hommes l'imitant, à croire qu'ils suivaient le barde. La Composition était un de ses Dons. Il aimait interpréter mais encore plus composer, créer quelque chose, divulguer, dévoiler quelque chose qui venait du fond de sa poitrine. Reposer son "arme" sur ses genoux, il joua pendant quelques secondes sur ses cordes avant de relever les yeux dans ceux de Fleur et de lui sourire. Puis aussi vite, il retomba le regard sur ses doigts et se racla la gorge. Autant on aimait l'écouter lui, et ses chansons grivoises, autant quand il se mettait à chanter avec le coeur, il y avait quelque chose en plus qui émanait de lui, comme si c'était réellement ce qu'il était, à côté du garçon qui aimait faire la fête et qui semblait bien familier avec la bière.
Cependant, Ysendar utilisa sa propre langue native pour cette composition. Il était bien plus à l'aise et n'avait pas besoin de se faire comprendre par les mots, la musique et sa voix parlaient d'elles-mêmes. Il y mettait tout son coeur et toute la tristesse de Vanyel en retraçant son histoire ainsi que celle de son amant. Il n'y avait pas là un heureux sujet, ni même une bonne fin. Avec Vanyel, il n'y avait jamais de composition heureuse quand Ysendar s'en occupait. Et même par les chansons et musiques qu'il interprétait des autres bardes, il n'y avait que très rarement trouvé de mots heureux. Cependant, les chansons n'en étaient que plus belles car elle parlaient d'un véritable amour inconditionnel... De celui qu'on ne trouve pas si facilement. De celui qu'il cherchait pour lui-même sans l'avoir encore trouvé.
Et comme à chaque fois, pour ce genre de chansons, il prenait une voix totalement différente, bien plus grave et profonde ainsi qu'un rythme plus lent et langoureux. Au final, l'instrument n'était pas le coeur de son Don mais sa voix et sûrement l'expression sur son visage. Il arrivait à en faire pleurer les plus costauds. S'il n'avait jamais considéré tout ça comme un don réel, il s'en était pourtant servi pour se sortir de mauvais pas quelques fois ! Et en laissant la dernière note mourir sur ses cordes, il releva les yeux sur Fleur, comme si cette chanson s'adressait à elle, avec un léger sourire sur les lèvres.