Pluiechantante ne pleurait jamais. Ou plutôt, elle ne pleurait jamais devant témoins. Jamais. Certes, il lui arrivait de verser des larmes par empathie, ou par bonheur. Mais pleurer à gros sanglots, pleurer pour sa propre douleur était quelque chose qu'elle ne faisait que loin des regards. Très loin même, à quelques lieues. Avec tous les Empathes vivant dans le Palais, c'était une précaution plus que nécessaire.
Pleurer provoquait chez elle une honte profonde, un sentiment d'échec. Si elle en venait à pleurer, c'était qu'elle avait épuisé tous les autres recours, c'était que rien n'avait pu la soulager. Pour les autres, il n'y avait aucune honte à pleurer. C'était naturel, et salvateur. Mais son travail à elle était de soulager les gens, et ne pas réussir à soulager son propre cœur était un aveu d'incompétence, un aveux qu'elle n'était pas prête à faire.
Au fond, il n'y avait qu'un seul sujet qui provoquait chez elle un besoin irrépressible de pleurer. Sa Blessure. Celle qui ne guérirait jamais, celle qui conditionnait son existence. En temps normal, elle évitait d'y penser. Elle avait soigneusement cloisonné ses pensées pour ne pas se laisser affecter par cela. Parfois, elle éprouvait le besoin d'y revenir. Elle allait alors se promener loin, avec son panier, elle récoltait des plantes et elle pleurait.
Pourquoi avait-elle parlé de sa mère? Normalement, elle aurait contourné le sujet d'une manière ou d'une autre. Mais la fatigue, les blessures, et le besoin d'être pour une fois celle qu'on consolait avait eu raison des schémas qu'elle avait soigneusement mis en place.
Pluiechantante n'arrivait pas à arrêter ses larmes. Elle essayait encore et encore de reprendre le dessus, mais n'y parvenait pas. Sourcedésert était son amie. S'il y avait quelqu'un dans cette ville à qui elle pouvait en parler, c'était elle.
Elle se jeta tant bien que mal contre sa grande, sa meilleure amie et lui raconta tout, à l'oreille.
***
La conversation avait duré longtemps. On avait pu entendre, après les pleurs, des exclamations de surprise, des cris de joie, des fous rires, et bizarrement, de nombreux noms d'hommes lancés à grands renforts de pouffements.
[RP CLOS]