Après leur fou-rire, Mina fit la grimace quand Beltran lui conseilla de ne pas trop se retrouver seule.
"Je ne suis pas un personnage sociable tu sais... Il n'y a guère qu'avec Saskia et Isabeau, et toi, que je suis à l'aise. Et puis je ne suis jamais seule. J'ai Ezarell avec moi. Sauf ce soir, elle a été assez gentille pour me laisser ma soirée, en toute initmité..."
Elle ponctua sa phrase par un sourire presque enfantin. Enfin, dans son esprit, c'était l'idée. Dans la réalité, c'était plus aguicheur qu'autre chose, et si son Compagnon avait été là, il aurait pu lui rappeler à quel point elle n'avait aucune idée des messages qu'elle pouvait faire passer sans le savoir. Il n'y avait qu'as espérer que Beltran le lui explique gentiment.
"Je sais que tu m'as dit que tu m'apprendrai à nager un jour mais tout de même, si tu t'y prends comme ça, ça risque d'être long!" conclut-elle avec bonne humeur.
Parler de musique donna l'occasion à Beltran de lui parler de sa fille. Cette marque de confiance touchait beaucoup la jeune femme. Beltran était très réservé sur sa vie privée, à raison, comme il venait de lui expliquer, mais pour autre chose aussi. Mina ne savait pas tellement quelle position il adoptait face à cette fille qu'il n'avait jamais officiellement reconnue. Il semblait très mal à l'aise. Irmingarde doutait que la situation actuelle soit son choix à lui. C'était un tout, sacrément inconfortable pour ce papa perdu.
La Grise choisit de ne pas trop faire de supposition en le forçant à analyser des sentiments contradictoires, après tout, elle n'était pas là pour faire sa psychanalyse, et répondit en choisissant ses mots:
"Liane est une petite fille très vive, et très curieuse. Je l'ai rencontré peu après la mort du Roi, elle voulait jouer. Elle savait des choses étonnantes sur moi, je ne serai pas surprise qu'elle se montre Douée, même si je sais que l'idée ne te plait pas. Elle a une maman très aimante, un père très protecteur, et une nounou compétente, pour le peu que je puisse en juger. Elle est bien entourée."
Elle ne rajouta pas que l'enfant parlait par l'esprit avec plus de facilité qu'avec sa bouche, histoire de ne pas l'effrayer plus encore.
Elle préféra essayer de ne pas trop rougir quand elle récolta son lot de compliment en retour du sien. Intelligente, elle? Elle se considérait plutôt comme une idiote. Dans le sens où elle manquait cruellement de culture, même si elle essayait de combler cette lacune.
Indépendante, ça, elle ne pouvait pas le nier.
Débrouillarde? Elle ne s'était jamais vu ainsi, mais soit.
Courageuse? C'était une façon comme une autre de donner un autre nom à son habitude de ne pas réfléchir avant de faire quelque chose. C'était gentil de sa part de le tourner ainsi.
Quant à charmante et attirante... ces qualificatifs, dans sa bouche... Aussi sûrement que le vin, cela la réchauffait de l'intérieur.
Elle ne répondit rien, de peur de passer pour prétentieuse en réfutant des compliments comme si elle voulait qu'il insiste.
Puis Beltran lui parla de Fitz et de ses cours, de sa façon d'être. C'était intéressant, mais elle n'avait pas tellement envie de discuter de la personnalité d'un tiers totalement étranger à leur relation. Mina, intelligente, indépendante, débrouillarde, courageuse, charmante, attirante et... égoïste.
"Oh, je sais crier! J'ai passé de sacré savons à mes petits frères et sœurs, dans tous les sens du terme d'ailleurs. Et Fitz était pour moi comme un enfant. Mais dans le rôle de Professeur, je ferai sûrement profil bas! Même si je préférerai de loin que ce soit toi, mais je suis raisonnable, tu as des choses autrement plus importantes à faire pendant que tu es là."
Irmingarde eut une réminiscence, un souvenir fugace, une sensation qui revint avec une étonnante précision. Ce cours de combat, où pour la première fois, il l'avait touché, sans aucune arrière pensée, pour lui indiquer comment se tenir. Ce frisson qui l'avait parcouru, qu'elle avait assimilé à de la peur.
Pour s'éclaircir les idées - ou les embrumer plus encore - elle but à nouveau une grande gorgée de vin.
Sa question sur son état d'esprit fit mouche et Beltran se confia plus qu'elle ne l'aurait pensé.
En toute honnêteté, même si Saskia était son amie, et même si le Roi était le premier Héraut du royaume, elle ne s'était jamais vraiment posé de question sur son bien-être. La chose certaine, c'était qu'elle ne voudrait pour rien au monde être à sa place. En revanche, elle savait qu'elle aurait tout donné pour, ne serait-ce qu'un instant, porter un peu les soucis de Beltran à sa place, le soulager. Elle ne voulait pas devenir un lointain souvenir pour lui à cause de la guerre. Elle voulait être un soutien.
Elle s’éclaircit la gorge et avança sa main, effectuant ce que Beltran avait voulu faire tout à l'heure mais n'avait pas finit, l’inondant à la place. Elle posa sa main sur la sienne.
"De rien."
Elle ne savait pas trop quoi ajouter, mais ne déplaça pas sa main. Elle repassa la conversation dans sa tête et un sourire éclaira son visage:
"Après notre premier cours, tu m'as envoyé chez une Kestra'chern, me faire masser, tu te souviens?"
Oui, à son avis, il devait se souvenir qu'elle s'était tellement mal réceptionnée qu'elle avait du se faire masser le fondement pour pouvoir marcher correctement.
"Si le poids sur tes épaules devient trop lourd, alors tu as besoin d'un massage. Je suis pas une professionnelle, mais j'ai à peu près comprit comment elle faisait, si tu veux, je peux essayer, si tu n'as pas peur que je te déboite une clavicule."
Fallait-il qu'elle tienne à lui pour lui proposer en toute conscience de le toucher!
Elle n'avait toujours pas ôté sa main de la sienne.
"Enfin, après le dessert qui a l'air diablement délicieux..."
De sa main gauche, elle finit son verre d'une traite puis les derniers reliefs de son plat. Les émotions, ça creuse.