Thalyana n'avait jamais vu quelque chose de semblable, non qu'elle plonge souvent dans l'esprit de ses patients au mépris de la prudence la plus élémentaire. C'était presque terrifiant. Tout ce vide, ce noir… La jeune femme n'avait jamais aimé le noir. La nuit ne lui posait pas de problèmes, mais le noir artificiel d'une pièce sans fenêtre, ou celui d'une grotte, lui faisait peur.
La jeune femme n'avait quasiment plus de souvenirs, seuls restaient des images floues, lointaines. Sauf une scène, encore clair et précise. Une femme retenait la servante, plongeant son regard noir dans les yeux de sa captive. La servante connaissait cette personne, Thalyana non. Mais elle parvint à trouver son nom: Bronwyn de Tolan. Une noble... une traîtresse.
Thalyana reprit son avancée. Voyager dans cet esprit c'était comme de marcher à tâtons. Mais elle parvint enfin quelque part. Et ce quelque part n'était pas celui qu'elle attendait. Logiquement (pour autant qu'il y en ait dans l'exploration d'un esprit autre que le sien) elle aurait du atteindre le "centre" de l'esprit de la jeune femme. Celui-là même que les personnes Douées utilisaient pour ancrer leurs Dons. Mais ici, rien, encore du noir, tellement noir qu'il était une absence totale plutôt qu'une zone laissée sans lumière.
La Verte se tenait au bord de cette déchirure de l'esprit, de ce précipice. Un pas, et elle tomberait. Elle savait qu'elle ne pourrait pas en revenir. Pourtant, elle voulait continuer, comme un papillon ne peut s'empêcher de venir se brûler les ailes à la flamme d'une bougie. Un "petit doigt" lui disait de continuer; pas le sien évidemment, car même le plus téméraire de ses doigts était plein de bon sens. Que faire?
Elle se "retourna", contemplant le "fil" d'or qui la reliait à elle-même et surtout à l'autre moitié de son âme. Serait-il assez résistant pour empêcher son esprit d'être broyée par la nuit? Indécise, résistant vaillamment contre l'envie de plonger tout entière dans l'abîme, elle essaya autre chose.
Elle "respira" profondément, tentant de retrouver son propre centre. Elle ne devait pas perdre son individualité ici. Puis, quand elle se sentit prête, elle tenta quelque chose qu'elle n'avait ni appris, ni même imaginé. Elle envoya une "sonde mentale" à l'assaut de ce vide, en espérant que cette ligne, lancée au hasard, lui rapporterait de quoi nourrir son esprit affamé.