[Rp d'intro Tallulah] Prendre son service... et le rendre

[Thalyana]

Milieu de la 7e décade d'hiver 1481, en début d'après-midi - Appartement de Thalyana

Thalyana était déjà exténuée. Et elle n'avait fait que la moitié du travail. Ses affaires s'entassaient dans des paniers partout dans la pièce. Elle avait toujours cru qu'elle possédait peu de choses, mais son déménagement lui avait prouvé le contraire. Quand avait-elle accumulé tant de choses? Outre ces vêtements de Guérisseuse, elle possédait maintenant deux tenus d'équitation qui lui servaient pour s'entraîner au combat, une robe élégante violette et grise, quelques tenues "civiles", deux chemises de nuit, des bas, des chaussettes, des gros pull, une cape épaisse, quelques châles. Elle avait aussi quelques jeux de couteaux de lancer, une dague, un couteau, des protections d'entraînement à sa taille. Dans un panier, elle avait du linge de maison, des draps, des linges, des couvertures. Dans un autre s'entassaient les bourses et les fioles qui constituaient son nécessaire de soin. Dans un coffre en osier se trouvaient des objets plus personnels, des bibelots, des lettres, des colifichets.

Elle s'assit sur la chaise à bascule en osier qu'Alder lui avait offert quand il avait appris sa grossesse. Elle ne savait pas trop pourquoi il avait fait un tel geste, mais elle appréciait. C'était le seul meuble de la pièce qui lui appartenait. Le reste était là avant son arrivée. Elle n'aurait pas à dépenser d'argent pour des meubles. En tout cas pas tout de suite. L'appartement qu'Isabeau lui avait permis de trouver n'était pas très grand, mais il était dans le quartier bourgeois, pas trop loin du Palais. Il se trouvait dans la maison d'une famille d'orfèvres. Le loyer qu'elle payait était ridicule, car elle avait accepté de tenir une sorte de "permanence" les nuits. Évidemment, elle avait dû réduire ses horaires à la Maison de Guérison, mais elle continuerait d'y travailler presque tous les jours.

Elle s'était débrouillée pour se faire aider par un page pour amener ses affaires. Mais celui-ci devait retourner à son poste cet après-midi, et il avait promis de lui envoyer un autre page pour l'aider. Elle attendait donc l'arrivée de son nouvel aide pour commencer à déballer ses affaires. Elle avait tellement couru les deux dernières dizaines...

Elle s'était à moitié assoupi sur sa chaise quand elle entendit qu'on frappait à la porte.

"Oui... entrez."

[Tallulah]

[justify:j0dgfxcb]Milieu de la 7e décade d'hiver, en début d'après-midi - Appartement de Thalyana

Tal s'accoutumait comme elle pouvait à sa nouvelle vie. Ce qui signifiait qu'outre la langue qu'elle ne maîtrisait pas parfaitement, dans sa petite tête d'enfant émerveillée, tout se passait bien. Si ce n'était que ses parents lui manquaient, et que le soir, à l'abri des regards, elle relisait inlassablement leur lettre et s'endormait en serrant sa petite bourse de cuir dans ses mains. Mais elle découvrait un autre monde, chaque jour elle voyait de jolies choses qu'elle n'eût même pas pu imaginer auparavant, si bien que la nostalgie ne l'emportait que peu. Seulement le soir lorsqu'elle se couchait, en réalité.

Pour le reste, en tant que page, elle n'avait pas de quoi s'ennuyer. Et ça lui allait parfaitement. Toujours levée aux aurores, elle accomplissait chaque tâche qu'on lui assignait avec application... tant que sa cervelle à l'imagination trop débordante ne partait pas dans des rêves éveillés qui la mettaient souvent dans de fâcheuses positions... Ce matin, par exemple, elle avait manqué une marche, tournant la tête au passage d'une camarade les bras chargés des atours d'une dame sans doute, pour observer une broderie, et avait failli dévaler l'escalier. Par réflexe, elle avait rattrapé la rampe d'une main, et agrippé les parchemins qu'elle devait emporter au Collegium des Hérauts pour une raison inconnue qu'elle n'avait même pas songé à demander, afin qu'eux ne dégringolent pas sans elle jusqu'en bas. Ils étaient arrivés quelque peu froissés, pour le compte, et elle avait essuyé un sermon le nez baissé sur ses souliers, sans rien dire de sa cheville qu'elle avait dû légèrement tordre dans l'histoire. Jusqu'à ce qu'on réalisât qu'elle marchait un peu plus lentement, appuyait moins sur son pied gauche, et qu'on comprît qu'elle avait dû se faire un peu mal quand même. Repos pour l'après-midi, c'était l'idée, mais... C'était sans compter que, même si elle s'était pliée à l'obligation d'aller voir un Guérisseur comme on le lui avait ordonné, elle n'avait clairement pas eu l'intention de ne rien faire de l'après-midi, et ses pas la dirigeaient – ô surprise – vers le Collegium des Bardes – même si elle n'y entrait pas – dans l'espoir d'entendre quelques notes par ci, par là.

Elle en était là, quand un de ses petits camarades lui demanda si elle pouvait aller aider une Guérisseuse à déménager. Refuser ne lui était même pas venu à l'esprit, et elle avait suivi les indications données pour aller frapper par la porte. Quand une voix féminine l'invita à entrer, elle tourna la poignée, et poussa doucement la porte.

« Vous avez demandé l'aide ? Je peux faire quoi ? »

Elle ferma la porte derrière elle, pénétrant doucement dans la demeure, pour s'approcher de la femme assise dans une jolie chaise à bascule. Elle ne connaissait guère ce genre de chose, et son regard un peu trop admiratif s'attardait – comme souvent sur tout et n'importe quoi – sur l'objet en question...[/justify:j0dgfxcb]

[Thalyana]

Thalyana sourit et se releva maladroitement. C'était très confortable, comme chaise, mais un peu instable. Elle arrêta le balancement intempestif de la main et désigna la pièce du menton.

"J'ai besoin d'aide pour ranger mes affaires et ensuite rendre les paniers à l'intendante. Et je suis de garde cette nuit à la Maison, donc je dois avoir terminé avant ce soir. Ton camarade m' aidé à amener mes affaires ici. Mais seule, il m'aurait été impossible de tout ranger à temps."

Elle s'approcha de l'amoncellement de panier entassé au milieu de la pièce, remontant les manches de sa tunique. Elle attrapa le tablier jeté négligemment au sommet de la pile et le passa.

" J'aurais bien demandé à des amis de m'aider, mais personne n'était libre… on est tous tellement occupé en hiver…"

En fait, elle n'avait demandé l'aide de personne. D'une part il lui était très difficile de demander de l'aide, elle avait l'habitude de régler ses problèmes seule. D'autre part, elle n'avait pas vraiment d'amis. Elle avait des collègues et des patients, mais personne à qui demander ce genre de service. Certes, il y avait bien Isabeau, mais elle était blessée. Et Alder était déjà bien trop surchargé. Elle aurait éventuellement pu demander aux gardes qu'elle connaissait et appréciait, mais cela l'aurait obligée à s'expliquer, et elle ne voulait pas se faire materner par toute la caserne pour les dizaines à venir. Elle tenait à sa liberté.

" On va déjà trier ce qui va dans cette pièce, et ce qui va dans l'autre."

Il aurait été plus malin de déposer directement les paniers dans la bonne pièce, mais Thalyana n'était pas réputée pour son sens innée de l'ordre et du rangement. Elle était maniaque dans son travail, sa vie privée était nettement plus chaotique.

Alors qu'elle se penchait sur la pile, elle voulut interpeller le page. Elle réalisa soudain qu'elle n'avait pas pensé à lui demander son nom… ni même à la saluer. Elle n'était vraiment pas douée dans les relations sociales. Elle-même était allergique aux convenances, mais cela n'excusait pas ce manque flagrant de savoir-vivre.

Elle se redressa, une roseur légère colorant ses joues.

"Je ne suis pas très à mon affaire… Bonjour, déjà. Comment t'appelles-tu, jeune fille?"

[Tallulah]

[justify:1whiraco]La petite fille vit la femme se lever difficilement de ce fauteuil qui bougeait en rythme régulier, suivant le balancement d'un regard un peu trop plein d'étoiles. Elle dut pourtant se recentrer sur les propos de celle qui avait demandé son aide et répondait somme toute à sa question. Elle parlait un peu vite, cependant, et fonçant les sourcils, l'enfant tentait de reconstituer les phrases avec les mots qui lui manquaient. Un exercice qu'elle devait mettre en application tous les jours ou presque depuis nombre de décades à présent. Et qu'elle commençait à maîtriser, même si, pour le coup, il monopolisait toute son attention. Bon. Ranger. Rendre les paniers. Terminer avant ce soir. Autant elle n'avait pas parfaitement tout entendu, autant elle pensait bien avoir compris l'essentiel, et hocha la tête, tandis que la femme enfilait un tablier après avoir retroussé ses manches.

Les propos suivant lui échappèrent, cependant. Amis, et hiver, certes, atteignirent son esprit, mais c'était à peu près tout, elle s'était approchée, appuyant le moins possible sur la cheville que les Guérisseurs avaient soigné tout à l'heure, et observait d'un œil un peu trop intéressé l'amoncellement de paniers, dont elle retraçait les courbes comme s'il s'était agi de véritables œuvres d'art. Incorrigible.

« D'accord » répondit-elle simplement à l'évocation du tri.

Mais elle ne savait pourtant pas bien comment elles devaient trier tout ça. Qu'est-ce qui devait aller dans l'autre pièce, qu'est-ce qui devait rester ici ? Un peu mal à l'aise, et cherchant les mots pour s'expliquer, elle vit sa patronne se relever et se tourner vers elle, les joues rosies. Euh... Pourquoi ?

« Bonjour » fit-elle tout aussi contrite de n'avoir pas elle-même salué la femme dès son arrivée. « Je suis Tal. Tallulah, mais Tal c'est plus court. Et vous, comment je vous appelle ? »

Elle n'était pas trop sûre d'avoir le droit de poser la question ouvertement, mais la dame n'avait pas l'air trop hautaine – elle avait eu des personnes à préparer beaucoup plus froides et méprisantes, déjà – et ce serait plus facile pour s'adresser à elle de savoir comme l'appeler, d'autant qu'elle n'était pas très familière avec les titres de chacun et qu'elle était tout à fait capable de commettre un impair. Elle n'avait pas trop envie d'encore se faire rouspéter pour avoir dit une bêtise...[/justify:1whiraco]

[Thalyana]

Thalyana sourit. La page avait un drôle d'accent qui ne lui disait rien. Pourtant elle avait une bonne oreille, et côtoyait quotidiennement de nombreux étrangers aux accents plus exotiques les uns que les autres. Cependant, l'origine de la petite ne la regardait absolument pas, aussi s'abstint-elle de  la questionner à ce propos.

"Je m'appelle Thalyana. Nos prénoms se ressemblent un peu, c'est drôle. Et tu peux s'implement m'appeler Thalyana."

Elle se retourna vers la pile de panier et poussa un soupir bien trop bruyant pour être sincère. Elle détestait mettre de l'ordre. C'était quelque chose qu'elle ne pouvait faire en temps normal que le matin, à moitié réveillée. Sinon cela la rendait folle, une telle perte de temps.

Aujourd'hui, elle n'avait pas le choix. Pour se forcer à mettre en ordre son nouveau logement immédiatement, elle avait assuré à l'intendante que ses paniers seraient de retour le soir-même. Elle devait donc ranger ses affaires tout de suite. Mais maintenant Thalyana regrettait son sens pratique.

"Bon, alors, ce tri… les vêtements et le coffre en osier vont dans la chambre…Euh, je crois que je vais laisser mon équipement ici. Le linge de maison, faudra le répartir… Il y a une commode ici, et une armoire dans la chambre. On va d'abord ranger les vêtements et voir la place qu'il reste, je pense…euh…"

Elle lança un regard à la fillette, légèrement gênée. Elle était censée donner des ordres, mais elle-même n'était pas certaine de ce qu'il fallait faire.

"Désolée, je ne suis pas très douée pour tenir une maison. Ma mère désespérait de m'apprendre quelque chose, et finalement je suis partie avant d'avoir retenu quoi que ce soit… "

Elle ramassa un panier rempli à raz-bord de jupes et de jupons. Il pesait sacrément lourd. Elle jeta un regard en biais à Tal… aurait-elle assez de force pour porter ces paniers? Elle était tout en bras et en jambes.

"Si quelque chose est trop lourd pour toi, laisse-le, je le prendrai. Tu es en pleine croissance, on ne doit pas surcharger ton dos… d'ailleurs, quel âge as-tu?"

Chargée de son panier, elle passa dans la pièce à côté, beaucoup plus petite et s'arrêta devant une lourde armoire campagnarde. Elle posa son panier et ouvrit l'armoire. Après avoir jeté un bref coup d’œil pour s'assurer que les étages n'étaient pas trop poussiéreux, elle commença à vider son panier.

[Tallulah]

[justify:8vj42oim]Tal rendit son sourire à la femme qu'elle devait aider, étonnée d'entendre un prénom aussi proche du sien.

« Drôle ? »

Les siens n'avaient pas vraiment l'habitude ce qui était « drôle » et elle n'arrivait pas à voir où elle voulait en venir, ce qu'il pouvait y avoir de comique là-dedans.

« Enchantée Thalyana. Ca ressemble, oui. »

Ca ne l'empêchait pas de sourire, ravie de tomber sur une personne de bonne compagnie. Mais découragée d'avance par le travail à fournir pour vider les paniers amoncelés dans la pièce à en croire son soupir.

« Je suis là pour aider. »

Elle ne savait pas si ce pourrait être réellement rassurant, mais c'était pourtant bien son intention. Avec toute l'attention dont elle était capable, surtout pour ne pas perdre d'informations importantes, en plus de son vocabulaire encore limité, elle écouta les directives. Vêtements et coffre dans la chambre. Ca, ça allait. Equipement ? Euh... Linge de maison, elle visualisait à peu près. Commode et armoire... Elle avait bien compris qu'il s'agissait de meubles, mais n'avait jamais trop bien déterminé lequel était lequel. Pourquoi fallait-il d'ailleurs qu'il y ait tant de mots différents pour des choses dont l'utilité était finalement la même ? C'était quelque chose qui l'impressionnait énormément, et qui différait grandement de ses habitudes...

Manifestement, le rangement ne plaisais pas beaucoup à sa patronne de l'après-midi. Elle n'avait pas tout compris de ses propos, mais qu'elle fût désolée lui donnait un ordre d'idée. Ca ne la dérangeait pas, elle que ce ne fussent pas des directives trop rigides non plus. Elles finiraient bien par arriver à un résultat correct, de toute façon. Ranger des vêtements, ça n'était pas la fin du monde, on lui avait demandé des tâches plus ingrates, déjà. Et comme Thalyana emportait un panier vers l'autre pièce, Tal en attrapa un autre, empli de tuniques et corsages divers. Un peu lourd, certes, pour sa petite silhouette, mais la petite n'avait pas vraiment pour habitude de se plaindre à ce niveau-là, d'autant qu'elle avait tout de même une certaine force. Ce qui allait plus délicat, ça restait sa cheville. Mais elle n'avait pas vraiment envie d'expliquer qu'elle avait fait une bêtise le matin-même... D'autant qu'elle n'était pas sûre de pouvoir correctement l'exprimer.

« Ca va. Je dis si ça va pas, promis. Et j'ai douze ans. Enfin... presque. »

Elle ne voulait pas mentir, mais pour l'heure, ça allait, réellement. Elle ne dirait peut-être plus la même chose au bout de quelques allers-retours, mais pour l'heure, les soins de la Maison des Guérisseurs en fin de matinée avaient été efficaces, et si elle sentait encore la gêne, elle arrivait à se déplacer correctement.[/justify:8vj42oim]

[Thalyana]

Thalyana sourit en voyant la page transporter péniblement un panier. Au même âge, elle était fière de montrer qu'elle était presque une "grande". Quand Tal arriva à côté d'elle, elle lui indiqua un étage de libre où ranger le contenu de son panier.

"Il faut me dire si je parle trop vite pour toi. J'entends bien que le valdemaran n'est pas ta langue. Surtout que je parle plutôt vite..."

Thalyana dut résister à la tentation de tout empiler grossièrement. Elle prit le temps de plier correctement chaque jupe, chaque corsage, puis de faire des piles bien nettes. Évidemment, dans une dizaine tout serait de nouveau en désordre. Mais elle voulait qu'aujourd'hui, au moins, tout soit bien rangé. Lubie de femme enceinte, probablement. Encore une.

Quand elle eut vidé son propre panier, elle alla en chercher un autre, rempli de bas, de chaussettes et de dessous. Elle ouvrit le tiroir qui se trouvait tout en bas du meuble et s'agenouilla pour y ranger ses affaires. Elle commença à soigneusement aligner les bas, les paires de chaussettes, puis elle fit de jolies piles avec ses dessous. Elle se redressa maladroitement, manquant de tomber sur les fesses.

Elle avait chaud maintenat... et soif. Vu qu'elles étaient entre filles, Thalyana déboutonna son corsage, l'enleva et le posa sur le lit, encore dénué de draps. Sa liquette était heureusement coupée dans un tissu assez épais, et ne laissait rien voir. Elle se tourna vers la fillette.

" Je vais nous faire du thé. Enfin, de la tisane. Le thé, c'est pas bon pour moi. Continue un peu sans moi."

Elle repassa dans l'autre pièce et décrocha la bouilloire suspendue à un gros crochet contre le mur. Elle la remplit dans le grand seau d'eau qu'elle n'avait pas manqué de remonter à son arrivée ici, puis essuya la bouilloire. Elle s'approcha du poêle qui chauffait agréablement la pièce et servait à cuisiner. Elle posa la bouilloire et se tourna vers la pile pour tenter de dénicher sa théière et les gobelets assortis. Elle la trouva rapidement; elle l'avait rangé au sommet d'un panier, certaine qu'elle en aurait rapidement besoin. Puis elle chercha dans ses herbes de quoi faire une bonne tisane. Quand l'eau commença à bouillir, elle alla chercher la bouilloire, en se protégeant les mains dans le tissu épais de sa jupe. Elle remplit la théière, et l'amena dans l'autre pièce, avec deux gobelets. Elle les remplit tous deux, et posa la théière dans un coin, directement sur le sol. Elle alla s'assoir sur le lit et tendit son thé à la fillette.

"Viens t'assoir un moment... boire un peu. C'est plein de poussières, tout ça, ça donne soif."

[Tallulah]

[justify:2wvrm53t]Bien sûr qu'elle était grande, elle avait presque douze ans ! Et puis il fallait bien qu'elle se débrouille toute seule, de toutes les façons, elle n'avait pas le choix. Il ne manquerait plus qu'elle ne remplît pas correctement ses fonctions de page et qu'on la chassât. Ou irait-elle dans ce cas ? Non, ça, c'était hors de question. Ce n'était qu'un panier, après tout. Elle y arriverait très bien, bien sûr.

La femme avait entendu son accent, ce qui n'était pas rare, sa façon de parler parfois incertaine sans doute aussi, et intérieurement, la fillette rouspéta. Il fallait vraiment qu'elle s'améliore. Mais la sollicitude de sa patronne de l'après-midi était adorable et elle lui adressa un grand sourire.

« D'accord. Mais j'ai compris c'qu'il faut, là. »

Bon, grossièrement. Mais pour le moment, ça allait, elle n'était pas complètement à la ramasse. En tous les cas, elle savait qu'elle pouvait réellement lui demander de répéter si ses directives n'étaient pas claires, et ça, c'est quand même pas mal rassurant. Tout le monde ne réagissait pas comme ça à chaque fois. Et tandis que Thalyana s'occupait de son panier, elle pliait ce que contenait le sien avec minutie pour le ranger à l'emplacement qu'on lui avait indiqué. Sans tout de suite s'en rendre compte, elle se mit à fredonner pendant l'ouvrage, une mélodie qu'elle avait dû entendre lors de ses fréquentes pérégrinations du côté de chez les bardes, sans doute. Et sa voix s'éleva particulièrement quand la Guérisseuse fit l'aller-retour pour aller chercher un nouveau panier, de même lorsque celle-ci s'arrêta pour leur préparer une tisane - elle ne faisait pas trop la différence avec le thé, d'ailleurs, mais soit - ce qui ne l'empêcha pas de continuer à s'affairer, comme on le lui demandait.

Bientôt, les paniers furent tous vides, le meuble empli de vêtements joliment rangés en piles bien droites, et elle observa un petit instant leur travail commun, satisfaite, avant de se relever à son tour. Et de se mordiller un peu la lèvre en réalisant ce dont elle venait de se permettre. Hum... Se taire lui semblait alors une bonne idée, et elle disparut dans l'autre pièce, hésitant à prendre le coffre dont elle était sûre de la destination, mais pas certaine d'avoir l'allonge de bras nécessaire pour le trimbaler, et se rabattit sur un panier empli de draps et autre linge de maison. Thalyana s'installait sur le lit vide et lui proposait un gobelet fumant ainsi qu'une pause, et la petite hocha vigoureusement la tête.

« Mais ça va, j'ai l'habitude la poussière. »

Et la roche, surtout, mais passons. N'empêchait qu'elle ne se voyait pas refuser la boisson proposée, d'autant plus que ça sentait bon.

« C'est quoi ? La fleur, je veux dire. Ca sent bon... »

Bon n'importe quel parfum végétal, à moins d'être particulièrement nauséabond, lui semblait agréablement parfumé, ça n'était pas très révélateur... mais ça n'empêchait pas qu'elle était sincère. Et après un signe de tête en guise de remerciement, agenouillée au sol face à la Guérisseuse, elle trempa les lèvres dans le breuvage, en savourant le goût autant que le parfum qu'elle continuait à humer.[/justify:2wvrm53t]

[Thalyana]

Thalyana souffla sur son gobelet et but une gorgée. Elle aurait volontiers sucré la tisane avec un peu de miel, mais elle ne savait pas où il se trouvait, et n'avait pas eu le courage de le chercher. Elle s'en passerait très bien. Elle renonçait souvent à sucrer son thé par paresse, parce que cela l'aurait obligé à se lever de son fauteuil par exemple.

" C'est du cynorrhodon avec des fruits séchées, des airelles. Je n'ai pas le droit de boire du thé noir, pour le moment. C'est pas bon pour le foe… le bébé."

Elle était à peu près convaincue que Tallulah ne connaissait pas le terme de foetus. Elle ne devait pas non plus savoir ce qu'était du cynorrhodon, aussi se leva-t-elle rapidement et passa dans la pièce d'à côté. Elle revint un instant plus tard avec un sac de daim informe rempli de pochettes de lin et de cuir, de bocaux de verre et de céramique. Elle sortit un bocal de verre rempli d'une poudre d'un rouge très foncé et le tendit à la fillette.

" Ça, c'est du cynorrhodon. C'est un fruit, pas une fleur. Là il a été séché et réduit en poudre. On peut aussi en faire des confitures. Tu connais peut-être. Les enfants appellent ça du grattacul… parce qu'on peut utiliser les petits poils du fruit pour faire une poudre qui gratte… Et si tu ne connais toi, méfie-toi… je crois que les pages adorent se faire des blagues en se mettant mutuellement du poil à gratter dans l'uniforme. "

Elle sortit un autre bocal en verre de sa sacoche. Il contenait de petits fruits rouges rabougris.

" Ça, ce sont des airelles. On peut aussi en faire des confitures… mais je n'aime pas ça. Je préfère les mettre dans des tisanes."

Elle sortit un troisième et un quatrième bocal. Le premier contenait de fruits très semblables à ceux qu'elle venait de montrer. Le second contenait des fruits foncés, presque noirs, eux aussi séchés.

"On peut parfois les confondre avec ça. Ce sont des canneberges. C'est bien d'en manger, surtout en hiver, où les fruits frais sont rares. Et là ce sont des cassis. C'est très bon. Tu en veux?"

Elle ouvrit les deux bocaux, prit quelques fruits et lui les tendit. Elle reposa délicatement la sacoche sur le sol. Elle en voulait pas casser quelque chose… cela lui arrivait déjà trop souvent.

[Tallulah]

[justify:smrcm9hw]Pour Tallulah, pour le coup, l'idée de sucrer la tisane au miel était... inexistante. Elle voulait garder le goût de la plante qu'elle ne connaissait pas, plutôt. Du Cynor... Euh... Elle n'était pas sûre d'avoir bien saisi le nom du végétal en question à vrai dire. Encore moins de déceler le mot que Thalyana avait failli employer avant de parler du bébé. Mais ça n'avait pas vraiment d'importance. La tisane était bonne, et donc, moins mauvaise pour le bébé que le thé noir. La petite engrangeait l'information comme elle pouvait.

Quand la Guérisseuse, cependant, se leva et disparut de l'autre côté, Tal ne sut pas quelle conduite adopter. Devait-elle se lever et reprendre l'ouvrage, donc ? Elle patienta un bref instant pour voir sa patronne revenir un sac dans les mains, donc le contenu tintait par moments. Curieuse, elle la vit sortir un bocal de verre contenant une poudre rouge et observa le flacon, curieuse. Cynorrhodon, donc. Elle hocha la tête quand elle la détrompa sur la nature du végétal, mais secoua la tête à la mention de la poudre qui gratte. Non, elle ne connaissait pas, mais pour le coup, elle n'avait pas très envie de connaître. Son attention vola de toute façon aussitôt sur les airelles qu'elle lui présentait. Deux fruits donc, dans cette boisson.

« C'est bon la tisane. »

Elle en avala d'ailleurs une nouvelle gorgée avec plaisir, puis observa un moment les autres fruits, cherchant à les différencier, bien qu'elle dût admettre qu'ils étaient effectivement assez proches. Et comme elle lui en proposait si gentiment, la fillette ne se fit pas prier. A son tour, elle attrapa quelques fruits, puis reposa soigneusement les bocaux à côté du sac, craignant un peu de faire une nouvelle bêtise... ce qui pouvait devenir quelque peu dangereux puisqu'il s'agissait de verre aisément brisé... Et après les avoir un peu plus observés, puis sentis – elle avait parfois se drôle de réflexe d'humer le parfum de ce qu'elle ne connaissait pas avant de se décider à le mettre dans sa bouche – elle en grignota un, cherchant à comparer son goût à ce qu'elle connaissait déjà, en vain.

« J'aime bien aussi. »

La politesse eût sans doute voulu qu'elle ne dît pas le contraire, quand bien eût-ce été le cas. C'était pourtant tout à fait sincère et elle ne tarda pas à en avaler un second, assorti d'une nouvelle gorgée de tisane.[/justify:smrcm9hw]

[Thalyana]

Thalyana reprit son thé et en but quelques gorgées pendant que la jeune fille se familiarisait avec de nouveaux goûts et de nouvelles senteurs. Elle appréciait la curiosité intellectuelle, particulièrement chez les enfants, la trouvant plus vraie, plus touchante.

Thalyana avait cependant très envie de lui demander d'où elle venait pour ne pas connaître ces fruits pourtant communs à Valdemar et dans les pays alentours. Elle n'avait pas l'air particulièrement exotique, bien que sa peau soit plus mat que celle du Valdemaran moyen. Elle devait venir d'un pays situé au sud de Karse ou de Rethwellan… la géographie n'étant pas le point fort de Thalyana, il lui était difficile d'être plus précise. Et puis, cela ne la regardait pas…

Elle termina sa tasse et la posa par terre, à côté de son sac.

"Puisque tu as amené les draps, on va faire le lit je pense."

Elle poussa la couette de plume sur un bord du lit. Elle l'avait reçue de la gouvernante en cadeau de "jeune mariée", bien qu'elle ne soit pas à proprement parler mariée. Celle-ci avait décidé que vu qu'elle partait à cause de sa grossesse, elle méritait donc de recevoir le présent traditionnel: une couette, deux oreillers et du linge de maison. Évidemment, rien n'était neuf, mais c'était plus que ce que la jeune fille aurait pu se payer. Traditionnellement, cela aurait dû être à ses parents de lui offrir tout cela, mais ils habitaient loin, et elle en avait besoin maintenant.

Elle se releva et déplaça son corsage sur la tête du lit. Elle alla fouiller dans le panier de linge et en ressortit un drap de lin épais. Il était décoré sur les bords de petites motifs: des fleurs, des arabesques végétales, des papillons. Thalyana caressa les broderies du drap. C'était le seul élément de son "trousseau" qui lui venait de ses parents. Sa mère l'avait brodé avec amour.

Elle jeta le drap sur le lit et s'agenouilla pour le coincer sous le matelas, d'abord du côté situé contre le mur, puis devant elle. On voyait juste les broderies au dessus de la ligne du cadre. Sa mère avait tout prévu.

Elle lissa le tissu du plat de la main, vérifiant qu'aucun pli ne restait. Elle attrapa ensuite un des deux oreillers et alla chercher dans le panier de quoi le couvrir. La housse était tout simple; elle provenait des stocks du Collegium. Mais elle était en bonne état et propre. Et puis Thalyana s'en fichait un peu, du moment qu'elle avait un lit et tout ce qu'il fallait pour dormir. Elle avait l'habitude de se débrouiller avec ce qu'elle possédait.

Elle sourit à la jeune fille.

"Tu ne dois pas souvent faire ce genre de choses, n'est-ce pas? Tu es plus habituée à porter des messages ou tenir les portes j'imagine?"

Elle se pencha pour prendre la housse du duvet dans le panier et commença à la déplier.

"Je t'ai entendu chanter... tu as une jolie voix. Tu as été voir du côté du Collegium des Bardes?"

[Tallulah]

[justify:2c7dsjm9]L'expression des étoiles plein les yeux prenait tout son sens quand on regardait la fillette devant les plantes que la Guérisseuse lui faisait découvrir. Mais elle n'était pas là pour ça, et quand Thalyana évoqua les draps, et le lit, la petite hocha vigoureusement la tête et se releva presque d'un bond. Après avoir déplacé la tisane et leurs gobelets un peu plus loin - elle craignait de les envoyer valdinguer faute d'attention - elle suivit sa patronne pour l'aider à habiller son lit, et, curieuse, suivit ses doigts qui traçait les contours de certaines broderies.

« Ca aussi, c'est joli. »

Et comme Thalyana s'agenouillait d'un côté du lit pour coincer le drap sous le matelas, elle contourna le meuble pour l'imiter de l'autre côté. De même, elle suivit son exemple comme elle habillait un des oreilles, s'occupant de l'autre en copiant les gestes de la Guérisseuse. A sa question, elle secoua finalement la tête, ne sachant pas trop si elle devait y voir une critique.

« Oui. Aider les dames à s'habiller aussi, des fois. »

Un sourire effleura ses lèvres. Elle aimait bien ça. Voir les belles robes des dames de la cour. Les aider avec leurs coiffures ou leurs bijoux. Elle reposa l'oreiller à présent couvert près de celui dont sa patronne s'était occupée et la vit sortir une housse gigantesque à ses yeux. Chez elle, les couvertures de laine - parfois superposées pour plus de chaleur - n'étaient pas ainsi recouvertes, ou en tout cas, pas chez ses parents. Un drap évitait que la laine gratte la peau, mais c'était tout et elle n'en comprenait pas trop bien l'intérêt... Elle hésitait d'ailleurs à poser quelque question, ne sachant d'ailleurs pas comment elle pourrait aider la Guérisseuse à cet instant, mais celle-ci avait repris la parole, et Tallulah sentit ses joues rosir.

« Oh... Merci. C'était pas dé... euh... dérangeant, dites ? Je veux pas les ennuis... Et je... euh... Je sais pas si j'ai droit... »

Ni si elle pouvait faire confiance à la future maman, mais sans doute que ce point la rassurait, si bien qu'elle reprit, à voix basse pourtant.

« Alors je rentre pas là. Mais des fois je vais à côté. Et j'écoute. Je peux aider comment ? »

Elle désigna d'une main le duvet et sa housse que Thalyana dépliait sur le lit. Elle avait quand même un peu peur d'être prise en faute...[/justify:2c7dsjm9]

[Thalyana]

Visiblement, le sujet mettait la petite fille mal à l’aise. Thalyana ne comprenait pas pourquoi. Avait-elle quelque chose à se reprocher?

« Mais tu as le droit d’y aller. Je t’y encourage même! Tu sais qu’ils acceptent tout le monde? Et si tu as le Don, on prendra en charge ton éducation gratuitement. Ce serait dommage de ne pas tenter ta chance. »

Tout en parlant, elle retourna la housse.

« Surtout que c’est dangereux, si tu as un Don, de ne pas le travailler. Et même si tu n’en as pas, tu peux demander à suivre des cours, comme les ménestrels. Je suis certaine que cela ne poserait aucun problème. Cela t’aiderait à améliorer ton vocabulaire et ton accent. »

Thalyana fronça les sourcils, perplexe.

« Personne ne t’avait dit que tu pouvais demander à suivre des cours? Et que toute la colline t’était ouverte, en tant que page? »

Elle se débattait avec le tissu qui faisait des plis.

« Tu peux me donner les deux coins du duvet. »

Elle avait enfin réussi à passer les deux mains dans les angles de la housse. Quand Tallulah lui tendit le duvet, elle l’attrapa fermement et secoua ensuite le tout.

« Prend l’autre bout, s’il-te-plaît. »

Elle continua à donner des secousses dans le duvet jusqu’à ce que la housse soit correctement mise en place. C'était tellement plus facile à deux! Quand elle faisait ça seule, une fois sur deux, elle faisait tout tomber, à force de secouer le duvet dans tous les sens.

« Tu peux la boutonner maintenant. »

Thalyana avait maintenant de la peine à lutter contre sa curiosité. La méconnaissance de la fillette des habitudes des Collegia la surprenait. Les pages surtout avaient le droit de déambuler partout. Et ils ne se privaient pas! Pourtant, si elle avait obtenu cette place, c’est qu’elle devait connaître des gens travaillant au Palais. Pourquoi ne l’avaient-ils pas mieux renseignée? Ou peut-être n'avait-elle pas compris, ou écouté. Ou peut-être n'y avait-elle pas cru.

« Dis-moi… comment es-tu devenu page? Tu n’es pas d’ici, et pour travailler au palais, il faut que quelqu’un se porte garant… dise que tu es quelqu’un à qui on peut faire confiance. »

[Tallulah]

[justify:27limo00]Tallulah ne savait pas trop à quoi s'en tenir, elle découvrait tout ici, et son ignorance lui jouait parfois des tours. Son inattention aussi, mais c'était encore autre chose... Quand la Guérisseuse lui conseilla au contraire de se rendre au Collegium des Bardes, évoquant un potentiel Don, les yeux de la petite fille se mirent à briller.

« C'est quoi le Don ? » s'entendit-elle demander avant de se mordre la lèvre.

Toutes ces histoires de Hérauts, de Dons, de Bardes, c'était presque des légendes pour elle, même si elle avait envie d'y croire dur comme fer, ça n'appartenait pas à son monde, à l'origine, et elle doutait de pouvoir en faire partie.

« Je veux dire... Comment on sait ? Et dangereux... comment ? Je veux pas faire mal à personne, moi... Et euh... Oh ! Ca serait bien... »

Manifestement, l'enfant était partie dans ses pensées, rêveries d'elle-même en tenue de Barde comme elle en avait vus sortir dudit Collegium... Jusqu'à la nouvelle question de sa patronne du jour qu'elle mit une petite seconde à reformuler dans sa tête, faute de l'avoir complètement entendue.

« C'est que... Je suis là pour travailler... alors... »  

Alors non, personne ne lui en avait parlé parce qu'elle se retrouvait là par la bonté d'un homme inconnu ému par ses larmes, et le raisonnement de sa soeur aussi, pragmatique. Et si elle faisait les choses de travers, elle craignait fort qu'on la mît dehors et ne voyait pas vraiment comment elle pourrait survivre sinon.

« Je sais, je peux aller partout pour donner les messages mais... »  

Mais quand c'était personnel, elle n'avait aucune idée de ce qu'elle avait le droit de faire ou non. La dame blonde se débattait avec la housse, et Tal se demandait sincèrement comment faire pour l'aider, si bien que quand elle lui demanda de lui donner les deux coins, la petite hocha vigoureusement la tête et s'empressa de s'exécuter, de même qu'elle s'attela à attraper l'autre bout comme il lui était demandé, puis à la boutonner. Mais les questions qui suivirent la mirent à nouveau mal à l'aise et elle plongea le nez vers ses chaussures.

« Je crois... Je crois Deklan connaissait quelqu'un... »  

Elle s'était promis de se souvenir du nom de son bienfaiteur, et de revenir le remercier, d'une manière ou d'une autre, dès qu'elle pourrait. Même si elle n'avait aucune idée de quand ça pourrait avoir lieu.

« J'avais pas d'endroit où aller, et il pouvait pas me garder alors... alors il a demandé, mais j'ai pas retenu qui... qui a... euh... comment vous dîtes ?... été... ga... »  

Bon cette notion-là était particulièrement floue pour elle.

« Ils ont bien voulu je reste, si je travaille, alors je travaille... »

C'était aussi simple que ça... Et à vrai dire, elle avait tellement peur de faire un faux pas - outre ceux que son attention vacillante impliquait - et d'être renvoyée qu'elle n'osait guère poser de question personnelle...[/justify:27limo00]

[Thalyana]

Thalyana était étonnée que la petite ne sache pas ce qu’étaient les Dons, et comment les reconnaître. N’existaient-ils pas dans son pays natal?

« Les Bardes possèdent un Don qui ressemble un peu au mien. C’est la capacité de faire ressentir les émotions d’une musique aux autres. Sinon, les musiciens en général -  bardes ou ménestrels - possèdent le Talent ou la Créativité. Le premier c’est la capacité à jouer et interpréter merveilleusement bien, le second celui de composer de la musique. »

Thalyana n’était pas une spécialiste des Dons, mais celui des Bardes étant très proche par certains aspects de l’Empathie, elle avait suivi des cours d’Ethique avec des élèves Bardes. Elle connaissait donc assez bien les risques liés à ce Don.

« Le Don des Bardes peut être dangereux, car tu pourrais l’utiliser sans le vouloir, si tu le possèdes, et donc influencer les gens à tort. Quant aux deux autres, ce serait dommage de ne pas les travailler si tu les possèdes. Quant à savoir si on les possède, il suffit d’être testé. »

Elle sourit, un peu perplexe. D’où pouvait donc venir cette petite pour penser qu’à son âge, elle était uniquement là pour travailler? Certes, elle était sans doute trop grande pour être concernée par la formation obligatoire des enfants aux temples, mais elle serait appelée à être formée, soit par l’apprentissage, soit, si elle possédait un Don, ou du talent, au Collegium.

« Peut-être, mais ici, à Valdemar, on prend la formation de nos jeunes très à cœur. Tu sais que l’école est obligatoire pour tous? Et qu’il existe un fond spécial pour que les enfants pauvres possédant des Dons, ou particulièrement brillants, puissent être formé au Collegium? »

Certains de ces élèves particulièrement doués étaient justement particulièrement étranges. Presque plus passionnés que les Hérauts eux-mêmes, toujours avides de découvrir. Elle devait parfois en déloger de la serre parce qu’ils menaient des expériences pour faire pousser les plantes plus vites ou les voir pousser…

Elle ne put s’empêcher de froncer les sourcils quand Tallulah lâcha quelques bribes de son histoire personnelle. Alors… elle était seule ici? Orpheline? Fugueuse?

« Tu… as été abandonnée? Ou tu as fugué? »

Elle tenta de ne pas paraître trop intéressée pour ne pas braquer la fillette. Après tout, cela ne la regardait absolument pas. Chacun était libre de garder son histoire secrète.

« Et il est normal que si on t’a recrutée comme page, tu travailles. Mais cela ne doit pas t’empêcher de peut-être te former ailleurs. Après tout, être page, c’est l’occasion de pouvoir concilier études et travail. Je suis certaine que tu pourrais t’arranger. Et si tu es prise chez les Bardes, tu n’auras plus besoin de travailler. »