Auteur Sujet: P. A. : Possédés anonymes  (Lu 4563 fois)

Héraut Alemdar

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P. A. : Possédés anonymes
« le: 05 mai 2014, 14:08:58 »
5ème jour, 5ème décade de printemps 1481

Bien qu’ayant retrouvé l’appartement des princes de Rethwellan depuis un bout de temps, deux fois par décades, Alem était prié de venir à la section mentale du Collégium des guérisseurs. Apparemment, Charwin était persuadé que, si la sorcière était exorcisée, Il restait à Alem un travail à faire pour se remettre de cette expérience.

En général, ça tournait autour d’exercice de mémorisation supposé éclaircir les souvenirs troubles qu’il avait de sa possession. Charwin prétendais qu’Alem avait besoin de reprendre le contrôle de ses souvenirs. Personnellement, le batard trouvait le raisonnement débile. Il n’était PAS en contrôle à l’époque, et c’était effectivement le problème. Mais comment ce crétin voulait-il lui faire reprendre le contrôle de trucs déjà passés ? Cela dit, le guérisseur fichait les foies au soldat, donc le plus simple était de se plier à ces séances. (Sinon, il était sûr que Charwin était capable du pire)

Il sortait donc d’une séance passablement désagréable avec Charwin, durant laquelle il avait passé une demi-heure à essayer de comprendre où voulait en venir ce diable d’homme. Pour sortir, il passa par la salle de repos, une grande salle éclairée par une immense baie vitrée renforcée par magie.

La seule occupante de la pièce était une femme brune, assise à côté de la vitre. Elle semblait fascinée par ce qui se passait dehors.

"Vous devriez aller lui parler."

Si le soldat ne sursauta pas en entendant son soignant lui parler, c’était qu’il était vraiment très bien entrainé.

"Pourquoi? C’est qui?"
"Riannon, la doyenne des bardes. On lui a découvert une possession la décade dernière."
"Décidément…"
"Je sais. On travaille dessus."

Hum… Charwin n’avait pas tort, sur le coup. Il aurait aimé avoir un soutient après sn réveil. Il avait bien Stefen à qui parler, mais… Mais non. Un homme fait ne se confie pas à un gosse de douze ans. Il salua Charwin de la tête et s’approcha de la doyenne. Hum… Il l’avait peut-être croisée, elle savait peut être qui il était, mais bon. Des souvenirs de possédés, quoi. Il s’inclina doucement en se présentant :

"Dame ? Je suis Alemdar de Firyndge."

Hum… Comment aborder le sujet ? Hum… S’il se souvenait de sa mentalité les premiers jours, sans détours :

"Je vais être direct. J’ai été possédé par une sorcière ces deux dernières années. Je ne suis libre que depuis une poignée de décades. On m’a appris que vous aviez vécu une situation similaire. Si vous voulez en parler, je ne suis pas loin, d’accord ?"
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

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Re: P. A. : Possédés anonymes
« Réponse #1 le: 06 mai 2014, 10:01:18 »
Riannon avait du mal à mettre ses souvenirs en ordre. Elle se rappelait de tout ce qu'elle avait fait lorsque la "glace" lui avait laissé le loisir d'être elle-même et d'organiser sa vie normalement. Elle n'avait rien oublié des cours qu'elle avait donné, des ordres qu'elle avait rédigé, des concerts qu'elle avait donné, des moments avec sa fille où elles avaient ri. Mais beaucoup plus dur était de se rappeler ce qu'elle avait fait le reste du temps. Au tout début, alors que Liane n'était qu'un bébé, Riannon se réveillait en ayant oublié ce qu'elle avait fait de sa soirée ou même de sa matinée. Au fur et à mesure que Liane grandissait, ces espaces hors temps avaient augmenté en fréquence. Elle revenait à elle avec un fort sentiment de culpabilité et un malaise grandissant. Un soir, Liane lui avait demandé pourquoi la glace était dans sa tête. Riannon avait été surprise, puis elle avait passé des heures à chercher à comprendre de quoi parlait l'enfant. Quelque chose s'était brisé et la Barde s'était rendue compte que la glace était là, bel et bien installée et pas prête à céder. Le contrôle s'était renforcé mais, désormais consciente du problème, Riannon avait assisté à ses "crises" de possession dans un recoin de son esprit sans pouvoir s'en empêcher. Au fur et à mesure, la culpabilité et l'horreur l'avaient liée encore plus intimement à cette chose dans son esprit. Les ordres arrivaient de nulle part, directement implantés dans sa tête. Elle obéissait en pleurant intérieurement, prisonnière des barrières de glace dans sa tête. Plus les mois passaient, plus elle perdait en force et les moments où elle était Riannon s'espaçaient. Encore quelques mois, et la Doyenne aurait rendu les armes. Un automate, bombe à retardement, aurait pris la place de la Doyenne. Si Pluiechantante n'avait pas pris le temps de sonder la Barde, et si Liane n'avait pas compris à quel point quelque chose clochait, il aurait été trop tard. La "chose" avait pourtant évité au maximum tous les autres Empathes. Pas assez. Heureusement.

Perdue dans ses pensées, incapable de se concentrer sur autre chose, Riannon regardait à l'extérieur de la salle de repos sans voir réellement ce qu'elle avait devant les yeux. Elle tentait de trier ses souvenirs, savoir ce qu'elle avait trahi, quand et comment. C'était compliqué. Mais les Guérisseurs lui avaient dit que cela pourrait peut-être aider. De plus, encore maintenant, elle n'était pas assez sûre d'elle-même pour que son rapport au Roi soit crédible. Son Guérisseur attitré avait cependant prévenu Arthon et le Conseil que les fuites jusque là non identifiées pourraient bien provenir de ce qui avait possédé la Dame à la Harpe.

Riannon sursauta quand quelqu'un lui parla. Le regard vague, elle se rendit compte qu'un homme inconnu lui adressait la parole. Les patients de la Maison de Guérison savaient pertinemment que la Barde n'aimait pas parler ces temps-ci. Elle ne jouait même plus de musique, elle qui était venue si souvent aider les malades avec un peu de harpe ou de luth. Ils la laissaient tranquille. Qu'on la dérange alors qu'elle était à l'écart lui sembla bizarre. Un peu dans le vague à cause des médications qu'on lui imposait, Riannon dévisagea "Alemdar de Firyndge". Elle était certaine qu'elle devait connaître ce nom mais n'arrivait pas à saisir pourquoi. Elle hocha lentement la tête sans répondre en salut. Que lui voulait-il?
Alemdar ne la laissa pas longtemps dans l'ignorance. Riannon se tendit lorsqu'il parla de possession. Le doute lui passa sur le visage. De loin, Riannon vit Charwin qui les observait. Pouvait-elle faire confiance à cet homme?

La Barde hésita une seconde puis désigna le fauteuil à côté d'elle sans un mot. Elle resta un moment silencieuse et doucement précisa:

"Plus de quatre ans. Je ne me suis rendue compte de rien les deux premières années. Ensuite j'étais prisonnière. Etiez-vous... conscient de vos gestes?"

La culpabilité, bien qu'arrêtée par les barrières artificielles que les Guérisseurs imposaient à l'Empathe, était bien sensible dans sa voix.
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Héraut Alemdar

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Re: P. A. : Possédés anonymes
« Réponse #2 le: 10 mai 2014, 00:25:13 »
Alem était prêt à partir au premier signe de rejet de la Dame. Il aurait très bien compris qu'elle n'ait pas envie de parler, surtout de ça. Finalement, elle le salua et se tourna vers Charwin qui les observait. Bon. Manifestement, elle ne voulait pas. Il attendit quelques instants et alors qu'il allait tourner les talons, elle lui indiqua un siège. Docilement, il s'y assit et attendit qu'elle prenne la parole. A son tour, il resta silencieux un moment, préparant sa réponse.

"Ce que j'ai vécu... C'est différent. Je n'étais pas prisonnier, j'étais, euh... Comme si je ne voyais pas le monde correctement. Et je n'en avais pas du tout conscience. C'était comme si la sorcière me... déformait les choses avant que ça n'arrive à mon cerveau. Et elle amplifiait certaines choses, comme ma colère ou mon envie envers mon frère Rafalentha."

Comme toujours incapable de soutenir un regard quand il parlait de ça, Alem imita inconsciemment l'attitude précédente de Riannon en se perdant dans la contemplation de la vue. Il se rendait compte en parlant de ce qu'il attendait de Riannon. Une oreille. Celle de quelqu'un qui savait. Qui avait été arraché a elle-même, bien que différemment. Quelqu’un qu'il sentait plus légitime de le juger que Charwin, qui n'y connaissait rien. À mi-voix, les mots coulèrent, un à un.

"Ils... Ils me disent que je ne suis pas responsable de mes actes d'alors, mais... Je les ai faits. J'étais conscient. Diminué mais conscient. Et j'ai... essayé de... tu...tuer mon... Petit frère. Mon roi."

Sur ces mots, sa voix s'était étranglée. Des larmes perlaient à ses yeux. Impitoyablement il rassembla tout ça et le re-rentra à l'intérieur de lui.

"Pardon, Dame. Pardon. Je voulais vous aider, pas vous indisposer avec... avec ça. Pardonnez mon... Pardonnez."

Tendu comme une corde de harpe, le batard se redressa et se remit à regarder Riannon en face, mais ne réussis pas à parler plus.
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Riannon

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Re: P. A. : Possédés anonymes
« Réponse #3 le: 18 mai 2014, 15:37:15 »
Riannon n'était pas sûre qu'elle souhaitait parler de son expérience avec quelqu'un même si les Guérisseurs assuraient que la parole faisait partie intégrante du processus de Guérison. Elle avait mis un petit temps à se décider mais une fois le son de sa voix ayant réussi à passer la barrière de ses lèvres, elle avait admis qu'elle avait un petit peu envie de savoir ce que cet étranger avait à dire. Il s'assit et écouta sa brève confession avant de répondre sur son propre cas. En quelques secondes, Riannon sut qu'Alemdar avait vécu une possession bien différente de la sienne. Cependant, au final, ils avaient été l'un comme l'autre prisonniers d'un sortilège agissant de l'intérieur... et lui aussi semblait ressentir la culpabilité cuisante qui dévorait le coeur de Riannon. Les yeux toujours dans le vague, incapable d'affronter le regard de qui que ce soit, elle mit le peu d'énergie qu'elle avait amassé à écouter le cri du coeur de l'inconnu. Son cerveau nota quelques indices importants. Cet homme était le frère d'un Roi. Le seul Roi légitime dans le coin à part Arthon était le prince Rafalentha. Cela devait être son frère. Le ton de la voix n'échappa pas à l'oreille entraînée de la Barde malgré la douleur qui l'obnubilait encore. Elle finit par se tourner vers lui quand il se confondit en excuses. Une seconde plus tard, une main fine et trop pâle vint se poser doucement sur l'avant-bras d'Alemdar. La voix un peu cassée, Riannon chuchota:

"J'ai trahi des secrets tactiques de Valdemar, j'ai trahi mon roi et mes convictions... J'ai failli à ma fille que j'ai abandonnée à une mage de sang... J'ai envoyé à la mort des gens à mon service... Je sais quel effet ça fait. La culpabilité. Conscient sans pouvoir s'empêcher de faire le mal. Peut-être que les Guérisseurs ont raison et que nous devrions... réussir à en parler."

La Barde ne pouvait cependant pas regarder son interlocuteur en face. Elle récupéra sa main et perdit de nouveau les yeux dans la contemplation du dehors.

"J'ai été ... possédée par quelque chose de sombre. Et glacé. J'étais reliée à ... probablement plusieurs mages noirs. Je ne sais même pas à qui j'ai donné les informations top secrètes que j'ai trahies. Comment...comment avez-vous réussi à... vous libérer?"

Sa voix se brisa sur la dernière syllabe.
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Héraut Alemdar

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Re: P. A. : Possédés anonymes
« Réponse #4 le: 26 mai 2014, 21:36:33 »
Le temps d'un instant, Alemdar s'accrocha à la main de la doyenne comme un naufragé à une planche. Quelque part, il était terrifié. Terrifié de ce qui bouillonnait en lui, toute cette peur et toute cette culpabilité qu'il avait immédiatement eu le réflexe de refouler. Dès son réveil, dès qu'il avait compris, il avait froidement classé l'affaire et envisagé son avenir en fonction de ce handicap, cette possibilité de trahison involontaire, puis Wylan lui avait rendu son utilité en lui expliquant qu'il pouvait palier à ce manque et le soldat s'était ancré à corps perdu dans l'exercice. Il avait tout ravalé pour aller de l'avant, voir son frère, voir qu'il allait bien, retrouver une place auprès de lui... Mais comment Raf pouvait supporter d'avoir auprès de lui un homme qui avait tenté de le tuer?!

Là, il était face à une femme qui, dans une situation immensément semblable, avait choisis l'autre voie. S'arrêter. S'arrêter et se reposer. Prendre le temps de guérir. Alem n'arrivait pas à savoir qui avait fait le bon choix. Il pensait qu'il se serait effondré qu’il n'était pas repartit aussi sec, mais... Mais franchement il ne savait pas. Et il avait juste eu peur d'essayer.

"Déesses! Moi qui me croyais à plaindre!"

Lui, au moins, n'avait pas blessé son enfant. Et personne ne lui avait demandé de secret. A sa connaissance.

"Je n'ai pas réussis à me libérer. J'ai... J'ai essayé de tuer Raf, un soir. Les détails sont très flous dans ma tête. Je me souviens d'une folie sanguinaire, d'une haine immense et, bizarrement, de l'image de mon père. Puis plus rien. Je me suis réveillé ici même, dans une chambre un peu plus loin. De ce que je sais, mon manège a alerté le garde qui est entré et m'a assommé."

Le futur élu eu le regard vide un moment, comme cela lui arrivait encore très souvent. Il cherchait dans ses souvenirs, les scannant maniaquement comme il le faisait si souvent.

"Je n'ai aucun souvenir de noirceur, ou de froids. Mais je n'étais pas un élément espion. Juste une bombe à retardement. Ils attisaient ma haine, mon envie de prendre le trône, en espérant se débarrasser des trois petits princes. Ca a bien faillit marcher... "

Le batard se concentra un moment pour ne pas recraquer.

"J'étais un saboteur, supposé entrainer des victimes dans ma chute. Vous étiez plus comme une espionne infiltrée, on dirait. Hum..."

Le jeune homme s'arrêta un moment, rassemblant l'idée ténue qui flottait à la limite de son esprit, puis se demandant longuement si cette question était... posable.

"Je me demande si... Enfin... Est-ce que vous vous souvenez quels secrets avoir divulgués? En y réfléchissant, peut être trouverez-vous un schéma dans leurs demandes? Quelque chose qui pourrait... Je sais pas, aider?"

Alem se passa la main dans les cheveux.

"Enfin, si c'est si simple, je suppose qu'on y aura pensé avant."
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Riannon

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Re: P. A. : Possédés anonymes
« Réponse #5 le: 30 mai 2014, 10:10:56 »
Riannon était anesthésiée de l'intérieur par toutes les potions qu'on lui donnait. Elle n'avait pas encore beaucoup de séances de thérapie autre que la thérapie médicamenteuse et elle se sentait vaguement distanciée de tout ce qui l'entourait, dans le brouillard induit par les drogues. Elle avait cependant assez de temps pour que même avec un cerveau ralenti, elle puisse s'interroger et se torturer sur ce qu'elle avait fait. En parler, même avec un inconnu, c'était ordonner un peu ces pensées, et ce jeune homme calme avait vécu des faits similaires, ce qui aidait également. Quand il s'accrocha à sa main, elle ne la retira pas. Elle ne pouvait pas être d'une grande aide, elle qui avait l'habitude de superviser tout et plus particulièrement ceux qui en avaient besoin, mais elle pouvait au moins être là et répondre honnêtement. Peut-être qu'un fardeau semblable à porter à deux serait de ce fait plus léger?

Les révélations de Riannon semblèrent choquer Alemdar. Cela n'était guère étonnant. Formuler ses actes en paroles les rendaient également choquantes aux propres oreilles de la Doyenne. Elle avait blessé son enfant. Elle avait tué par négligence. Elle avait trahi son pays et son roi. L'horreur suprême - et personne, pas même Arthon, ne souhaitait l'accabler et la faire comparaître devant les jurés et un tribunal pour haute trahison. Car ce n'était pas "elle" qui l'avait fait, les Guérisseurs étaient très clairs sur ce point. Mais ne pouvaient-ils effacer sa culpabilité avec la même facilité avec laquelle ils écartaient sa faute?

Alemdar empêcha Riannon de replonger dans les remous d'une conscience troublée en se livrant à son tour. Riannon, les yeux toujours dans le vague, écouta avec attention.

"Votre frère a eu de la chance. Votre... possession... me rappelle beaucoup ce que le Don des Bardes utilisé à mauvais escient peut faire. Vous n'aviez aucune chance d'y résister."

Sous-entendu "alors que moi j'aurais dû." Alemdar continuait déjà, analysant ses sentiments de l'époque. Il mit les mots justes sur leurs cas: bombe et espion. Riannon hocha la tête lentement, parlant un peu au ralenti.

" Dans la musique, la haine et la jalousie sont des... enfin, comment dirais-je... prennnent des couleurs sombres. On a joué dans votre esprit sur beaucoup de choses que vous ne pouviez contrôler. Saboteur ou espionne, finalement c'est la même chose. Mon rôle dans tout ça a ... saboté les efforts de Valdemar."

Elle tourna un regard hanté vers Alemdar:

"Savez-vous combien de temps vous avez été... sous l'emprise de ce sortilège? Ma fille aura quatre ans bientôt, ce qui veut dire que j'ai été plus de quatre ans ... enfermée dans ma propre tête. C'était un plan de longue haleine et de ce que je me rappelle de la politique étrangère, vos soucis à Rethwellan sont de longue date également."

Alemdar osa poser une question que Riannon avait déjà entendu plusieurs fois. A chaque fois elle avait tenté d'y répondre avec précision, donnant de sa personne jusqu'à en être mal pour réparer ses fautes. Cette fois, elle n'avait pas à être précise mais elle répondit tout de même:

"Je devais prévenir lorsque Beltran ou les autres membres de l'état-major partaient en mission, combien de troupes semblaient défendre Haven, si on envoyait des troupes à la frontière... J'ai... Les ménestrels et les Bardes jouent un rôle de messager et d'espion également, et j'ai dévoilé qui était où, et quelles informations ils ramenaient à Haven... J'ai raconté les rumeurs de la cour qui me parvenaient... J'ai donné les listes de Mages s'intéressant à la Pierre-Coeur également. Tout ce que ma position me permettait d'apprendre sur les forces et les activités internes et externes à Valdemar. Beaucoup de choses sur Rethwellan et Karse. J'ai arrangé des contacts avec des nobles anti-hérauts... Et... ma fille. Ils surveillaient ma fille. Elle a trop de Dons pour son âge. Et c'est l'enfant de Beltran. Le général principal de Valdemar. Le Capitaine."

Pour la première fois de sa vie, elle donnait ouvertement la filiation de Liane. Un effet secondaire des médicaments? Le besoin d'être honnête, réellement, volontairement, pour la première fois depuis sa naissance? C'était presque un soulagement. Elle secoua la tête doucement avant de regarder à nouveau dehors.

" Plus le temps passait, plus le sortilège était fort. Je suis sous protection constante désormais mais... Ils pensent tous que celui ou celle ... ou ceux... qui m'ont fait ça sont ... ou du moins étaient... à Valdemar, à proximité. Sauf qu'on ne peut pas remonter jusqu'à eux. Savez-vous qui... pour vous...?"
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

Héraut Alemdar

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Re: P. A. : Possédés anonymes
« Réponse #6 le: 03 juin 2014, 23:16:28 »
Le jeune homme avait du mal à comprendre les explications de Riannon à propos de la musique, des bardes et tout ca. Mais vu sa position, elle devait avoir raison, non?

"Je dirais... Je ne sais pas… C’est progressif. Ca a pu commencer… Y a plus de deux ans. A l'époque de l'éveil de mon sens de la terre. Je ne me souviens pas avoir agi bizarrement avant la mort de..."

Soudainement, le teint d'Alem vira au crayeux. Déesses. Les Crises, qui avaient manifesté l'ouverture de ses biefs, et donc la possibilité d'exploiter son manque d'entrainement. Ça avait commencé AVANT la mort de Papa. Il avait été vulnérable AVANT. Et, de fait, il était le dernier à avoir partagé un repas avec Papa. Non. NON. NON. Ce n'était pas possible. Non. Il ne pouvait pas avoir fait ça. Sa main était devenue glacée. Et elle tremblait. Il la retira et se tordit la main dans un geste d'angoisse universel.

Se calmer. Il devait se calmer. Respirer. Sinon, le voile noir qui commençait à voiler sa vision allait l'entrainer dans le néant. Pour oublier de respirer, ce serait con. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer. Il découvrait une nouvelle face de l'expression "être sonné". Il avait en effet l'impression que ses oreilles n'entendaient qu'un son de cloche. Insprer... Expirer...

"Ça a commencé après la mort de Papa."

Ça DEVAIT avoir commencé là. Ça ne pouvait pas dater d'avant. Alem ne saurait pas fonctionner avec l'idée d'avoir tué son père, que ce soit contre sa volonté ou pas. Donc ça n'était jamais arrivé. JAMAIS.

Donc. Oui, donc. Tandis que son teint reprenait une teinte plus humaine (et non plus compagnonnesque), il réfléchit aux paroles de la barde.

"Hum... Des infos entre guillemet <<Classiques>>, en cela que... Attendez, vous avez dit Karse? Rethwellan, je veux bien, mais Karse? Je n'avais pas l'impression que cette partie de l'alliance était menacée, si?"

Qui lui avait fait ça? Bonne question. Une question qu'alem cherchait à résoudre, tout en freinant des quatre fers. Il avait comme... peur de la réponse. De mettre un nom sur ce qu'il y avait eu dans sa tête... Mais il avait des pistes. Et Riannon avait bien le droit de savoir.

"Je... Je ne suis sûr de rien. Mais je sais que Pour Jerem, qui a subis une possession, lui aussi, encore d'un autre genre, d'un genre très passif, c'était une magicienne de mon oncle. Browyn de Tolan."

Un détail le frappa:

"Mais elle n'a pas accompagné la Princesse Melarianne ici, celle-là? C'était quand, ça déjà..."

Les derniers mots étaient marmonnés, occupé qu'il était à fouiller sa mémoire.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

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Riannon

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Re: P. A. : Possédés anonymes
« Réponse #7 le: 13 juin 2014, 16:21:55 »
Riannon était Empathe et elle avait un Don assez fort. Cependant, complètement détruite par sa confrontation avec Pluiechantante, elle avait dû être mise sous protection et barrières par les Guérisseurs qui l'entouraient du mieux qu'ils le pouvaient. Coupée de son Don, cela accentuait son impression d'être coupée du monde. Et une Empathe sans Don, plongée dans sa propre détresse, n'était pas à même d'étudier les changements de comportement d'un inconnu. C'est pourquoi elle ne réagit pas à la soudaine blancheur d'Alemdar - déjà parce qu'elle ne la vit pas vu qu'elle regardait dans le vague. Elle le laissait parler, s'épancher, là sans être vraiment là, tentant d'analyser ce qu'elle avait fait - et leurs similarités. C'était comme un dialogue de sourds où l'on ne répond que pour trouver ses propres réponses.

"Je crois que c'était progressif aussi. Au début... je ne me rendais compte de rien. J'avais juste des absences. Puis j'ai remarqué que mes notes et mes papiers étaient rangés bizarrement et que des informations secrètes filtraient. Je ne sais pas trop comment, mais je me suis rendue compte que c'était moi, pendant mes abscences. Ensuite... j'étais consciente. Incapable de résister mais consciente." murmura-t-elle, perdue dans ses pensées.

La Barde était consciente que son compagnon inattendu était tendu et angoissé. Qui ne le serait pas dans une telle situation? Elle tourna le visage vers lui, une seconde, eut un sourire un peu vague et lui tapota la main:

"La mort d'un proche laisse toujours les gens avec moins de défenses." Elle venait de l'absoudre d'un péché qu'il n'avait sans doute pas commis. Elle voulait qu'il ne sente moins coupable, parce que s'il ne l'était pas, elle l'était peut-être moins?

Alemdar était bien curieux concernant les secrets partagés. Une seconde, Riannon hésita. Puis, sachant que cela ne portait plus à conséquence, elle répondit:

"Nous avons des accords avec Karse qui doivent rester secrets un certain nombre de temps avant d'être rendu publics quand ils sont achevés. Et il y a des mouvements "libérateurs" et démonistes à Karse... Qui menacent Valdemar autant que Rethwellan d'ailleurs." avoua-t-elle.

Elle ce qui l'intéressait, c'était de savoir si Alemdar connaissait son tourmenteur. Visiblement, il y avait des pistes. Riannon fronça les sourcils:

"Je me souviens d'elle. Elle accompagnait la princesse Mélarianne. Je l'ai vue plusieurs fois, nous avons même discuté ensemble... Il y a deux ou trois ans... C'était... Je n'ai jamais senti son Don..." Ou l'avait-on forcée à ne pas le sentir?

Y avait-il une chance qu'elle soit...? Non, Riannon avait été agressée et possédée bien avant son arrivée. Il fallait chercher ailleurs. Qui aurait eu intérêt à la prendre elle pour cible? Et pour Alemdar, l'explication semblait bien légère. Bronwynn n'avait sans doute pas agi seule. Comprendraient-ils un jour tous les tenants et aboutissants de leur possession?
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Héraut Alemdar

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Re: P. A. : Possédés anonymes
« Réponse #8 le: 07 juillet 2014, 23:46:46 »
Alem resta silencieux, ne sachant trop quoi dire, quoi faire et comment gérer le tourbillon d'émotion qui se déchainait en lui. La possession, c'était sale. Mentir, tricher, trahir, acheter, oui, sans problème. On s'arrange comme on peut en manipulant les gens comme on peut, Alem n'avait aucun soucis la dessus. Tant que tout le monde restait maitre de sa tête. C'était ça qui avait traumatisé le grand blond. Qu'on ai pu modifier son esprit sans même qu'il s'en rende compte... C'était injuste. Et terrifiant, parce qu'il avait été incapable de le remarquer.

Son pic d'anxiété se calma bientôt et le jeune homme se reconstitua vite sa carapace, un peu honteux de s'être laissé aller de la sorte, mais il ne put s'empêcher de tiquer légèrement en entendant que Valdemar fomentait des accords avec Karse dans leur dos... Avant de soupirer en se rappelant que Rethwellan était devenue une nation agressive et dangereuse, de fait. Et que ça justifiait effectivement certaines mesures...

"Je n'ai que de vagues souvenirs de Tollan.  Une mage de cour de mon oncle, je crois... Je ne sais plus."

Comme à chaque fois qu'il essayait de creuser tout ça, pour comprendre qui lui avait fait ça, il bloquait. Il n'osait pas. Il ressentait une sorte de peur. Peur de quoi? Il ne saurait dire. Peut-être peur de découvrir qu'il n'était pas si innocent que ça de ce qu'il avait fait. Peut-être.

La cloche du Collégium retentit au loin et Alem se redressa.

"Je pense que je devrais y aller, Madame. Je...Si vous voulez, je reviendrais?"
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »

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Riannon

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Re: P. A. : Possédés anonymes
« Réponse #9 le: 11 juillet 2014, 18:16:17 »
Loin de s'imaginer l'effet de ses propos sur le jeune homme, Riannon tentait de ne pas replonger dans son monde intérieur, sombre et déprimé. Elle essaya de se raccrocher aux propos d'Alemdar mais parler de Bronnwynn ne l'aidait pas, et elle était un peu perdue. Bien qu'ayant une expérience horrible en commun, son interlocuteur et elle ne pouvaient aborder certains sujets sans douleur. Ils furent soulagés par l'appel d'une cloche dans le lointain. Alemdar réagit et Riannon hocha la tête:

"Allez y. Revenez si vous voulez. Je ne quitterais pas la maison de Guérison avant un moment, vous me trouverez ici si vous le souhaitez..." fit-elle doucement.

Elle réussit à se tourner et à faire un faible sourire à l'homme qui l'avait distraite quelques minutes. Elle attendit qu'il s'éloigne pour reposer son regard à l'extérieur et se renfermer dans sa capsule de silence jusqu'à ce qu'un Guérisseur vienne la chercher.
« Modifié: 01 janvier 1970, 01:00:00 par Guest »