Auteur Sujet: Dompter les ours  (Lu 7252 fois)

Yvelin

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Dompter les ours
« le: 21 février 2017, 07:51:42 »
Fin de la 5e décade d'hiver 1485 - Auberge de la Licorne

Depuis la fête donnée dans la famille de Micha, Yvelin avait été sollicité de toutes parts pour jouer et animer des soirées. Sans qu'il s'en aperçoive, sa bourse s'était lentement remplie, au point qu'il pouvait maintenant envisager de se racheter un nouveau théorbe. Mais avant ça, il avait un autre projet, qui lui tenait autant à cœur. Il voulait inviter Micha quelque part. En effet, bien conscient de leur différence de moyens, l'orfèvre avait financé toutes leurs entrevues. Cela donnait l'impression à Yvelin d'être un mignon entretenu par un grand seigneur... non que la situation de mignon de Micha soit réellement désagréable par ailleurs, mais il avait sa fierté.

Il s'était creusé la tête pour trouver un moyen d'inviter son amant quelque part. Il n'avait pas envie d'un énième rendez-vous dans une auberge suivi d'une brève étreinte à la sauvette dans une chambre de passe. Il avait envie... eh bien, de prendre le temps de parler, de le connaître, de passer un moment ensemble dans un endroit où ils pourraient avoir un geste de tendresse l'un envers l'autre sans que personne n'y trouve rien à redire.

Finalement, il avait demandé conseil au patron de l'Arpenteur. Si quelqu'un pouvait le conseiller, c'était bien lui. Celui-ci lui avait recommandé un établissement en dehors de Haven. Il s'agissait d'un genre d'auberge, situé aux abords d'un petit village à quelques kilomètres des limites de la cité. L'endroit était situé à l'écart des routes, et il était possible de se promener aux alentours sans craindre de croiser âme qui vive. Les nobles de Haven utilisaient l'endroit pour y mener leurs affaires amoureuses à l'abri des regards. On accédait à chaque chambre par un escalier extérieur, rendant l'endroit encore plus anonyme qu'une maison de passe. De plus, outre la salle commune, l'auberge disposait de petites alcôves isolées par des rideaux, permettant à chacun de manger dans l'intimité. Cela coûtait évidemment plus cher, mais le patron de l'Arpenteur avait promis de lui obtenir un prix intéressant s'il animait une soirée. Sans hésitation, Yvelin avait accepté.

Le prix qu'on lui fixa pour un petit séjour romantique d'une journée et une nuit était élevé. Pas exorbitant, mais à la limite de ses moyens. Heureusement, il devait encore toucher une grosse somme d'argent pour la composition d'une pièce musicale, ce qui lui éviterait d'être totalement sur la paille après son escale amoureuse.

Il avait ensuite fallu s'arranger avec Micha, trouver une date sans rien lui dévoiler de la surprise. Cela avait été la partie la plus difficile, Yvelin n'étant pas très bon pour garder des secrets quand le bel orfèvre insistait. Mais ils avaient finalement réussi à se mettre d'accord et la veille du jour J, Yvelin avait fait porter une note avec l'adresse de leur rendez-vous, à savoir l'auberge en question.

Le grand jour, Yvelin emprunta un cheval à un collègue pour s'y rendre. Il montait mal, mais suffisamment bien pour un trajet aussi court. Celui-ci supposa que c'était pour rendre visite à sa noble veuve entichée... celle qu'Yvelin fréquentait, d'après les rumeurs qu'il avait lui-même lancées, avec l'aide de Liselle. Cela avait le mérite d'expliquer ses soirées en ville et les rares marques qui pouvaient lui rester de ses ébats.

Arrivé à l'auberge avec une marque d'avance, Yvelin dut se résoudre à attendre. Mais il se réjouissait de passer une après-midi, une soirée et une nuit entière avec son amant. Il avait peur aussi. Sauraient-ils quoi se dire? C'était facile d'être drôle et spirituel pendant une marque... mais là...

Assis sur le grand lit, les jambes croisées, Yvelin grattait d'un air absent les cordes de son vieux théorbe, dans une vaine tentative pour calmer ses nerfs. Il chantonnait en même temps une chanson d'amour stupide, le genre de pièce de réclamait les vieilles dames, où un amant passionnément épris vantait les qualités de sa belle, particulièrement...

♪... sa magnifique chevelure, couleur de miel.
Ses yeux lumineux, couleur du ciel...
et son sourire, qui illumine le monde.♪



Alors qu'il chantait ces derniers vers avec conviction, Yvelin sentit un regard peser sur lui. Il leva la tête, rougit de confusion, rit nerveusement et se leva souplement pour accueillir Micha.

«Bienvenue à toi, bel orfèvre!»

Il esquissa une petite révérence avant d'embrasser son magnifique amant.

«J'espère que... que l'endroit te plaît. Enfin, j'imagine que tu connais? Il paraît que toutes les dames débauchées utilisent ce lieu pour rencontrer leur amant.» Il rit. «D'ailleurs, tous mes collègues sont persuadés que tu es une veuve entichée de ma beauté et de mon talent. Enfin... de mon talent, car pour la beauté...»

Il était stressé, s'il éprouvait le besoin de parler pour ne rien dire. Certes, il le faisait avec l'élégance attendue d'un Barde, mais il se sentait un peu ridicule tout de même.

«Je... j'hésitais à t'attendre vêtu en tout et pour tout d'un ruban, alangui sur le lit... mais je me suis dit que c'était sans doute d'assez mauvais goût. Et puis... si je voulais venir ici, c'était pour pouvoir... euh...» Il se sentait rougir. «Pour pouvoir me promener main dans la main avec toi... Et discuter. Et avoir le temps. Hum... bref.»
« Modifié: 21 février 2017, 07:55:02 par Yvelin »

Micha de Girier

Re : Dompter les ours
« Réponse #1 le: 25 février 2017, 23:57:59 »
Pour être parfaitement honnête, Micha se doutait un peu de ce qu'Yvelin préparait. Pas qu'il n'ai pas été discret, mais c'était assez évident que le barde supportait mal que Micha assume seul les frais de leurs rencontres. Micha se gardait bien d'en parler ou de faire remarquer la chose pour ne pas embarrasser son compagnon. Personnellement, il s'en foutait. Il en avait les moyens, et il avait envie de passer du temps avec Yvelin. Comme sa soeur, Micha se savait riche mais n'hésitait pas une seconde à faire profiter ses amis de son train de vie.

Il aurait été plus gêné d'entretenir vraiment le barde. De lui verser de l'argent pour sa vie quotidienne et tout ça... Déjà, Michna n'aurait pas put avoir de respect pour un homme qui se contentait d'écarter les cuisses pour vivre. Et sans respect pas de désir. Micha, élevé dans un milieu d'artisans respectait par dessus tout le travail. Et le sexe, c'était pas du travail. C'était du loisir.

Mais en l'occurrence, Yvelin gagnait parfaitement sa vie par lui même. Donc Michna n'avait aucun problème à payer pour leurs rencontres. D'autant qu'aimant le luxe, il ne se serait pas contenté longtemps des seuls sortis qu'Yvelin pouvait se permettre.

Mais quand Yvelin lui demanda de lui réserver sa fin de décade, Micha devina tout de suite ses intentions. Il sourit et fit comme s'il n'avait pas compris. Il sourit encore plus en voyant le lieu de rendez vous. Hum? L'Auberge de la Licorne? Yvelin était plus prospère que Michna l'aurait pensé. Ou plus débrouillard. Ce qui était encore mieux.

Il arriva à l'auberge à l'heure dite et grimpa souplement les escaliers de la chambre indiquée. Une douce musique résonnait à l'intérieur de la chambre. Yvelin. Micha sourit avec attendrissement et entra sans bruit. Il sourit en entendant la vielle ballade et attendit que l'écarlate le remarque. Il lui sourit largement.

"Bonjour gentil barde."

Micha embrassa avec plaisir son amant et sourit, amusé.

"J'aime beaucoup la Licorne. C'est un endroit beaucoup trop scandaleux pour que quiconque admettre y être venu. Du coup on y jouit d'une merveilleuse tranquillité. Et je suis certes riche et entiché de ta beauté et de ton talent, mais pour le veuvage... Je te préviens, je refuse te tuer Kate le lendemain du mariage pour correspondre à la description."

Micha passa les mains dans les boucles d'Yvelin, savourant une fois de plus la déroutante sensation étrange d'être le plus petit du couple.

"Hum... Cette histoire de ruban est intéressante, mais... Allons plutôt profiter de la campagne. Tu as raison, un peu de temps ensemble nous fera le plus grand bien."
« Modifié: 27 février 2017, 10:16:40 par Thalyana »

Yvelin

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Re : Dompter les ours
« Réponse #2 le: 27 février 2017, 11:26:28 »
Yvelin n'osa pas demander si Micha était déjà venu ici, avec Firen, par exemple. Il ne voulait pas mettre son amant mal à l'aise et craignait en outre que sa curiosité soit prise pour de la jalousie. Ce qu'elle n'était pas. Ou pas vraiment. Il redoutait juste la comparaison et les souvenirs que ce lieu pourrait évoquer à Micha.

«En parlant de Kate... je me demandais...» Il rougit, un peu gêné. «Je... je pourrais la rencontrer? Avec toi, ou seul, mais dans des circonstances moins formelles, tu vois. J'aimerais beaucoup pouvoir lui parler.»

Quand Micha lui avait parlé de Kate, et de leur idée de se marier ensemble pour résoudre leurs problèmes, Yvelin n'avait pu qu'approuver. Ce qui lui avait moins plu, par contre, c'était la condition posée par Kate, à savoir qu'il était hors de question de l'employer à nouveau, car selon cette dernière, on ne devait pas mélanger travail et vie privée. Yvelin en avait été contrarié. Puis il y avait longuement réfléchi par la suite, pour parvenir à la conclusion qu'elle avait parfaitement raison. Il se sentait donc prêt à la rencontrer et à peut-être s'en faire une amie.

Micha sembla apprécier l'idée d'un Yvelin enrubanné, mais il opta plus raisonnablement pour une promenade.

«Laisse-moi un instant, le temps que je me rhabille pour l'extérieur.»

Yvelin retourna s'assoir sur le lit pour enfiler ses bottes puis il alla récupérer sa cape suspendue à la patère. Il la ferma avec soin puis il enfila ses gants.

«Je suis prêt, allons-y!»

Il précéda l'orfèvre dehors, puis il referma soigneusement la porte quand celui-ci fut sorti. Ils descendirent ensuite les escaliers de concert.

«Je crois qu'on peut partir par là-bas» suggéra-t-il en pointant un sentier du doigt. «L'avantage, à cette saison, c'est qu'on risque encore moins de croiser des gens.»

Dès qu'ils furent à l'abri des arbres, Yvelin glissa timidement son bras autour de la taille de l'orfèvre. Après quelques instants, plus en confiance, il raffermit sa prise. Silencieux, il savourait la sensation. Il n'aurait jamais pensé éprouver un tel plaisir à faire un geste qui était si banal pour d'autres. Quand on se découvrait shaych, on se savait condamné à une vie de secrets. Ou alors on acceptait le regard réprobateur que portaient la plupart des gens sur les homosexuels déclarés, ce qu'Yvelin n'était pas.

«Et toi? Quelle a été ton excuse?»

On trouvait mieux comme début de conversation, mais la réponse intéressait réellement le barde.
« Modifié: 27 février 2017, 12:28:02 par Yvelin »

Micha de Girier

Re : Dompter les ours
« Réponse #3 le: 11 mars 2017, 22:04:22 »
Non. Micha n'était jamais venu à la Licorne avec Firen. Apres coup c'aurait du lui mettre la puce à l'oreille, mais assez vite, Firen avait rechigné à fréquenter les endroits faits pour les rencontres fugitives. Plutôt que la Licorne, ils avaient fréquentés des auberges plus lointaines mais moins connotées "amours secrètes" que la Licorne. Sous de faux noms, et tout... C'avait été assez bizarre. Micha préférait les lieux comme la licorne. Tout le monde savait pourquoi il y venait, personne ne disait son nom, mais personne ne mentait non plus.

Il fut surpris de la demande d'Yvelin. Surprit et un peu mal a l'aise. Son amant souhaitait rencontrer sa future fiancée? Pourquoi diable? Qu'y avait ils la dessous?

"Je sais pas... Faut voir avec elle, mais euh...  Pourquoi?"

Mais bientôt, ils décidèrent d'aller marcher. Micha accueillit la diversion avec plaisir. Il attendit calmement que le barde se prépare, puis ils s'enfoncèrent ensemble sous les arbres. L'ours approuva doucement les paroles d'Yvelin sur les avantages de l'hiver. A la suite du barde, il passa son bras autour de la taille du jeune homme, savourant comme lui ce contact tendre. Micha était plutôt tactile comme mec, mais c'était habituellement difficile, quand on vivait dans le placard.

Il gloussa quand Yvelin lui demanda quelle excuse il avait donné.

"Une excuse? Ca fait dix ans que je ne donne plus d'excuses! Je pars, c'est tout. J'ai fait quelques allusions salaces avec les collègues et tout le monde doit supposé que j'ai été rejoindre une demoiselle. Je travaille ma réputation d'homme à femme depuis deeeeeeeeeeees années."

Ca n'avait jamais été difficile. Micha aimait flirter avec les hommes comme avec les femmes. Simplement, avec les Dames, il n'avait aucune envie d'aller au delà.

Yvelin

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Re : Dompter les ours
« Réponse #4 le: 13 mars 2017, 11:03:48 »
«Pourquoi? Mmmmhhh. Peut-être parce que je suis très très jaloux d'elle...»Il sourit. «Ou peut-être simplement parce que tu vas l'épouser et que j'aimerais beaucoup rencontrer la femme qui partagera ta vie? Et puis... j'ai cru comprendre qu'avant d'être ta fiancée, c'est ton amie. Or, j'aimerais bien rencontrer tes amis. Enfin... ceux qui savent. Sauf si... eh bien, sauf si tu estimes que c'est trop tôt. Je comprendrais.»

Cela lui ferait très mal, mais il comprendrait. Vraiment. Il ne voulait pas donner l'impression qu'il cherchait à hâter les choses, à rendre cette histoire plus sérieuse qu'elle ne l'était encore. Et il ne voulait pas faire peur à Micha. Lui-même était terrifié, quand il y pensait. Comment... comment construirait-il son avenir, s'il devait cacher tout ce qui compte à ses yeux? Et l'amour pouvait-il survivre ainsi, caché? Et si... et si Kate le détestait? Si elle finissait par se montrer jalouse? Si elle ne voulait pas que Micha le fréquente? Comment...

Il força son esprit à se calmer. Il paniquait tout seul, stupidement.

Heureusement, la forêt autour de l'auberge était vraiment magnifique. Et pouvoir s'y promener en serrant Micha contre lui avait tout d'un rêve. Il se sentait étrangement vivant, léger. La vie avait du bon, finalement. Ce n'était pas tout le jour facile, mais ici, loin des regards, il se sentait libre d'être lui-même. Pour peu, il se serait mis à chanter son bien-être dans une grande envolée lyrique. Mais à la place, il préféra relancer la conversation en demandant à Micha comment il avait justifié son absence. Et sa réponse fit sourire le Barde. Yvelin n'avait jamais connu l'orfèvre autrement que shaych. Après tout, ils avaient flirté ensemble à peine s'étaient-ils rencontrés. Mais Micha était éminemment viril, le genre d'hommes qui ne pouvait qu'être un tombeur dans l'esprit des gens. Et son sourire devait plaire aux dames autant qu'aux hommes.

«Je ne sais pas comment tu fais. Je n'ai jamais su me comporter avec les filles de mon âge.» Il fit la moue. «Non, je suis injuste avec moi là. Je suis très doué pour être leur ami, leur meilleur ami. Je sais tout ce qu'il y a à savoir sur les corsets, les mules à talon, la meilleure coiffure pour séduire, ce que ces demoiselles attendent d'un galant. Elles viennent pleurer dans mes bras dès qu'elles ont une peine de cœur, elles me racontent des tas de détails croustillants sur leur vie intime. Mais du coup, impossible pour moi de jouer aux jeux galants. Les rares fois où j'ai essayé — à l'époque où je n'osais pas admettre qui j'étais — j'ai fini par aider la demoiselle à attirer l'attention de celui qui l'intéressait vraiment.» Il soupira puis sourit. «Et combien de fois ta réputation t'a-t-elle conduit dans de fâcheuses postures? Parce qu'avec ton sourire, tes mains et tes superbes fesses, tu as dû faire tourner plus d'une tête. Tu ne t'es jamais retrouvé coincé avec une demoiselle peu farouche prête à t'accrocher à son tableau de chasse? Combien ont eu le cœur brisé quand elles ont réalisé que celui de Micha de Girier était une imprenable forteresse?» Il ne put s'empêcher de se pencher pour déposer un baiser au coin des lèvres du bel orfèvre. «Imprenables pour elles, en tout cas.»

Il rosit légèrement. Il s'était montré un peu présomptueux en suggérant que Micha lui avait peut-être ouvert son cœur. Même s'ils se voyaient maintenant régulièrement, même si l'orfèvre semblait l'apprécier, sans doute était-il trop tôt pour parler d'amour. Oui, Yvelin était amoureux. Mais il différenciait clairement la passion des premiers temps du vrai amour, celui qui ne pouvait se construire qu'à travers les épreuves de la vie.

«D'ailleurs, je te remercie encore!» reprit-il d'un ton enjoué. «Tu m'as fait confiance alors que j'étais tout juste diplômé, et grâce à toi, je croule sous le travail. Toutes ces dames, justement, rêvent d'employer le Barde que le beau Micha de Girier a "parrainé". J'espère que l'engouement durera assez pour me permettre de me faire une solide réputation. Mais c'est bien parti! Moi qui craignais de rester dans l'ombre jusqu'à l'obtention du grade suivant... Maintenant, j'ai peur d'avoir trop de commandes pour réussir à travailler assez pour passer le grade de Compagnon.»

Micha de Girier

Re : Dompter les ours
« Réponse #5 le: 19 mars 2017, 13:09:22 »
"Je... Je suis pas hyper à l'aise avec l'idée. Mais tu fais bien ce que tu veux."

Micha resta songeur un moment. Pourquoi était-il aussi mal à l'aise à cette idée? Au bout de quelques instants la réponse lui apparut clairement.

"Je cloisonne beaucoup ma vie, tu le sais. Y a quelques dizaines, je t'aurais présenté Kate sans soucis. Elle faisait partie de la partie Shaych de ma vie. Je la voyait aussi coté Convens*, mais... pas de la même manière. Mais là, elle deviens une partie importante de ma vie Convens. Et j'aime pas...mélanger les choses. Vaut mieux que tu vois directement avec elle."

Micha sourit  quand Yvelin raconta ses déboires avec les demoiselles.

"Ah c'est pas spontané, c'est sur. Ça s'apprend. J'ai une vielle amie qui m'a appris des tas de trucs dans ce domaine. Tu l’as déjà plus ou moins croisée d'ailleurs. Elle tiens le Repos du Guerrier."

Le repos du guerrier était l'hôtel de passe discret et propre ou avaient finis pas mal de leurs entrevues.

"Elle se vendait à l'époque. C'était quand Papa a décidé que je devais me déniaiser. Yginie a compris avant moi ce que j'étais. Elle m'a aidé à comprendre mon intérêt pour les garçons et m'a appris à le cacher en flirtant avec les jeunes filles."

Micha eu un sourire attendrit en pensant à la tenancière. Puis il sourit plus ironiquement.

"Généralement, j'essais d'éviter de pousser les choses trop loin. Genre de me retrouver trop en privé. Mais ouais, c'est arrivé un certain nombre de fois... je m'en tire la plupart du temps d'une pirouette a base de << Je ne voudrais pas ruiner ta réputation! >> D'ou l'avantage de flirter avec des demoiselles de bonne famille. Kate ou Firen m'ont plusieurs fois sortis de mauvais pas aussi. Pis il y a la toujours classique technique d'être surpris à en embrasser une autre. L'autre étant une professionnelle ou une amie féminine Shaych."

Micha n'avait pas raté l'allusion d'Yvelin à un attachement éventuel. Mais il n'avait envie ni d'infirmer la chose ni de l'affirmer. Il avait donc décidé de passer dessus. Par contre, il serra un peu plus Yvelin.

Le barde aborda la question de l'élan professionnel que lui avait donné Micha. Cela fit rire l'orfèvre.

"Est-ce mon parrainage ou la nouvelle que tu as écris la ritournelle sur ma cousine?"


*Convens: se dit d'une personne qui n'est pas Shaych (terme dérivé de conventionnel, inventé ce dimanche midi. Peut changer en fonction des avis des gens ^^) ((autres propositions: Tradis, Atav, ou un truc autour de l'idée de reproduction))

Yvelin

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Re : Dompter les ours
« Réponse #6 le: 19 mars 2017, 21:30:52 »
Yvelin était surpris, mais il n'était absolument pas blessé que Micha ne veuille pas lui présenter Kate. Il comprenait parfaitement ses raisons. L'orfèvre avait réussi à préserver sa vie privée en cloisonnant soigneusement ses différentes fréquentations. Il était normal qu'il craigne de tout mélanger.

«Oh. Je n'avais pas vu les choses sous cet angle. Comme elle est des nôtres, je m'étais dit... que ce serait plus facile. Mais je comprends.» Il se mordit la lèvre, pensif. «Du coup, je ne sais pas si j'ai très envie de la voir derrière ton dos. Il faut que j'y réfléchisse. J'ai très envie de la rencontrer, mais si cela te gêne... je ne sais pas...»

Il finirait par voir Kate, de cela, au moins, il était certain. Il avait envie de rencontrer cette femme. Et, idiotement, sans doute, il voulait vérifier qu'elle ne constituait pas une menace pour lui. Il savait pourtant que les femmes n'intéressaient pas Micha. Mais elle pourrait néanmoins tenter de le convaincre de cesser de le voir lui, sous prétexte que... sous un prétexte quelconque. Yvelin préférait donc s'en faire une amie.

Aborder la question des femmes permit à Yvelin de découvrir un peu plus le passé de son amant.

«Tu as couché avec elle?» Yvelin ouvrit des yeux ronds. Il voyait parfaitement qui était Yginie et il peinait à imaginer Micha, même adolescent, dans ses bras. Pour lui qui n'avait jamais ne serait-ce qu'embrassé une femme, c'était inimaginable.

Comment aurait-il réagi si on l'avait envoyé, adolescent, dans les bras d'une prostituée? Mal, sans doute. Il aurait paniqué peut-être, pleuré aussi. Il remerciait les Dieux que son père n'ait jamais eu cette idée-là. Il était sans doute bien trop timide pour oser se mêler de la vie intime de son fils. Contrairement à sa mère, d'ailleurs, qui continuait à lui demander des nouvelles, alors qu'il lui répondait inlassablement qu'il n'avait personne dans sa vie. Il n'aimait pas lui mentir, mais il savait qu'il ne pouvait lui dire la vérité.

Il écouta avec intérêt Micha lui expliquer ses différentes astuces pour garder l'illusion qu'il était un véritable homme à femmes, alors qu'il ne concrétisait jamais.

«Hmm. Je vois que tu es bien préparé. Je t'admire. Un esprit brillant se cache derrière ces magnifiques yeux de saphir.»

Yvelin détailla avec émotion le visage de Micha. Sa beauté le frappait encore et toujours. Chaque fois qu'il le voyait, il ne pouvait s'empêcher de s'extasier. Comment s'était-il arrangé pour sortir avec un homme aussi sublime? Il avait une chance hors du commun. D'émotion, il se sentit rougir. Ah, l'air de la campagne n'avait pas que des avantages, s'il nourrissait le goût d'Yvelin pour les envolées lyriques.

Micha se montrait-il modeste ou pensait-il vraiment qu'une comptine idiote pouvait lui assurer un quelconque avenir musical?

«Ton parrainage. Micha, tu es une véritable idole chez ces demoiselles! Et je crois avoir réussi à contenir l'information de ma paternité musicale. Ce genre de chanson doit rester anonyme. Sinon plus personne n'osera jamais en écrire! Et j'oublie toujours que c'est votre cousine... cette histoire est étrange, tout de même.»
« Modifié: 20 mars 2017, 10:07:56 par Yvelin »

Micha de Girier

Re : Dompter les ours
« Réponse #7 le: 02 avril 2017, 12:30:11 »
Micha soupira.

"C'est pas... C'est pas derrière mon dos, tu m'en as parlé, tu m’as prévenu... Très bien. Vas lui parler si tu en as envie. Mais en fait... je préférerais franchement ne rien avoir à faire dans l'histoire. Fait ça toi même sans mon intermédiaire, ok?"

Micha sourit à la réaction du jeune barde à la mention d'Yginie.

"Deux ou trois fois, peut etre...Elle connaissait très bien son métier. Ce qui n'était pas le cas de toutes ses collègues..."

Le regard de Micha se durcit une seconde au souvenir de l'autre péronelle, mais le chaleureux souvenir de sa vielle amie remplaça comme toujours celui de l'humiliation.

"A l'époque, sa compagnie a rendu supportable et même plaisantes des soirées extrêmement gênantes. Mon père m'envoyait au bordel régulièrement à l'époque. Je te raconte pas le malaise... Mais si on a couché ensemble quelques fois, on a surtout fait plein d'autres choses. Elle disait que j'achetais son temps et son corps, mais qu’on n’était pas obligé de s'en servir comme mon père le supposait. En dehors du flirt, elle m'a appris à tricher aux cartes."

Quand elle s'était estimée trop vielle pour ces conneries, elle avait décidé d'ouvrir son hôtel. Micha lui avait prêté l'argent qui lui manquait et avait beaucoup utilisé son établissement. Et parfois, ils dînaient en ville ensemble, en amis.

Micha gloussa:

"Et c'est le barde qui me parle d'esprit brillant! Voyez vous cela..."

Yvelin semblait penser devoir plus son succès au parrainage de Micha qu'à la nouvelle. Mouis. S'il le disait. Dans tous les cas, s'il retirait un succès de cette histoire, c'était l'essentiel.

"Etrange? T'imagines même pas à quel point. Un jour, Isa nous as sortit ça à un dîner de famille, avec les Seigneurs De Girier, les tenants du titre (et leurs huit enfants).  Je te raconte pas le bordel. Mon père était outré, furieux et honteux. Et on peut dire beaucoup de mesquinerie sur mon Oncle et ma Tante, mais ils étaient au moins aussi retourné que nous. Ma Tante surtout, qui se souvenait des rumeurs de grossesses de Kylbeth... Envoyer un bébé dans les Holds... nan mais sérieux..."

Depuis, Sertan couvrait Mina d'attention et entendait bien se faire pardonner. Ce qui provoquait pas mal de tensions avec les Sadares.

"Enfin… La famille, quoi. Et de ton coté? As-tu des histoires de familles rocambolesques à raconter ?"

Yvelin

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Re : Dompter les ours
« Réponse #8 le: 02 avril 2017, 15:14:34 »
«D'accord.» Il sourit timidement. «Je pensais faire preuve de délicatesse en te demandant de m'introduire... il semblerait donc que je me sois trompé. Désolé de t'avoir mis mal à l'aise avec ça.»

Les relations sociales, ce n'était vraiment pas le fort d'Yvelin. Aussi faisait-il très attention avec Micha. Il ne voulait absolument pas lui faire du mal, même par erreur. Il devait donc se montrer particulièrement attentif aux signaux, écouter avec attention et se montrer prudent. C'était fatigant, mais le Barde était persuadé que lorsqu'il connaîtrait mieux l'orfèvre, toutes ses précautions deviendraient caduques. C'était un effort qu'il devait fournir pour une durée limitée. Et il était prêt à donner de lui-même pour que cette histoire fonctionne.

Ils avaient ensuite abordé la question des femmes, et Micha lui avoua avoir couché avec Ygenie. Plusieurs fois. L'idée même était étrange. Micha, dans les bras d'une femme? Il préférait ne pas trop imaginer. C'était trop... dérangeant. Par contre, il admirait la capacité de Micha à se conduire "normalement" avec les femmes.

«Je suis impressionné.» Il rit, gêné. «Ça un côté ridicule d'être impressionné par ça, je suis d'accord. Mais quand même... J'admire tes efforts. Et j'admire encore plus cette femme qui a su prendre par la main un adolescent qui se cherchait pour l'aider à mieux se comprendre. Quelle femme merveilleuse!»

Là, tout de suite, il avait très envie d'écrire une chanson sur le sujet. De louer cette femme et sa délicatesse. Évidemment, il ne ferait rien de tel. Si chanson il devait y avoir, jamais il n'oserait la consacrer uniquement à cet épisode de la vie de Micha. Peut-être une chanson sur la sagesse des femmes? Il tenait peut-être quelque chose.

«Tu triches aux cartes?» releva-t-il. «Et moi qui pensais que seuls les Bardes apprenaient ce genre de choses... en dehors des filous, évidemment.»

Tous les Bardes n'apprenaient pas à tricher. Juste la très grande majorité. Naturellement agiles de leurs doigts, ils n'avaient aucune difficulté à apprendre l'escamotage de cartes. Et leur talent pour la comédie en faisait de très bons menteurs.

Fort élégamment, Micha lui renvoya son compliment. Yvelin rougit comme une jouvencelle.

«Tous les Bardes ne sont pas brillants, tu sais. Comme partout, nous avons notre lot d'imbéciles. Talentueux, certes, mais totalement stupides en dehors de la musique.»

Il ne citerait pas de nom, il aurait l'impression de trahir ses pairs. Mais il avait un ou deux individus en tête. Gentil, mais totalement inintéressant, voire même un peu mièvre.

L'orfèvre aborda ensuite la question de sa cousine, Irmingarde. Ce n'était pas la première fois qu'il entendait parler de cette histoire, mais elle le laissait sans voix. Comment pouvait-on être aussi stupide? Envoyer un enfant chez les Holds, quelle idée!

«Ça me semble totalement surréaliste, comme idée. Si on ne veut pas d'un enfant, on peut au moins le confier à un temple... Ou simplement à une nourrice.»

Micha demanda ensuite une histoire en échange de l'anecdote qu'il venait de lui confier. Cela semblait juste, comme demande. Mais Yvelin ne savait que dire. Sa famille était bien trop inintéressante pour qu'on puisse en rire.

«Des histoires rocambolesques?» Yvelin regarda dans le vide, à la recherche d'une histoire à raconter. «Ma famille est peut-être pas la plus drôle du monde. Le seul membre de ma famille que je trouve un peu amusant, c'est mon neveu. Enfin, le plus jeune de mes neveux. Mais il est un peu jeune encore. Il n'a pas eu l'occasion de faire tant d'âneries que cela.» Il sourit. «Mais je peux te raconter une histoire que j'aime beaucoup. Ma mère était novice dans le temple de Sainte Hitia. Elle pensait prononcer ses vœux et passer sa vie à étudier les textes. Ce qu'elle préférait par-dessus tout, c'était l'odeur de la colle fraîche, que l'on utilise pour le papier. Et celle de la teinture, pour le cuir. Elle aimait l'ambiance apaisée du scriptorium, le grattement des plumes sur le papier, le tintement des bocaux de verre, le frottement du pinceau sur le vélin. Elle adorait couper, décorer le cuir. Elle aimait habiller les livres, comme elle dit.»
«Et puis, un jour, elle a fait la rencontre du fils du papetier, celui qui les fournissait. Ma mère... peut-on dire qu'elle est belle? Peut-être pas. Mais elle a l'air extrêmement intelligente et sage. Même à 15 ans, je suis certaine qu'elle avait déjà l'air sage. Mon père a été presque immédiatement charmé. Il m'a dit que plus que son visage, c'était ses mains, fines, blanches et tachées d'encre, qui l'ont séduit. Des mains d'érudite.»
«Il a commencé à lui faire passer de petits présents au milieu des paquets de feuilles. Un papier fait spécialement pour elle, avec des fleurs des champs dans la trame. Ou bien une minuscule bouteille d'encre, d'une couleur particulière. Des fleurs parfois. Une belle plume d'oiseau. »
«Pour ma mère, recevoir de tels présents était quelque chose d'extrêmement perturbant. Elle a commencé à attendre les visites du fils du papetier avec impatience. À chaque rencontre, elle lui souriait, tentant de lui faire comprendre qu'elle avait apprécié les cadeaux. »
«Ils ont continué ainsi pendant plusieurs décades, presque deux saisons. Puis un jour, ma mère a pris son courage à deux mains. Elle a tiré le gentil fils de papetier à l'écart, derrière le bâtiment et l'a tendrement embrassé. Puis elle lui a demandé: "quel est ton nom?" Elle n'avait jamais pensé à demander.»

Micha de Girier

Re : Dompter les ours
« Réponse #9 le: 22 mai 2017, 22:13:14 »
"C'est pas... Enfin... C'est... C'est un truc qu'un... Je suis pas sure qu'un barde puisse comprendre... Enfin, tu es d'une famille d'artisan, donc peut être... C'est... Je veux des enfants. Des enfants à moi. Je veux hériter de l'affaire de mon père et la transmettre à mon fils à mon tour. Donc forcement... Si je suis pas foutu de toucher une nana, c'est compliqué, tu vois?"

Enfin... Au moins, avec Kate, il aurais pas besoin de faire semblant de fantasmer sur ses nichons.

"Yginie est une filoute en un sens."

Le regard de Micha se voila une seconde au souvenir de la tempête que la révélation d'Isa avait causé dans la famille. Yvelin s’étonna du sort de la cousine, soulevant qu'un temple aurait été plus probable.

"C'est ce que ma Tante Sadare à toujours cru. Mais mon « oncle » à décidé qu'un enfant était mieux avec son père..."

La petite histoire des parents du Barde souffla un vent de fraicheur sur la conversation. C'était une histoire très mignonne. Et l'ours éclata de rire sur la chute.

"Je vois que tu ne tiens pas l'habitude de foncer d'abord, réfléchir ensuite de nulle part! Non que je m'en plaigne!"

Yvelin

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Re : Dompter les ours
« Réponse #10 le: 06 juin 2017, 16:35:38 »
«Oh, je comprends parfaitement.» Il baissa les yeux. «Même si personnellement, je n'ai pas particulièrement envie d'avoir des enfants, je me sens obligé d'en avoir. Ou au moins d'essayer. J'ai été élevé dans l'idée que ce serait à moi de reprendre le moulin, à la mort de mon père. Et qu'il faudrait que je me marie et que j'aie des enfants pour transmettre l'entreprise, qu'elle reste dans la famille.» Il déglutit. «Pour le moment, ils me fichent la paix. Parce que j'ai décidé de passer un rang de plus. Mais je sais qu'au prochain solstice, une jolie demoiselle, probablement fille d'un membre de la guilde, ou à la limite, d'un des collaborateurs de mon père, sera invitée à partager notre repas. On attendra alors de moi que je la courtise avec toute mon habileté de barde. Et que je l'épouse. Sinon, on continuera à m'en présenter d'autres, jusqu'à ce que je rende les armes et que j'accepte d'en marier une.» Il soupira. «Sauf que, même si j'ai éventuellement envie d'avoir des enfants — après tout, je les aime bien —  je sais que je suis incapable de... enfin... tu vois. C'est pas tant mécanique — enfin, si beaucoup. Mais tromper cette pauvre fille, encore et encore, la condamner à une vie amoureuse inexistante, je trouve cela cruel. Je... je ne crois pas en être capable. Et puis, il reste le problème mécanique...»

Yvelin ne savait pas vraiment s'il désirait avoir des enfants. Il les appréciait, vraiment. Mais il n'était pas certain de faire un bon père. Et il était convaincu qu'il ferait un très mauvais gestionnaire. Il n'avait pas la formation pour reprendre réellement le moulin, mais il serait chargé de le gérer. Lui, ou sa femme. Or, si des tas de femmes possédaient leurs propres affaires, il doutait que la guilde voie d'un bon œil que le moulin soit géré par l'une d'elles. Il aimait le papier, mais son unique amour, c'était la musique. Il n'y avait qu'elle pour le faire vibrer, rire, pleurer. Il était prêt à lui consacrer son existence, son âme. Il serait injuste pour le moulin d'avoir un propriétaire qui ne l'aimait pas à sa juste valeur.

«Il faudrait un jour que je dise à mon père, que je lui fasse comprendre que je ne pourrai jamais reprendre le moulin. Et pas uniquement parce que je suis incapable de sauter une fille. Mais parce que son entreprise mérite de revenir à quelqu'un qui pourra lui consacrer sa vie. Or, ma maîtresse à moi est bien trop exigeante pour accepter de me partager.»

Il se parlait à lui plutôt qu'à Micha. Mais en cet instant, il venait de prendre sa décision. Il irait parler à son père et le convaincrait de se choisir un successeur parmi ses apprentis.

Parler de la mentore de Micha permit à Yvelin d'oublier l'angoisse qui l'avait saisi quand il avait parlé des problèmes de succession.

«Je vois ça, oui. Ceci dit, tricher aux cartes, c'est très utile comme compétence.»

Par exemple pour se faire un peu d'argent de poche aux dépens de Bleus idiots.

Les gens avaient parfois des idées étranges, et en l'occurrence, l'oncle de Micha devait avoir reçu la visite d'un esprit fort malin, pour envoyer sa petite-fille chez les Holds.

«Je peux comprendre l'idée derrière le geste.» Il pensa à Dunwyd dont la mère avait choisi de l'abandonner chez son père. «Ce qui me dépasse, c'est qu'il n'ait pas réalisé qu'une bâtarde serait traitée au mieux comme une esclave.»

L'histoire qu'il raconta sembla plaire à Micha. Il n'était pas Barde pour rien. Même la plus petite anecdote pouvait devenir un récit palpitant s'il était bien raconté. Mais la conclusion de l'artisan le laissa perplexe.

«Tu dois bien être la seule personne à me voir ainsi. D'habitude, les gens ont tendance à me considérer comme trop prudent, timide, timoré, effacé. Bon, je me suis amélioré depuis que j'ai vécu sur les routes.» Il sourit. «Si tu parles de notre rencontre, je ne me suis pas lancé sans réfléchir. Tu avais donné les réponses que j'espérais, alors pourquoi prendre le risque de te laisser filer? Et puis...» il rosit. «La solitude peut rendre audacieux même le plus timide des Bardes.»

Micha de Girier

Re : Dompter les ours
« Réponse #11 le: 20 juin 2017, 12:42:38 »
Micha écouta son compagnon attentivement en contemplant la forêt. Il comprenait le point de vue du jeune homme. En effet, piéger une jeune fille à la recherche d'un attachement sentimental serait condamnable.

"Je comprends ton dilemme. Dans ma famille, on se marie par intérêt depuis un paquet de générations. Donc les choses sont différentes. Pis avec Kate, j'évite complètement le problème."

Mais le barde était reparti dans son dilemme moral. Brièvement Micha se demanda ce qui se serait passé s'il n'avait pas été pris de passion pour l'artisanat familial. S'il s'était retrouvé barde, ou héraut, comme sa sœur. Isabeau aurait-elle insisté pour reprendre la boutique? Aurait-elle, comme leur mère, simplement épousé un apprenti de Père? Non. Ce n'était pas dans le caractère de sa sœur de se contenter du rôle d'épouse.

Il tapota l'épaule du Barde quand celui-ci eu pris sa décision.

"Tu fais bien. Un Atelier a besoin de l'attention pleine et entière de son Patron."

Il ne répondit pas à la remarque sur ce que son oncle aurait dû savoir sur le devenir de Mina. Il était bien d'accord avec Yvelin. Mais pour ne pas empirer le conflit familial, il essayait de se dire que l'oncle, si loin des Holds, avait pu ignorer leurs mœurs...

Il gloussa légèrement quand Yvelin nia être impulsif. Il avait beau dire, deux heures après leur rencontre, ils étaient chez Yginie... et dans l'intervalle, Yvelin s'était accroché avec un barde de fort mauvais caractère pour lui.

"Si tu le dis..."

Ils arrivèrent à une charmante petite clairière, équipée de sièges dans le même style que le mobilier de l'auberge. Micha y entraîna le barde.

"Tu nous chanterais quelque chose, peut-être?"
« Modifié: 20 juin 2017, 15:37:21 par Thalyana »

Yvelin

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Re : Dompter les ours
« Réponse #12 le: 22 juin 2017, 10:24:32 »
«Tu as de la chance d'avoir pu trouver cet arrangement avec Kate. Ça va simplifier ta vie, je pense.»

Et la sienne, assurément. L'horlogère ne risquait pas d'être jaloux de lui. Sauf s'il accaparait tant Micha que celui-ci n'ait plus le temps de la voir. Cela n'avait que peu de chances de se produire. Ils étaient tous deux fort occupés.

Yvelin, perdu dans ses pensées et son monologue, avait presque oublié la présence de l'artisan à ses côtés. Il sursauta quand celui-ci posa sa main sur son épaule. Puis il lui sourit.

«Et puis, j'aurais honte d'être le chef alors que mes compétences dans le domaine sont limitées. Ça ne serait pas correct. Et puis, la vie d'artisan ne m'intéresse absolument pas. C'est un univers tellement... étriqué... sans vouloir t'offenser.»

Quand il parlait avec son père, il réalisait à quel point l'horizon de celui-ci était restreint. Rien ne l'intéressait en dehors du papier, de la guilde et du moulin. Alors que lui s'intéressait à tout, ou presque. Il n'avait pas envie de rester coincé dans un atelier. Il voulait voir et comprendre le monde.

Micha ne semblait pas très convaincu par ses dénégations. Pourtant, il n'était pas impulsif. Si?

«Firen m'a toujours exaspéré. Enfin... pas toujours. Je l'admirais, avant de partir sur les routes. Puis j'ai compris qu'il n'était qu'un poseur, talentueux, certes, mais incapable d'écrire autre chose que des âneries. Et puis, il a une certaine réputation. L'histoire du Page, c'est ce qui circule sur lui. Alors quand il a prétendu me défendre, j'ai eu de mal à me contenir. Et puis, honnêtement... j'avais peur aussi que tu renonces à m'engager si je ne me défendais pas. Je n'avais que peu eu l'occasion d'obtenir des contrats. Sans parler de l'aspect... plus privé. Je ne voulais pas que risquer de passer à côté d'un aussi bel homme que toi.» Il eut un sourire gêné. «Tu es si beau que tu m'as insufflé l'impétuosité nécessaire à agir promptement.»

Oui, Yvelin était bien un Barde.

Leurs pas les guidèrent dans une clairière aménagée. La neige, qui était tombée avant abondance quelques décades plus tôt, avait été dégagée autour des sièges. Là, Micha invita le Barde à lui jouer quelque chose.

Yvelin regarda autour de lui, cherchant l'inspiration. Son esprit sauta sur la première chanson parlant de l'hiver et de la neige, et ce fut d'une vois ferme et chaude qu'il commença à chanter.


♫Tombe l'hiver comme la neige
recouvre tout d'un blanc manteau.
Tombe la nuit et aussitôt
mon cœur, tout endeuillé, s'allège.♫



♫Le froid endort ma douleur;
libérée mon âme s'envole
vers les cieux, danse et caracole.
Et le vent froid gèle mes pleurs. ♫



♫Sous la voûte immense, bleue, noire,
cousue de perles et de diamants,
mes malheurs semblent insignifiants,
Au loin j'entr'aperçois l'espoir. ♫



♫Plus haut, toujours plus haut s'élève
mon âme. La neige m'étreint
et me berce. Mon corps s'éteint.
Je n'ai plus froid. Je rêve et rêve.♫



La voix d'Yvelin n'était plus qu'un murmure.

Sortant de sa transe musicale, il se sentit mal à l'aise et rougit.

«Désolé. Ce n'est peut-être pas la chanson la plus adaptée. Je ne sais pas pourquoi c'est celle-là qui m'est venue.» Il rit, gêné. «À trop vouloir écrire des chansons sérieuses, je me mets à ne plus savoir faire autre chose.»

Ce devait être d'autant plus surprenant pour Micha qui n'avait sans doute jamais entendu le Barde chanter autre chose que de stupides chansons d'amour ou des ritournelles idiotes. Pourtant Yvelin, s'il voulait prétendre à un rang supérieur, devait maîtriser tous les styles.

Micha de Girier

Re : Dompter les ours
« Réponse #13 le: 09 juillet 2017, 12:04:43 »
"Etriquée? Mmh..."

Micha ne pouvais pas s'empêcher de se dire qu'Yvelin ne s'était pas assez intéressé au travail de son père pour trouver l'artisanat étriqué. Déjà, la vie de chef d'atelier comportait trois missions également importantes, gérer la fabrication, la vente et les relations avec la guilde. De base ce n'était pas de tout repos. Et oui quand on était passionné par son art, l'améliorer et en explorer toutes les possibilités n'était pas de tout repos. Sans parler  de la veille constante de ce que pouvaient inventer les concurrents. Non, vraiment, pour trouver cette vie étriquée, il fallait ne pas l'avoir vécue.

Il soupira à la description qu'Yvelin fit de Firen.

"Firen est... Je l'ai connu il y a un bout de temps, bien avant qu'on commence à... bien avant qu'on soit un couple. J’avais quoi, quinze ou seize ans? Il devait en avoir une vingtaine. Mais le problème, c'est que là ou toi, moi, n'importe qui évolue en quinze ans, lui... non. Il est resté ce jeune homme rêveur avec ses rêves de prince charmant. Je ne doute pas qu'il fréquente la jeunesse, mais probablement plus parce qu'il... hum. Il a une immaturité qui lui rend difficile l'approche de gens plus matures. C'est probablement ce manque de maturité que tu vois dans ces écris."

Le barde précisa aussi ses raisons de ne pas laisser partir l'orfèvre. Ce qui fit glousser l'ours:

"Je suis une occasion à ne pas manquer...."


Puis le barde leur chanta une complainte hivernale qui emplit Micha de mélancolie. EN effet, il entendait rarement Yvelin hors du chant de la ritournelle. Mais il ne pouvait pas  s'empêcher de trouver ça dommage. Silencieusement, l'artisan attira l'écarlate sur ses genoux et l'embrassa doucement.

Yvelin

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Re : Dompter les ours
« Réponse #14 le: 16 juillet 2017, 11:07:51 »
«Géographiquement parlant. Et aussi socialement parlant. Surtout pour un Barde qui a l'habitude de fréquenter des nobles aussi bien que des paysans. Et de voyager partout.»

Car être artisan signifiait être coincé dans son atelier, sans possibilité de le quitter. Il y avait des délais à tenir, des employés à payer, des clients à contenter. Partir, même quelques jours, c'était prendre le risque de voir un concurrent prendre votre place.

Or Yvelin avait découvert qu'il aimait voyager. Il aimait aussi découvrir d'autres manières de vivre, d'autres façons de penser. Grâce à son année sur les routes, il était devenu un vrai Troubadour Itinérant. Il s'était approprié le titre, sans plus que d'autres de ses camarades.

Le jeune Barde n'avait pas réalisé que Micha connaissait Firen depuis tant de temps. Il ressentit quelque chose qui s'apparentait vaguement à de la jalousie. Il savait bien que c'était parfaitement ridicule, mais il n'y pouvait rien. Mais il comprenait mieux le ressenti de Micha vis-à-vis de Firen. La séparation avait dû être d'autant plus difficile qu'ils se connaissaient depuis longtemps.

«Ça. Et il est méchant. Oh, pas méchant comme peut l'être un sombre et retors politicien. Non, méchant comme peuvent l'être les enfants. Pourri gâté qui sait comment emmerder son monde. Heureusement, je crois que mon sens de la répartie lui fait un peu peur. Il n'a rien tenté contre moi. Et j'évite de lui donner l'occasion, aussi. Je n'ai pas du tout envie d'une confrontation publique. Même si je sens bien cela finira par arriver.» Il soupira. «L'avantage, c'est qu'avec la réputation de mignon que je me suis fait, personne ne le croira.»

Quand il eut terminé de chanter, Micha l'attira sur ses genoux pour l'embrasser tendrement. Yvelin se laissa aller et profita du moment. Quand leurs lèvres se séparèrent enfin, il ne put s'empêcher de rire. Il était certes le plus léger des deux, et de loin (si Micha s'était installé sur ses genoux, il aurait sans doute eu du mal), mais il était si grand que ses jambes touchaient par terre, et qu'il devait même les tendre un peu pour éviter de glisser. Il s'amusait de voir qu'ils cassaient l'image traditionnelle du couple Shaych (un grand baraqué et un petit fluet).

«Je me demande comment fait dame Yvonne. Elle mesure presque vingt centimètres de plus que son minuscule époux. Crois-tu que lorsqu'ils dansent, c'est elle qui "fait l'homme"? Et quand ils se sont courtisés... et séduits... Enfin, j'imagine que les nobles demoiselles ne grimpent pas sur les genoux de leurs fiancés pour de tendres embrassades. Ça doit être un peu triste, la vie conjugale d'un noble.»