Beltran avait repoussé ce qu'il avait à faire. Il avait bien sûr mis ses affaires en ordre, avait repris les rênes de la garde, avait payé tout le monde, réorganisé les patrouilles en fonction des disparus, des blessés, des revenants, des alertes qu'on lui transmettait. Il avait assisté aux Conseils, écouté le Roi et interdit certaines actions, remercié ceux qui l'avaient aidé, avait augmenté Robin, son lieutenant, rendu visite aux blessés, parlé aux mercenaires qui n'étaient toujours pas parti n'arrivant pas à se décider pour un autre chef...
Il avait fait tout son travail de Capitaine sauf ce qui l'angoissait jour après jour. Kley.
Avaler le meurtre d'Ellia n'était pas chose facile. Avaler le fait qu'il n'ait rien pu faire était pire. Et savoir que le meurtrier n'était qu'en partie responsable lui donnait des envies de vengeance monstrueuses.
Mais il n'était pas homme à fuir ses responsabilités, et quand les guérisseurs lui annoncèrent que Kley pouvait quitter le Collegium des Guérisseurs, il l'avait fait transférer dans une chambre de la caserne, lui laissant une promenade d'une heure dans les jardins par jour, accompagné, escorté à toute heure même pour la deuxième heure qu'on lui permit pour s'entraîner un peu, et une paire de garde devant sa porte le reste du temps.
Il avait laissé sa rage se calmer. Une décade plus tard, en fin d'après-midi, il salua les gardes en faction, et frappa.
"Kley, c'est le Capitaine Beltran. J'entre, j'ai à vous parler."
Et sans plus de cérémonie, il ouvrit la porte sur la chambre. Sobrement meublée, elle était surtout utilitaire mais on avait amené à l'homme à peu près tout ce qu'il demandait.