Bucolique après midi

[Héraut Arthon]

J'ai déjà fait mon entraînement avec Raimon tout à l'heure donc c'est de la triche, je suis plus en forme que toi... Edriss fit semblant de résister. Mais entraînons-nous, un peu d'exercice ne peut pas faire de mal... suggéra une Compagnon plus à l'aise que Raimon dans sa propre promenade.

Le soldat avait senti venir la question qui tue mais il ne s'attendait pas à ce qu'elle tombe si abruptement. Il s'arrêta et regarda Isabeau.

"Heu... Oui pour moi c'est toujours d'actualité. Sauf si tu veux qu'on les rompe évidemment... "

Elle avait vivement ajouté des choses pour ne pas le faire paniquer mais c'était trop tard, l'esprit du Gris était en ébullition.

"Je n'en parle pas parce que ... je ne sais pas trop ce que tu en penses, et je n'ai pas envie de te faire fuir... En tout cas... Pourquoi j'y pense encore? Parce que je pense que nous sommes bien assortis, qu'on a toujours besoin de quelqu'un sur qui compter entièrement - et je ne parle pas d'un Compagnon... Peut-être parce que je suis fleur bleue?"

Oui Raimon, fleur bleue. Il ne montra rien mais il était inquiet de sa réponse.

[Isabeau d'Armentières]

Serait-ce un défi? J'adoooooore les défis... Un gage pour le dernier de l'autre coté du champs?



"NON!"

La jeune fille sentit son coeur se serrer. Non, c'était pas ca qu'elle voulais. Elle ne voulais pas rompre. Non. elle aimait beaucoup Raimon et au fil des mois, il s'était installé dans ses reves de futur (Quoi qu'il lui en coute d'accorder cette victoire a son pere).

"Je... C'est pas facile de dire ce que j'en pense. Moi meme j'ai pas mal changé d'idée en un an. Et s'il avant que je te connaisse, mon seul projet de fiancaille c'était de me joindre a une caravane de marchand en temps que clerc, aujourd'hui, je nous trouve aussi tres bien assortis..."

Incapable encore de préciser sa pensée, elle partit sur un registre un peu plus tragi-comique, un air de fausse incompréhension sur le visage:

"Par contre, etre fleur bleue, je sais pas si je suis cablée pour..."

[Héraut Arthon]

Je vais forcément gagner. Prévoyons les gages à l'avance. Tu proposes quoi, ô valeureux Compagnon?

Le ton était léger entre les deux "canassons" mais beaucoup moins du côté de leurs Elus.
Le "non" franc et sincère d'Isabeau rassura un peu le Gris mais la suite du discours était moins tranché et apaisant même si c'était de très gros progrès par rapport à un an plus tôt. Heureusement elle finit sur une pointe d'humour.

"Et que penses-tu de me tutoyer maintenant? Si on oublie que je suis encore ton fiancé - merci de ta confiance d'ailleurs- j'aimerais au moins être ton ami... On tutoie les amis souvent." plaisanta-t-il.

[Isabeau d'Armentières]

A l'avance? Mais ça gâcherait le suspence, douce Edriss... Tu viens?

Caracolant, l'Etalon se dirigeait ers la sortie du bâtiment.

Isabeau rougit quand Raimon lui reprocha son vouvoiement. Elle savait bien qu'un jour il lui ferait la remarque... Par contre jusque là, elle ne savait pas dans quel sens ce serait. Certaint couples mariés depuis des décennies se vouvoyaient encore alors elle n'avait guère su si elle devait passer au "tu" ou pas. Ben elle devait.

"Je... savait pas ce que tu en penserais. Je ferais attention, promis."

Parfois elle avait l'impression qu'il lui parlait comme a une enfant... Enfin... A ses yeux, elle l'était peut etre. Ce que c'était compliqué les hommes. Avec ses amiEs, elle savait simplement ou s'en tenir. Mais avec Raimon... Elle ne savait sur quel pied danser. Et comme elle avait du mal a mettre son masque, il le voyait. C'était très génant!

[Héraut Arthon]

Et comment, que je viens.

Edriss suivit d'un pas enthousiaste l'étalon jusqu'à la sortie... et à peine un sabot dehors, elle s'élança à pleine vitesse.

Pendant ce temps, Isabeau rougissait mais acceptait de tutoyer Raimon. Ce dernier lui sourit largement:

"Ca me fait vraiment très plaisir que tu acceptes."

Et puis il ne sut plus quoi dire et continua à marcher silencieusement. Il finit par dire:

"Bon, et bien si tu as d'autres questions...? Moi j'aimerai bien te connaître mieux, je l'avoue. Tu es une jeune femme bien mystérieuse parfois..."

[Isabeau d'Armentières]

Bethaniel s'attendait plus ou moins à ce qu'Edriss s'élance sans prévenir, aussi ne perdit-il pas trop de terrain... avant qu'il ne dérape dans cette flaque de boue. Il réussis a ne pas s'étaler comme un poulain maladroit, mais en attendant, la jument lui avait mis une jolie poignée de longueurs dans les naseaux. Pestant contre son manque d'attention au terrain (C'pas comme si il le connaissait pas depuis sa naissance, hein?), il reprit sa course, mais désormais il était quasiment sur de se prendre un gage...

Mais finalement, est ce que ça lui déplaisait?


De son coté, Isa était en proie a un dilemme. C'était pas qu'elle se la jouait mystérieuse... Juste qu'elle avait son jardin privé. des pensées et des opinions qui ne regardait qu'elle et, éventuellement, ses liés. Et encore. Ça c'était parce qu'elle avait pas la possibilité de les empêcher d'entrer dans ses pensées. Mais d'un autre coté, il y avait une chance non négligeable qu'elle épouse Raimon. Et pas juste par rapport a leurs familles. Est-ce qu'il avait le droit de savoir? Elle aurait voulut demander son avis a Bethaniel mais celui ci, pour une raison qu'elle ne voulait pas connaitre, soufflait comme un boeuf...

... Bah... Elle pouvait toujours essayer... Au pire elle ne répondrais pas.

"Pose tes questions, je t'en pris... Quand a moi... J'aimerais savoir ce que l'héritier d'une famille aisée fait dans la garde... Ce n'est pas très banal pour quelqu'un de ton rang, non?"

[Héraut Arthon]

Sans se rendre compte de quoi que ce soit, Edriss fila comme une flèche vers la ligne d'arrivée. En très peu de temps, elle y fut. Elle fit volte face, et regarda d'un air narquois Béthaniel qui la rejoignait avec plusieurs secondes de retard. Elle battit des cils (si si) et plongea son regard bleu glace dans ... et bien dans le regard bleu glace de l'autre Compagnon.

Donc j'ai gagné, comme toujours... Ton gage sera de supporter ma présence pour une petite ballade romantique le long de la rivière. J'en ai assez d'être enfermée au Palais, j'ai besoin d'un peu d'air et d'une présence ... amicale. Raimon et Isabeau ne semblent pas avoir besoin d'aide pour le moment... suggéra Edriss d'un ton câlin.

Raimon, lui, était loin des idées de câlin. Isabeau venait d'accepter qu'il se renseigne à son propos et il devait organiser ses idées. Il commença par répondre à sa propre question.

" Mon père est parti du principe que son héritier devait savoir quoi faire de ses dix doigts avant de prendre la relève. Comme je n'allais pas rester oisif en attendant qu'il meure - et que les Dieux fassent que ça n'arrive pas vite - j'ai eu le choix. Le maniement des armes et apprendre à commander des troupes, ce sont des choses utiles pour qui doit avoir un domaine. Le reste, je l'ai appris parmi les Bleus. Mais j'avoue que le gris me va mieux au teint."

Il en profita sournoisement pour ajouter:

"D'ailleurs, il te sied vraiment aussi."

Il continua à avancer puis la regarda:

"Tu es l'assistante du Seigneur Barrn. Comment es-tu ... tombée entre ses griffes? Je veux dire, pourquoi les livres, et les bibliothèque t'attirent autant? Et qu'est-ce que tu aimes vraiment faire en dehors des cours et de ton statut d'assistante?"

[Isabeau d'Armentières]

En plus d'une robe d'étoile, tu bénéficie de la célérité de l'étoile filante... La vie est injuste pour nous autres vers de terre...

L'annonce du gage fut... intéressante. Et le Compagnon se dépêcha d'accepter.



Isabeau hocha la tète quand elle apprit pour lesquelles Raimon faisai partie de la garde. Elle sourit aussi. Ce mépris de l'oisiveté... Elle avait déjà vu ca quelque part... Elle voyait en partie pourquoi son père avait choisis cette famille pour la lier à la leur...
La grise éclata de rire au compliment de son fiancé:

"J'ai toujours sut que les non-couleurs étaient faites pour moi!"

Bien sur, tous les compliments faciles du monde n'empêcheraient pas les questions de venir. Bon, au moins, c'était rien de très secret pour le moment...

"Par hasard, je pense. Hasard et une pointe d'influence supérieure... Je n'ai pas de tendresse particulière pour la bibliothèque, honnêtement, mais j'adore travailler et apporter ma pierre a l'édifice. Mais bon... Du coup, il ne me reste guère de temps libre... Et plus le temps passe plus ce temps libre se trouve occupé... Rinnerl, Saskia, Bethaniel, toi..."

Isabeau s'interrompit le temps d'un soupir informulé. Oui. Elle était sortie de sa petite routine. Bethaniel l'en avait sortit, et Raimon l'avait sortit de ses convictions maritales. Finalement, son monde avait changé du tout au tout. Et si généralement, elle appréciait le changement, parfois elle en avait juste peur.
Elle passa une mèche échappée de son chignon derrière son oreille avant de se forcer à reprendre sur un ton plus guilleret:

"Au départ, je m'avançait surtout dans mon travail scolaire pour pouvoir passer plus de temps à la bibliothèque. Mais maintenant... Y a de plus en plus de gens qui gravitent autour de moi, et je ne peux pas rester centrée sur le boulot."

Soupir exagéré, pose de grande Dame arrogante... tout en fait, pour tenter de dissimuler l'angoisse qu'elle n'arrivait à ravaler.

[Héraut Arthon]

Je sais bien. assura sans le moindre soupçon de modestie Edriss. Et je vais te prouver que je suis encore plus digne d'intérêt.

Les explications de Raimon semblèrent plutôt être appréciées du côté d'Isabeau. Le jeune homme en fut heureux. Il savait que l'oisiveté n'était pas très cultivée chez les De Girier mais il ne savait pas à quel point la jeune femme adhérait à cette vision familiale. Pour lui c'était important d'être utile. Pour elle aussi. Ils étaient Hérauts (ou presque). Il aurait dû y penser au lieu de s'angoisser pour rien…

Il se lança dans un compliment qui reçut lui aussi un accueil favorable avec le sourire et la réponse légère de la grise.
Cela aida le Gris à se décider pour des questions. Isabeau répondit assez franchement et finit sur une liste de ce qui lui prenait du temps - ce n'avait pas l'air d'être un mauvais point d'ailleurs. Être cité parmi les amis et âmes soeurs de la jeune femme fut comme une victoire. Il se redressa avec fierté puis s'inquiéta du petit silence de l'ancienne Bleue. Isabeau enchaîna cependant à propos de la bibliothèque.

"Tu sais, on ne peut pas s'enfermer tout le temps dans le travail. Parfois ça peut être utile pour un examen par exemple… mais la vie est trop courte pour ne faire que ça. Surtout celle des Hérauts, avec tous les devoirs qui nous tombent sur les épaules. Même ton Compagnon ne demanderait pas autant." fit-il sérieusement avant d'entamer une nouvelle piste de discussion: "Bon, à part le lait que le Régent lui-même t'a appris à faire chauffer… qu'aimes-tu comme cuisine? Pour ma part, j'ai un faible pour les charcuteries, et la crème. J'aime les bons vins et je sais cuisiner… heu les rations de soldats. Mais j'aimerai bien apprendre à faire autre chose que de la viande séchée en ragoût potable."

Puis il s'immobilisa brusquement, et pâlit visiblement.

Edriss, tu fais quoi là?
Oh moi, rien de très intéressant… Disons que j'approfondis une amitié déjà existante, comme tu le fais avec Isabeau.


Et je disais donc que j'étais digne d'intérêt… enchaîna la femelle une fois bien à l'écart avec Béthaniel. Vraiment digne d'intérêt. et ses pensées ne laissaient aucun doute sur ce qu'elle proposait.

[Isabeau d'Armentières]

Ouais. Même Bethaniel n'en demandait pas autant. En fait, Betha avait plutôt tendance à l'empêcher d'en faire trop. Et plus ca allait, plus en regardant son passé, elle réalisait le rythme hallucinant qu'elle avait alors pris. Ca et l'insécurité que ca masquait...

"Je sais bien... Et en fait, je bosse moins depuis mon élection. Je passe du temps avec les gens, je monte Betha... Mais honnêtement, je ne me vois pas... reprendre la broderie ou... lire un livre. J'en vois assez au boulot."

La jeune femme se détendit visiblement. Les gouts culinaires, ca sortait du domaine de privé. De SON domaine du privé en tout cas. Elle se doutait bien qu'elle n'avait pas forcément le même que tout le monde. Bah... Qu'on lui apporte deux personnes pareilles, qu'on rigole....

"J'aime la grande cuisine. Les plats compliqués et multiples qui dévoilent sur ton palais une farandole de saveurs merveilleusement inattendues. Quelque part, j'ai des gouts de luxes... Mais je ne suis pas exigeante. Pas trop. Bah t'as bien vu pendant la mission que je n’ai jamais fait la grimace devant les rations de voyages. Sinon, j'aime la pâtisserie en général et les choux à la crème en particulier. Surtout pour taquiner mon frère en fait..."

Isabeau leva un sourcil en voyant son ami pâlir. Qu'est ce qui se passait donc? Elle avait dit une bêtise?

...

Euh... Normalement, là, Bethaniel aurait du lâcher une remarque sarcastique. Le silence de Rinnerl, ok, elle dormait, mais Betha? Isa lança une sonde mentale à la recherche de son cheval...



De son, coté, Bethaniel trouvait en effet Edriss Très intéressante, et ses pensées la suivait dans cet intérêt. Et c'est la que le coup de sonde de l'humaine arriva.



Elle rougit furieusement et barricada son esprit. Avant d'oser envoyer des mots. Juste des mots, pas son attention!

Betha? Euh...
Ma Chéri, si tu veux vivre comme une moinesse, c'est ton droit, mais va pas embêter les autres...

"Hum..."

Reprendre contenance. Maintenant. Tout de suite.

"Je... Par contre je ne cuisine pas. Je n’ai pas appris, en fait."

[Héraut Arthon]

Raimon hocha doucement la tête. Il comprenait bien ce que Isabeau voulait dire. Elle accepta de répondre à sa question idiote sur la cuisine. C'était peut-être une question bateau mais le soldat savait que les petits détails amenaient parfois les grandes explications. Savoir que la Grise aimait le compliqué culinaire était un beau parallèle pour expliquer qu'elle aimait le compliqué à détailler et résoudre dans la vraie vie par exemple... Enfin, c'était ce qu'il avait compris d'elle pour le moment.

Il allait enchaîner quand son lien mental avec son Compagnon lui rapporta ce qu'il aurait préféré ignorer.
Edriss venait de taquiner Béthaniel. Béthaniel venait de répondre favorablement. Quand Isabeau se reprit et continua sur la cuisine, le soldat eut plus de mal à revenir à la réalité. Edriss venait de fourrer ses naseaux soyeux dans le coup blanc du Compagnon de l'ancienne bleue.

"Ah ... les rations de survie... c'est déjà... Isabeau, je crois que ... Il vaudrait mieux reporter cette conversation. Ou la faire en accéléré, parce que je crois... que Béthaniel et Edriss ... ont aussi beaucoup à se dire, et j'avoue que ça devient très gênant."

Autant être honnête. Il eut un sourire contrit et ouvrit les mains en geste d'impuissance, attendant le verdict de son amie.

[Isabeau d'Armentières]

Malgré ses boucliers mentaux, Isabeau ne pouvait arrêter tout ce qui lui venait de son compagnon. Elle était simplement trop inexpérimentée dans cet exercice pour monter un vrai bouclier entre Bethaniel et elle. Et le fait qu'ils aient l'habitude de flâner dans l'esprit l'un de l'autre en permanence n'arrangeait rien. C'était comme construire un barrage sur un petit torrent mental. Ca ne pouvait tout retenir. D’autant qu’elle sentait que le dédit du dit torrent allait pas tarder à... augmenter.

Isabeau respira. Se centrer. Elle devait se centrer comme on le lui avait enseigné. Mais comme toujours, son centre lui échappait. Elle tournait autour, le ratait de peu, savait qu'il était là... sans pouvoir mettre le doigt dessus. C'était proprement insupportable. C’était comme tenter d'enfiler un fil sur une aiguille avec des culs de bouteille sur les yeux. C'était insupportable. Réfugiée derrière un maigre écran instinctif, elle avait l'impression d'essayer d'allumer un feu a coté du torrent mentionné plus haut. A chaque fois qu'elle se rapprochait, une impression la déconcentrait.

Mais soudain ce fut Raimon qui la déconcentrât. Pour comprendre ses paroles, Isabeau dut se les repasser mentalement. Non... Elle n’avait pas compris ca... Mais face a la gêne de Raimon et à ses paroles...

"Betha! Me dit pas que t'es avec Edriss!"

Isa avait été assez surprise pour parler à la fois verbalement et mentalement. Pour seule réponse, le Compagnon envoya une image d'Edriss vu par ses yeux. Une image accompagnée d'une bonne poignée d'émotions...d'émotions sexuelles. Appelons un chat un chat.

Je te tuerais sale délavé. Et je ferais une serpillère avec ton cuir...
PARDON?
Oooooh, miiiince, tu as entendu ca? Les barrières mentales.... c'est pas mon truc...

Atrocement gênée (et au prise avec certaines envies de meurtres, Isabeau ne put que tourner le dos à son  fiancé. Punaise! Maintenant qu'ils devaient se séparer, une multitude de questions venaient à l'esprit de la jeune femme. Essentiellement du genre pratique. Et délicate. A réfléchir. Genre "Et si on se mariait dans le mois, comment tu vois notre vie après ça? Et la vie après nos uniformes?". Pas du genre qu'on se pose en tentant de tenir mentalement à distance un compagnon d'humeur folâtre.

"Tu... as raison.... Mieux vaut remettre... Je..."

Suintant de son lien colmaté avec Bethaniel, une drôle de sensation s'installa au creux de son estomac, augmentant encore la couleur des joues de la jeune fille qui commença à s'éloigner au rythme des petits pas nerveux que lui avait inculqué son professeur de bonnes manières. Chose légèrement ridicule en tenue de grise et en bottes de cheval.

[Héraut Arthon]

Edriss avait de l'expérience dans les promenades romantiques, au contraire de son Lié. Tellement d'expérience d'ailleurs, qu'elle n'avait eu guère à batailler pour que Béthaniel se range à son point de vue - et se range à son côté tout court. Enfin, "côté" était une notion bien vague pour exprimer la proximité que partageaient désormais les deux Compagnons dans leur petit coin de paradis.
Plus difficile à gérer était la proximité mentale de son Elu. Comme Isabeau, Raimon avait eu le droit à un accès particulier dans la tête de son Compagnon pour assister aux premières loges à l'amitié indéfectible que Edriss manifestait à l'égard du Compagnon de sa fiancée. Sauf que de son côté, une fois que Raimon eut partagé à son tour ses sentiments (c'est à dire gêne, malaise, angoisse, un peu de colère aussi, voire de frustration), le soldat et la femelle blanche réussirent à se couper l'un de l'autre presque complètement avec un peu d'effort. Edriss aimait taquiner son Elu mais elle comprenait aussi ses sentiments mieux que personne et ne désirait pas le rendre malheureux.

C'est donc après un petit combat mental pour leurs barrières mentales respectives que Raimon parvint à ignorer quasi totalement ce qui se passait à l'écart, à la lisière de son esprit. Cependant, l'ambiance était bien implantée, et Isabeau semblait n'avoir pas autant de succès dans ses tentatives de distanciation.
Eprouvé par les sentiments et ressentis levés par la scène inattendue qui se jouait, Raimon pensa préférable de se séparer avant qu'Isabeau ne remette leurs fiancailles en cause pour comportement indécent de la part du Gris.

"J'ai bien peur que si..." répondit-il à l'exclamation (outrée?) lancée à haute voix d'Isabeau à son Compagnon.

Raimon se tortillait presque sur place tellement il était mal à l'aise - et trouvait qu'Isabeau valait le détour surtout avec ce rouge sur les joues. Heureusement la Grise se décida à répondre à sa proposition de remise à plus tard de leur rendez-vous galant improvisé. Elle coupa court à toute réflexion en s'éloignant. Elle marchait bizarrement, nota Raimon, avant qu'il ne lui courre après.

" Je te raccompagne quand même si tu veux bien. Je suis vraiment désolé qu'Edriss se permette... maintenant..."

Puis la voix se fit presque joyeuse alors qu'une idée pointait - et qu'il oubliait que du côté d'Isabeau la situation était toujours moins confortable que la sienne maintenant que lui était "protégé":

"Tu crois qu'ils auront des bébés Compagnons?"

Le jeune soldat avait presque l'air naïf d'un gamin en disant cela. Il s'en rendit compte et s'éclaircit la voix, gêné à nouveau.