Méra commençait à bien aimer le garçon. Il était bien jeune, mais ne se démontait pas facilement. Et il avait de la répartie. Il ne se lassa pas démonter par son petit commentaire moqueur et prit le parti d'en jouer. Puis quand elle lui expliqua comment elle s'était retrouvée à devoir réparer cette maison de poupées, Dreyan réalisa combien son aide lui avait été utile.
«Exactement!»
Méra ne rajouta pas, qu'en désespoir de cause, elle aurait fini par aller voir un Héraut plus bricoleur qu'elle. Voire même un professeur ingénieur. Elle n'avait pas envie de gâcher le moment de gloire du garçon. Cela n'avait pas dû lui arriver souvent, que sa passion serve un but concret.
Dreyan ne lui donna aucun indice pour résoudre le mystère de son ascendance. Mais grâce à l'enseignement de Wylan, Mera ne mit pas longtemps à placer le garçon sur l'arbre généalogique de sa famille. Toujours aussi gêné d'être noble, celui-ci essayait de prétendre qu'il n'était pas vraiment un seigneur, pas vraiment un noble. Le vieux Aris se serait étranglé en apprenant que son fils estimait qu'ils étaient tout au plus "des cousins éloignés" du Seigneur Orthallen. S'ils ne portaient pas le titre lié au domaine, ils restaient membres d'une des familles les plus nobles du pays. Ils étaient même apparentés avec le Roi!
«Tu restes un seigneur, que tu le veuilles ou non. La noblesse, c'est pas mal dans le sang, et parfois dans le porte-monnaie. Et question sang, tu m'excuseras, mais tu es plutôt du genre pur-sang Shin'a'in que vieille rosse des montagnes.»
Les origines du garçon ne posaient de problème qu'à ce dernier, d'ailleurs. Si Méra avait partagé sa surprise de le voir étudier ici, c'était sans jugement de valeur. Elle aurait été sincèrement étonnée que même un dernier fils de Orthallen soit envoyé au Collegium pour devenir ingénieur. Mais elle n'y voyait rien à redire. Après tout, chacun était libre de faire ce qu'il désirait, dans un monde idéal en tout cas. Mais le jeune Dreyan, lui, voyait sa noblesse comme une tare qu'il lui fallait absolument cacher, sous peine de ne jamais s'intégrer. Ce fut d'une petite voix qu'il lui demanda de garder le secret.
«Dire quelque chose? Mais à qui? J'espère plutôt que quand tu te sentiras assez en confiance ici, tu en parleras toi-même, au moins à ceux qui te sont proches. Avoir honte de ses origines, c'est jamais une bonne idée.» Elle sourit. «Et ne me fait pas dire ce que je n'ai pas dit. Je ne pense pas du tout que ce n'est pas compatible. Il vaut mieux que tu fasses ça plutôt que de traînasser comme la plupart des derniers fils nobles. Au moins, tu attendras autre chose de la vie qu'un mariage pour t'établir ou un riche oncle pour te prendre sous son aile.» Elle lui tapota amicalement l'épaule. «Tu n'es pas le seul noble ici qui a choisi d'apprendre un métier utile. Si tu cherches, tu trouveras des nobles chez les Guérisseurs, chez les Bardes — la Doyenne est l'héritière d'un grand domaine, le savais-tu? - et évidemment chez les Hérauts, mais ceux-ci n'ont pas trop le choix, il faut dire. Et, si tu tiens à la savoir, le professeur Lendric, celui qui s'intéresse à... comment appelle-t-il cela, déjà? La science de l'eau... bref. Il s'appelle Lendric de Zalmon et il est le frère cadet de l'actuel seigneur. Peut-être devrais-tu aller lui parler.»