Fleur avait beau fuir avec application ses jumeaux, enfin fuir, disons déléguer le plus possible l'ennuyeuse tâche de s'en occuper, les enfants s'attachaient à leur mère, assez pour parfois réclamer sa présence à elle, et pas une autre.
Malheureusement, c'était souvent quand ils avaient un problème. Particulièrement en cas de colique. Pourtant, en matière d'estomac, ils auraient mieux fait de s'en remettre à leur père.
Mais puisque ni les nourrices, ni leur père n'arrivaient à les apaiser, Feur avait finit par sacrifier ses nuits pour le confort de ses enfants, En râlant, pestant, voire pleurant, mais il fallait reconnaître que dans sa résignation, il y avait bien de l'amour, à voir ses deux bambins ne s'endormir que contre elle, dans des positions impossibles, bavant sur ses chemises de nuit en satin.
C'est donc dans un sommeil profond proche du coma qu'elle finissait ses nuits, quand elle en fut tirée par un hurlement épouvantable. Tâtant le matelas à côté d'elle, elle constata qu'il était vide, puis entendit avec désespoir ses enfants pleurer, réveillés par le raffut et un nouveau hurlement. C'était clair à présent, c'était Owen.
Courant en manquant s'emmêler dans les draps, elle chercha la source de bruit et la trouva, entourée des domestiques qui la laissèrent passer.
Owen s'était levé dans la nuit pour manger - une mauvaise habitude - et était tombé dans les escaliers. Jamais elle n'aurait pensé qu'il puisse produire des bruits aussi stridents alors qu'il lui tendait une main pour s'accrocher à elle. Les angles inhabituels d'une de ses jambes et un de ses bras la firent glapir et lui donnèrent une nausée qu'elle ne maîtrisa que grâce à l'expérience acquise durant sa grossesse, ce dont elle se félicita. Vomir sur son mari blessé n'était pas la meilleure idée qui soit.
***
Y'avait une chose plus insupportable que son mari en convalescence ? Fleur en doutait.
Plus capricieux et indolent que jamais, coincé chez eux, Owen menait la vie dure à toute la maison, sauf ses jumeaux. Elle savait que la douleur pouvait transformer un homme, mais parfois, elle le regardait geindre avec comme une envie de l'étrangler. Mais c'était Fleur, donc elle le couvait d'attention la seconde qui suivait. Il n'y pouvait rien après tout, il était ainsi. Et il souffrait. Ce qu'elle ne supportait pas.
Elle le soupçonnait également de profiter de cette convalescence pour ne plus avoir à sortir du tout, et rester avec ses enfants sans avoir besoin d'excuses particulières. Il aimait le pouvoir que sa femme lui avait obtenu en Conseil, cela flattait son égo, mais se laisser aller à sa paresse naturelle était tout aussi plaisant, surtout quand il pouvait rester avec ses jumeaux qu'il idolâtrait.
C'est donc exaspérée mais attendrie - ou le contraire - que Fleur fuyait le plus souvent sa maison à la moindre occasion. Et alors qu'elle comptait recontacter le Lieutenant Jehane pour profiter des indisponibilités de son époux afin d'aller faire de la charité dans les quartiers pauvres sous sa protection, elle reçut une invitation de Sieur de Foxton.
Cette missive la surprit. Depuis l'accident d'Owen, ses amis et connaissances venaient régulièrement le voir. Foxton voulait donc la voir elle, et pas prendre des nouvelles d'Owen.
Ne sachant absolument pas ce qu'il voulait d'elle, mais étant une femme du monde accomplie, elle s'apprêta avec un soin tout particuliers, fière représentante de son Nom.
Accompagnée d'un domestique qui l'attendit à l'entrée du Palais - femme mariée, elle n'avait pas besoin de chaperon - elle tapa à la porte de Foxton avec seulement 1/2 marque de retard.
Après avoir reçu l'invitation à rentrer, elle pénétra, tout en dentelle et chiffons, dans le bureau, un charmant sourire aux lèvres.
"Sieur Foxton, c'est un plaisir de vous revoir."
En fait, elle le connaissait peu l'homme en question. Il était du genre à le lui accorder son attention qu'à travers son rôle de femme d'Owen, inférieure aux hommes et à leur service.
Elle s'assit face à lui, attendant qu'il lui propose le thé dont elle sentait l'odeur.