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Messages - Dyalwen de Bordebure

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1
En temps normal, jamais Dyalwen ne se serait permise de poser une telle question. Il ne lui était jamais venu à l’esprit de tutoyer un Héraut, comme il ne lui viendrait pas à l’idée de parler familièrement à un noble n’appartenant pas à sa famille proche. À Bordebure, on ne respectait pas vraiment l’Étiquette – au grand désespoir de Mère qui ne cessait de lui répéter qu’elle se conduisait trop familièrement avec les domestiques et les palefreniers –  mais il en était autrement à la capitale. Haven était peuplée de nombreux inconnus, venus de tous horizons et de tous les milieux sociaux, et nombre d’entre eux avaient un statut bien plus élevé que le sien. Il était aussi impensable de tutoyer un Héraut que n’importe quelle autre personne à la fonction élevée. Elle ne pouvait pas se permettre de faire honte à son nom et à sa famille, à Grand-père qui entraînait les nouvelles recrues et à Dubhán qui fréquentait les autres Bleus.

Malgré l’air taquin d’Enora, Dyalwen sentit le rouge lui monter aux joues quand elle répéta sa question. La jeune femme était peut-être la Blanche qui lui paraissait la plus accessible, celle qui s’apparentait le plus à une amie, mais, cousine ou pas, elle restait une Héraut. Comme Isabeau d’Armentières, la chroniqueuse. Comme Alemdar, le Héraut du Roi.

« Je... » commença la rouquine, prête à s’excuser.

Le sourire, et surtout le clin d’œil, d’Enora la coupèrent dans son élan, suffisamment longtemps pour que la Blanche lui demande ce dont elle avait envie, elle.

« Et bien, si on est cousines, ça ne me paraissait pas inapproprié, » répondit donc Dyalwen avant que son interlocutrice abandonne complètement son sérieux.

Le rire de Tisia dans son esprit fit écho à celui d’Enora.

« Vous me faites marcher, » réalisa enfin la Grise, partagée entre le reproche et l’amusement.

Et tu ne marches pas, tu cours !

2
Aile royale / Re : C'est l'heure du goût-thé !
« le: 04 octobre 2021, 01:06:29 »
Elle avait fait vite. Elle avait exécuté les ordres – et fait ce qu’il fallait, indépendamment des directives de l’Attitré. Elle avait emmené la gamine à bon port, c’est-à-dire à la Maison de Guérison, et rameuté tous les Guérisseurs possédant une étincelle de Parole par l’Esprit pour la prendre en charge. Elle avait rempli sa mission et elle allait pouvoir retourner en ville pour récupérer son Élue.

Ou pas.

Avait-elle fait preuve de trop de zèle en clamant que sa passagère avait besoin de soins urgents ? Aurait-elle dû se contenter de contacter une ou deux personnes ? Aurait-elle dû détailler son message ? Elle ne savait pas mais ça n’avait plus d’importance à présent. Elle se trouvait entourée d’une marée de Guérisseurs, certains à se gêner les uns les autres pour détacher la gamine de la selle, d’autres à la bombarder de questions.

Tisia dut se faire violence pour ne pas tous les envoyer paître. Elle n’était pas la plus sociable des Compagnons et elle n’appréciait guère de se voir si entourée, d’autant plus que Dyalwen était toujours en ville et inconsciente. Pas qu’elle n’avait pas confiance en Taver et Alemdar, hein, mais c’était son Élue. Mais, hélas, sa mission était de confier la gamine à ceux qui pouvaient la soigner et, si elle ronfla de mécontentement, elle prit tout de même le temps de donner les précisions nécessaires.

C’est une Héraut-Mage. Elle a utilisé son énergie en magie défensive.

Elle était prête à repartir dès que les Guérisseurs lui laisseraient le champ libre mais l’arrivée du Héraut du Roi et de son Compagnon lui coupa l’herbe sous le pied. Pour le coup, elle fut soulagée qu’une des femmes en vert s’occupe de Dyalwen et valide le diagnostic de l’Attitré.

A présent que la Grise était alitée et entre de bonnes mains, le sentiment d’urgence avait déserté Tisia qui resta à brouter l’herbe aux abords de la Maison de Guérison, en guettant le réveil de son Élue. Comme prévu, celle-ci commença à émerger au bout d’une bonne heure, avec pour toute séquelle un léger mal de crâne et la sensation d’avoir raté un épisode.

Qu’est-ce qui s’est passé ?
Oh, pas grand-chose. Juste ce qu’il faut pour que tu finisses à la Maison de Guérison. Il va falloir qu’on discute de ton appréciation du danger…

RP CLOS

3
Une part de Dyalwen se demandait ce dont Enora pouvait bien vouloir discuter, surtout avec une telle introduction, mais elle ne s’en inquiétait pas plus que ça. Rien dans l’attitude de la Blanche n’était alarmant, ni son expression, ni le ton de sa voix, et la rouquine était presque plus pressée de retrouver Tisia que de savoir ce que lui voulait Enora. Même si elle était contente de pouvoir discuter et partager un peu de temps avec elle et que leurs (trop rares) conversations étaient toujours plaisantes et intéressantes…

Et surprenantes.

Surprise, la Grise stoppa sa progression vers le Champ pour jeter un regard presqu’incrédule à son interlocutrice.

« Nous sommes cousines ? » répéta-t-elle, en tâchant d’analyser les paroles de la Blanche.

Lors de leur première rencontre, Enora lui avait assuré qu’elle était à présent « comme une nouvelle petite sœur » pour les Hérauts, ce qui était déjà assez difficile à concevoir, mais apprendre qu’elle avait effectivement un lien de parenté avec l’une d’entre eux était encore plus étrange. Gardant le silence quelques secondes, le temps de dérouler sa généalogie dans son esprit, Dyalwen se demanda quelle pouvait être sa grand-mère concernée. Il n’y en avait que deux, mais elle n’avait aucune idée de laquelle il s’agissait. Elle n’avait quasiment aucun contact avec la famille de Mère et la femme de Grand-père était décédée avant sa naissance… Il allait falloir qu’elle demande à son frère ce qu’il savait sur le sujet. C’était lui, le spécialiste après tout. Enfin, spécialiste… il avait quand même manqué l’information. Ou bien, il l’avait gardée pour lui.

« Je ne m’attendais pas à ça, reconnut la rouquine, je ne suis pas trop versée dans la généalogie. C’est plutôt les centres d’intérêt de mon frère, ça. »

Mais elle ne put s’empêcher de sourire en repensant à la dernière phrase de la Blanche.

« Mais votre compagnie ne me dérange pas. C’est vous qui allez devoir supporter une cousine plus jeune et pleine de questions. »

Même si, en réalité, elle n’était pas certaine de se permettre de déranger Enora. Il aurait été mentir de dire qu’elle n’éprouvait pas d’affection pour l’Élue de Jorel, mais elle restait une Héraut confirmée alors que, elle, elle n’était qu’une petite Grise.

Tu seras une Héraut confirmée aussi, bientôt.
Pas si tôt que ça, j’ai encore plein de choses à apprendre.
C’est un peu le principe d’un apprentissage en même temps.

Sans répondre, Dyalwen se remit en marche vers le Champ des Compagnons, en calquant son allure sur celle d’Enora et en conservant son sourire. Techniquement, la nouvelle ne changeait rien à la situation… et pourtant, ça lui donnait comme l’impression de changer beaucoup de choses. Cercle ou pas, la rouquine avait l’habitude d’essayer de se débrouiller toute seule et évitait de poser des questions aux Hérauts sauf dans le cadre des cours. Depuis leur rencontre, Enora semblait plus accessible que d’autres Blancs plus âgés – à commencer par Alemdar – mais elle n’avait pas fait exception pour autant. Mais là…

« Est-ce que je peux vous tutoyer ? » s’enquit finalement la Grise, sans vraiment réfléchir.

4
Un instant, les mots d’Enora firent naître une question dans l’esprit de la Grise. Se pouvait-il qu’un Héraut et son Compagnon ne s’entendent pas ? Tisia l’avait Choisie, elle parmi tous les autres habitants d’Haven… et, même si Dyalwen avait toujours du mal à comprendre pourquoi, sans même parler du comment le Compagnon ne l’aurait sans doute pas Élue si leurs caractères avaient été incompatibles, si ?

Mais la proposition suivante de la Blanche chassa toutes ces interrogations inutiles pour les remplacer par quelque chose de beaucoup plus concret et plaisant. La rouquine lui offrit un grand sourire en réponse.

« J’ai une petite heure devant moi avant d’aller rejoindre le Héraut du Roi. »

Et, pour faire plaisir à Dyalwen, Enora se rendrait vite compte, comme Dubhán avant elle, qu’il n’y avait rien de mieux que de proposer une balade à cheval – ou, en l’occurrence, à dos de Compagnon. Passer du temps avec Veladora l’avait toujours détendue mais l’équitation avait le don de la libérer des soucis pendant quelques instants. Avec Tisia, c’était encore plus marqué… Même si elles n’étaient pas toujours d’accord et que leurs discussions s’échauffaient parfois, la plupart de leurs chamailleries n’étaient que ça : des chamailleries qui permettaient d’éliminer les tensions et le stress accumulé par des journées longues et bien remplies.

« Si Tisia n’est pas trop sale, on aura le temps de faire une petite balade. »

Je ne te permets pas.
Quoi ? Je ne fais qu’énoncer un fait.
Ça se paiera.

Le Compagnon assortit sa pensée de l’image de la vision d’un saut par-dessus la rivière, ce qui ne fit qu’agrandir le sourire de son Élue. Sans vraiment s’en rendre compte, elle accéléra légèrement l’allure vers le Champ des Compagnons.

« De quoi vouliez-vous discuter ? »

5
Aile royale / Re : C'est l'heure du goût-thé !
« le: 27 juin 2021, 23:31:31 »
Si elle avait pu, Tisia se serait interposée pour empêcher son Élue de continuer son approche. Terrifiée ou pas, la gamine venait d’assommer cinq personnes dont un Compagnon en pleine possession de ses moyens. C’était une très mauvaise idée de s’avancer vers elle, seule, quand on était qu’une Grise Élue depuis moins d’une saison. Mais c’aurait été une encore plus mauvaise idée d’ajouter un Compagnon dans l’équation. Pour certains, comme la petite page qu’elles avaient croisée à la Mini-Vallée, les Compagnons étaient effrayants. Et la gamine n’avait clairement pas besoin d’une dose de frayeur en plus.

Tendue – et un peu agacée de voir sa mise en garde ignorée – Tisia retint son souffle tandis que Dyalwen s’avançait vers la nouvelle Élue. Elle crut un instant que la rouquine avait réussi… jusqu’au cri de la gamine. Protégée par Taver, le Compagnon, impuissante, vit son Élue s’effondrer, aussitôt suivie par la fille à la lumière. Elle s’avança immédiatement vers Dyalwen mais, évidemment, elle ne pouvait rien faire à part attendre qu’elle se réveille… ou pas.

Surprise, elle renâcla lorsqu’Alemdar s’approcha avec le matériel d’Alspeth. Ça ne présageait rien de bon, ça non plus, mais le ton du Héraut du Roi n’invitait pas vraiment à la discussion. Tisia savait reconnaître un ordre quand elle en recevait un, aussi se laissa-t-elle harnacher sans protester malgré un mauvais pressentiment. Qui se confirma quand l’Attitré hissa la gamine à la lumière sur son dos avant de l’attacher. Le Compagnon ronfla pour exprimer son mécontentement mais ne bougea pas le temps qu’Alemdar fixe les liens et termine ses explications. À situation exceptionnelles mesures exceptionnelles, tout ça, mais, même si elle comprenait l’urgence de la situation et si elle avait confiance en Taver et son Élu, ça ne lui plaisait pas.

Je reviens dès que la gamine est entre de bonnes mains, déclara-t-elle à Taver en partant.

Genre elle allait attendre à la Maison de Guérison que le Héraut du Roi et son Compagnon lui ramène son Élue. Et puis quoi encore ?!

Il ne lui fallut qu’une fraction de seconde pour prendre le galop et s’engager dans les rues de la capitale, aussi vite que le lui permettaient les badauds et les efforts qu’elle faisait pour ne pas trop secouer sa passagère. Qui tenait plus du chargement inerte que d’une cavalière… Mais, même si elle n’était pas la plus rapide des Compagnons, il fallut beaucoup moins de temps à Tisia pour atteindre l’enceinte du Palais que Taver et elle en avait mis pour faire le trajet aller. Et elle n’avait pas tout à fait atteint la Maison de Guérison qu’elle projetait déjà son esprit vers la personne capable de l’entendre la plus proche.

J’amène une passagère en état critique ! Elle a besoin de soins urgents !

6
Collegium des Guérisseurs / Re : Broyer du noir
« le: 27 juin 2021, 22:52:15 »
Thalyana ne dirait rien à Grand-père. À ces mots, une vague de soulagement submergea Dyalwen qui sentit ses épaules se détendre et les larmes lui monter à nouveau aux yeux. Elle baissa aussitôt le nez pour éviter le regard de la Guérisseuse tout en battant des paupières pour refouler l’humidité. Son interlocutrice lui avait dit qu’elle pouvait pleurer mais là, fatigue ou pas, c’était juste ridicule. Même Derlyth ne pleurait pas pour si peu. Il n’y avait rien de triste, c’était plutôt une bonne nouvelle. Elle se sentait toujours aussi inutile mais, au moins, Grand-père ne le saurait pas et ne serait pas fâché.

Il ne serait pas fâché même s’il savait, soupira Tisia.
Tu n’en sais rien.

Le Compagnon ne répondit rien mais la Grise perçut sans mal son désaccord. Heureusement, Thalyana reprenait la parole, la dispensant de poursuivre la conversation avec Tisia. Et cette fois encore, le discours de la Guérisseuse était sensé et raisonnable. Dyalwen se sentait presque idiote de ne pas y avoir pensé toute seule et, surtout, elle était incapable de trouver le moindre contre-argument. Qu’il s’agisse de la dispense d’entraînement ou de la nécessité de passer quelques nuits à la Maison de Guérison. Elle n’avait aucune envie de dormir là, de prendre la place d’un éventuel malade – Tu ES malade. – ou de donner du travail supplémentaire aux Guérisseurs – C’est leur métier.

Les yeux sur ses mains, la rouquine se mordit les lèvres pour tâcher de reprendre contenance, au moins un peu, avant de relever les yeux sur Thalyana.

« D’accord. »

De toute manière, ce n’était pas comme si elle avait vraiment le choix, hein ? La Guérisseuse semblait lui demander son avis, mais Dyalwen avait comme l’impression que Tisia ne comptait pas lui laisser une autre alternative. Et, puisqu’Alemdar lui avait ordonné d’aller voir Thalyana, suivre les recommandations de la jeune femme allait sans doute de pair.

En parlant d’Alemdar d’ailleurs…

« Est-ce que je peux retourner à mes corvées en attendant ce soir ? »

Ou comment ne pas dire qu’elle avait surtout envie que l’entretien se termine pour pouvoir quitter la Maison de Guérison. Même si ce n’était que pour quelques heures.

7
Le sourire de Dyalwen s’élargit un peu lorsque la Blanche déclara que son nouveau travail lui plaisait. Elle était heureuse pour elle… mais ne put s’empêcher de hausser un sourcil de surprise quand Enora avoua qu’elle avait longtemps rêvé d’être diplomate. Vraiment ? Diplomate ? Alors ça, c’était bien un métier auquel la rouquine n’avait jamais aspiré. Elle voulait bien reconnaître que le travail de bureau qu’elle effectuait pour le Héraut du Roi n’était pas aussi ennuyeux qu’elle l’imaginait avant d’arriver à Haven, mais elle n’était pas prête à se plonger dans la paperasse à temps plein comme le faisait son frère. Et encore moins à essayer de jongler entre les papiers et les personnes, pour concilier les textes de lois et les exigences de chacun… Elle ne voyait pas du tout ce que ça pouvait avoir de romantique.

Mais elle n’eut pas le temps d’approfondir la question puisqu’Enora détaillait ce qui lui plaisait dans son travail. L’enthousiasme de la Héraut était facilement perceptible et Dyalwen laissa tomber ses interrogations précédentes pour se contenter de l’écouter. La mention du mystère lui rappelait certaines conversations qu’elle avait pu avoir avec son frère, quand il lui affirmait que faire des recherches dans les vieux parchemins s’apparentait à chercher les indices pour une enquête.

« Je suis contente que ça vous plaise, émit la rouquine. Ça doit vous changer. »

Sans surprise, Enora avoua que la route lui manquait un peu parfois mais pas suffisamment pour regretter son changement de vie. La rouquine songea brièvement que chevaucher son Compagnon autour de la capitale n’avait rien à voir avec de vrais voyages. Elle avait eu un aperçu de ces derniers lors de sa venue à Haven l’été précédent avec Veladora et, surtout, avec Tisia lors des vacances. Mais elle n’eut pas le temps de partager son opinion, car la Blanche lui demandait des nouvelles.

« On ne le voit pas beaucoup en ce moment, le soleil, sourit la Grise. Mais, comme vous voyez, j’arrive à trouver le temps de voir Tisia tous les jours. »

Elle réprima un léger soupir.

Elle est aussi bien là-bas qu’ici.

La jalousie du Compagnon s’exprimait beaucoup moins depuis le retour des vacances.

Je sais bien.

« Et effectivement, ce ne sont pas les papiers qui manquent… Je ne dirais pas que j’adore ça mais je ne m’ennuie pas, c’est très varié. »

Ça faisait bien rire Dubhán d’ailleurs, que sa sœur se plonge à son tour dans les parchemins et reconnaisse que ce n’était pas forcément ennuyeux à mourir.

« Mais je n’aimerais pas faire ça toute ma vie, ajouta Dyalwen. Je préfère passer du temps avec Tisia que dans les papiers. On pourrait aller faire un tour ensemble si vous voulez, quand vous aurez du temps ? »

8
Champs des Compagnons / Terreurs nocturnes
« le: 16 mai 2021, 19:16:08 »
[HJ- J’attends Liane]

5ème jour de la 2ème décade de printemps 1486

Il faisait noir. Mais ce n’était pas la nuit. Elle le savait. À cause de l’inquiétude sourde qui la saisissait. À cause de cette brume noire qui semblait tout recouvrir, tout étouffer. La lumière, certes, mais les sons aussi, et même toutes ses autres perceptions. Il faisait noir et elle ne voyait rien, n’entendait rien, ne sentait rien. Elle ne pouvait pas bouger. Ni parler. Ni contacter…

Tisia !
Je suis là.

Réveillée en sursaut, Dyalwen s’assit d’un bond dans son lit, le souffle court, le cœur battant. Elle sentit la présence de Tisia, réconfortante, dans son esprit, tandis qu’elle tâchait de remettre de l’ordre dans ses pensées et de se calmer. Ce n’était qu’un cauchemar. Toujours le même. Mais ça faisait bien plusieurs décades qu’il n’était pas venu interrompre ses nuits. Depuis son retour de Bordebure, les mauvais rêves s’étaient faits encore moins fréquents qu’avant. Moins fréquents mais toujours aussi intenses. Et l’angoisse qu’ils généraient ne se dissipait pas plus vite qu’auparavant. Surtout en pleine nuit, dans une chambre plongée dans l’obscurité.

Incapable de se recoucher pour tâcher de se rendormir comme si de rien n’était, la rouquine repoussa ses couvertures et, à tâtons, se débrouilla pour allumer la bougie qui trônait toujours sur son bureau. Elle ne savait pas quelle heure il était exactement mais ce qu’elle savait, par contre, c’était qu’elle devait trouver quelque chose à faire pendant quelques heures avant d’espérer pouvoir finir sa nuit.

Ou alors tu viens me rejoindre.
Maintenant ?
Tu sais bien que faire comme si de rien n’était n’a jamais fonctionné…

Pas faux. C’était ce qu’avait dit la Guérisseuse Thalyana. Et, avec Tisia, elle pourrait avoir une chance de se rendormir et de ne pas avoir trop l’air d’une déterrée au matin.

Il ne fallut que quelques instants à la Grise pour enfiler son uniforme et prendre un manteau – on avait beau être au début du printemps, les nuits restaient fraîches – et elle souffla la bougie avant de quitter sa chambre. Le clair de lune éclairait suffisamment les couloirs du Collegium pour que Dyalwen n’ait aucun mal à se repérer et elle fut rapidement dehors. Où Tisia l’attendait. La rouquine noua ses bras autour de l’encolure du Compagnon et enfouit son visage dans sa crinière.

Tu n’étais pas obligée.
Non.

Les deux restèrent quelques instants immobiles avant de se décider à rejoindre le Champs et les Écuries des Compagnons. Mais elles avaient à peine fait quelques pas que Tisia s’immobilisa, la tête haute, les oreilles pointées vers l’avant, attentive. Dyalwen tourna la tête vers ce qui avait attiré l’attention du Compagnon pour finir par remarquer une petite silhouette. Vue la taille, ce n’était ni un adulte ni un adolescent… Mais qu’est-ce qu’un enfant faisait dehors à cette heure-là ?

« Bonsoir ? » appela-t-elle doucement.

9
Collegium des Guérisseurs / Re : Broyer du noir
« le: 16 mai 2021, 17:58:29 »
Rien à faire ? À part écouter son corps et parler et pleurer ? Mais elle ne pouvait quand même pas s’endormir n’importe où et n’importe quand ! Ni pleurer devant n’importe qui ! Elle avait des cours à suivre et des corvées à faire et… Et la Guérisseuse parlait de l’exempter des entraînements au combat.

« Mais j’ai déjà été dispensée pendant presque plus de deux décades ! » protesta Dyalwen, consternée.

Le temps que sa blessure à la cuisse cicatrise. Jamais elle ne serait capable de se défendre si ça continuait et…

Tu crois vraiment être capable de tenir une arme en l’état ?
Je ne suis pas impotente !
Tu n’es même pas capable de te repérer dans la Maison de Guérison, comment tu espères suivre les instructions de Méra ?

Tisia avait raison, évidemment. Ce qui n’aidait pas vraiment son Élue à lutter contre la fatigue et la frustration. Elle se sentait encore plus minable et inutile qu’après l’attaque, et elle prit le mouchoir que lui tendait Thalyana pour se donner contenance. Quoiqu’en dise la Guérisseuse, même si les larmes n’étaient pas loin, elle n’avait pas l’intention de les laisser déborder. Elle avait suffisamment honte comme ça. Et l’annonce du rapport à Alemdar n’arrangeait pas vraiment les choses. Il savait déjà, d’accord, mais quand même.

« Vous ne direz rien à Grand-père, n’est-ce pas ? »

Parce que ça, ce serait pire que tout. Elle n’osait pas imaginer la réaction de son aïeul s’il l’apprenait. Elle ne savait pas s’il serait fâché ou déçu ou les deux à la fois mais elle n’avait pas du tout envie de le savoir.

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Aile royale / Re : C'est l'heure du goût-thé !
« le: 16 mai 2021, 17:25:10 »
À l’instant où elle bondit sur le dos de Tisia, Dyalwen dut se retenir pour ne pas afficher un grand sourire. Mais ses lèvres s’étirèrent tout de même. Elle échangeait une séance de corvées de papiers contre une chevauchée avec son Compagnon ! Même si travailler avec le Héraut du Roi n’était pas aussi ennuyeux que les leçons qu’elle avait dû suivre à Bordebure, ça ne pouvait pas rivaliser avec un moment partagé avec Tisia. Et même les paroles de Taver, et l’annonce que la nouvelle Élue était tombée de Compagnon, ne pouvaient pas diminuer son enthousiasme. Au contraire. Ni Taver ni son Élu ne semblaient particulièrement inquiets et l’idée d’accompagner l’Attitré pour accueillir une nouvelle Grise était plutôt stimulante. En outre, la rouquine n’avait guère quitté l’enceinte du Palais et des Collegia depuis son Élection et parcourir les rues de la ville sur le dos de son Compagnon était une expérience bien différente de son arrivée avec Veladora. Même s’ils ne se contentaient que de trotter, ils allaient bien plus vite qu’ils n’auraient pu se le permettre à cheval.

Mais lorsqu’ils atteignirent les faubourgs, l’enthousiasme de Dyalwen fut douché d’un seul coup. Sa gorge s’assécha quand comprit que le Compagnon Alspeth cherchait à défendre son Élue contre les quatre malfrats et son cœur rata un battement alors que le Héraut du Roi dégainait son épée. Toute l’autorité de l’Attitré résonnait dans sa voix et, si elle ne se sentit pas concernée par son ordre, la Grise ne fut pas étonné de voir les malandrins y obéir sans broncher… sauf que la jeune fille obéissait également. Les doigts serrés sur la crinière de Tisia au point d’en faire blanchir ses articulations, la rouquine se mordit les lèvres pour retenir une exclamation quand l’un des hommes attrapa la nouvelle Élue et lui colla un couteau sous la gorge. Mais elle n’eut pas le temps de réagir qu’une lumière vive explosa soudain. Et assomma tout le monde. Enfin, sauf l’Attitré, son Compagnon, Tisia et elle. Et la fille.

Pendant quelques fractions de secondes, Dyalwen ne bougea pas, tandis que son esprit essayait de remettre tous les événements dans un ordre logique. C’était Taver qui les avait protégés ? Et la lumière, elle venait d’où ? De la fille ?

Le regard de la rouquine vers la fille, d’abord incrédule, se teinta de compassion quand elle nota qu’elle ne bougeait pas. Le sang coulait sur son cou et elle semblait sous le choc. Ses doigts crispés sur les crins de Tisia se relâchèrent et, sans plus réfléchir, Dyalwen se laissa glisser à terre pour avancer doucement vers la fille immobile.

Dyalwen…

La rouquine ignora la pensée de son Compagnon et sortit plutôt un mouchoir de sa poche. C’était un de ses (nombreux) essais (ratés) de borderie : le coin du carré de tissu arborait une sorte de gribouillis qui était censé représenter les armoiries de sa famille. En y regardant de près, avec les yeux de la foi, on pouvait peut-être deviner la tête et la queue d’un cheval. Mais là, son absence de talent pour les travaux d’aiguille était le cadet des soucis de Dyalwen.

« Hey, tout va bien. Il n’y a plus de danger. »

Elle ne savait pas trop comment, mais le fait était là. Les quatre voyous étaient assommés par terre. Et le Compagnon aussi, mais bon…

« Tu ne risques plus rien, le Héraut du Roi est là. »

Sans vraiment le réaliser, la Grise avait pris la même voix douce et basse qu’elle utilisait pour rassurer les chevaux à Bordebure. Et elle se déplaçait doucement, en évitant tout mouvement brusque susceptible d’effaroucher un poulain effrayé la fille. Elle avait dans l’intention d’essuyer le sang qui coulait de son écorchure, si elle la laissait approcher, ou, à défaut, de lui donner le mouchoir.

11
[HJ - C’est huitième décade d’hiver, pas d’automne ;-)]

Pour la première fois depuis deux saisons qu’elle avait découvert la capitale, Dyalwen se laissait vraiment happée par la routine du Collegium. Ses premières décades à Haven, au début de l’été précédent, avaient été chamboulées par son Élection puis l’annonce de l’attaque et les préparatifs qui en avaient découlé. Et l’automne n’avait pas vraiment arrangé les choses. Après l’attaque, la Grise avait vu son emploi du temps adapté à sa convalescence, physique d’abord, mentale ensuite, et les vacances d’hiver avaient achevé de tout perturber. Mais elles lui avaient fait du bien. Retrouver Bordebure et ses habitants, passer du temps avec Mère, Derlyth… et les chevaux, faire le tour des écuries et de tous leurs pensionnaires lui avaient permis de souffler et de faire une pause, loin de l’activité trépidante de la capitale. Et de découvrir le Héraut du Roi dans un autre contexte, aussi, tout en faisant connaissance avec son frère.

Et depuis leur retour à Haven, la vie de la rouquine semblait avoir pris un cours plus calme. Elle avait retrouvé ses leçons avec les professeurs du Collegium, ses corvées auprès d’Alemdar, ses moments de détente avec Tisia. Qui n’avait même plus besoin de la partager avec Veladora puisque l’alezane était restée à Bordebure. C’aurait été mentir de dire qu’il avait été facile de s’en séparer ou qu’elle ne lui manquait pas – non seulement, elle faisait partie de sa vie depuis toujours ou presque, mais elle restait un cadeau de Père – mais elle devait avouer que l’organisation de ses journées était un peu plus simple à présent qu’elle n’avait plus besoin de trouver le temps de s’occuper d’elle quotidiennement. Même ses cauchemars se faisaient de plus en plus rares, encore plus qu’avant les vacances, comme si la routine ne leur laissait pas la place de s’exprimer.

Et la routine ne cessait pas. Elle en devenait presque immuable. Une fois ses cours de la journée terminés, Dyalwen disposait d’un peu de temps libre avant d’aller rejoindre le bureau de l’Attitré. Comme tous les jours, elle profitait de cette respiration pour aller rendre visite à Tisia et profiter de la présence de son Compagnon. Qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente, rien ne pouvait l’en empêcher. Pendant des années, elle s’était occupée de sa jument sans faire cas de la météo, elle ne pouvait pas faire moins pour son Compagnon. Même si l’hiver à Haven était plus froid qu’à Bordebure et nécessitait qu’elle fasse un crochet par sa chambre pour récupérer un manteau.

Tu vas vite te réchauffer, tu vas voir.
Pourquoi ? Tu es encore couverte de boue ?
C’est arrivé qu’une fois !
Pour la boue fraîche, oui. Et tu es restée avec des taches, d’ailleurs, bien fait pour toi !
Tu avais surtout la flemme de frotter, avoue.
Tu sais que je frotte autant quand tu n’as pas de boue ?

L’esprit occupé par ses chamailleries avec Tisia, Dyalwen ne faisait par trop attention à ce qui l’entourait. Il lui fallut donc quelques fractions de seconde pour revenir sur terre en entendant son nom. Mais le visage de son interlocutrice fit naître un léger sourire sur les lèvres de la rouquine.

« Bonjour Enora ! Ça se passe bien. Je n’ai pas le temps de m’ennuyer mais tout va bien. »

Elle ralentit un peu l’allure pour rester au côté de la Blanche.

« Et vous ? Vous travaillez en ville maintenant, c’est ça ? Ça vous plaît ? »

Elle avait du mal à imaginer qu’on puisse préférer se plonger dans la paperasse d’une cour de justice à la liberté de chevaucher avec son Compagnon. Les papiers, elle en avaient bien assez avec Alemdar, et, même si ce n’était pas aussi ennuyeux qu’elle l’avait toujours imaginé, ça ne pouvait pas rivaliser avec l’équitation.

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Mini-Vallée / Re : On est pas toujours seul ! ~ Dya
« le: 08 mai 2021, 23:44:52 »
Partagée entre l’amusement et la réprobation, Dyalwen dut se mordre les lèvres pour s’empêcher de grimacer lorsque Sou renifla plusieurs fois avant de cracher par terre. Mère n’aurait jamais accepté ça de Derlyth… mais, même si elle semblait avoir le même âge que sa petite sœur, la petite page n’avait rien en commun avec elle. La Grise ne savait rien de la vie de sa petite interlocutrice mais il n’était pas difficile de deviner qu’elle était loin d’avoir eu une existence aussi protégée que la benjamine de Bordebure. Mais le sourire que la rouquine offrit à la fillette était le même que celui qu’elle réservait à sa petite sœur. Comme lorsque cette dernière faisait des cauchemars, comme lorsque les poulains s’effrayaient, elle tâchait d’offrir un visage calme, apaisant et rassurant.

Elle reprit néanmoins un air sérieux de circonstance lorsque Sou lui demanda de ne pas raconter l’incident.

« Je ne dirai rien, c’est promis, » souffla-t-elle.

Elle n’insista pas lorsque la fillette répéta qu’elle leur laissait le bassin, à elle et à Tisia, pas plus qu’elle ne résista quand elle se dégagea de son étreinte. Il était hors de question d’essayer de la retenir, que ce soit verbalement ou physiquement, et de risquer de réveiller sa peur. Et, en parlant de peur, la rouquine ne put s’empêcher de sourire à nouveau à la dernière phrase de la petite page.

« D’accord, répondit simplement Dyalwen. Passe une bonne soirée. »

Elle laissa à Sou le temps de reprendre ses affaires et de s’éloigner avant de se lever et de rejoindre Tisia qui n’avait pas bougé du bord du bassin.

Je pensais que tu aurais commencé à te baigner.
C’est moins drôle sans toi, riposta le Compagnon.
Tu aurais eu plus de place pourtant, émit son Élue, amusée mais pas dupe.
Et personne à éclabousser.

La Grise éclata de rire avant de terminer de se déshabiller et de se laisser glisser dans l’eau. La fraîcheur de l’eau lui arracha un soupir de bien-être, juste avant que Tisia ne la rejoigne.

Alors ? C’est pas mieux que tes brosses ?
Si… On reviendra demain, hein ?
La petite sera là.
Oui, elle a du courage.
Je ne lui ferai pas de mal !
Non, mais affronter ses peurs, ça demande du courage.

Pour toute réponse, le Compagnon s’ébroua tout près de son Élue, histoire de bien l’arroser, et les deux ne pensèrent bientôt plus qu’à se chamailler et se rafraîchir.

RP CLOS

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Collegium des Guérisseurs / Re : Broyer du noir
« le: 18 avril 2021, 01:00:56 »
Les yeux toujours fixés sur ses doigts, Dyalwen attendait le verdict de la Guérisseuse. Elle était presque persuadée que la jeune femme allait lui dire que c’était ridicule, qu’elle n’avait pas besoin d’une consultation et encore moins de soins ou, à la rigueur, qu’il suffisait d’un remède simple pour résoudre le problème. Quelque chose – une potion ou n’importe – qui lui permettrait de dormir pour de bon, sans faire de cauchemars et voilà. Ça signifierait qu’elle avait fait faux bond à Alemdar et dérangé Thalyana pour rien et qu’elle n’était pas capable de faire son travail mais, au moins, ce serait vite fini. Elle pourrait vite sortir d’ici. Et...

Et non. La rouquine se mordit la lèvre quand son interlocutrice déclara que ça avait dû être dur à vivre puis que ses cauchemars n’avaient rien de honteux. Elle releva le nez pour dévisager la Guérisseuse, alors qu’elle percevait l’approbation de Tisia dans son esprit. Mais, étrangement, le Compagnon garda le silence, et Dyalwen n’eut ainsi aucun mal à écouter les paroles suivantes de Thalyana.

La Grise n’avait jamais envisagé l’existence de blessures de l’esprit, mais les paroles de la Guérisseuse paraissaient sages. Logiques. Sensées. Et la réponse à la dernière question était évidente.

« Non. Bien sûr que non, répondit Dyalwen sans hésiter. Mais ce n’est pas pareil… »

Tu n’as rien écouté, hein ?
Si mais…

Mais elle n’avait pas d’arguments à opposer à Tisia ou à Thalyana. Ou, plutôt, elle avait l’impression qu’ils lui échappaient, que ses pensées n’étaient pas assez vives pour les attraper et les ordonner. La fatigue lui embrumait l’esprit et l’empêchait de réfléchir comme d’habitude. Elle sentit des larmes de frustration et d’épuisement lui monter aux yeux et battit des paupières pendant quelques instants pour les chasser tout en tâchant de réfléchir correctement. Mais c’était peine perdue.

Avec un soupir, la rouquine rendit les armes et releva les yeux pour affronter le regard de la Guérisseuse.

« Qu’est-ce que je dois faire, alors ? »

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« Je comprends, » mentit Dyalwen quand son interlocutrice lui expliqua que la peur de son mari relevait de la phobie.

En réalité, elle avait du mal à comprendre. Les équidés, quels qu’ils soient, lui semblaient si peu effrayant qu’elle avait du mal à imaginer qu’on en ait peur ou, pire, qu’on en soit phobique. Ça lui paraissait aussi étrange que d’avoir peur d’un lapin ou d’un moineau. Mais, si elle ne le comprenait pas, elle pouvait essayer de l’accepter, comme elle acceptait que certains chevaux paniquent devant une feuille d’arbre, une ombre ou une flaque d’eau. La seule différence, c’était que les chevaux, elle pouvait essayer une désensibilisation. Mais elle pouvait difficilement proposer à la Dame de Trevale de désensibiliser son mari, hein…

La Grise ne renchérit donc pas sur la question et la conversation dériva sur Dubhán. La remarque de la jeune femme ne manqua pas de faire sourire la rouquine.

« Je crois que ce sont les livres qui lui offrent ses meilleurs moments de détente, émit-elle. Donc il ne doit pas en manquer. »

Et, depuis qu’elle était arrivée à Haven, il lui semblait que son frère était plus tranquille qu’il ne l’avait été à Bordebure. Il n’avait plus à supporter le regard plein d’attentes de Mère et celui de Grand-père avait d’autres choses à surveiller que les moindres faits et gestes de son petit-fils. Et puis, le fait d’être devenu assistant du bibliothécaire et de se retrouver entouré de livres n’y était sans doute pas pour rien non plus.

Et la discussion dériva à nouveau, comme seules les discussions savaient le faire, pour finir par s’arrêter sur le Héraut du Roi – en même temps, tout avait commencé en parlant de Tisia et des Compagnons, donc bon, c’était pas complètement illogique – et de robes – et là, c’était drôlement moins logique. Au moins autant que d’imaginer l’Attitré délacer ladite robe. Et Dyalwen sentit ses joues prendre quelques degrés quand la Dame de Trevale précisa qu’il était le seul à l’avoir fait.

« Je n’en doute pas, » murmura la Grise.

Jamais elle n’aurait imaginé le contraire !

En revanche, elle avait du mal à imaginer que quelque chose vaille la peine de revêtir une robe inconfortable. En porter une pour satisfaire aux exigences sociales, pourquoi pas, mais pas au prix de toute liberté de mouvement.

« Je préfère pouvoir bouger à peu près normalement, émit donc la rouquine, avant d’offrir un vrai sourire à son interlocutrice : Et puis je n’ai plus vraiment besoin d’en porter à présent. Mais je vous remercie de votre proposition. »

Et c’était sincère. La proposition spontanée de la Dame de Trevale était très aimable, même si elle ne se voyait pas avoir besoin d’une robe « audacieuse » – ou d’une robe tout court… Quoique. Si elle devait effectivement assister à des réceptions… Enfin non. D’une, elle ne dérangerait certainement pas une si noble dame pour une robe et, de deux, il était bien plus probable qu’elle porte son uniforme que n’importe quelle autre tenue. Et c’était tant mieux.

« En effet, ça n’empêche pas, répondit donc la Grise. Et si vous avez envie de revenir voir Tisia sans risquer de fâcher votre mari, n’hésitez pas. »

Elle glissa ses doigts dans la crinière du Compagnon, partagée entre l’envie d’aller voir rapidement Veladora ou celle de profiter de Tisia un peu plus longtemps. Et il n’était pas difficile de savoir quelle option avait la préférence du Compagnon…

« Je vous souhaite une bonne soirée, » salua-t-elle tout de même la noble.

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Collegium des Guérisseurs / Re : Broyer du noir
« le: 28 mars 2021, 19:42:13 »
Malgré la douceur de la voix de la Guérisseuse, lorsqu’elle répéta ses mots sous forme de question, Dyalwen dut faire un effort pour ne pas baisser à nouveau les yeux sur ses mains. Ses doigts se crispèrent sur ses cuisses alors qu’elle hochait la tête en réponse. Contre toute logique, elle espérait que ça suffirait. Ce n’était évidemment pas le cas et, comme on pouvait s’y attendre, la jeune femme lui demanda plus de détails. La Grise déglutit. Elle n’avait pas envie de détailler. Elle n’avait même pas envie d’y repenser. Après l’attaque, entre la victoire et les blessés à soigner, elle n’avait pas eu l’occasion d’en parler avec les seuls au courant – à savoir Alemdar et Taver – et c’était tant mieux. Sans les cauchemars, elle aurait pu faire comme si rien ne s’était passé.

« Je… »

C’est une Guérisseuse, elle ne le répétera pas, intervint Tisia avant que son Élue ait le temps de faire preuve de mauvaise volonté.
Et alors ? Ce ne sont que des cauchemars.
Qui t’empêchent de dormir. Alemdar ne t’aurait pas envoyée la voir si ça ne valait pas la peine de lui parler.

Le Compagnon marquait un point. Le Héraut du Roi lui avait ordonné d’aller voir Thalyana, ça impliquait sans doute aussi de répondre à ses questions. Et il savait. Si elle ne parlait pas, irait-il raconter lui-même à la Guérisseuse ce qui s’était passé ? Ce serait encore pire que de devoir le raconter elle-même ! Elle ne pouvait pas désobéir et déranger son supérieur en plus de tout le reste.

Ignorant le soupir blasé de Tisia dans son esprit, la rouquine prit donc sa décision. Mais sa volonté n’allait pas jusqu’à soutenir le regard de son interlocutrice. Les yeux de nouveau baissés sur ses mains, elle soupira avant de reprendre la parole, d’un ton aussi neutre que possible.

« J’étais dans les écuries avec Tisia quand l’attaque a commencé. On regardait par la fenêtre, vers la ville, quand un homme en noir a franchi le mur. Il a tué les gardes et est parti vers le Palais alors on l’a suivi pour le surveiller. En fait ils étaient deux et ils ne nous ont pas vues, mais… »

Elle déglutit.

« … Mais il y en avait un troisième qu’on a pas vu. Et tout est devenu noir. Pas vraiment comme s’il faisait nuit, parce que je ne percevais presque plus rien. Et je n’entendais plus Tisia. Je crois que j’ai lâché ma fourche… »

Tu as menacé de t’égorger avant.
Quoi ?
Il t’a fait pointer la fourche sur ta gorge pour que je le laisse monter derrière toi, avant que tu la lâches.
Pourquoi tu l’as pas dit avant ?
Tu n’avais pas besoin de le savoir.

Dyalwen serra les poings pour réprimer une bouffée d’agacement contre son Compagnon, histoire de reprendre son récit.

« Tisia dit que je me suis menacée avec, avant de la lâcher. Et, au bout d’un moment, j’ai pu lui reparler. Mais la brume noire est restée jusqu’aux explosions. Ensuite, un Héraut et une soldate sont arrivés pour attaquer l’homme en noir et Tisia les a aidés à le battre. Voilà. »

Tisia. Pas elle. Elle, elle n’avait rien fait. À part se faire blesser et, à présent, déranger une Guérisseuse. Non, vraiment, elle était bien loin d’être digne des Hérauts, hein. Et les yeux toujours fixés sur ses doigts, elle espérait que ça suffirait à Thalyana.

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