Puisque, dieux merci, Beltran n'insista pas sur le point de sa contraception, les évènements reprirent leur cour.
[spoiler:1ivnoqwe]Entre leurs corps, Irmingarde sentit ses mains se glisser pour la caresser à nouveau. Elle savait, inconsciemment, qu'il le faisait pour la détendre le plus possible avant la suite. Et le comprendre ne l'aidait pas du tout à le faire. Elle dut se concentrer sur sa respiration quelques secondes pour que son corps réagisse à nouveau sous les mains du Capitaine. Et il le fit, car son amant y veillait scrupuleusement, et avec une douceur qui la rendait d'autant plus sensible à ses efforts.
Mais malgré tout ça, quand elle se sentit basculer sur le dos et qu'elle sentit le poids de Beltran contre son corps, Mina ne put s'empêcher de paniquer. Elle essaya de ne pas le montrer et de gérer la vague d'angoisse qui la submergea. Elle détesta se sentir prisonnière de cette façon. Cela lui rappelait de très mauvais souvenirs. Elle cligna plusieurs fois des yeux et empoigna les draps pour se raccrocher à quelque chose de réel. Elle se répéta qu'elle lui faisait confiance, et qu'il le méritait, qu'il ne lui ferait jamais de mal sciemment, jamais.
Quand elle le sentit à l'entrée de son corps, elle ne put retenir un halètement craintif de passer ses lèvres et rebondir contre les siennes. Ses mains lâchèrent le drap et ses bras s'enroulèrent autour du dos de Beltran. Elle détacha ses lèvres des siennes et enfouit le bas de son visage contre son épaule, les yeux grands ouverts fixés sur le mur en face d'elle. Il la pénétra, petit à petit, et ce ne fut, comme elle s'y attendait, pas vraiment agréable. Moins encore quand il força ses barrières naturelles. Ce n'était certes pas aussi douloureux que ce qu'elle avait imaginé, et son imagination avait été très fertile à ce sujet, mais ça l'était quand même au point qu'elle en gémisse, même si elle essaya d"étouffer son souffle contre sa peau. La tension qui l'habitait ne facilitait pas les choses, et ses ongles s'enfoncèrent dans la peau du dos de Beltran quand elle ressentit une douleur fulgurante mais très rapide la déchirer. Elle se sentait si désolée de se montrer tellement fragile, de ne pas arriver à se taire! Elle devait le mettre mal à l'aise, à coup sûr... Elle refusait qu'il perde ses moyens parce qu'elle était incapable de prendre sur elle.
Il se retira rapidement et elle reprit bruyamment sa respiration, comme un plongeur qui remonterait à la surface, en manque d'oxygène. Ca la brûlait à l'intérieur et n'avait rien à voir avec son don, que, du reste, elle ne cherchait même pas à contrôler.
Mortifiée, elle se rendit compte que ses yeux étaient humides et elle ne voulait surtout pas pleurer, ne pas rajouter les larmes en plus de tout le reste. Elle essaya de le regarder, mais la façon dont il surveillait son bien être était presque écrasante, et elle n'arriva pas à soutenir son regard, qu'elle fuit en fermant les yeux puis en l'embrassant. Il revint vers elle, puis en elle, avec une délicatesse qu'elle sut apprécier, car elle savait que les choses étaient aussi compliquées pour lui que pour elle, qu'il devait contrebalancer son plaisir à lui avec sa douleur à elle.
Quand il fut à nouveau totalement en elle, au delà de l'inconfort que cela provoquait, elle trouva indescriptible la sensation de ne faire qu'un avec Beltran, cette impression d'être remplie comme jamais elle ne l'avait été. Elle bougea un peu contre lui pour trouver une position légèrement plus confortable et retira ses mains de son dos pour les poser de part et d'autre de son visage.
Elle essaya de se détendre pour apprécier la suite, elle savait à quel point c'était essentiel. Le corps de son amant pesait finalement moins lourd qu'elle en avait l'impression car il faisait en sorte de ne pas l'écraser. Il tenta de lui faire oublier la douleur en la stimulant là où il savait qu'elle était sensible. Elle balança sa tête en arrière, crâne contre le matelas, pour se concentrer afin que le plaisir soit plus fort que la douleur. Mais en vérité, elle se révéla bien incapable d'un tel contrôle de ses émotions. Il se passait tout simplement trop de choses à la fois pour que sa tête puisse suivre. Tout se mélangeait indistinctement dans sa tête et sous sa peau. Tout était très intense. Le plaisir, ce ne fut pas le sien qui la domina, mais celui de Beltran. Se rendre compte qu'il aimait lui faire l'amour, de l'effet que cela lui faisait, lui faisait légèrement tourner la tête. Au fur et à mesure de ses va-et-vient et de ses mots d'amour, la douleur s'estompa progressivement. Elle ne fit pas place à un plaisir immédiat, bien sûr, mais à un désir dévorant, à une satisfaction surprenante de le savoir au plus profond d'elle-même. La jeune femme se surprit même à soupirer d'aise alors que quelque chose de différent, plus profond, la remuait. Pour la première fois, elle s'abandonna totalement.
Enfin, elle sentit le corps de Beltran se tendre contre le sien, et trembler, comme elle avait tremblé dans le bain. Puis elle entendit son prénom qu'il gémit presque avec dévotion. Cela lui arracha un sourire satisfait, et elle enroula ses jambes autour de lui, accomplissant le premier geste spontané de leur étreinte durant laquelle elle avait été finalement assez passive. Elle pourrait vivre ça de nouveau des milliers de fois pour l'entendre prononcer son prénom de cette façon.
Il se laissa aller contre elle, mais elle n'eut plus peur. Elle passa lentement sa main dans ses cheveux légèrement humide de transpiration. Elle tremblait aussi. Elle aurait pu rester des heures ainsi. Il était si vulnérable entre ses bras, rien qu'entre les siens.
Il se retira en provoquant chez Mina un dernier gémissement mais ne la lâcha pas, les recouvrant de la couverture tout en la tenant dans ses bras.[/spoiler:1ivnoqwe]
Puis il lui demanda à quel point il lui avait fait mal, et Irmingarde ne sut pas trop quoi répondre pour ne pas le blesser.
Il aurait aimé entendre que ça n'avait pas été si douloureux, bien sûr. Mais son corps grondait encore contre l'expérience qu'elle venait de vivre, et elle refusait de lui mentir. Mais ça ne comptait pas, il y avait eu tellement plus que ça. Comment le lui faire comprendre?
La voix rauque, elle répondit prudemment, en éludant:
"C'était... très bien."
Après s'être laissée délicieusement allée contre Beltran, elle s'éloigna doucement et s'excusa:
"Je... j'ai besoin de... je reviens."
Mina se leva et se dirigea vers la salle de bain d'un pas mal assuré. Tardivement, elle se rendit compte qu'elle était toujours nue et revint sur ses pas, fouilla dans son sac et en sortit sa chemise de nuit qu'elle enfila rapidement sans oser vérifier si Beltran la regardait.
Une fois dans la pièce d'eau, elle se dirigea vers la vasque et fit une toilette sommaire. Le son de l'eau résonnait assez fort et elle la laissa couler pour cacher le bruit qu'elle fit en se laissant glisser au sol, où elle éclata en sanglot. Ce n'était pas des pleurs de tristesse ou de douleur, non, son corps était juste secoué par toute l'angoisse de cette soirée qui la quittait enfin.
Elle avait eu peur. Avait fait une montagne de cette peur, imaginé une douleur égale à de la torture. Imaginé qu'elle allait tout incendier à cause de sa panique.
Mais rien de tout cela ne s'était produit. Ca avait été un moment de partage, de complicité et d'amour, et la douleur avait été accessoire dans tout ça.
Irmingarde ouvrit alors son esprit à son Compagnon qui ne dit pas un mot mais se contenta de la réconforter en la soutenant avec beaucoup d'amour et une compréhension totale.
Ce n'était pas qu'elle doute que Beltran se révèle incapable de la consoler. Mais elle refusait de lui imposer ça, pleurer dans ces bras n'était pas vraiment une façon élégante de conclure leur première fois, et il penserait qu'il n'avait pas été à la hauteur, ce qui n'était pas le cas. C'était elle qui avait l'impression de ne pas avoir été digne de tous les efforts qu'il avait fait pour elle.
Elle n'était pas sûre qu'il comprenne à quel point elle était bouleversée, elle avait du mal à comprendre elle-même.
Mina abandonna son introspection pour le moment, soulagée au moins d'avoir libéré son trop plein de tension. Elle avait eu besoin de cet instant avec elle-même pour remettre de l'ordre dans ses émotions. Elle retrouva un souffle correct, referma son esprit provisoirement et rafraichit son visage pour y effacer les traces de ses larmes. Il n'y avait plus qu'à espérer que Beltran mette sa disparition soudaine sur le compte du mystère insondable de l'esprit féminin.
Elle retourna dans la chambre et se rendit compte de son obscurité. Comme dans la salle de bain, les bougies étaient totalement fondues, et les flammes de la cheminée avait été si intenses que les bûches n'était plus qu'un minuscule tas de cendre depuis longtemps. Les fibres du tapis qu'il avait étalé devant avaient légèrement roussis.
Irmingarde rejoignit Beltran sous les couvertures et colla son dos contre son corps, attrapant sa main qu'elle embrassa doucement. Elle avait l’envie irrésistible de s'épancher.
"Beltran je... tiens beaucoup à toi, je pense que tu le sais. Et je crois me souvenir que c'est la même chose pour toi."
Elle sentit ses joues chauffer en pensant à la façon dont il l'avait aimé, cette nuit.
"Tu vas aller te battre, risquer ta vie pour Valdemar. C'est normal, c'est ton rôle, c'est ce que je ferai aussi. Je ne veux pas que tu penses à moi là-bas, pas être un obstacle et... enfin pas que je pense avoir ce pouvoir mais je..."
Elle s'emmêlait dans ses mots misérablement, n'arrivait pas à expliquer clairement ce qu'elle voulait qu'il comprenne. Alors elle mit fin à son petit discours un peu trop mièvre par:
"Essaye de revenir en vie. S'il te plait..."
Elle se retourna pour lui faire face et attendre sa réponse. Elle se sentait idiote de lui demander presque une promesse qu'il ne pouvait pas faire. Lui demander un mensonge.