Le ressenti du Mage face à la situation rethwellane transparaissait de ses propos, quand bien même le Héraut maintenait ses boucliers dressés – ce qui était sans doute le mieux à faire à cet instant, d'autant qu'il se devait de garder l'esprit clair, loin des perturbations que leurs ressentis respectifs, à tous trois, risquaient d'engendrer – et il ne pouvait que comprendre celui-ci : Il ne pouvait bien évidemment pas cautionner qu'un gouvernement quel qu'il fût pût soutenir les agissements de Mages de Sang, ni rester insensible à la détresse de tout un peuple... ni – encore moins – à la menace que cela représentait pour les autres peuples, y compris - et surtout - Valdemar. Aaron aimait son pays, c'était indéniable, mais plus encore, il aimait l'Humanité au sens large, et le malheur de quiconque ne pouvait pas le laisser un instant indifférent. C'était dans sa nature, et le soutien de sa moitié alors que Glenn poursuivait son récit n'était pas de trop. S'il avait été plus impulsif, sans doute fût-il déjà parti, lui-même, dans l'optique de détruire cette menace autant pour les nations avoisinantes que pour les civils, mais il n'était pas fait ainsi - et c'eût été du suicide par ailleurs -, et il lui semblait évident à présent que la situation requerrait rien moins qu'une stratégie militaire parfaitement réglée... ce qui n'était pas vraiment de son ressort. Pas plus que ce qui concernait la Pierre-Coeur, et il garda à nouveau le silence comme celle-ci était évoquée.
Il fut cependant assez surpris des théories de l'ancien amant de Manuchan, et il garda le silence, se contentant de rester concentré sur ses propos. Son regard, pour qui le connaissait suffisamment, pouvait peut-être témoigner de son étonnement, mais ils étaient sans le moindre doute trop concentrés sur le sujet du Sombre et de ses Mages Noirs. La poigne du Blanc s'était pourtant resserrée sur son verre. Il n'aimait pas ce sujet, il n'aimait pas cette menace, et ils faisaient un peu trop écho avec son expérience en Hardorn - qui l'avait sans doute marquée plus qu'il n'acceptait de l'admettre. Et que des représentants de cette nation eussent été présents lors de l'attaque que le Mage évoquait n'était à ses yeux absolument pas inconcevable, bien au contraire. Quant aux démons, il ne pouvait qu'acquiescer : ils ne sortaient effectivement pas de nulle part, et l'évocation de mages démonistes lui faisait froid dans le dos, bien qu'il restât aussi stoïque que d'ordinaire, autant que possible, attendant la fin du récit.
Le roi et son Héraut étaient donc mis au courant des événements par Perle, et à cette mention, le Héraut du Sénéchal hocha simplement la tête. Il ne releva pas lorsque Glenn évoqua qu'il en entendrait parler prochainement, supposant pourtant qu'il serait très certainement lui-même présent lors de ces réunions que l'Adepte évoquait – des conseils de guerre, sans le moindre doute à ses yeux.
Il avait également bien décelé sa grimace à l'évocation d'un conflit ouvert, et ne pouvait que partager ce ressenti. Pourtant, il voyait mal comment ils pourraient s'en sortir autrement. D'ici là, de nouvelles missions pour recueillir plus d'informations sur les implications des gouvernements karsites et hardornans semblaient effectivement nécessaires. Et il y avait en effet de fortes chances pour que des Hérauts fussent envoyés pour de telles missions... Lui-même en particulier, peut-être, de par ses connaissances linguistiques et culturelles. Il avait disons un certain passif avec Karse, après tout.
« Je ne crois pas me tromper en affirmant que vous n'agirez pas seul, Glenn. Je crains fort que, sans pour autant précipiter les choses, nous soyons dans l'obligation de réagir très rapidement en effet. Et les Hérauts de Valdemar ne sont pas vraiment du genre à laisser faire ce genre de choses sans réagir. »
Ce n'était pas son cas, et il était parfaitement convaincu qu'il en était de même pour le reste de sa communauté. Quant à la faveur qu'il demandait, Aaron fronça les sourcils, pris de court. Mentalement, il interrogeait sa moitié, bien que pour l'heure, la requête lui parût parfaitement obscure. Raïna, sans grande surprise pour lui, était prête à se porter volontaire, si ce test s'avérait nécessaire, mais tout comme lui, elle souhaitait en savoir davantage – lui-même n'était pas prêt à sacrifier sa moitié sans savoir où il mettait les pieds, quand bien même il eût clairement été capable de ce sacrifice lui-même si celui-ci s'avérait indispensable. A l'idée que le test en question pût mal tourner et qu'il pût perdre son Compagnon, un frisson glacé lui parcourut l'échine - et le souvenir de l'Elu de Mernia lors de la mission en Hardorn n'arrangea rien - et il accueillit avec une gratitude évidente le remplissage de son verre de vin. Un hochement de tête pour remercier le Maître des Vents qui venait de le resservir, et il vidait une partie du contenu de son gobelet, tandis que Manu reprenait la parole. Il avait la possibilité d'intercéder auprès des Mages présents à Valdemar et lui-même appuierait à l'évidence les propositions du Mage des Montagnes Grises auprès des Hérauts, dès lors qu'il aurait davantage d'informations à ce sujet. Quand son amant évoqua sa position parmi la hiérarchie héraldique à mots couverts, le Blanc ne put s'empêcher de sentir ses lèvres légèrement s'étirer, maigre sourire qui retomba presque aussitôt, d'autant que la question du test évoqué par l'autre Mage revenait dans la conversation. Qu'il fût Héraut du Sénéchal importait peu au final, et il n'avait pas vraiment l'habitude ni de se cacher derrière un titre, ni de le mettre particulièrement en avant. Au fond, ça ne changeait rien. Il représentait le cercle héraldique parmi leur petite assemblée, c'était tout ce qui importait.
« Mon registre de compétences est d'ordinaire d'ordre plus juridique que militaire ou stratégique, mais au vu de la situation, je pense pouvoir affirmer avec certitude que personne ne s'arrêtera à ça. Si votre amie Perle est déjà en train d'exposer tout cela aux Hérauts Arthon et Aranel, je ne doute pas un instant que le Héraut du Maréchal soit au courant à son tour dans très peu de temps, quitte à ce que je le mette moi-même au courant à la fin de notre entrevue d'ailleurs... Quant à ce test que vous évoquez, pouvez-vous nous en préciser la nature ? Je ne risquerai pas mon Compagnon – quand bien même elle semble tout à fait disposée à proposer ses services elle-même – sans savoir où nous mettons les pieds. »
Ce qui n'empêchait pas qu'il était, à l'évidence, prêt à courir le risque. Et à appuyer l'ex de son amant, donc, pour le bien-être général. Au moins sur ce sujet, les deux hommes arriveraient-ils sans doute à se comprendre, quand bien même ils ne fonctionnaient, à l'évidence, pas du tout de la même manière dès lors que le sujet était plus personnel. A cet instant, c'était devenu parfaitement secondaire.