Personne sur terre ne donne sans rien attendre en retour...
Irmingarde tordit sa bouche dans une grimace ironique et secoua la tête.
"Je suis quelqu'un de lucide, atrocement terre-à-terre et pas très optimiste, mais je crois que tu es pire que moi! Mon Compagnon me dit que ce n'est pas grave, que ça permet de mieux apprécier les surprises que font la vie!"
Sur cette réflexion, elle lui adressa un grand sourire, un peu forcé, pour le dérider, et le payer de ses efforts, puisqu'il considérait ce geste comme une récompense.
"Quand vous aurez moins peur l'un comme l'autre de vous-même, de vos réactions et de recommencer à vous hurler dessus, ça deviendra plus naturel..."
"Oh, oui, c'est vrai que tu es une professionnelle des relations humaines car tu observes[/b]!" Le verbe avait été pensé avec une ironie non dissimulée.
"Tout à fait, libre à toi de me croire ou pas..."
La jeune femme leva les yeux au ciel puis reporta son attention sur le Capitaine occupé à leur servir de quoi boire.
Elle se sentait soudainement projetée dans l'intimité de Beltran a le voir ainsi vaquer dans son bureau, une drôle d'impression d'ailleurs.
"Et ce n'est que le début..."
La remarque d'Ezarell n'étant pas pour la rassurer du tout sur toutes les implications qui découleraient d'une relation "amoureuse" entre adultes consentants, elle ferma provisoirement son esprit à son Compagnon, tout en veillant à ce qu'elle ne le prenne pas mal, lui faisant comprendre qu'elle avait besoin d'être seule dans sa tête pour profiter comme elle le pouvait de ces instants avec Beltran.
Quand il la prévint de faire attention au goût du breuvage qu'il lui tendait, son état d'esprit la poussa à faire une remarque de circonstance:
"Il faut bien commencer un jour, j'ai l'impression que je vais au devant de tas d'expérience nouvelles!"
Sur ce, Mina le regarda dans les yeux dans le but de faire passer quelque chose de... complice? sentimental? voire un peu plus?
Mais être entreprenante était tellement contraire à sa nature, tout du moins inconnu et effrayant, elle ne tint que 2 secondes, finit par rougir,baisser les yeux, et pour se donner contenance leva son verre dont elle avala le contenu d'une seule gorgée.
Grossière erreur! Le liquide lui brûla la gorge. Elle eut l'impression que le goût lui remontait jusque dans le nez tout en descendant jusque dans son estomac à la vitesse du son. Elle manqua le recracher - par la bouche et par le nez - pour finalement tousser à s'en plier en deux et en avoir les larmes aux yeux.
Elle prit une minute pour s'en remettre tout en espérant secrètement que cela ne présageait pas que toutes ses prochaines expériences seraient aussi déstabilisantes et secouantes.
Posant son verre un peu fort sur la surface lustrée du bureau du Capitaine, elle passa son index sous son nez, le pouce sous son menton, pour prendre le temps de respirer avant de dire d'une voix un peu cassée:
"Par les dieux Beltran, c'est abominable, comment fais-tu pour boire ça comme si ne rien n'était?! Sois honnête, tu n'offres pas de verre pour signer des accords, mais pour assassiner tes partenaires?"
Irmingarde secoua son doigt dans un geste réprobateur amusé et rajouta:
"Tu y va un peu fort en sachant que je n'ai jamais gouté d'alcool, toi qui vient à peine de promettre de me ménager et d'être doux. Quoique tu m'as aussi promis d'être un idiot. Qu'ais-je accepter là encore?!"
Elle s'approcha à pas léger de son bureau où reposait la carafe d'alcool et passa un doigt sur le verre poli du cabochon tout en parlant:
"Depuis que je suis à Haven, encore plus depuis que je suis une Grise et fréquente donc mon cercle réputé pour être... comment dire... assez libéré, j'ai vu des tas de gens au comportement altéré par l'alcool..."
Elle tourna sa tête vers Beltran et continua:
"... mais toi Capitaine, as-tu déjà bu au point d'en perdre le contrôle?"
Elle l'avait vu au naturel, pendant leurs cours, concentré et sérieux, quand il organisait leur mission hors du royaume, et quand il se battait... Le souvenir de son combat contre Elryk et de son intervention incendiaire lui noua un peu le ventre et la fit perdre le fil de ses pensées. Avec du recul, elle s'étonna de constater qu'elle avait gardé d'autres images que celle de la panique qui l'avait possédée toute entière en se jetant à son secours. Elle se souvenait de l'allure qu'il avait, arme au poing, avec l'intention de tuer. De cette force virile qu'il dégageait alors. Son ventre se noua encore, mais d'une façon toute différente.
Oui, elle l'avait vu agir dans des tas de circonstances différentes, mais jamais, à part les quelques minutes de leur dispute, elle ne l'avait vu perdre son précieux contrôle.
L'image d'un Beltran désinhibé l'amusa et elle était heureuse d'être occupée à admirer les reflets de la lumière dans le whisky, ainsi, même près de lui, elle ne lui faisait pas directement face et il ne voyait pas son expression rêveuse, enfin elle l'espérait.