Une seconde, leurs esprits étaient liés et elles étaient ensemble, sur le qui-vive, concentrées sur les évolutions des deux intrus, tendues vers les consignes du Héraut du Roi… et la seconde suivante, elle n’était plus là ! À la place de l’esprit de son Élue, elle ne sentait plus rien !
Dyalwen ?Une réponse lui parvint, mais verbalement, pas mentalement, et lui glaça les sangs. À la menace qui sortit de la bouche de sa cavalière, Tisia s’immobilisa et tourna légèrement la tête de façon à percevoir les mouvements de son Élue. Elle ne voyait pas l’instigateur du sortilège, mais elle voyait bien la fourche sur la gorge de la rouquine. Et, si elle n’osait pas bouger de peur d’aggraver les choses, son esprit, lui, bourdonnait. Elle n’avait jamais été très sociable, même
avant, et elle n’avait pas l’habitude de se tourner vers quelqu’un d’autre pour régler ses problèmes. Mais là, ses pensées s’envolèrent, pleines de peur, de colère, de…
Taver ! Il la contrôle ! Je ne la sens plus !… de panique. Non, pas de panique. Ce n’était pas sa première bataille, et elle n’avait pas encore perdu. Son Élue était toujours vivante et… Elle coucha les oreilles en arrière, les plaquant sur son crâne, de colère et de dégoût, lorsque l’intrus grimpa sur son dos. Elle n’avait qu’une envie : l’envoyer voler d’une bonne ruade. Mais elle se fit violence. Elle n’était pas certaine que Dyalwen ne chuterait pas non plus. Et elle voyait très bien la lame sur sa gorge. Alors, Tisia obtempéra et se mit en marche avec raideur. Mais, cette fois, le message qu’elle passa au Compagnon de l’Attitré était exempt de panique.
Un troisième homme. On ne l’a pas vu. Il a pris le contrôle de Dyalwen, il la prise en otage. On rejoint les deux autres.Si elle avait contrôlé sa panique, la peur était toujours là, évidemment. Et le dégoût aussi, à la dernière phrase.
~*~
Une seconde, leurs esprits étaient liés et elles étaient ensemble, sur le qui-vive, concentrées sur les évolutions des deux intrus, tendues vers les consignes du Héraut du Roi… et la seconde suivante, il n’y avait plus rien qu’une brume noire. Elle ne voyait rien, elle ne sentait rien… Et elle ne sentait plus son Compagnon !
Tisia ?Rien. Rien que cette brume noire. Partout. Elle ne voyait rien alors qu’il devait faire jour. Elle ne sentait plus son corps ni celui de Tisia sous elle alors que l’obscurité complète ne l’aurait pas empêchée de les percevoir. Aurait-elle eu conscience de son corps, que la Grise aurait pris une grande inspiration pour tâcher de juguler la panique qui montait. Elle pensait. Elle avait encore son esprit. Seul. Sans Tisia. Ne pas paniquer, ne pas paniquer. Avant son Élection, elle était capable de réfléchir seule. Elle
devait réfléchir seule. Ses boucliers étaient là, elle le savait, elle ne les avait pas touchés et personne ne les avait attaqués ou elle l’aurait su. Elle ne les avait pas remontés pour se couper de Tisia, elle ne les avait pas abaissés… et elle réprima l’envie de le faire pour retrouver son Compagnon. Quoiqu’il se passe, son esprit fonctionnait encore, il fallait que ça continue.
Son esprit fonctionnait mais elle ne savait pas ce qu’il en était de son corps. Il fallait qu’elle sache. Elle se concentra donc pour essayer de ressentir quelque chose, n’importe quoi. Ses jambes autour de Tisia, sa main autour de la fourche… qu’elle lâchait ? Non, elle n’aurait jamais fait ça ! Et pourtant… à travers la brume, elle n’entendit pas le bruit de l’outil qui tombait mais elle était presque sûre de l’avoir lâché sans le vouloir. Et elle sentait Tisia qui bougeait sous elle. Même avec ses sens embrumés, elle était sûre que c’était Tisia, aucun cheval ne se déplaçait comme elle. Mais elle ne pouvait pas accompagner le mouvement correctement, quels que soient ses efforts. Et elle sentait une sorte de picotement au niveau de sa gorge, mais elle était incapable de comprendre de quoi il s’agissait ou de bouger pour l’explorer.
Son corps ne lui appartenait plus. Elle ne le contrôlait plus. Non, non, ne pas paniquer. Réfléchir. Tisia bougeait, Tisia était là. Si elle était là, elle devait pouvoir lui parler ! Elle s’efforça donc d’affûter sa pensée, pour la diriger de la manière la plus efficace possible vers l’esprit de son Compagnon. Elle la connaissait bien. Et elle n’avait jamais eu de mal à émettre ses pensées auparavant [1D10 : 8].
Tisia ? Tu m’entends ?Dyalwen !Le soulagement qui explosa dans son esprit aurait aussi bien pu être le sien que celui du Compagnon, elle n’était pas capable de faire la différence.
Je ne peux pas bouger ! Et il y a cette brume. Et je ne te sentais pas ! Et…Il a pris le contrôle de ton corps. Un troisième homme qu’on n’a pas vu.Le Compagnon évita le mot « possession ». Mais elle prit la peine d’envoyer une pensée à Taver.
[À Taver]
Je l’entends de nouveau. Il ne contrôle pas son esprit !Il te menace. Je l’emmène rejoindre les deux autres.Alemdar… ?Il sait, j’ai prévenu Taver.C’était déjà ça. La panique refluait. Un peu. Savoir ce qui se passait, savoir que le Héraut du Roi savait, savoir que Tisia allait bien, c’était rassurant dans un sens. Elle était morte de trouille, évidemment, et elle ne pouvait rien faire, mais son esprit était libre. Si seulement, elle pouvait aussi libérer son corps…
Je vais t’aider.Elle sentit l’esprit de Tisia tout prêt du sien et tenta de s’appuyer dessus, de puiser dans sa force pour atteindre son propre corps [1D10 : 2]. Mais rien ne changea. Elle n’était même pas capable de percevoir son corps correctement, la brume enveloppait tout. Saleté de brume ! Elle aurait voulu la chasser, comme on lève un voile qui bouche la vue, pour mieux voir, pour mieux percevoir [1D10 : 6]. Et, oui, il lui semblait que le brouillard se levait un peu, que l’obscurité qui l’entourait se faisait moins épaisse. Elle sentait les mouvements de Tisia sous ses fesses – comment pouvait-elle être à ce point en contretemps ? – et le picotement sur sa gorge se précisait.
C’est… ?Un couteau, oui.Si la brume s’était levée, elle aurait pu sentir son estomac se nouer d’appréhension. Mais ce n’était pas le cas. Sa peur n’était que mentale. Elle ne pouvait même pas essayer de la contrôler en déglutissant ou en respirant à fond. Pas encore. Il fallait qu’elle chasse cette brume. Il fallait qu’elle retrouve son corps… même si elle n’était pas du tout certaine de pouvoir en faire quelque chose. Mais, malgré ses efforts, et ceux de Tisia avec elle, rien ne s’éclaircit [1D10 : 5].