Enora sourit à Alemdar l'air de dire, t'y comprend rien toi, t'es un mec, quand il lui sortit la phrase habituelle de tu n'est pas si vielle. Oui, elle avait encore presque deux décades de fertilité, mais ce n'était pas pour autant que c'était des grossesses faciles, ou même souhaitable passé la trentaine. Et elle avait beaucoup souffert d'être né d'une mère dans la quarantaine. Elle ne le souhaitait pas pour ses enfants.
Pour ce qui était du reste, et bien, Enora réalisa que ce n'était plus tant un mariage d'amour, ou même le grand Amour, avec la majuscule et tout, qu'elle cherchait. Non, elle avait compris que son bonheur elle devait le construire, et que mariage et Amour était deux choses distinctes. Après tout, elle aurait pu être "vendu" en mariage n'importe quand dans sa vie, pour servir les intérêts de sa famille. Certes, contrairement à bien d'autres, jamais un membre de sa famille n'aurait arrangé un mariage où elle aurait été malheureuse. Mais cette fois, ce serait entièrement son choix, et ce serait pour la stabilité du royaume autant que pour son propre bonheur. Que Raimon l'aime ou non, marié un de ses meilleurs amis, un homme qui était asexué, c'était une forme de sécurité pour la jeune femme aussi. Elle le réalisait à l'instant. Certes, elle s'était remise d'avoir été presque malmené par des bandits, mais toute sa vie, elle avait vécu une certaine forme de violence, et aimé ne lui venait pas facilement.
Avec Alemdar, elle était certaine qu'il ne pourrait pas tomber pour elle, et elle se doutait qu'il ne soit jamais plus qu'un très bon ami. C'était sûr. Pas de querelle d'amoureux, pas d'entourloupe non plus parce que l'autre se sentait trahi, il ne pourrait pas non plus ne plus s'aimer et se faire du mal, ou en faire à leur enfant. C'était un contrat basé sur le respect et l'amitié.
"Alemdar, ce marié par amour, pour les gens de notre caste, qu'on soit héraut ou non, c'est une utopie, un rêve de petite fille. Et le mariage, c'est un contrat, une manière de fonder une famille. Avec toi, je sais que je serai bien traité, et que nos amitiés restera de l'amitié. Tout autant que j'ai une entière confiance en ton sens de la famille, et au fait que tu ne me trahiras pas. Si tu as quelque chose à me dire, tu le fera, point. Pas de querelle d'amoureux, ou de problème passionnelle. Si j'aime quelqu'un, tu sera au courant, et je sais que tu ne fera rien pour m'en empêcher, tant que je suis discrète. Et de mon côté, je ne prendrai pas n'importe qui, ma nature, et ce que j'ai vécu ne me le permettrait pas de toute façon. Et pour ce qui est des enfants, et de ton impuissance, et bien, j'ai entendu parlé d'un couple de femmes Shay qui ont eu un bébé ensemble par magie. Je pense que ça doit se faire, ou sinon, il nous reste toujours l'adoption. Je n'hériterai de rien, pas avec autant de frères qui ont eux-mêmes des enfants. Et tu es un bâtard, et je suis à peu près certaine que ton frère aura ses propres enfants, et sinon, il reste ton frère plus jeune. Donc, personne ne devrait se sentir menacé par des enfants adoptés, ou même légitime de ta part."
Plus elle y pensait, et plus ça lui semblait une solution élégante.
"Et en plus, si tu es marié et avec des enfants, très peu de gens auront vraiment à gagner quelques choses de t'inventer une aventure avec leur fille, petite-fille, et tout ça. Surtout avec aujourd'hui qui sert d'exemple. Et je ne le dis pas seulement pour toi, mais aussi pour l'honneur des hérauts que tu représentes, et la stabilité de la couronne. Je suis déjà dans les confidences de la Reine, depuis avant qu'elle soit reine même, je suis de noble naissance, j'appartiens à une famille puissante de Valdemar, et notre union enlèverait aussi du poids à tes détracteurs qui t'accuse d'être trop Rethwelanais. Tu deviendrais un noble d'ici, en tout cas aux yeux d'une partie de ceux qui ne te voient pas comme intégré à notre société. Et avec tous les frères, les sœurs, et mes cousins proche ou même éloignés, ainsi que mes amis nobles, j'ai beaucoup de poids à le court. Certes, je les utilisais déjà comme pro-hérauts, mais là, il aurait encore plus d'arguments pour te défendre. Et tu risques peu de trahir un secret, pas même envers moi, et j'en connais certain aussi par la Reine. Je pense que j'ai prouvé que tu pouvais avoir confiance en moi. Et pour ce qui serait de ceux qui diront que tu fais du favoritisme envers moi... et bien je doute qu'aucun héraut ne le voie ainsi, pas si on le leur apporte comme une solution pour stabilité ton assiette politique. Et ceux qui nous connaisse savent que ça n'arrivera jamais. Notre devoir passera avant tout, même notre famille. Nous sommes des hérauts, c'est ainsi. Mais de tous ceux que je peux appeler ami, tu es le seul qui le comprend aussi bien. Qui sache aussi intimement ce qu'être héraut signifie ? Et pour qui le mariage signifie quelques choses de plus qu'un simple contact. Tu n'as pas le même passé que moi, mais je sais que comme pour moi, la famille est quelques choses qui a une grande signification pour toi."
Elle se tu alors, pas tout à fait à bout de souffle, mais d'elle avait parlé si longtemps, elle devait laisser à Alemdar la possibilité de réagir. Elle espérait que sa réaction serait sincère. S'il ne voulait pas, elle ne le forcerait pas, ça ne serait ni bien, ni soutenable à long terme. Mais elle espérait sincèrement qu'il en verrait les avantages comme elle.